La session de 2023 du Comité spécial de la Charte s’ouvre sur des appels au règlement pacifique des différends et à l’évaluation des effets des sanctions
Le Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation a ouvert, ce matin, les travaux de sa session de 2023, qui se tiendra au Siège de l’ONU jusqu’au 1er mars prochain. À l’occasion de son débat général, le Comité spécial a entendu des appels insistants au respect du principe de règlement pacifique des différends, mais aussi à l’évaluation des effets des régimes de sanctions, dans un contexte marqué par l’intensification de conflits internationaux, à commencer par celui qui fait rage depuis un an en Ukraine.
La séance a débuté par l’élection de M. Zéphyrin Maniratanga, du Burundi, à la présidence du Comité spécial pour cette session. Le Bureau du Comité a été complété avec l’élection des trois vice-présidents, Mme Melinda Vittay, de la Hongrie, M. Kavoy Anthony Ashley, de la Jamaïque, et Mme Yarden Rubinshtein, d’Israël. Mme Azela G. Arumpac-Marte, des Philippines, a été élue au poste de rapporteur.
Le Comité spécial a ensuite entamé son débat général, dominé comme d’ordinaire par trois thématiques centrales: le règlement pacifique des différends, les sanctions et la définition de nouveaux sujets. Si le premier thème a rassemblé une majorité de délégations, au nom du maintien de la paix et de la sécurité internationales, la question des sanctions a fait apparaître de profondes divergences au sein des États Membres.
S’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Iran a donné le ton des discussions en appelant le Secrétariat de l’ONU à développer sa capacité à évaluer les effets imprévus des sanctions imposées par le Conseil de sécurité. Soutenant que ces mesures de dernier recours ne devraient pas servir à « punir » des populations entières, elle a plaidé pour que les régimes de sanctions soient clairement définis au départ, puis levés dès que les objectifs sont atteints. Elle s’est également déclarée préoccupée par l’imposition de mesures économiques coercitives unilatérales contre des pays en développement, en violation des principes de la Charte, des dispositions du droit international et des règles de l’Organisation mondiale du commerce.
Cette position a été appuyée par de nombreuses délégations, notamment par les Philippines, le Viet Nam, le Zimbabwe, l’Érythrée et la Guinée équatoriale, celle-ci appelant à ce que tout soit fait pour que les sanctions ne soient pas appliquées de manière unilatérale, afin d’éviter des souffrances supplémentaires aux populations des pays ciblés. Relevant pour sa part que l’impact des sanctions est ressenti non seulement par le pays visé mais aussi par toute sa région, l’Inde a souhaité que le Conseil de sécurité consulte désormais tous les pays régionaux avant d’envisager de telles mesures.
L’Union européenne a convenu que les sanctions doivent être « justes et claires » et respecter les droits des personnes inscrites sur les listes. Elle a toutefois fait valoir que les sanctions font partie de la « boîte à outils » permettant de rétablir la paix et la sécurité internationales, notamment lorsqu’un État recourt illégalement à la force, comme c’est le cas de la Russie en Ukraine, une situation qui, selon le Groupe CANZ (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), constitue « la plus grande menace pour les principes de la Charte depuis la création du Comité ». Les sanctions adoptées par de nombreux États en réponse à l’agression russe sont une excellente illustration du rôle « nécessaire et approprié » des sanctions mises en œuvre par les États et les organisations régionales en dehors des auspices de l’ONU, ont abondé les États-Unis.
Sur cette même ligne, le Royaume-Uni a assuré que ses sanctions ciblées ne visent pas les denrées alimentaires essentielles, les médicaments, le matériel médical ou les activités humanitaires. Les sanctions demeurent un outil indispensable pour maintenir la paix et la sécurité internationales, a appuyé la République de Corée, avant d’appeler les États Membres à redoubler d’efforts pour appliquer les résolutions du Conseil de sécurité.
Dans ce contexte, le Venezuela a dénoncé, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, un recours croissant à l’unilatéralisme. Ces pratiques ne contribuent aucunement à relever par des moyens pacifiques les défis auxquels l’humanité est confrontée, a-t-il fait valoir, rejoint par la République arabe syrienne, selon laquelle les politiques menées par certains pays au service de leurs propres intérêts ont engendré des « manipulations » de la Charte, créant de fait un climat d’instabilité et sapant la confiance dans les relations internationales.
S’agissant de la question du règlement pacifique des différends, nombre de délégations ont reconnu le rôle central joué à cet égard par la Cour internationale de Justice (CIJ) en tant que principal organe judiciaire de l’ONU. L’Argentine et le Guatemala ont cependant rappelé que d’autres juridictions internationales contribuent au règlement des conflits et qu’il existe des méthodes telles que la médiation, l’arbitrage et les missions de bons offices qui peuvent également atteindre ce but, dès lors que les parties y participent de bonne foi.
De son côté, la Fédération de Russie a fait état d’une initiative soumise avec le Bélarus et visant à demander un avis consultatif à la CIJ sur les conséquences juridiques de l’usage de la force armée sans l’autorisation préalable du Conseil de sécurité et en dehors des cas où serait exercée la légitime défense. Se plaçant dans ce cas de figure pour ce qui concerne son « opération spéciale » en Ukraine, elle a dénoncé les recours illégaux à la force des États-Unis et de leurs alliés dans l’ancienne Yougoslavie, en Libye, en Syrie et en Iraq. L’Ukraine, qui s’exprimait en son nom et en celui de la Géorgie et de la République de Moldova, a quant à elle mis en avant son droit à la légitime défense, conformément à l’Article 51 de la Charte, pour repousser l’agression russe.
Par ailleurs, le Mexique, appuyé par le Brésil, a souhaité qu’après six années d’examen, sa proposition relative à l’abus de référence à la légitime défense dans les opérations antiterroristes en dehors du territoire national soit enfin incluse dans le programme de travail du Comité, tandis que la Chine encourageait les États à respecter les arrangements régionaux pour le règlement pacifique des différends, issus de l’Article 33 de la Charte.
Enfin, l’État observateur de Palestine s’est élevé contre la nomination d’une représentante d’Israël au poste de vice-président du Comité, estimant que cet État ne mérite pas une telle reconnaissance alors qu’il viole le droit des Palestiniens à l’autodétermination et occupe des territoires par la force.