Gaza: après la résolution de l’Assemblée générale, beaucoup attendent du Conseil de sécurité une résolution enjoignant à protéger les civils
Réuni cet après-midi sur la situation dans la bande de Gaza, à la demande de la Chine et des Émirats arabes unis, le Conseil de sécurité a entendu des appels impatients à l’action axés sur la protection de la population civile. Il lui a notamment été demandé de répondre, par l’adoption d’une résolution, à la volonté claire de la majorité des États Membres exprimée vendredi dernier à l’Assemblée générale en faveur d’une « trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue ».
Cette « résolution morale » de l’Assemblée doit aussi être adoptée par l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales pour mettre fin à ce bain de sang, a plaidé l’Observateur permanent de l’État de Palestine. Si le Conseil ferme les yeux sur la volonté claire de la majorité des États du monde, cela pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase, a mis en garde la représentante des Émirats arabes unis.
Les trois hauts responsables de l’ONU venus informer le Conseil, dont le Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), M. Philippe Lazzarini, ont décrit une situation « horrible » dans la bande de Gaza, où « une population entière est déshumanisée » depuis le début de l’offensive israélienne.
Non sans émotion, M. Lazzarini a détaillé un niveau de destructions sans précédent. En l’espace de trois semaines, un million de personnes, soit la moitié de la population de la bande de Gaza, a été poussé du Nord vers le Sud de la bande. Or, « aucun endroit n’est sûr à Gaza » et avec ces « déplacements forcés », c’est aujourd’hui plus de 670 000 personnes déplacées qui s’abritent dans des bâtiments surpeuplés de l’UNRWA. Ils vivent dans des conditions épouvantables et insalubres, avec peu de nourriture et d’eau, dormant à même le sol, à l’intérieur ou même à l’extérieur de ces bâtiments.
De plus, 64 employés de l’Office ont été tués. C’est le plus grand nombre de travailleurs humanitaires de l’ONU tués dans un conflit en si peu de temps, a-t-il déploré, insistant sur le travail sans relâche que font ces enseignants, médecins, travailleurs sociaux, ingénieurs et personnels de soutien pour gérer les 150 abris de l’UNRWA ou maintenir ouverts les centres de santé et les sanitaires mobiles. Mais aujourd’hui, ils manquent de carburant, d’eau, de nourriture et de médicaments.
Le système de santé est en lambeaux, les patients gisent à même le sol et dans les couloirs, les chirurgiens opèrent sans anesthésie alors que 5 500 femmes enceintes doivent accoucher dans les 30 prochains jours et que la vie de 1 000 patients sous dialyse et de 130 prématurés en couveuse ne tient qu’à un fil. C’est ce dont a témoigné pour sa part la Directrice de la Division du financement humanitaire et de la mobilisation des ressources du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Mme Lisa Doughten a de plus averti que la situation actuelle n’est peut-être que le pâle reflet de ce qui nous attend.
D’autres chiffres alarmants, près de 70% des tués à Gaza sont des femmes et des enfants et, selon le Ministère palestinien de la santé, plus de 3 400 enfants palestiniens y ont été tués et plus de 6 300 autres blessés, soit une moyenne de 420 tués ou blessés chaque jour dans la bande. Ce nombre dépasse le nombre d’enfants tués chaque année dans les zones de conflit du monde depuis 2019. « Ces chiffres devraient nous émouvoir » a abondé, elle aussi émue, la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme Catherine Russell, disant craindre les traumatismes à vie des enfants israéliens et palestiniens.
Les trois orateurs ont alors demandé au Conseil de sécurité de prendre des mesures urgentes, notamment de soutien aux travailleurs humanitaires de l’UNRWA et, surtout, l’adoption immédiate d’une résolution qui obligerait les parties à respecter le droit international, appellerait à un cessez-le-feu et autoriserait un accès humanitaire sûr et sans entrave. Un texte qui exige aussi la libération immédiate et sûre de tous les enfants enlevés.
De nombreuses délégations ont appuyé et relayé cet appel, faisant écho à la résolution de l’Assemblée générale, qui montre, selon le Groupe des États arabes, que la communauté internationale reste aux côtés des innocents. Mais en dépit du message clair qu’elle contient, Israël fait la sourde oreille et choisit de renforcer son action militaire à Gaza, provoquant une situation catastrophique, a déploré la Chine.
Le délégué israélien a justifié ses actions en rappelant les atrocités du 7 octobre et en déclarant que le Hamas s’est engagé à exterminer les Juifs et Israël. Le Hamas est contrôlé par un « régime nazi moderne », « le régime terroriste d’Iran » qui soutient les terroristes du monde, a-t-il dit. Il a déploré que le monde reste silencieux comme au moment de la montée du nazisme dans les années 30, « un silence assourdissant ».
Le délégué s’en est pris notamment au Secrétaire général de l’ONU qui aurait « déroulé le tapis rouge devant le Ministre des affaires étrangères iranien nazi, la semaine dernière ». Il a ensuite annoncé aux membres du Conseil qu’à partir d’aujourd’hui, en le regardant, ils se souviendraient de ce qui se passe quand on reste silencieux: en se levant, il a épinglé une étoile jaune sur sa veste, comme les membres de sa délégation. Un signe qu’ils entendent porter jusqu’à ce que le Conseil condamne les atrocités du Hamas et exige la libération immédiate des otages.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE
Déclarations
M. PHILIPPE LAZZARINI, Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a déclaré que les trois dernières semaines ont été « horribles ». Presque tout le monde en Israël, dans les territoires palestiniens occupés et dans la région au sens large, est en deuil. Les horribles attaques perpétrées par le Hamas en Israël le 7 octobre ont été choquantes, tout comme les bombardements incessants des forces israéliennes sur la bande de Gaza sont choquants. Le niveau de destruction est sans précédent et la tragédie humaine qui se déroule est insupportable, a encore décrit le haut fonctionnaire en signalant qu’en l’espace de trois semaines, un million de personnes, soit la moitié de la population de la bande de Gaza, a été poussé du nord vers le sud de la bande. Or, « aucun endroit n’est sûr à Gaza », a-t-il relevé.
