En cours au Siège de l'ONU

9440e séance – matin
CS/15447

Grands Lacs: les membres du Conseil de sécurité en appellent à la diplomatie et au dialogue devant le risque de confrontation entre la RDC et le Rwanda

Le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, des exposés sur la situation dans la région des Grands Lacs, présentée comme « tendue et imprévisible », avec un risque réel de confrontation directe entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda.  Il ressort notamment du rapport du Secrétaire général dont était saisi le Conseil que les deux pays continuent de s’accuser mutuellement de soutenir des groupes armés: les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) d’un côté, le M23 de l’autre.  Les membres du Conseil ont appelé au dialogue et à la poursuite des efforts de médiation.

Les relations entre les deux pays « sont restées tendues, caractérisées par la poursuite des diatribes et des accusations concernant les activités persistantes du M23 et des FDLR et les attaques présumées planifiées sur le territoire de l’autre pays », précise le rapport.  Le 27 juillet, un soldat congolais a même échangé des tirs avec un soldat de la Force de défense rwandaise (FDR) à Rutagara, près de Goma, en RDC. 

Entre le 16 mars et le 10 septembre, toujours selon le rapport, le M23 aurait mené 97 attaques contre des civils, causant la mort de 124 personnes, dont 15 femmes et 11 enfants.  Le M23 aurait également tenté d’étendre sa zone d’opérations à la province du Sud-Kivu.  Les FDLR, restées actives dans l’est de la RDC, seraient, elles, responsables de 17 attaques contre des civils, qui ont fait 13 morts, dont 1 femme et 3 enfants.

Alors même que le Conseil se réunit, a lancé le représentant de la RDC, le Rwanda et ses « supplétifs terroristes du M23 » occupent toujours des positions sur le territoire de la RDC.  Or, la priorité du Gouvernement congolais reste la fin de l’agression rwandaise et le retrait de toutes les troupes du Rwanda, a prévenu le délégué.

« Ce sont l’échec et le refus de Kinshasa de réduire la menace posée par plus de 120 groupes armés sur son sol et son incapacité persistante à s’attaquer aux causes profondes du conflit qui ont permis à l’est de la RDC de rester un terrain fertile pour les groupes armés qui déstabilisent la région depuis trois décennies », a, à son tour, accusé le représentant rwandais.

Devant ces « signaux inquiétants » -le renforcement militaire des deux pays, l’absence d’un dialogue direct de haut niveau et la persistance de discours de haine de part et d’autre-, ce qu’il faut, c’est privilégier la diplomatie et le dialogue, dans le but de trouver une solution politique aux défis de la région, ont estimé l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région, M. Huang Xia, et le Secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), M. João Samuel Caholo.

Alors que, pour tenter de renforcer la confiance au niveau régional, le Secrétaire général a lancé des missions de bons offices auprès des dirigeants de la région et que les Présidents de l’Angola et du Burundi ont eux aussi pris des initiatives pour faciliter le dialogue entre la RDC et le Rwanda, les deux hommes ont estimé que la volonté politique et la bonne foi sont les facteurs qui feront la différence, conformément à l’esprit et à la lettre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Les solutions militaires à elles seules ne seront pas suffisantes, ont-ils averti.

L’implication de la société civile dans le dialogue a été réclamée par la Présidente de la Concertation des Collectifs des Associations Féminines de la région des Grands Lacs (COCAFEM/GL), qui a misé sur la participation de ces femmes venant du Burundi, de la RDC et du Rwanda dans les échanges de haut niveau.  Mme Joséphine Malimukono a ainsi appelé à la tenue d’une session spéciale sur la situation des Grands Lacs à laquelle « nous pourrons, en tant que femmes, présenter notre agenda pour la paix et la sécurité ». 

