L’Assemblée générale débat du veto des États-Unis rejetant l’admission de l’État de Palestine à l’ONU
L’Assemblée générale a débattu aujourd’hui du droit de veto exercé par les États-Unis au Conseil de sécurité le 18 avril 2024, qui a empêché l’adoption d’un projet de résolution présenté par l’Algérie recommandant l’admission de l’État de Palestine à l’ONU. Cette séance s’est tenue en vertu de « l’initiative sur le droit de veto » (résolution 76/262) qui oblige l’Assemblée à se réunir à chaque fois que le Conseil de sécurité se heurte à un veto, dans les 10 jours ouvrables suivant l’adoption manquée, comme l’a rappelé le Président de l’Assemblée en constatant les divisions persistantes au Conseil de sécurité. S’il s’est inquiété de l’incapacité de celui-ci à assumer ses responsabilités de façon efficace, le Président a misé sur la coopération des deux organes de l’ONU en vue de trouver une solution juste et pérenne à la question palestinienne. Quelque 70 États Membres étaient inscrits à ce débat.
Les États-Unis ont commencé par expliquer que le vote qui leur est reproché n’est pas une opposition au statut d’État Membre de la Palestine, mais une manière de reconnaître qu’il ne peut émaner que de négociations entre les deux parties. Le représentant a insisté sur les efforts de son pays pour appuyer ce statut dans le contexte d’un accord de paix global réglant une fois pour toutes le conflit israélo-palestinien. La paix dans la région n’est possible que grâce à une solution à deux États garantissant la sécurité d’Israël, a-t-il affirmé, rejetant toute mesure prématurée qui ne permettrait pas au peuple palestinien d’obtenir le statut d’État.
Il n’y avait pas d’unanimité au Conseil quant à savoir si le candidat répondait aux critères du statut d’État Membre fixés par l’Article 4 de la Charte des Nations Unies, a poursuivi le délégué américain en observant que tant que le Hamas exerce son influence à Gaza, il ne peut pas faire partie de la solution. « Gaza ne peut pas être une plateforme du terrorisme », a martelé le délégué en appelant de ses vœux une normalisation des relations entre Israël et ses voisins arabes, « le meilleur moyen de surmonter l’impasse entre Israël et la Palestine ».
Après avoir condamné une nouvelle fois les attaques contre Israël commises le 7 octobre 2023 par le Hamas et celles du 13 mars commises par l’Iran, le délégué des États-Unis a promis de s’opposer à toute mesure unilatérale hypothéquant la perspective d’une solution à deux États. La solution la plus rapide pour le statut d’État Membre à l’ONU dépend selon lui de négociations directes entre Israël et l’Autorité palestinienne.
« Comment peut-on dire que l’on appuie la solution des deux États tout en restant les bras croisés alors qu’Israël tente ouvertement de détruire l’État palestinien », s’est ensuite emporté l’Observateur permanent de l’État de Palestine. Il a remercié l’Algérie d’avoir présenté le projet de résolution en vue de l’admission de son État à l’ONU, saluant les 12 membres du Conseil ayant épaulé cette demande ainsi que le Groupe des États arabes. « On ne saurait être soumis à l’arbitraire d’une Puissance occupante », est intervenue l’Algérie qui a souligné que le Conseil de sécurité agit au nom des États Membres de l’ONU et ne peut donc agir à leur encontre.
« Aucun des membres permanents du Conseil de sécurité ne devrait jamais mettre son veto à une résolution appelant à l’admission de l’État de Palestine aux Nations Unies », a plaidé l’Ouganda, au nom du Mouvement des pays non alignés. « C’est une honte pour le Conseil et l’humanité entière », s’est exclamé le Yémen. La Jordanie a dit être déçue par « la paralysie du Conseil » qui entrave la solution des deux États. Le délégué des Émirats arabes unis, au nom du Groupe des États arabes, s’est dit lui aussi « très déçu » par le veto des États-Unis sur un projet de « résolution historique ». Le droit de la Palestine à devenir membre de l’ONU est irréfutable, a-t-il tranché en soulignant que c’est en outre la volonté de plus de 140 pays qui ont reconnu l’État de Palestine. Le Liban a témoigné avoir déjà payé le prix fort de l’absence d’État palestinien, considérant que sa reconnaissance sera la meilleure façon de mettre fin au conflit régional et de permettre le retour des réfugiés palestiniens.