Il a aussi déclaré qu’aujourd’hui, les civils restés dans le nord reçoivent des avis d’évacuation des forces israéliennes qui les exhortent à aller recevoir une aide humanitaire limitée dans le sud. Mais beaucoup, notamment les femmes enceintes, les personnes handicapées, les malades et les blessés, ne peuvent pas bouger, a-t-il déploré. Il a tout simplement constaté des « déplacements forcés », dénombrant aujourd’hui plus de 670 000 personnes déplacées qui s’abritent dans des écoles et des bâtiments surpeuplés de l’UNRWA. Ils vivent dans des conditions épouvantables et insalubres, avec peu de nourriture et d’eau, dormant à même le sol, à l’intérieur ou même à l’extérieur de ces bâtiments. La faim et le désespoir se transforment en colère contre la communauté internationale, a prévenu M. Lazzarini en soulignant qu’à Gaza, la communauté internationale est mieux connue sous le nom d’UNRWA.
Le Commissaire général a ensuite indiqué que près de 70% des personnes tuées à Gaza sont des femmes et des enfants. L’organisation non gouvernementale Save the Children a rapporté hier que près de 3 200 enfants avaient été tués à Gaza en seulement trois semaines. Cela dépasse le nombre d’enfants tués chaque année dans les zones de conflit du monde depuis 2019, a-t-il comparé, estimant qu’il ne peut pas s’agir de « dommages collatéraux ». De plus, les églises, mosquées, hôpitaux et installations de l’UNRWA, y compris celles abritant des personnes déplacées, n’ont pas été épargnés. Trop de personnes ont été tuées ou blessées alors qu’elles cherchaient refuge dans des lieux protégés par le droit international humanitaire. Le siège actuel imposé à Gaza est une punition collective, a-t-il affirmé.
M. Lazzarini a fait remarquer que l’UNRWA est la dernière bouée de sauvetage pour le peuple palestinien à Gaza. Il a alors lancé un appel aux membres du Conseil, demandant leur soutien, dans le contexte où, 64 employés de l’Office ont été tués en un peu plus de trois semaines. C’est le plus grand nombre de travailleurs humanitaires de l’ONU tués dans un conflit en si peu de temps, a-t-il aussi insisté. Aucun mot, à son avis, ne peut rendre justice aux milliers d’employés de l’UNRWA qui continuent de travailler sans relâche pour soutenir leur communauté. Il s’agit d’enseignants, de médecins, de travailleurs sociaux, d’ingénieurs et de personnel de soutien. Ils gèrent 150 abris de l’UNRWA, maintiennent ouvert un tiers des centres de santé et gèrent 80 équipes sanitaires mobiles. Mais aujourd’hui, ils manquent de carburant, d’eau, de nourriture et de médicaments.
Concluant son exposé, M. Lazzarini a déclaré qu’une population entière est déshumanisée. Les atrocités du Hamas ne dispensent pas Israël de ses obligations en vertu du droit international humanitaire, a-t-il lancé. « Chaque guerre a ses règles, et celle-ci ne fait pas exception. » Plus que jamais, les habitants de Gaza méritent notre empathie, a-t-il confié, en prévenant que son absence aggravera la polarisation dans la région et éloignera encore davantage toute perspective de paix.
Mme CATHERINE RUSSELL, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a dit que le véritable coût de cette escalade se mesurera en nombre d’enfants tués et ceux dont la vie sera à jamais changée. Selon le Ministère palestinien de la santé, a énuméré l’intervenante, plus de 3 400 enfants palestiniens ont été tués à Gaza et plus de 6 300 enfants blessés, avec quelque 420 enfants qui sont tués ou blessés chaque jour à Gaza. « Ces chiffres devraient nous émouvoir. » En Cisjordanie, au moins 37 enfants auraient été tués, a ajouté Mme Russell avant de signaler aussi que plus de 30 enfants israéliens auraient été tués, tandis qu’au moins 20 sont toujours en otage dans la bande de Gaza, dont le sort est inconnu.
Mme Russell a dénombré au moins 221 écoles endommagées ou détruites. Les enfants israéliens et palestiniens vivent de terribles traumatismes dont les conséquences pourraient durer toute une vie, a-t-elle craint: la violence et les bouleversements peuvent induire un stress toxique chez les enfants handicapant leur développement physique et cognitif. Cela peut causer des problèmes de santé mentale à court et à long terme. L’UNICEF, a déclaré la Directrice exécutive, fait de son mieux pour venir en aide à tous les enfants dans le besoin mais elle a indiqué que certains membres de son personnel ont perdu des enfants. En outre, a-t-elle ajouté, la coupure des télécommunications il y a deux jours a rendu encore plus difficile la fourniture de l’aide aux enfants.
La Directrice exécutive a assuré que l’UNICEF et ses partenaires sont déterminés à rester sur le terrain pour venir en aide aux enfants. Mais si les hostilités ne cessent pas d’urgence, leur sort est en danger, a-t-elle mis en garde en sollicitant l’aide du Conseil pour sortir de cette spirale de violence. Le Conseil doit adopter immédiatement une résolution qui oblige les parties à respecter le droit international et qui appelle à un cessez-le-feu et à autoriser un accès humanitaire sûr et sans entrave, a-t-elle recommandé. Le Conseil devra exiger la libération immédiate et en toute sécurité de tous les enfants enlevés, demander aux parties d’accorder aux enfants la protection spéciale à laquelle ils ont droit, et donner la priorité à la « crise des déplacements », avec 1,4 million de personnes déplacées à Gaza, dont la majorité sont des enfants, a aussi demandé la haute responsable.
Toutes les parties, a insisté Mme Russell, doivent empêcher toute violation grave commise à l’encontre des enfants. L’UNICEF défend les droits de chaque enfant, a-t-elle martelé avant d’appeler le Conseil à faire mieux pour les jeunes qui veulent participer à un festival de musique ou pour les enfants qui vaquent à leurs occupations quotidiennes à Gaza. « Ils méritent tous la paix. » Elle a fait valoir que les enfants ne déclenchent pas de conflits et qu’ils sont impuissants à les arrêter. Il faut placer leur sécurité au premier plan de nos efforts et imaginer un avenir où tous les enfants seront en bonne santé, en sécurité et éduqués, a-t-elle demandé en conclusion.