Les membres du Conseil de sécurité ont insisté sur le rôle central des initiatives de paix régionales en cours et sur la nécessaire cessation des activités de tous les groupes armés agissant dans la région pour l’exploitation illégale des ressources naturelles.  C’est une des sources du conflit, ont-ils reconnu, l’Équateur, la Suisse et le Japon soulignant que cette activité illégale compromet en outre les efforts de développement menés dans la région.  Les A3 (Gabon, Ghana et Mozambique) ont appelé à faire taire les armes et à avancer dans le processus de paix en cours, par une coordination entre les initiatives politiques et militaires en RDC. 

Kigali et Kinshasa doivent engager un dialogue et instaurer la confiance, ont aussi plaidé les Émirats arabes unis.  La France, rejointe par Malte, a recommandé d’inclure dans ce dialogue le respect des principes cardinaux de l’Accord-cadre, c’est-à-dire l’absence de soutien aux groupes armés; le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale des États voisins; et l’engagement à ne pas héberger ni fournir de protection aux personnes accusées de crimes et de violations du droit international.  Il faut mettre à contribution les processus de Luanda et de Nairobi pour encourager les groupes armés à renoncer à la violence par le biais du dialogue, a suggéré le représentant chinois.  Pour les États-Unis et la Suisse, les parties doivent d’abord honorer les engagements issus du communiqué de Luanda et faire notamment en sorte que le M23 opère un désengagement, après un cantonnement et un désarmement.

La Fédération de Russie, qui défendait également lesdits processus et l’engagement de l’Union africaine, a replacé le débat dans le contexte des plans de reconfiguration et de retrait progressif de la MONUSCO.  La délégation russe a souhaité que l’on tienne compte de l’évolution de la situation sur le terrain en agissant « étape par étape » et de façon responsable.  Le Royaume-Uni a encouragé le Gouvernement de la RDC à s’engager de manière constructive pour garantir ce retrait responsable, alertant qu’un départ précipité de la Mission créerait un vide sécuritaire.

LA SITUATION DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS (S/2023/730)

Déclarations

M. HUANG XIA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, a rappelé que lors de sa dernière intervention devant ce Conseil, il avait exprimé ses inquiétudes quant à la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et la montée, toute aussi préoccupante, de tensions dans la région des Grands Lacs.  Six mois après, hélas, a-t-il dit, la situation, tant sur le plan sécuritaire qu’humanitaire, ne s’est pas améliorée.  Au contraire: dans l’est de la RDC, les hostilités ont repris à grande échelle dans le Masisi et le Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu. Et le risque de confrontation directe entre la RDC et le Rwanda, qui continuent de s’accuser mutuellement de soutenir des groupes armés ennemis –le M23 d’un côté, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) de l’autre– demeure bien réel.  Le renforcement militaire des deux pays, l’absence d’un dialogue direct de haut niveau entre eux et la persistance de discours de haine de part et d’autre sont autant de signaux inquiétants qui ne peuvent être ignorés.  À cela, s’ajoute l’expansion inquiétante des Forces démocratiques alliées (ADF), qui menacent l’intégrité régionale, avec ses ramifications terroristes.

Pareillement, la situation humanitaire est restée préoccupante au cours de la période écoulée, avec un nombre croissant de personnes déplacées et de réfugiés, dont une majorité de filles, de garçons et de femmes.  Leur souffrance doit cesser, a lancé l’Envoyé spécial, réitérant son appel à l’ensemble à la communauté internationale pour le renforcement de l’assistance humanitaire et pour que des mesures urgentes soient prises afin de faciliter le retour de ces personnes déplacées dans leurs foyers. 

M. Huang a ensuite expliqué que, depuis plusieurs mois maintenant, poursuivant ses bons offices, il s’est rendu en Angola, au Burundi, en RDC, au Rwanda et en Ouganda, où il a plaidé en faveur de la paix et tenté de renforcer la confiance au niveau régional.  Le haut fonctionnaire a estimé que les efforts de revitalisation de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba offrent une opportunité de mobiliser l’ensemble des parties prenantes, et d’œuvrer davantage à la réalisation des objectifs de cet accord, qui reste central pour la paix et la sécurité de la région des Grands Lacs.  Dans cette optique, l’Envoyé spécial a assuré qu’il poursuivrait son plaidoyer en faveur de mesures non militaires, notamment grâce à la cellule opérationnelle du Groupe de contact et de coordination, complémentaires des processus de paix en cours, en vue du rapatriement des groupes armés étrangers dans leurs pays d’origine. 

