9453e séance – après-midi 
CS/15464

Moyen-Orient: deux nouveaux projets de résolution rejetés par un Conseil de sécurité divisé sur la marche à suivre à Gaza

Après le rejet, la semaine dernière, de deux projets de résolution visant à répondre à la crise à Gaza, le Conseil de sécurité a, cet après-midi encore, échoué à adopter deux textes concurrents, l’un présenté par les États-Unis, l’autre par la Fédération de Russie, à l’issue de votes qui ont donné lieu à des clivages manifestes, l’Équateur regrettant que l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales se transforme en « arène où s’expriment les rivalités de ses membres ».

Le texte américain, qui a recueilli 10 voix pour, a été rejeté en raison d’un veto de la Chine et de la Fédération de Russie, les Émirats arabes unis ayant également voté contre.  Le Brésil et le Mozambique se sont abstenus.  Celui de la Fédération de Russie s’est soldé par un nombre insuffisant de voix en faveur -Chine, Gabon, Émirats arabes unis et Fédération de Russie–, le texte ayant également suscité les votes contre des États-Unis et du Royaume-Uni, et recueilli 9 abstentions. 

Les porte-plume des deux textes ont pris la parole avant leur mise aux voix, dans l’espoir de rallier le soutien des autres membres du Conseil.  Estimant qu’il s’agissait d’un « moment de vérité », la délégation américaine a assuré avoir tout mis en œuvre pour parvenir à un « consensus autour d’une résolution forte et équilibrée », en multipliant les concertations non seulement avec les « Quinze », y compris la Russie, mais aussi avec de nombreuses organisations humanitaires sur le terrain, pour renforcer « la diplomatie directe et urgente soutenue par la grande majorité des membres du Conseil ».

Une approche, ont affirmé les États-Unis, qui contraste singulièrement avec la « mauvaise foi » de Moscou, dont le texte a circulé « à la toute dernière minute », après « zéro consultation ».  La Russie a adressé le même reproche aux États-Unis, en dénonçant l’absence d’un « processus de consultations normal » et des « délais irréalistes » pour leur projet de résolution.  Washington, après son recours au veto la semaine dernière, tente à l’évidence de faire adopter un nouveau texte « rempli de dispositions politisées, inadéquates et extrêmement douteuses », en a conclu la délégation russe.

« Le projet américain ne contient toujours pas d’appel au cessez-le-feu.  Il ne condamne pas les attaques aveugles contre des civils et des biens civils à Gaza.  Il ne dénonce pas les actes visant à réinstaller de force des civils », a-t-elle poursuivi, en jugeant que les États-Unis ne veulent « tout simplement pas » que les décisions du Conseil « influencent d’une manière ou d’une autre » l’« intervention violente » d’Israël à Gaza, laquelle, accompagnée de violations flagrantes du droit international humanitaire, risque de régionaliser le conflit, voire de l’internationaliser.

La Chine a justifié son votre contre le projet de résolution américain « pour des raisons de droit et de conscience », au nom du « principe de justice » et à la suite des appels lancés par les pays arabes.  Ce texte « déséquilibré » et « ambigu », aux modifications « cosmétiques », « mélange tout » et, en cas d’adoption, aurait donné le « feu vert » à une action militaire d’envergure d’Israël et à l’escalade du conflit.  Or, a pointé le représentant chinois, il ne fait aucune référence aux causes profondes de la crise humanitaire dans la bande de Gaza et n’exhorte pas Israël à lever son blocus ni à renoncer à son ordre d’évacuation, qui ne fera que précipiter la « descente aux enfers » de ce territoire.  Sans nier l’importance des préoccupations sécuritaires de Tel-Aviv, la Chine a considéré que le texte américain élude délibérément la question de l’occupation israélienne et de la création d’un État palestinien.

« Comment Moscou réagirait-elle si des terroristes et des escadrons de la mort liquidaient tous les habitants d’un de ses quartiers?  Comment Beijing réagirait si des jihadistes meurtriers décapitaient des bébés chinois? », a demandé le représentant d’Israël à ses homologues russe et chinois.  Dénonçant le « deux poids, deux mesures » qui pèse selon lui en matière de lutte antiterroriste dans le monde, il a accusé la Russie d’avoir tenté, avec son projet de résolution, de « lier les mains d’Israël pour l’empêcher d’éliminer une menace existentielle ». 

Le délégué israélien s’est indigné de l’absence, dans le libellé du texte russe, de mention au droit à la légitime défense d’Israël contre les attaques perpétrées par les « sauvages » du Hamas, qui s’est livré au « pire massacre de Juifs depuis l’Holocauste ».  Une omission jugée également problématique par le Royaume-Uni et le Japon, pour qui la reconnaissance de ce droit dans le projet américain n’aurait pas offert de blanc-seing à Israël pour commettre des actes illicites.

Tel n’a pas été l’avis de la Fédération de Russie, qui a rappelé que la référence au droit de légitime défense, comme l’a confirmé la Cour internationale de Justice (CIJ) dans son avis consultatif de 2004, « ne s’applique pas dans le cas d’une puissance occupante ».  Dans le texte américain rejeté, il est réaffirmé « le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de tous les États ».

Pour la France, le Conseil doit réitérer le droit d’Israël à se défendre, a indiqué son représentant, en plaidant pour la mise en place d’une « trêve humanitaire devant mener à un cessez-le-feu ».  D’où son vote en faveur du texte américain, son abstention sur le projet russe s’expliquant par le refus de qualifier de « terroristes » les attaques du Hamas, outre l’absence d’ouverture à la négociation.  Cette dernière raison a également été invoquée par la Suisse pour justifier sa propre abstention.

Comme l’Équateur, l’Albanie a dit avoir soutenu le projet de résolution présenté par les États-Unis, regrettant le double veto sino-russe, qui n’aidera selon elle ni la population gazaouie, ni les otages israéliens, ni les travailleurs humanitaires. Mais alors que le Conseil de sécurité s’est montré « incapable de prendre la bonne décision », le Hamas et d’autres groupes ont maintenant toutes les raisons de s’« enhardir », s’est-elle inquiétée.  Malte, qui a pris la parole au nom du E10, soit des 10 membres élus du Conseil de sécurité, a annoncé leur intention d’œuvrer collectivement à une nouvelle proposition de texte.

Quant aux Émirats arabes unis, qui ont voté contre le projet américain et pour le projet russe, ils ont rappelé les éléments de langage auxquels leur délégation est attachée: « cessez-le-feu immédiat », « libération des otages », « accès humanitaire sûr et sans entrave », « approvisionnement en eau et en carburant ».  En outre, il n’existe pas de hiérarchie dans la valeur des vies des civils israéliens et palestiniens, ont-ils rappelé, et nous ne pouvions rester silencieux au sujet des déplacements forcés et des ordres d’évacuation vers le sud de Gaza, a indiqué leur représentante.

Le Ghana a indiqué que le projet américain, « sur lequel nous avons travaillé tout le week-end », aurait pu contribuer à l’émergence d’un consensus, avant d’exprimer son souhait que l’on renonce à l’ordre d’évacuation, « pour sauver des vies ».  S’agissant du texte russe, la délégation aurait apprécié de disposer de davantage de temps pour examiner ses propositions.  Enfin, le Gabon a réaffirmé que la solution des deux États est la seule viable pour un règlement durable du conflit israélo-palestinien.

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