Mme LISA DOUGHTEN, Directrice de la Division du financement humanitaire et de la mobilisation des ressources du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a indiqué qu’elle s’exprimait au nom du Coordonnateur des secours d’urgence, M. Martin Griffiths, qui est le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires actuellement en mission en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Qualifiant de « dévastateurs et déchirants » les événements survenus depuis le 7 octobre, elle a affirmé ne pas oublier les 1 400 personnes tuées et les milliers d’autres blessées et emportées dans la brutale attaque du Hamas, ainsi que les tirs de roquettes aveugles qui se poursuivent depuis Gaza sur les zones peuplées d’Israël. Elle a déploré que 230 personnes soient toujours retenues en otage à Gaza, appelant à leur libération immédiate et sans condition et exigeant que, dans l’intervalle, elle soient traitées humainement et puissent recevoir la visite du Comité international de la Croix-Rouge (CIRC).
Dénonçant la situation catastrophique à laquelle sont actuellement confrontés les plus de deux millions d’habitants de Gaza, elle a rappelé qu’ils subissent un siège depuis 23 jours, sous des bombardements continus. Citant le Ministère de la santé de Gaza, elle a indiqué que plus de 8 000 personnes auraient été tuées, dont 66% de femmes et d’enfants, et des dizaines de milliers d’autres blessées. « Il est difficile d’exprimer l’ampleur de l’horreur que vivent les habitants de Gaza », a-t-elle affirmé, ajoutant que les habitants sont de plus en plus désespérés, car cherchant de la nourriture, de l’eau et un abri au milieu de bombardements incessants qui anéantissent des familles et des quartiers entiers. Elle a précisé que poussés par le désespoir, certains s’étaient introduits dans les entrepôts des Nations Unies à la recherche de nourriture et d’eau, la déshydratation et la propagation de maladies devenant des risques croissants.
La Directrice a affirmé que plus de 1,4 million de personnes sont déplacées à l’intérieur de la bande de Gaza, décrivant « des centaines, des milliers » d’enfants, de femmes et d’hommes entassés dans des abris et des hôpitaux surpeuplés. Cependant, aucune zone de ce territoire, même le sud, n’est sûre, a-t-elle indiqué, ajoutant que les agences de l’ONU n’avaient pas assez de fournitures essentielles pour faire face à un déplacement de population de cette ampleur. Elle a décrit un système de santé en lambeaux où les patients gisent sur le sol et dans les couloirs, où les chirurgiens opèrent sans anesthésie, où 5 500 femmes enceintes doivent accoucher dans les 30 prochains jours, où la vie de 1 000 patients sous dialyse et de 130 prématurés en couveuse ne tient qu’à un fil, où 9 000 patients atteints de cancer ne reçoivent pas de soins adéquats.
Se disant profondément préoccupée par les allégations d’installations militaires à proximité des hôpitaux et par la demande des autorités israéliennes de les évacuer -notamment Al Qods et Shifa–, elle a affirmé qu’il n’y avait aucun endroit sûr pour les patients, et que pour ceux sous assistance respiratoire et les bébés en couveuse, le déplacement serait presque certainement une condamnation à mort. Pleurant la perte de 64 collègues de l’UNRWA et d’autres membres du personnel humanitaire, elle a présenté ses plus sincères condoléances à leurs familles et à leurs collègues.
Se félicitant de l’accord qui a permis à l’OCHA d’acheminer une partie de l’aide à Gaza via le poste frontière de Rafah, elle a souligné que ces livraisons ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan par rapport à l’ampleur des besoins. « Il est impératif que nous puissions acheminer de l’aide humanitaire de manière sûre, fiable, sans entrave et dans les quantités requise », a-t-elle martelé, insistant notamment sur le besoin de reconstituer les réserves de carburant, indispensables pour alimenter les hôpitaux, les usines de dessalement de l’eau de mer, et de transporter l’aide. Elle a précisé que le point de passage de Kerem Shalom, entre Israël et Gaza, était le seul équipé pour gérer rapidement un nombre suffisamment important de camions.
Mme Doughten s’est aussi inquiétée des dizaines de civils tués et des incidents liés à la violence des colons qui se sont multipliés en Cisjordanie, entraînant le déplacement de centaines de personnes. « La situation actuelle n’est peut-être qu’un pâle reflet de ce qui nous attend », a-t-elle averti, évoquant le risque réel que cette guerre s’aggrave et se propage à l’ensemble de la région. Elle a appelé à prendre des mesures urgentes pour empêcher cela.
Appelant à une trêve humanitaire, elle a estimé que cela permettrait d’assurer le calme et la sécurité nécessaires à la libération des otages, que cela permettrait à l’ONU de se réapprovisionner, de soulager le personnel épuisé et de reprendre l’assistance dans toute la bande de Gaza pour des civils confrontés à des traumatismes inimaginables. Elle a aussi appelé les parties à respecter le droit international humanitaire, ce qui implique de permettre aux secours d’entrer et de veiller à épargner les civils et les infrastructures civiles, ainsi que le personnel humanitaire et médical. « Nous comptons sur la responsabilité de chaque État Membre pour user de toute son influence afin que les règles de la guerre soient respectées et que, dans la mesure du possible, les civils soient épargnés de nouvelles souffrances », a-t-elle affirmé en concluant son intervention.
M. MAURO VIERA, Ministre des affaires étrangères du Brésil, a jugé essentiel de garder à l’esprit « le visage humain » des deux parties à un conflit gelé qui serait resté gelé, sans les attaques terroristes du Hamas. Il a appelé à la libération de tous les otages et qualifié la situation à Gaza d’« absolument abjecte »: un nombre intolérable d’enfants sont punis pour des crimes qu’ils n’ont pas commis et, pendant ce temps, le Conseil de sécurité tient des séances sans être capable de mettre un terme aux souffrances des civils. Nous échouons toujours et encore, et c’est une honte, s’est impatienté le Ministre. Il a dénoncé des antagonismes obsolètes, et les pays qui utilisent le Conseil de sécurité pour atteindre leurs propres objectifs. Si nous n’agissons pas aujourd’hui, quand le ferons-nous? s’est-il demandé, avant de condamner tout agissement qui ne fait pas la distinction entre civils et combattants.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a commencé par rendre hommage au personnel de l’UNRWA, dont beaucoup de membres ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne dans la bande de Gaza. Elle a ensuite rappelé que vendredi dernier, 121 pays, soit la grande majorité de la communauté internationale, ont envoyé un message sans équivoque, exigé une trêve humanitaire pérenne à Gaza et défendu les droits humains, le droit international humanitaire et surtout la vérité claire selon laquelle la vie des Palestiniens est précieuse et égale à celle des autres, et mérite la pleine protection. Mais au-delà des mots, il faut agir. La représentante a rappelé que les plus de 8 000 personnes tuées à Gaza, dont 70% sont des femmes et des enfants, ne font pas partie du Hamas. Plus d’un millier d’enfants manquent à l’appel, s’est-elle désolée, les imaginant sous les décombres en train de se demander si quelqu’un va venir les aider.