En conclusion, M. Huang a réaffirmé l’importance de privilégier la diplomatie et de poursuivre le dialogue en vue de trouver une solution politique aux défis du moment dans la région des Grands Lacs, les solutions militaires à elles seules n’étant pas suffisantes pour construire une paix forte et durable.  La volonté politique, la bonne foi et un véritable désir de mettre fin aux souffrances des populations sont les facteurs qui, en fin de compte, feront la différence, conformément à l’esprit et à la lettre de l’Accord-cadre, a-t-il estimé. 

M. JOÃO SAMUEL CAHOLO, Secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), qui intervenait par visioconférence, a annoncé s’en tenir aux faits dans l’est de la RDC, où la situation est encore tendue et imprévisible, en raison des affrontements que se livrent le M23 et des groupes locaux se faisant appeler Wazalendo.  La situation sécuritaire est aussi marquée par des assassinats de civils par le M23 dans les zones sous son contrôle, dont ceux du 15 juillet 2023, commis à Buguna.  Et d’autres meurtres ont été perpétrés plus récemment le 9 octobre à Buchenge, dans le territoire de Rutshuru.  Les mécanismes de suivi n’ont pu avoir accès à la zone concernée à cause d’un barrage dressé par le M23, a-t-il précisé.  M. Caholo a déploré le refus de ce mouvement de retirer ses troupes, de même que sa réinstallation dans certaines zones pourtant restituées aux forces armées congolaises, provoquant un déplacement de populations et aggravant la crise humanitaire.  Les axes de communication déjà rouverts sont dorénavant menacés de fermeture à cause de cette violation, a mis en garde le Secrétaire exécutif. Il a ensuite attiré l’attention sur le conflit actuel au Soudan, qui pourrait avoir des conséquences sur la région, appelant les membres du Conseil à se pencher sur les activités d’Ansar al-Sunna dans le nord du Mozambique. 

Le Secrétaire exécutif s’est cependant félicité de deux initiatives lancées par les organisations régionales.  Au Rwanda par le Président de l’Angola, M. João Manuel Gonçalves Lourenço, et la médiation entre la RDC et ce pays.  L’autre initiative est celle du Président du Burundi, M. Évariste Ndayishimiye, ainsi que par le facilitateur du processus de Nairobi dirigé par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’ancien Président du Kenya, M. Uhuru Kenyatta.  M. Caholo a exhorté à soutenir les initiatives de ces organisations sous-régionales, de concert avec l’Union africaine et l’ONU.  Il a prié la communauté internationale à soutenir la CIRGL, car il a été démontré qu’un partenariat stratégique entre les organisations internationales, régionales et sous-régionales pouvait véritablement faire la différence. 

Mme JOSÉPHINE MALIMUKONO, Présidente de la Concertation des Collectifs des Associations Féminines de la région des Grands Lacs (COCAFEM/GL), s’est, d’entrée, alarmée de la forte militarisation et des conflits récurrents dans cette région qui menacent sa stabilité et entraînent des conséquences graves pour les populations civiles.  Les impacts des crises à répétition sur les femmes et les filles sont multiples, a déploré la représentante de la COCAFEM/GL, un réseau regroupant 11 collectifs de femmes en provenance du Burundi, de la RDC et du Rwanda, et dont l’alliance s’étend à d’autres pays de la région.  Elle s’est inquiétée en particulier de l’impact des déplacements des populations sur le parcours éducatif des enfants, tant pour les cycles primaires que secondaires, les filles étant deux fois plus susceptibles que les garçons d’être exclues de l’école dans les zones de conflit.  De ce fait, un grand nombre d’enfants se trouvent actuellement dans des situations difficiles, a mis en garde l’intervenante.  Fin août 2023, les équipes du réseau à Goma (Nord-Kivu) ont recensé environ 27 441 enfants déplacés, dont 15 158 filles et 12 283 garçons; 250 enfants atteints de handicap, dont 148 filles et 102 garçons; 210 enfants chefs de ménages, dont 150 filles et 60 garçons; et 71 mères adolescentes.

