Conférence biodiversité marine: vive inquiétude des délégations dans la « dernière ligne droite » des négociations
La Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, plus connue sous l’acronyme anglais « BBNJ », a entendu ce matin des délégations exprimer leur vive inquiétude quant à l’issue des négociations, celles-ci entrant dans la dernière « ligne droite », selon l’expression du délégué de Cuba.
Alors que la Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee, de Singapour, a transmis aux délégations, samedi 25 février, une dernière mouture* du nouvel avant-projet d’accord actualisé, qui est à la base des discussions, Cuba, au nom du Groupe des 77 et la Chine, s’est étonné que les propositions faites par plus de 140 délégations aient été mises sur un même pied d’égalité que les propositions avancées par une poignée d’entre elles. « Certaines propositions sont en outre sur la table depuis des années. »
Même son de cloche du côté de la Fédération de Russie qui a regretté que toutes les propositions faites par les délégations n’aient pas été reflétées dans la dernière mouture du texte. « Cela n’aide pas à forger un consensus », s’est-elle désolée. Le délégué de la Sierra Leone, au nom du Groupe des pays d’Afrique, s’est également alarmé des propositions faites par un petit nombre de délégations, notamment sur les questions transversales, et qui seraient, selon lui, de nature à saper le futur traité.
Une inquiétude partagée par la Chine et l’Équateur, le délégué de ce pays remarquant que 300 passages du texte sont entre crochets, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’accord entre les délégations. Le représentant équatorien a également insisté sur le peu de temps qu’il reste pour examiner la question fondamentale du financement, tandis que son homologue du Brésil a rappelé l’importance de prendre en compte les besoins spécifiques des pays en développement.
Mais la charge la plus virulente est venue du représentant de la Jamaïque qui a fustigé ces délégations qui préfèrent camper sur leurs positions et prennent ainsi « en otage » le processus de négociation. « La folie c’est de refaire toujours la même chose en espérant des effets différents », a-t-il ironisé, sous les applaudissements nourris des délégations. « Nous avons fait des progrès considérables, mais un long chemin reste à accomplir », a reconnu la Présidente, en faisant appel à « la bonne volonté » dans les négociations.
La déléguée du Belize a ensuite fait le point sur les avancées des négociations sur les ressources génétiques marines. Elle a insisté sur la satisfaction des délégations en ce qui concerne les paragraphes 1, 2, 3 et 6 de l’article 9 intitulé « Activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ». Le premier paragraphe, par exemple, prévoit que toutes les Parties peuvent mener de telles activités, dans la conformité avec le futur accord. Des divergences persistent en revanche sur les paragraphes 4 et 5, a admis la déléguée.
À son tour, la déléguée du Canada a abordé le sujet du chapitre des outils de gestion par zone, qui comprennent les aires marines protégées, thème de la partie III du texte soumis à la discussion. Évoquant les paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 19 relatif à la prise de décisions, la représentante canadienne a précisé que les « discussions approfondies » qui se sont déroulées au sein des petits groupes ont abouti à des éléments de langage révisés qui ont reçu l’appui de la quasi-totalité des délégations. « Des progrès significatifs ont été accomplis, même si les discussions doivent se poursuivre », a-t-elle déclaré.
Le délégué des Pays-Bas a ensuite fait un résumé des dernières consultations informelles qui se sont tenues sur les études d’impact sur l’environnement (Partie IV). Évoquant l’article 41 bis, il a déclaré que les délégations sont convenues que l’Organe scientifique et technique sera chargé d’élaborer des normes et lignes directrices.
Sur le renforcement des capacités et du transfert de techniques marines (Partie V), la déléguée d’El Salvador a insisté sur le consensus autour de l’article 43 relatif à la coopération dans le domaine du renforcement des capacités et du transfert de techniques marines. Nous sommes dans l’attente d’une proposition en ce qui concerne la référence aux détenteurs de connaissances traditionnelles, a-t-elle déclaré. Ces détenteurs sont en effet mentionnés au titre des parties prenantes avec lesquelles les Parties devraient coopérer pour le renforcement des capacités et le transfert de techniques marines.
Pour ce qui est des questions transversales, le délégué de la Jamaïque a insisté sur les progrès accomplis sur le libellé de l’article 4 relatif à la relation entre l’Accord et la Convention sur le droit de la mer, les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents. « De fortes divergences subsistent sur le paragraphe 3 relatif au statut juridique des entités non parties à la Convention », a-t-il informé.
Enfin, pour ce qui est de la mise en œuvre et du respect des dispositions (Partie VIII) et du règlement des différends (Partie IX), la déléguée de la Nouvelle-Zélande a souligné « l’accord général » obtenu autour de l’article 53 ter sur le Comité de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions. Elle a en outre précisé qu’un accord serait proche au sujet de l’article 55 sur les procédures de règlement des différends.
La prochaine séance plénière de la Conférence aura lieu le mardi 28 février, à 10 heures.
* A/CONF.232/2023/CRP.1/Add.1