La déléguée a aussi relevé que le nombre d’enfants tués depuis le 7 octobre dépasse celui de tous les conflits armés dans le monde, ces quatre dernières années. Un tel fait devrait ébranler notre conscience morale mais le Conseil de sécurité continuer de fermer les yeux sur la volonté claire de la majorité des États. Nous sommes peut-être, a-t-elle prévenu, devant la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il faut donc assurer dès aujourd’hui, sans plus attendre, un accès humanitaire sans entrave à la bande de Gaza et, faisant référence à l’ordre d’évacuation lancé par Israël, elle a rappelé que les hôpitaux et autres sites gérés par l’UNRWA et d’autres organisations humanitaires sont protégés par le droit international. Demander aux civils de partir est aussi insensé que l’inaction du Conseil de sécurité, a-t-elle conclu.
M. ZHANG JUN (Chine) a rappelé l’adoption, la semaine dernière, par l’Assemblée générale d’une résolution appelant à une pause humanitaire immédiate et durable pour parvenir à une cessation des hostilités. Malheureusement, Israël a fait la sourde oreille et choisi de renforcer son action militaire à Gaza, provoquant une situation catastrophique. Les parties au conflit doivent cesser toute hostilité et ne ménager aucun effort pour éviter que la situation ne dégénère davantage. Le représentant a appelé Israël à lever le siège contre Gaza et à revenir immédiatement sur son ordre d’évacuation. Israël doit plutôt rétablir la fourniture des services essentiels, a dit le représentant, avant d’appeler à des efforts diplomatiques pour libérer les otages et ouvrir un espace de dialogue pour un règlement politique du conflit.
Le châtiment collectif ne conduit jamais à une sécurité absolue, a prévenu le représentant. Les parties doivent rompre le cercle vicieux de la violence et promouvoir un cessez-le-feu à Gaza. Sans un tel cessez-le-feu, l’aide humanitaire ne sera qu’une goutte d’eau dans l’océan, car la population gazaouie a besoin de mesures concrètes pour rétablir la paix, garantir l’état de droit et sauver les vies. L’Assemblée générale, a rappelé le délégué, a indiqué la marche à suivre au Conseil de sécurité.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a salué le travail héroïque du personnel humanitaire à Gaza, pleurant la mort de plus de 60 membres du personnel de l’ONU tués depuis le début du conflit, alors que leur vie devait être protégée, tout comme celle des journalistes et de tous les civils. Elle a affirmé que le Hamas avait tué plus de 1 400 civils innocents et pris plus de 200 personnes en otage, il y a trois semaines, alors que les roquettes continuent à frapper Israël et que la crise humanitaire à Gaza s’aggrave. Elle a appelé à s’unir pour exiger la libération immédiate et sans condition de tous les otages, traiter les besoins humanitaires immenses des civils à Gaza, rappeler le droit d’Israël à se défendre du terrorisme et rappeler à toutes les parties que le droit international humanitaire doit être respecté, ce qui signifie que le Hamas ne peut utiliser les Palestiniens comme boucliers humains et qu’Israël doit prendre toutes les mesures pour éviter de nuire aux civils. Hier, a-t-elle ajouté, le Président Biden a rappelé que le droit à se défendre d’Israël doit s’exercer dans le cadre du droit international humanitaire, et que même si le Hamas agit depuis des zones civiles, Israël doit établir un distinguo entre terroristes et civils innocents.
La représentante s’est dite vivement préoccupée par la recrudescence de violence à l’encontre de civils palestiniens en Cisjordanie, condamnant les meurtres de civils palestiniens et exhortant Israël à éviter de telles attaques en travaillant avec les autorités palestiniennes. Elle s’est aussi préoccupée de la coupure des communications à Gaza et indiqué que le Gouvernement Biden l’avait clairement fait savoir au Gouvernement israélien, car elle met en péril la vie des civils, du personnel de l’ONU, du personnel humanitaire. Les États-Unis sont le principal bailleur de fonds pour le peuple palestinien, ayant fourni 1 milliard de dollars à l’UNRWA depuis 2021, avec 100 millions de dollars d’aide supplémentaire annoncés récemment par le Président Biden, a fait remarquer la déléguée. Son pays, a-t-elle indiqué, continue à travailler avec Israël, l’Égypte, l’ONU et d’autres partenaires pour assurer un approvisionnement rapide et continu en aide humanitaire. L’approvisionnement en eau, denrées alimentaires, médicaments et carburant doit être rétabli, a-t-elle exigé. Soulignant que le nombre de camions entrants continue d’augmenter, elle a reconnu que la quantité reste dérisoire et qu’il faut la revoir à la hausse de toute urgence. Elle a rappelé que le Président Biden soutient l’idée de pauses humanitaires pour permettre la libération des otages, la distribution de l’aide et la possibilité pour les civils de se rendre dans des lieux plus sûrs.