Dès lors, a estimé Mme Malimukono, le rôle des organisations de la société civile devient crucial et devrait être fortement renforcé pour jeter des passerelles entre communautés et gouvernements, et sensibiliser les communautés à la culture de la paix, à la tolérance et à la non-violence.  Il s’agit également, pour elle, de mobiliser les citoyens en tant que détenteurs de droits.  À cet égard, les membres de la COCAFEM/GL ont émis le souhait d’être davantage impliqués dans les cadres de concertation et d’échanges de haut niveau visant à asseoir la paix et la sécurité durables dans la région.  Pour ce faire, elle a appelé à la tenue d’une session spéciale sur la situation des Grands Lacs à laquelle « nous pourrons, en tant que femmes, présenter notre agenda pour la paix et la sécurité ».  Parmi les principaux éléments de cet ordre du jour, elle a préconisé le renforcement des groupes marginalisés à travers des projets transfrontaliers pour mieux contribuer au dialogue et au processus de pacification, de résolution des conflits et de consolidation de la paix. 

L’appui aux initiatives locales et/ou communautaires de consolidation de la paix sexospécifiques, conformément au programme pour les femmes et la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs, ainsi que le renforcement des dispositifs de lutte contre toutes les formes de violences sexuelles et l’impunité, font également parties de cet ordre du jour, a précisé Mme Malimukono.

M. ALEXANDRE OLMEDO (France), notant que le cessez-le-feu en vigueur depuis le mois de mars entre le M23 et les FARDC est fragile, a appelé tous les acteurs à préserver cet acquis important pour la sécurité dans la région.  Il a également appelé les parties à respecter les principes cardinaux de l’Accord-cadre: ne pas soutenir les groupes armés; respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des États voisins; et ne pas héberger ni fournir de protection aux personnes accusées de crimes et de violations du droit international.  Il a souligné que les processus de Luanda et de Nairobi restent pertinents pour tracer la voie d’une solution durable à cette crise et a encouragé les efforts de coordination engagés sous les auspices de l’Union africaine, dans le cadre du format quadripartite.  Ils incarnent l’esprit des solutions africaines aux problèmes africains que la France soutient pleinement, a-t-il dit.

Sur un autre point, le représentant a lancé un appel à la mobilisation de la communauté internationale pour répondre aux besoins humanitaires qui continue de se dégrader dans la région, avec plus de 4,7 millions de réfugiés et de demandeurs d’asile, et plus de 11,6 millions de déplacés.  Il a en outre condamné les pillages et les trafics des ressources naturelles dans la région, qui alimentent les activités des groupes armés.  Les États des Grands Lacs et leurs partenaires doivent s’unir pour développer des chaînes de valeur responsables et durables.  Et il est urgent que les mécanismes de certification régionaux soient appliqués par toutes les parties, a indiqué le délégué.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a constaté d’emblée que la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo aggrave considérablement la situation dans la région et entraîne une nouvelle détérioration de la situation humanitaire. Elle a plus particulièrement pointé les actions du M23, ainsi que les tensions entre Kinshasa et Kigali. D’autres groupes armés illégaux profitent de l’aggravation de la situation pour intensifier leurs activités illégales, attaquer les civils, exploiter les ressources naturelles et renforcer leurs positions dans l’est du pays, s’est-elle inquiétée, citant notamment la CODECO, le groupe Zaïre, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les unités maï-maï.  D’autre part, a-t-elle indiqué, le groupe islamiste Forces démocratiques unies a sensiblement intensifié ses activités, et ses militants ont de plus en plus recours à des méthodes terroristes et à l’utilisation d’engins explosifs improvisés. La déléguée russe a, en conséquence, appelé les groupes armés illégaux à renoncer aux méthodes violentes, à déposer les armes et à participer au programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) sans conditions préalables.

