Soixante-dix-neuvième session,
Réunion de haut niveau sur la résistance aux agents antimicrobiens, Matin & après-midi
AG/12637

Assemblée générale: les États Membres s’engagent à lutter contre la résistance aux antimicrobiens

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Reconnaissant que la résistance aux antimicrobiens (RAM) est l’une des menaces sanitaires mondiales les plus urgentes et l’un des défis de développement les plus importants, les États Membres ont adopté, ce matin, un projet de déclaration politique visant à lutter contre ce phénomène, menace majeure pour la santé humaine et animale, la sécurité alimentaire et l’environnement.

À travers ce texte, les États Membres s’engageraient notamment à financer tous leurs plans d’action nationaux d’ici à 2030, à renforcer leurs couvertures santé et leurs services vétérinaires, à réduire l’utilisation d’antibiotiques dans l’agriculture, à promouvoir un accès équitable aux traitements, vaccins et diagnostics, et à encourager la recherche et l’innovation.  La déclaration sera soumise à l’Assemblée générale pour adoption finale, à une date ultérieure. 

« S’il était encore des nôtres, Alexander Flemming se fendrait d’un "je vous l’avais bien dit" », a lancé le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), à l’ouverture de la réunion.  M. Tedros Adhanom Ghebreyesus a rappelé que dans son discours de réception du prix Nobel de physiologie ou de médecine en 1945, le microbiologiste britannique notait déjà à quel point les souches bactériennes résistantes apparaissent aisément en laboratoire.  M. Tedros a déploré les quelques 1,3 million de morts annuels dus à des infections par des souches résistantes, dont une importante proportion d’enfants.  Il a aussi pointé du doigt un manque de financement, notant que seuls 11% des pays disposent de budgets pour la mise en œuvre de leur plan de lutte. 

« La RAM pourrait remettre en cause des décennies de progrès médicaux. Des infections ordinaires ou de simples opérations chirurgicales pourraient devenir beaucoup plus dangereuses », a averti le Chef de l’OMS.  Le Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang, s’est fait l’écho de ces craintes, signalant que la RAM pourrait entraîner 10 millions de décès chaque année à l’horizon 2050.

Le témoignage d’une victime

Mme Gabriella Balasa, atteinte de mucoviscidose, a souhaité « donner un visage humain » au problème de la RAM en tant que survivante.  En raison de sa maladie, elle est particulièrement susceptible aux infections pulmonaires.  Touchée par une souche résistante en 2019, elle doit sa survie in extremis à un traitement expérimental.  « J’ai vécu toute ma vie dans la crainte d’une infection », a-t-elle confié, précisant que la RAM représente la plus grande menace pour son existence et pour celle de nombreuses autres personnes dans sa situation. Mais tout le monde est concerné, tout le monde peut contracter une souche résistante, a-t-elle averti, lançant un appel à l’action, à penser différemment et à mettre au point de nouveaux antimicrobiens, avant que les cas de RAM n’augmentent exponentiellement.

L’importance de rationaliser l’emploi des antimicrobiens

Experts, ministres et représentants étaient nombreux à marteler la nécessité de rationaliser l’emploi des antimicrobiens.  Le Ministre de la santé de la Namibie a ainsi rappelé la mise en place par son pays de directives nationales sur les ordonnances médicales, tandis que la Ministre de la santé et du développement social du Mali a annoncé la publication de modules d’apprentissage sur l’usage rationnel des antibiotiques. De son côté le Ministre de la santé de la Lettonie a mentionné la mise en place d’une plateforme, en collaboration avec la Suède, pour informer les décisions des médecins.  Le Ministre de la santé de l'Italie a souligné pour sa part le rôle crucial de l’éducation et de la sensibilisation pour réduire l’usage des antibiotiques.  « Les gens doivent connaître les conséquences des abus », a-t-il déclaré.

Il ne s’agit toutefois pas seulement de contrôler l’emploi des antimicrobiens dans la santé humaine.  Le Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Thanawat Tiensin, a d’ailleurs rappelé la nécessité absolue d’en limiter l’usage dans l’agriculture et l’élevage, évoquant l’initiative Renofarm lancée dans ce but par son organisation, mais aussi un programme de suivi et de formation agricole dans le cadre de son plan d’action 2021-2025.

La Directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), a préconisé l’application de bonnes pratiques d’élevage, notamment à travers l’utilisation de vaccins à même de réduire le recours aux antimicrobiens.  Les modalités de mise en œuvre sont claires, a-t-elle ajouté.  Mme Emmanuelle Soubeyran a aussi lancé un appel pour investir dans la santé animale, laquelle concerne, in fine, « la santé de tous ». 

Sur une note positive, elle s’est félicitée que 130 États Membres ont mis en place un registre de l’utilisation des antibiotiques dans l’élevage, estimant ce type de mesure indispensable à la surveillance et à la prise de décisions. De même, elle s’est réjouie que, ces dernières années, les antimicrobiens prioritaires pour la santé humaine ont vu leur utilisation chez les animaux diminuer de 30%. 

Mettre en place des systèmes de surveillance

Plusieurs intervenants ont souligné l’importance des systèmes de surveillance pour informer les autorités sanitaires et accélérer la prise de décisions, à l’instar du Ministre de la santé du Panama qui a mis en place un groupe chargé de surveiller les résistances chez l’humain et l’animal.  Le Ministre letton a mentionné le déploiement d’un système de suivi de la RAM dans les eaux usées, afin de mieux anticiper la situation dans les hôpitaux.  Quant au Ministre de la santé et de l’hygiène publique du Burkina Faso, il a évoqué un réseau national de 22 sites de surveillance et lancé l’alarme face à l’augmentation effrayante des résistances, notamment avec la bactérie Escherichia coli.  Un avertissement relayé par la Ministre du Mali, selon qui les cinq sites de surveillance nationaux auraient comptabilisé 89% de souches de Staphylococcus aureus résistantes à la pénicilline, et 75% d’Escherichia coli résistantes à plusieurs antibiotiques courants.

Il faut franchir une étape supplémentaire en matière de surveillance, en allant au-delà des frontières nationales, a plaidé le Ministre des affaires étrangères et des expatriés du Yémen qui a appelé à créer un système international de veille en collaboration avec l’OMS.

Élément indispensable de tout système de surveillance, le diagnostic a aussi fait l’objet de plusieurs interventions.  Ainsi, la Ministre de la santé de l’Ouganda a plaidé en faveur de moyens de diagnostic rapides et abordables, estimant nécessaire de promouvoir la recherche et le développement dans ce secteur.  Un constat partagé par le Vice-Premier Ministre de la République de Moldova et le Ministre de la santé de l’Italie.

S’exprimant au nom d’une alliance de pays contre la tuberculose, le Ministre de la santé de l’Indonésie a souhaité que la tuberculose résistante soit incluse dans la problématique de la RAM.  « Ce ne sont pas des problèmes distincts », a-t-il insisté, rappelant que dans le monde, la tuberculose représente un tiers des décès suite à l’infection par une souche bactérienne résistante.  Les tuberculoses résistantes sont plus longues et plus difficiles à traiter, a-t-il fait remarquer, notant également des effets secondaires plus graves pour le patient et une pression accrue sur les systèmes de santé. 

Appels en faveur du financement de la recherche

L’importance du financement de la recherche a également été soulignée à plusieurs reprises, notamment par la Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Mme Inger Andersen, qui a estimé crucial d’aligner recherche, subventions et politiques: « la RAM progresse à travers les déchets, les hôpitaux et l’agriculture intensive ».  Un appel relayé par Mme Mia Amor Mottley, Première Ministre de la Barbade et Présidente du Groupe de direction mondial sur la résistance aux antimicrobiens, pour qui financer la recherche constitue la mesure la plus importante. 

La RAM ne menace pas seulement la santé humaine, mais aussi la sécurité alimentaire et l’environnement, ont noté plusieurs intervenants, se référant à l’approche « Une seule santé », qui intègre et unifie les problématiques de santé publique, animale et environnementale.  Dans un même esprit, Mme Mia Amor Mottley s’est inscrite en faux contre une démarche en silos, « avec la santé, l’agriculture, et l’eau chacun dans son coin ». 

Notant que la RAM touche les pays en développement de manière disproportionnée, la Ministre yéménite a estimé que l’aide aux pays en développement relevait du « devoir moral » des pays développés.  Quant à la Ministre de la santé de l’Ouganda, elle a rappelé que ces résistances microbiennes entravent les progrès de la lutte contre d’autres maladies comme le VIH/sida et l’hépatite dans les pays du Sud.

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