Mme Thomas-Greenfield a réitéré le message fort du Secrétaire d’État Anthony Blinken à tout acteur, étatique ou non, envisageant d’ouvrir un nouveau front contre Israël. Elle a regretté les veto de la Russie et de la Chine contre la résolution « équilibrée » présentée par les États-Unis, la semaine dernière, et qualifié la résolution votée ensuite par l’Assemblée générale de « subjective », avec l’omission des mots « otages » et « Hamas ». Elle s’est dite « scandalisée et effarée » par les délégations qui ont apporté un soutien implicite aux violences du Hamas lors de la session extraordinaire, estimant inimaginable que les agissements du Hamas ne soient pas condamnés par une résolution de l’Assemblée générale. Elle a plaidé en faveur de la solution des deux États, un avenir dont ne veut pas le Hamas mais auquel tous les États doivent œuvrer.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a qualifié de « désespérée » la situation à Gaza et a rappelé que l’obligation des pays à protéger leurs populations doit être honorée dans le strict respect du droit international et du droit international humanitaire. Il a jugé essentiel que le Conseil de sécurité fasse entendre sa voix et essaye de parvenir à un accord entre ceux qui ont le pouvoir d’empêcher, par leur seule volonté, l’adoption d’une résolution. Cette Organisation doit garder à l’esprit qu’elle est née pour défendre la dignité et la valeur de la personne humaine. Il est de notre devoir d’être toujours à la hauteur de cette mission, a conclu le représentant.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré que la priorité du Conseil doit être l’application du droit international humanitaire et des droits humains, notamment la protection des civils. Il faut donc impérativement protéger les civils et les personnes qui ne participent plus aux hostilités. Pour ce faire, il convient que le Conseil exerce son influence sur les parties au conflit afin de faire respecter le droit international humanitaire, de stopper la spirale de violence actuelle et d’empêcher qu’elle ne gagne la région, a-t-elle dit. Elle a aussi indiqué que son pays s’était engagé au sein du Conseil et à l’Assemblée générale pour la mise en place de mesures telles que des trêves humanitaires pour garantir l’accès de l’aide.
De telles mesures, accompagnées de garanties sécuritaires, sont nécessaires pour permettre au personnel des organisations humanitaires impartiales de travailler de manière efficace dans le but de répondre aux besoins de la population et d’atténuer l’aggravation de la crise sanitaire à Gaza. Une action unifiée du Conseil est donc plus que jamais nécessaire pour mettre fin aux violences, faire respecter le droit international et œuvrer à la paix, a-t-elle insisté.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a souligné qu’il est plus que temps que le bain de sang cesse. Les populations civiles ne doivent être ni une monnaie d’échange, ni des boucliers humains, ni l’objet de punition collective. Les otages doivent être libérés sans condition et le droit à la légitime défense d’Israël doit s’exercer dans le respect du droit international humanitaire et des principes de proportionnalité, de précaution et de distinction, a rappelé le représentant. Le Conseil doit transcender les alliances politiques et géopolitiques, les clivages et les rivalités pour exiger l’arrêt immédiat des hostilités et un accès sans entrave de l’aide humanitaire aux populations dans le besoin à Gaza.
Le délégué a demandé la mise en œuvre de la résolution adoptée par l’Assemblée générale ce 26 octobre 2023. Il a appelé à la retenue et encouragé tous les États qui exercent une influence sur les parties à redoubler d’efforts pour les amener à choisir la paix et à préserver les vies humaines. Le Conseil doit éviter un embrasement qui risque de mener vers l’inconnu. Les récents bombardements de l’armée israélienne contre des cibles sur la frontière avec la Syrie en réponse à des tirs, tout comme les derniers échanges de tirs entre Israël et le Hezbollah dans le sud du Liban sont extrêmement préoccupants. La diplomatie, le dialogue et la négociation, avec un rôle central des Nations Unies, sont et demeurent les canaux incontournables pour parvenir à une solution durable à cette crise meurtrière. Le représentant a, en conclusion, réitéré son attachement à la solution des deux États.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a présenté ses condoléances pour la perte tragique du personnel de l’UNRWA au cours de ces dernières semaines et a déclaré que son pays est gravement préoccupé par la situation désespérée à Gaza. De telles opérations militaires auront sans aucun doute un impact dévastateur sur les plus de deux millions de civils piégés dans l’enclave, a-t-elle déclaré, ajoutant que les tirs de roquettes du Hamas sur le territoire israélien est totalement inacceptable. Nous rejetons et condamnons sans équivoque ces attaques barbares, notamment l’attentat du 7 octobre et la prise d’otages, a-t-elle précisé, se disant aussi totalement dévastée par les effets du conflit sur les enfants palestiniens et israéliens. Tout plan de paix durable au Moyen-Orient doit être fondé sur une solution à deux États, a-t-elle conclu.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) s’est alarmé d’une situation humanitaire dramatique à Gaza, appelant à une augmentation des convois humanitaires. Il a rappelé avoir lancé un appel en faveur d’une trêve humanitaire, estimant que les civils souhaitant sortir de Gaza devaient pouvoir le faire sans en être empêchés. Toutes les vies se valent, a ajouté le représentant avant de déclarer qu’Israël a le droit de se défendre et le devoir de le faire dans le respect du droit international humanitaire, en préservant les populations civiles. Il a réitéré sa condamnation dans les termes les plus forts des attaques terroristes du Hamas, tout comme sa demande que les otages soient libérés, immédiatement et sans condition.
Le délégué a aussi fermement condamné les violences perpétrées par des colons à l’encontre de la population palestinienne, qui se multiplient en Cisjordanie, réitérant sa demande aux autorités israéliennes de les faire cesser. Abordant le risque d’un embrasement régional, le représentant s’est inquiété d’un tir d’obus ayant touché la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) dans son quartier général situé dans le sud du Liban, le 28 octobre. « Nous connaissons tous les conditions de cette paix durable », a poursuivi le délégué en rappelant que ce sont: des garanties indispensables apportées à Israël pour sa sécurité, et un État pour les Palestiniens.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a déploré la perte de plus de 60 membres du personnel de l’ONU morts sur le terrain. Le 7 octobre marquera les annales de l’histoire du Moyen-Orient, a-t-il déclaré, en mettant en garde contre l’effet ricochet dans la région. Une guerre sur un territoire aussi petit que Gaza exige de prendre de très grandes précautions pour que les populations civiles ne se retrouvent pas entre le marteau et l’enclume dans un endroit où il n’y pas moyen d’échapper, a-t-il observé. Il a aussi exhorté à la remise en liberté des otages israéliens. Le Gouvernement israélien a assuré que l’assistance arriverait, a poursuivi le représentant, qui a pressé pour que cela se fasse au plus tôt, pour que les civils ne meurent pas de faim.