Alors que Kinshasa et l’ONU continuent d’envisager des plans de reconfiguration et de retrait progressif de la MONUSCO du pays, elle a toutefois incité à tenir compte de l’évolution de la situation sur le terrain et à agir « étape par étape » et de façon responsable.  Elle a également exprimé son attachement sans faille à l’efficacité des efforts régionaux dans le cadre des processus de Nairobi et de Luanda.  La représentante a enfin jugé fondamental d’intensifier les efforts de mise en œuvre de l’Accord-cadre dans l’est de la RDC et dans la région des Grands Lacs, se félicitant par ailleurs de l’engagement de l’Union africaine à revitaliser ce document. 

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Unis’est dit profondément préoccupé par l’intensification de la violence et la détérioration de la situation humanitaire dans la région des Grands Lacs, ainsi que par la récente escalade des combats entre groupes armés au Nord-Kivu. Le déplacement de grande ampleur de personnes et les niveaux élevés de violence sexuelle, notamment dans les camps de personnes déplacées, sont également un motif de vive préoccupation, a-t-il ajouté.

Il a fait part de son plein soutien au travail mené par la MONUSCO, notamment en matière de protection des civils, alertant qu’un départ précipité de la Mission créerait un vide sécuritaire important dans l’est du pays et mettrait en danger des centaines de milliers de civils.  Dans le même temps, il a dit prendre acte de la demande du Gouvernement de la RDC d’avancer le retrait de la MONUSCO et l’a encouragé à s’engager de manière constructive pour garantir un retrait responsable et fondé sur des conditions.

Le délégué a ensuite salué la réduction des incidents de violence transfrontalière entre la RDC et le Rwanda, mais s’est inquiété de l’augmentation de la rhétorique conflictuelle entre les deux pays.  Il a exhorté Kigali et Kinshasa à engager le dialogue et à instaurer la confiance, tout en avertissant du risque d’erreurs de calcul et du coût effroyable d’une nouvelle escalade.

Mme MITSUKO SHINO (Japon) a salué l’adoption, le 6 mai, du communiqué de la onzième réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région. « Comme l’ont demandé les dirigeants de la région, une évaluation indépendante, franche et sincère de la mise en œuvre de l’Accord-Cadre est essentielle pour améliorer nos efforts collectifs et nos actions de suivi », a préconisé la déléguée. Pour elle, les processus de Nairobi et Luanda jouent aussi un rôle central dans les initiatives de paix régionales en cours et tous les groupes armés doivent observer une cessation immédiate des hostilités et adhérer pleinement à ces processus.  La complexité des défis, dont celui de l’exploitation illégale des ressources naturelles, auxquels la région est confrontée oblige à adopter une approche globale et transfrontalière basée sur le lien entre action humanitaire, développement et paix, a observé la représentante.  Pour sa délégation, toutes les parties prenantes doivent s’engager dans une gestion plus transparente, un contrôle renforcé aux frontières et une coopération judiciaire pour la promotion du commerce et du développement légitimes.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est félicité des progrès considérables accomplis pour renforcer l’appropriation régionale tendant à des solutions au conflit, avant d’encourager le renforcement de la coordination entre les initiatives de paix régionales existantes et à venir.  Aussi faut-il, a-t-il dit, que toutes les parties s’engagent dans un dialogue sincère et de bonne foi, qu’il y ait une désescalade des tensions et que les parties s’abstiennent de proférer des discours publics incendiaires, en particulier pendant le processus électoral. 