L’exercice du droit de veto par un membre permanent du Conseil de sécurité est « un revers de taille » pour le Conseil, a déclaré la Türkiye, tandis que l’Afrique du Sud s’est désolée de « l’incapacité du Conseil » à parvenir à un accord sur la question palestinienne. Cela a pour conséquence de perpétuer le cycle répété de violences et de prolonger les souffrances des Palestiniens, a fait remarquer le délégué sud-africain en insistant sur cette « incapacité » du Conseil à agir et à prendre des mesures décisives pour résoudre ce conflit. C’est pour lui la cause d’un véritable « réquisitoire contre l’ONU ».
Outre les critiques à l’égard du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale a également été visée par Israël qui l’a accusée d’être nourrie par des intérêts politiques, de ne pas agir selon la Charte des Nations Unies et d’avoir des « valeurs pourries ». « Rien ne saurait inciter encore plus au terrorisme que cette discussion d’une Assemblée générale qui n’a pas condamné le Hamas », a lancé le délégué israélien. Il a imaginé qu’en admettant l’État de Palestine, l’Assemblée dirait aux violeurs et aux tueurs d’enfants du Hamas que le terrorisme porte ses fruits. Pour le représentant, il est clair que l’Autorité palestinienne ne répond pas aux critères du statut d’État Membre car aucun responsable palestinien n’a jamais condamné le Hamas et ses massacres.
Pour la France, l’Autorité palestinienne doit pouvoir exercer de manière efficace et concrète ses responsabilités sur l’ensemble des territoires d’un futur État palestinien. La République de Corée a, elle, expliqué que son vote en faveur de l’adhésion de l’État de Palestine à l’ONU ne constitue pas sa reconnaissance bilatérale en tant qu’État, mais elle a appelé à relancer de toute urgence les négociations entre les parties.
Pour la Chine, c’est l’adhésion de l’État de Palestine qui est « une responsabilité urgente ». Dénonçant « le veto abusif des États-Unis », le délégué chinois a prié ce pays de jouer un rôle constructif. « Nous soutenons le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination », a dit pour sa part le Japon tandis que le Maroc a dit appuyer fermement les droits légitimes du « peuple palestinien frère ».
Plaidant pour la solution des deux États, qui doit être le fruit de négociations entre les deux parties concernées, l’Inde a rappelé que le conflit actuel entre Israël et le Hamas a donné lieu à des pertes en vies humaines de civils et à une crise humanitaire inacceptables, demandant la libération des otages. Comme de nombreux autres intervenants, elle a appelé à la reprise de négociations de paix directes, sans tarder.
Les délégations ont également été nombreuses à réitérer leur appel à un cessez-le-feu immédiat, à la désescalade et à un accès humanitaire sans entrave à Gaza. L’Afrique du Sud, l’Irlande, Malte et l’Ouganda ont rappelé que la Cour internationale de Justice (CIJ) a exigé qu’Israël permette l’acheminement sans entraves de l’aide humanitaire. Les pays non alignés ont appelé à la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016) exigeant l’arrêt complet de toutes les activités de colonisation israéliennes.
La Fédération de Russie a, pour sa part, rappelé qu’au moment de l’adoption de la résolution 2728 (2024) appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza pendant le ramadan, les États-Unis avaient tout de suite annoncé que ce texte n’était pas juridiquement contraignant, jetant ainsi de l’huile sur le feu. Le délégué russe a énoncé d’autres perspectives sombres: « à la lumière des plans d’une offensive sur Rafah, il semble évident que les otages seront sacrifiés ». Il s’est aussi désolé que l’argent consacré à la construction du port temporaire au large de Gaza n’ait aucune valeur ajoutée concrète, alors que ces fonds auraient pu financer les activités de l’UNRWA pendant une année. « Au lieu de cela, Washington a suspendu ses financements de l’Office à la suite l’allégation non vérifiées d’Israël », a-t-il dénoncé.
D’autres délégations comme le Chili, le Costa Rica, l’Égypte, le Guatemala, l’Iran et la Malaisie, ont regretté le veto américain qui a empêché l’admission de l’État de Palestine à l’ONU. En attendant l’abolition du droit de veto, la Malaisie a proposé qu’il ne puisse être effectif pour bloquer une résolution que s’il y a au moins deux veto et le soutien de trois membres non permanents du Conseil. Les autres délégations ont rappelé les différentes propositions à l’examen pour encadrer l’utilisation du droit de veto « en cas de crimes d’atrocités, de génocide ou de crimes de masse ».
Enfin, plusieurs délégations, dont le Liban et le Brésil, ont dit attendre avec impatience la reprise de la dixième session spéciale d’urgence de l’Assemblée générale sur la question de Palestine, qui a été convoquée pour le 10 mai prochain.