« Nous avons peur pour toutes les personnes des deux côtés, déchirées par l’insécurité et la guerre, et nous avons peur pour les Palestiniens qui voient leurs espoirs régulièrement tués dans l’œuf », a-t-il affirmé. Au-delà de la tragédie des deux côtés, l’ampleur de la violence ciblée émeut le monde entier, a-t-il relevé, jugeant inacceptable de tuer des gens sur la base de leur appartenance ethnique, comme cela fut le cas au Daghestan (où une foule a attaqué hier les passagers d’un vol en provenance d’Israël à l’aéroport de Makhatchkala). Les attaques sur la frontière nord sont chaque fois plus menaçantes et doivent cesser pour éviter un effet domino, a encore mis en garde le représentant, en encourageant à donner aux Palestiniens une perspective d’avenir sans le Hamas, qui leur a apporté la guerre et la mort.
M. MARTINS MARIANO KUMANGA (Mozambique) a dit être scandalisé par les souffrances et les morts à Gaza. Il a demandé un cessez-le-feu humanitaire immédiat et inconditionnel. Le droit de la guerre doit être respecté, a souligné le représentant, en condamnant les attaques du Hamas. Le monde attend, a-t-il prévenu, que le Conseil de sécurité réagisse rapidement. Il a rappelé l’Article 24 de la Charte des Nations Unies qui stipule que, « afin d’assurer une action rapide et efficace de l’Organisation des Nations Unies, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Il nous faut une résolution du conflit israélo-palestinien qui est « la clef » d’une paix durable au Moyen-Orient, a insisté le représentant.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est dit alarmé par la situation sur le terrain dans les territoires palestiniens occupés, où une catastrophe humanitaire d’ampleur biblique se déroule. L’ampleur des pertes subies par l’ONU est aussi choquante, a-t-il déploré, tandis que le blocus imposé par Israël sème la panique parmi la population civile et fragilise les secours médicaux. Le représentant a condamné l’impossibilité de faire passer l’aide humanitaire par le point de passage de Rafah alors que les coupures d’électricité et d’eau touchent l’enclave qui essuie simultanément des bombardements. Avec les offensives militaires israéliennes qui ont débuté le 28 octobre à Gaza contre l’avis de l’Assemblée générale, « Jérusalem-Ouest » a entamé son projet de nettoyage de Gaza, a fustigé le délégué. Israël réfute l’appel à un cessez-le-feu et ignore l’opinion d’un grand nombre de pays occidentaux exigeant la cessation des hostilités. Cette situation terrible est le résultat de la position des États-Unis au Conseil, qui n’est pas parvenu à se mettre d’accord sur un cessez-le-feu à deux reprises, a-t-il rappelé.
Le projet de Washington et de « Jérusalem-Ouest » est de pilonner les populations de Gaza et de les expulser, selon le délégué, qui a pointé la montée des tensions à la frontière entre la Syrie et Israël, provoquée par la présence militaire illégale des États-Unis dans le nord-est de la Syrie. Le 26 octobre, les forces américaines y ont mené des bombardements qu’elles ont qualifiés de légitime défense, « à l’américaine ». Ces agissements constituent une violation grave de la souveraineté de la Syrie et du droit international et peuvent provoquer une escalade armée de grande ampleur. Il faut mettre fin à ce bain de sang, réduire les souffrances infligées aux populations civiles et reprendre les négociations politiques entre Israéliens et Palestiniens afin de concrétiser la solution des deux États. Pourquoi les États-Unis s’opposent-ils à un cessez-le-feu? a demandé le représentant à son homologue américaine. La Russie, a-t-il dit, condamne tout acte terroriste, mais on ne peut pas violer le droit international en ciblant les infrastructures civiles. Il a dénoncé le torpillage par les États-Unis du travail du Quatuor pour le Moyen-Orient alors qu’il faut intégrer les acteurs régionaux au processus de négociation. Les autorités russes ont assumé leurs responsabilités après l’incident survenu dans un aéroport du Daghestan, a assuré le représentant.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a rendu hommage à l’engagement et au sacrifice des employés de l’ONU et des travailleurs humanitaires à Gaza, en particulier les 103 travailleurs humanitaires tués au cours de ces 22 jours, y compris le personnel de l’UNRWA. La représentante a insisté sur le droit à la légitime défense contre le terrorisme, ajoutant néanmoins que cela doit se faire conformément au droit international humanitaire. Nos efforts, a-t-elle indiqué, ont été axés sur la protection des civils, la sécurisation et l’élargissement de l’accès humanitaire et la libération des otages. C’est le Hamas, a-t-elle tranché, qui porte seul la responsabilité du déclenchement de ce conflit. Insistant sur le respect du droit international humanitaire, a voulu que l’on coopère de toute urgence pour accroître l’aide à Gaza et veiller à ce qu’un nombre suffisant de points d’accès soient ouverts, ce qui suppose un climat plus sûr et des pauses humanitaires.
Depuis la dernière escalade à Gaza, a-t-elle annoncé, le Royaume-Uni s’est engagé à verser plus de 36 millions de dollars d’aide supplémentaire dans le Territoire palestinien occupé. Un vol de la RAF est arrivé en Égypte, le 25 octobre, avec à son bord 21 tonnes d’aide pour Gaza. Afin de prévenir que le conflit ne s’étende, elle a appelé tous les pays de la région à prévenir une telle situation qui ne peut, en aucun cas, être exploitée par les acteurs non étatiques. La représentante a en outre estimé que l’Autorité palestinienne a un rôle clef à jouer en tant que représentante légitime du peuple palestinien. Elle a conseillé à Israël et aux autres États de la soutenir, avant de lancer un appel aux autorités israéliennes pour qu’elles remédient au nombre croissant d’attaques et de meurtres perpétrés par les colons en Cisjordanie occupée, en rappelant qu’il est de leur responsabilité de protéger les civils palestiniens.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a relevé avec une grande préoccupation que depuis le 7 octobre, des milliers de personnes ont été tuées et blessées, et que la séquence tragique des événements ne montre aucun signe d’apaisement. Il a condamné les attentats terroristes du Hamas et exigé la libération immédiate et inconditionnelle des otages. Chaque État Membre a le droit de se défendre et de défendre son peuple conformément au droit international, a rappelé le délégué. Dans le même temps, toutes les parties doivent agir sur la base du droit international, a-t-il ajouté en déplorant la détérioration de la situation humanitaire à Gaza. Il a réclamé que soit autorisé un accès humanitaire complet, rapide, sûr et sans entrave afin d’atténuer la situation humanitaire.