Saluant la récente déclaration présidentielle sur la RDC, le représentant a commenté l’engagement du Conseil en faveur d’un retrait « responsable » de la MONUSCO.  Il a également souligné que les principes et engagements figurant dans l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération restent pertinents, et s’est félicité de la décision prise lors de la onzième réunion du Mécanisme régional de suivi de le redynamiser.  Une évaluation indépendante, franche et sincère de la mise en œuvre de l’Accord-cadre et des recommandations qui en découlent améliorera, sans aucun doute, son efficacité, a-t-il affirmé. 

M. DAI BING (Chine) s’est félicité des efforts déployés par les pays de la région pour renforcer la coordination et promouvoir un développement commun et une sécurité collective.  Cependant, au regard des nombreux défis humanitaires et sécuritaires, la situation dans la région des Grands Lacs affecte la totalité de la sécurité de l’Afrique, a constaté le représentant.  À cet égard, il a exhorté à redoubler d’efforts pour maintenir la sécurité collective de la région, pointant la situation alarmante dans l’est de la RDC. Il a salué le rôle des pays africains et de l’Union africaine qui a mobilisé toutes les organisations régionales pour soutenir la sécurité et la coopération entre la RDC et les pays de la région.  Il a également exhorté à mettre à contribution les processus de Nairobi et de Luanda pour encourager les groupes armés à renoncer à la violence par le biais du dialogue.

Poursuivant, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à apporter l’assistance nécessaire aux bons offices de l’Envoyé spécial.  À l’heure actuelle, la MONUSCO et son avenir font l’objet de l’attention de toutes les parties, a-t-il relevé, rappelant la déclaration présidentielle adoptée, hier, par le Conseil de sécurité.  Enfin, s’agissant de la gestion de la transition, le délégué a recommandé de réfléchir aux moyens d’améliorer l’action des missions et des institutions spécialisées pour qu’elles répondent aux besoins des pays de la région et contribuent à renforcer la coopération entre l’ONU et la région.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) s’est inquiété des discours incendiaires que s’adressent la RDC et le Rwanda quant aux activités persistantes des groupes armées et des soutiens qui leur sont apportés.  Pour cette raison, il a dit se réjouir des initiatives régionales visant à régler cette situation de conflit.  Il a misé sur leur harmonisation et leur renforcement mutuel. Après avoir déploré l’aggravation de la situation humanitaire, le représentant a également fait le lien entre l’activité des groupes armés et l’exploitation illégale des minerais.  Il a alors espéré que dans le cadre de la coopération régionale, les parties mettront en œuvre les mesures idoines pour la gestion transparente et équitable des ressources naturelles, afin d’entraver les activités des groupes armés.

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a appuyé les initiatives diplomatiques et politiques régionales en tant que principal instrument pour résoudre les conflits, avant de lancer un appel pressant à la désescalade des violences et des appels à la haine qui peuvent empêcher ce dialogue.  Réaffirmant son appui aux processus de Nairobi et de Luanda, elle a salué l’adoption du Cadre commun lors du récent Sommet quadripartite et invité tous les acteurs à œuvrer pour l’harmonisation et la coordination des mécanismes régionaux. Dans ce contexte, il est impératif que tous les engagements pris soient mis en œuvre et que les femmes puissent participer de manière significative et efficace, a-t-elle demandé.  Elle a estimé d’autre part que l’exploitation et le commerce illicites des ressources naturelles par les groupes armés, notamment dans l’est de la RDC, compromettent la paix et le développement dans la région.

La Suisse a soutenu les autorités congolaises dans l’avancement du programme national de désarmement, de démobilisation, de réintégration communautaire et de stabilisation, notant également l’adoption par le Sénat congolais de la loi établissant une force militaire de réserve. Elle a cependant encouragé les autorités à s’assurer que cela ne conduise pas à l’intégration de membres de groupes armés au sein des FARDC, ce qui irait à l’encontre de l’esprit des principes établis dans la Stratégie nationale pour la mise en œuvre du P-DDRCS. Elle a aussi appelé toutes les parties à respecter les obligations qui leur incombent en vertu des droits humains et du droit international humanitaire.