Il faut immédiatement des pauses humanitaires, a aussi exhorté le représentant appelant à la mise en place de couloirs humanitaires. Il a demandé le rétablissement des réseaux de communication pour assurer l’acheminement de l’aide humanitaire et la sécurité des travailleurs humanitaires. Il a encouragé les parties de la région à éviter d’exacerber le conflit. La communauté internationale doit éviter que l’instabilité ne s’étende à la région et doit tout faire pour calmer la situation, a-t-il encore recommandé. Le représentant a exhorté les membres du Conseil à trouver un terrain d’entente afin de transmettre un message significatif à toutes les parties. Il n’y a pas d’alternative à la solution des deux États et les parties doivent fournir des efforts dans ce sens, a-t-il lancé en conclusion.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a déclaré que, compte tenu de ce que l’Assemblée a dit, le Conseil devrait tirer parti de la convergence de vues sur cette crise pour aider le Secrétaire général, les agences et le personnel des Nations Unies, y compris l’UNRWA, à fournir des soins intensifs et des services de soutien aux populations les plus touchées. Le Conseil doit également utiliser le poids de la décision de l’Assemblée pour encourager vigoureusement les efforts des dirigeants de la région, en particulier du Qatar, pour obtenir la libération de tous les otages israéliens et étrangers et convaincre le Hamas. Ne pas déployer davantage d’efforts pour mettre un terme aux combats serait véritablement tragique, a mis en garde le représentant, disant espérer que, dans le cadre de la responsabilité historique de ce Conseil, les membres pourront trouver un consensus pour mettre fin à ce conflit.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a réagi à la déclaration de la Fédération de Russie, dans laquelle son pays était accusé d’être responsable de la crise à Gaza. Il a rejeté ces accusations affirmant qu’aucun pays ne travaille autant que les États-Unis pour alléger cette crise. La Fédération de Russie ne se préoccupe pas des situations humanitaires dans le monde, il n’y a qu’à voir ce qu’elle fait en Ukraine, a, à son tour, accusé le représentant.
Reprenant lui aussi la parole, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a vu la réaction de la délégation des États-Unis comme une reconnaissance de la véracité de ses précédents propos. Il a alors posé une question « rhétorique n’appelant pas de réponse » au représentant américain: Combien de fois les États-Unis ont-ils initié de réunion sur la situation humanitaire à Gaza, avant la crise actuelle?
M. RIYAD H. MANSOUR, Observateur permanent de l’État de Palestine, a rendu un vibrant hommage au Secrétaire général qui est allé sur place pour sauver des vies. Paraphrasant un autre Secrétaire général, Dag Hammarskjold, il a déclaré que les Nations Unies n’ont pas été créées pour nous emmener au paradis mais pour nous sauver de l’enfer. Il a dit ce que les Palestiniens veulent: un cessez-le-feu humanitaire immédiat, et des convois humanitaires d’au moins 600 camions par jour. La population gazaouie est constituée de réfugiés, soit plus de 2,3 millions de Palestiniens qui vivent « un enfer », l’objectif ultime étant de vider la bande de Gaza et de les jeter dans le désert du Sinaï. Illustrant l’ampleur de cette tragédie provoquée par l’homme, M. Mansour a avancé plusieurs chiffres, et tancé les membres du Conseil pour qu’ils assument enfin leur responsabilité. Combien de jours encore attendrez-vous pour reconnaître qu’il s’agit d’une guerre contre nos enfants. Nos enfants. Des enfants de lumière qui sont, comme les vôtres, des enfants de Dieu.
L’Assemblée générale, mue par l’humanité, a adopté une résolution demandant une trêve humanitaire immédiate et souligné que l’accès à l’aide humanitaire ne peut être retardé ou entravé davantage. L’Assemblée générale et le Secrétaire général, a poursuivi M. Mansour, ont agi. L’armée des héros de l’ONU agit tandis qu’un organe, le Conseil de sécurité, ne fait rien. Cette résolution morale à laquelle 11 membres du Conseil ont voté pour, doit aussi être adoptée par l’organe de l’ONU chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales pour mettre fin à ce bain de sang, tache indélébile qui constitue un crime de guerre et un crime contre l’humanité.
Étant donné que 11 membres du Conseil ont voté en faveur de la résolution, que trois membres se sont abstenus et qu’un État s’y est opposé, il est clair que le texte bénéficie d’un large soutien et qu’il doit servir de base à une position claire et sans équivoque du Conseil. Ayez un peu de compassion à l’égard des Gazaouis. Réveillez-vous! Nous sommes aussi des êtres humains! Laissez au moins les Gazaouis extirper des décombres quelque 2 000 personnes. M. Mansour a aussi plaidé pour que cessent les meurtres par les colons en Cisjordanie. Chaque minute compte. Chaque minute fait la différence entre la vie et la mort. Nous avons le droit à la protection et à être défendus, a-t-il réclamé, en fustigeant les États qui ne parlent que du droit de légitime défense d’Israël. Aujourd’hui, les membres du Conseil assistent à la destruction de la solution des deux États. Chaque minute compte pour les Palestiniens à Gaza.
M. GILAD MENASHE ERDAN (Israël) a entamé son discours en parlant de son grand-père qui était agriculteur en Transilvanie, dans un village qui a cessé d’exister en 1944, ses habitants ayant été assassinés dans les chambres à gaz. Il a dit qu’il pensait que cette histoire appartenait à une époque révolue, une époque dont on parlait avec les mots « plus jamais ça ». Or, ces mots reviennent, a-t-il constaté, en pointant du doigt les assassins qui, cette fois, sont les « nazis du Hamas »: des villages et des familles réduits en cendres, comme la famille et le village de son grand-père. Le représentant a évoqué la brutalité de ces « nazis » qui ont en commun une idéologie qui n’est pas la solution des deux États. Les terroristes du Hamas se sont engagés à exterminer les Juifs et Israël, a-t-il affirmé, en les accusant de se livrer à des violences inhumaines et à ne pas chercher une solution, ni le dialogue. La seule solution est « la solution finale », l’annihilation du peuple juif, a-t-il analysé.
Le délégué a fait remarquer que « ce sont eux qui dirigent Gaza », en affirmant que leur dirigeant n’est autre que le Chef suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, « assoiffé de sang ». Il a comparé le troisième Reich d’Hitler au régime de Khamenei qui tend à une hégémonie radicale chiite se propageant dans la région et au-delà. C’est « le régime nazi moderne », selon lui, avec des escadrons de la mort: le Hamas, le djihad islamique palestinien, le Hezbollah, les houthistes, la garde révolutionnaire et autres djihadistes barbares qui appellent à la mort d’Israël, de l’Amérique et du Royaume-Uni.
Le régime de l’Ayatollah sème mort et destruction où qu’il aille, a encore accusé le représentant, « de même que les Français sous le régime de Vichy, les Italiens sous le régime de Mussolini ». Il a constaté que « le régime terroriste d’Iran soutient les terroristes du monde et œuvre à la destruction de toute valeur de notre monde civilisé ». Or, le monde reste silencieux à l’instar de la montée du nazisme, « un silence assourdissant », selon lui.
Il est revenu sur les évènements d’il y a trois semaines, citant les exactions des « nazis du Hamas » qui ont exterminé des civils par centaines, comme un fœtus poignardé sous les yeux de sa mère. Il a aussi parlé des 250 000 civils Israéliens innocents qui ont été déplacés depuis le début de la guerre, et des millions de civils israéliens qui vivent au quotidien sous une pluie de roquettes lancées par le Hamas et le Hezbollah notamment. « Est-ce que le Conseil de sécurité n’a rien à dire sur ces questions? » Lorsque mon grand-père a été envoyé à Auschwitz, le monde est resté silencieux, a comparé le délégué.
« À partir d’aujourd’hui, quand vous me regarderez », vous vous souviendrez de ce qui se passe quand on reste silencieux, a-t-il annoncé. « À partir de maintenant, mon équipe et moi-même allons porter des étoiles jaunes », a-t-il dit, en se levant et en en épinglant une sur sa veste, comme les membres de sa délégation. Il a indiqué vouloir les porter jusqu’à ce que le Conseil condamne les atrocités du Hamas et exige la libération immédiate des otages.
Il a cité ce qui se passe à Londres, dans des aéroports, au Daghestan, parlant notamment de tentatives de lynchage des Juifs. Comme à l’époque, le monde est resté silencieux, s’est-il emporté, en constatant que la haine génocidaire n’a pas pris fin, mais que la différence est qu’aujourd’hui les Juifs ont un État et une armée puissante. « Nous nous défendrons contre ceux qui ont choisi de nous annihiler. »
Le représentant s’en est ensuite pris au Secrétaire général de l’ONU, qui a « déroulé le tapis rouge devant le Ministre des affaires étrangères iranien nazi, la semaine dernière, en serrant sa main entachée de sang ». Il a regretté que le Secrétaire général n’ait pas exigé une seule fois que les terroristes du Hamas et de Daech permettent à la Croix Rouge de vérifier que les otages restaient en vie.
Les nazis du Hamas ont passé les 16 dernières années à diriger Gaza, a-t-il déclaré en rappelant qu’ils ont assassiné des centaines de Palestiniens et les ont utilisés comme boucliers humains. Le délégué a aussi avancé que le Hamas détient un demi-million de litres de carburant à côté du point de passage de Rafah, en assurant que cela peut être vérifié. Il a ainsi expliqué qu’Israël refuse de fournir une aide au Hamas. Il a dit que les intentions du Hamas sont connues, et que si on leur donnait une autre chance, il commettrait les mêmes atrocités. Nos opérations ne sont pas un acte de riposte au 7 octobre mais un acte de légitime défense pour préserver notre avenir, a tenté d’expliquer le représentant en concluant qu’« Israël l’emportera, si Dieu le veut ».
Au nom du Groupe des États arabes, M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie) a indiqué que la résolution adoptée par l’Assemblée générale, à la fin de la semaine dernière, est claire et montre que la communauté internationale reste aux côtés des innocents. En faveur de la justice, de l’humanité et des droits, cette résolution appelle à mettre fin à la destruction des écoles, des hôpitaux et des lieux de culte. Elle appelle à une trêve humanitaire, tout en exigeant des parties le respect du droit international humanitaire, la fourniture d’une assistance à tous les civils qui en ont besoin à Gaza et la libération de tous les civils captifs de façon illégale.
Le Conseil doit faire pression sur Israël pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. Il a mis en garde contre le débordement régional du conflit, alertant sur le pilonnage des installations de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). Protégé et couvert, Israël peut éluder ses responsabilités, a tranché le représentant. Il a réclamé le réveil de la conscience humaine et demandé au Conseil d’entendre les hurlements du peuple gazaoui. Ce silence assourdissant doit cesser. Le Conseil est à un moment charnière et il sait que pour résoudre ce conflit, il faut revenir à la solution des deux États.
M. ZHANG (Chine) a, lui aussi, réagi à la déclaration des États-Unis, jugeant totalement déraisonnables leurs propos. Selon lui, les États-Unis veulent faire porter la responsabilité de la situation de Gaza à la Chine, ce qui n’est pas le cas, a-t-il assuré. Or, a-t-il poursuivi, la représentante des États-Unis sait clairement ce que son pays fait au Moyen-Orient. C’est son pays qui a opposé son veto au projet de résolution proposé par le Brésil, texte qui appelait à un cessez-le-feu, ce qui a conduit au blocage actuel, a-t-il rappelé. La Chine, au contraire, est dans la droite ligne de ce que souhaite la communauté internationale, à savoir la cessation des hostilités, la fourniture de l’aide humanitaire et la protection des civils, a insisté le représentant, ajoutant espérer que le Conseil de sécurité parvienne à un consensus sur ces questions.
Dans une troisième prise de parole, M. WOOD (États-Unis) a déclaré que le bilan de son pays parle de lui-même. Le représentant a ajouté que les faits sont clairs: la Chine ne s’est pas exprimée le 25 octobre sur le projet de résolution proposé par les États-Unis. C’est un fait, a-t-il dit.