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), profondément préoccupé par la situation sécuritaire dans la région, a réitéré sa condamnation de tous les actes de violence, violations des droits humains et abus perpétrés principalement contre des civils par des groupes armés et terroristes, notamment le M23, les ADF, les FDLR et le CODECO, entre autres.  Tout en appelant les groupes armés congolais et étrangers à déposer les armes immédiatement et sans condition et à adhérer au processus de désarmement, le représentant a exigé, en particulier, la fin de toute nouvelle avancée du M23, appelant à son retrait inconditionnel et immédiat de tous les territoires occupés ainsi qu’à son cantonnement, comme convenu par le Processus de Luanda.  Le délégué a dit attendre avec impatience la convocation de la prochaine phase du dialogue intercongolais (Conférence de Nairobi IV), qui sera une opportunité pour les groupes armés de s’engager à nouveau à faire taire les armes en RDC et d’adhérer au processus de paix en cours.  La délégation a réitéré le besoin crucial de coordination et de complémentarité entre les initiatives politiques et militaires en RDC, comme souligné, entre autres, dans la Déclaration présidentielle récemment adoptée sur la situation en République démocratique du Congo (RDC) et le communiqué de la onzième réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi.  S’agissant du volet politique, le délégué a salué le dynamisme des dirigeants régionaux, qui continuent d’œuvrer sans relâche à la pleine mise en œuvre des accords de paix existants par toutes les parties.

Mme NASRA ARIF NASSER SALEH ALRAHMA (Émirats arabes unis) s’est dite consciente du rôle fondamental des États de la région des Grands Lacs pour stabiliser la paix et la sécurité dans le continent.  Elle a appelé à relancer les engagements pris au service d’un règlement politique de la crise régionale, ajoutant que le succès des efforts régionaux démontrera que les partenariats sont en mesure de trouver des solutions pérennes.  Elle a également insisté sur l’importance des mesures préventives et du rétablissement de la confiance.

Poursuivant, la représentante a condamné les actions hostiles menées par le M23 et autres groupes armés, en les exhortant à rendre les armes sans condition préalable. Les parties doivent cesser toute forme de violence à l’endroit des civils, a-t-elle souligné.  Elle s’est inquiétée de la détérioration de la situation humanitaire et des effets néfastes des changements climatiques, et a encouragé à lutter contre l’insécurité alimentaire, notant que plus de 25 millions de personnes en RDC souffrent d’une insécurité alimentaire grave.  Elle a ensuite encouragé une approche stratégique coordonnée des institutions onusiennes dans la perspective du retrait de la MONUSCO.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a salué les efforts déployés par l’Envoyé spécial pour générer un soutien international en faveur des processus de Nairobi et de Luanda dirigés et pilotés par la CAE, en dépit d’une situation sécuritaire qui demeure déplorable et continue de se détériorer alors que les tensions entre le Rwanda et la RDC grandissent.  La représentante a rappelé l’appel lancé aux parties, il y a six mois, lors de la dernière réunion sur les Grands Lacs, pour qu’elles honorent les engagements issus du communiqué de Luanda, citant notamment le M23 pour qu’il opère un désengagement, après un cantonnement et un désarmement.  Elle a reconnu que les acteurs et pays de la région avaient fait de leur mieux pour soutenir le processus, mais que, pour l’instant l’accès n’était pas possible.  Cela empêche le travail important de la MONUSCO, a-t-elle regretté.

Réitérant son appel au Rwanda, la déléguée l’a pressé à cesser immédiatement son soutien au M23, qui est sous sanctions du Conseil de sécurité, à se désengager du territoire de RDC et à couper tous les liens avec les FDLR également sanctionnés par l’organe onusien.  Enfin, elle a appelé les troupes régionales déployées dans l’est de la RDC à coordonner leurs efforts et ceux de la MONUSCO.  Les acteurs doivent éviter toute violation ou atteinte aux droits de la personne et toute activité illicite, telle que l’extraction illicite de minerais, a-t-elle prévenu.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a jugé nécessaire d’arrêter l’avancement des groupes armés qui opèrent aux frontières et à l’est de la RDC, notamment le M23. Il a dit encourager les efforts régionaux et sous-régionaux pour créer des mesures de confiance, celles-ci étant la clef pour sortir de la stagnation.  Le représentant a aussi qualifié de positifs les processus de Luanda et de Nairobi, en particulier pour harmoniser et coordonner les initiatives de paix existantes dans le but de faire face à la situation en RDC.

De plus, des initiatives telles que le Sommet quadripartite de la Communauté d’Afrique de l’Est ou la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs doivent être renforcées et continuer, a recommandé le représentant. De la même manière, il a conseillé d’aborder les causes profondes des conflits.  L’exploitation illégale des ressources naturelles est l’une d’entre elles, a-t-il dit, appelant à renforcer les capacités des pays de la région pour lutter contre ce fléau.  Concluant, le représentant a déclaré que la stratégie des Nations Unies pour les Grands Lacs mérite une mention particulière, ainsi qu’un renforcement du financement pour sa mise en œuvre.

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a noté que le cessez-le-feu entre les forces armées congolaises et le M23 tient toujours, mais que les affrontements entre groupes armés font payer un lourd tribut à la population.  Il a donc réitéré l’appel lancé à ces groupes pour qu’ils déposent les armes, ainsi qu’à la cessation de tout soutien extérieur. Le représentant a aussi souhaité que la coordination des efforts régionaux permette de progresser dans le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, dont la réussite est essentielle pour ouvrir la voie à la réconciliation.  Il a déclaré par ailleurs que le Brésil suivait avec attention le déploiement des forces régionales, espérant à cet égard qu’elles poursuivront leur engagement aux côtés de la MONUSCO.  Il a en outre pris note de la coopération militaire bilatérale en cours entre la RDC et ses voisins en vue de freiner les attaques des groupes armés et de contribuer à stabiliser l’est du pays.

Après s’être félicité que la stratégie des Nations Unies pour la région des Grands Lacs soit centrée sur ses communautés et ses peuples, le délégué a déclaré que leurs aspirations à la paix, à la stabilité et au développement durable devraient guider les efforts diplomatiques dans la région.  De la même façon, il a plaidé en faveur de l’amélioration de leurs moyens de subsistance, en particulier en réduisant le fardeau des plus vulnérables.  Il a également exhorté à poursuivre la mise en œuvre du programme sur les femmes et la paix et la sécurité dans les pays concernés, les femmes de la région des Grands Lacs étant « des championnes de la paix », qu’il faut inclure dans toutes les initiatives de paix.

M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda) a souligné les lacunes importantes qui persistent dans la mise en œuvre de l’Accord-cadre, 10 ans après son adoption, assurant que son pays y adhère et soutient pleinement les efforts déployés au niveau régional, en particulier les processus de Luanda et de Nairobi, dont les résultats fournissent des mesures concrètes pour mettre fin au conflit en RDC. Il a regretté le manque de volonté politique de Kinshasa, comme en témoigne « son échec, ou plutôt son refus » de réduire la menace posée par les groupes armés étrangers, entre autres.  Les accords conclus à Luanda et à Nairobi n’ont pas été mis en œuvre « ni dans l’esprit, ni dans la lettre », soulignant une « absence persistante et significative de volonté politique» de respecter les engagements signés. De plus, l’incapacité persistante à s’attaquer aux causes profondes a permis à l’est de la RDC de rester un terrain fertile pour les groupes armés, déstabilisant la région depuis trois décennies, a-t-il accusé.  Le délégué a dénoncé les plus de 120 groupes armés, dont les FDLR et ses groupes dissidents intégrés à l’armée nationale congolaise, qui occupent actuellement l’est de la RDC.  Et les groupes armés locaux connus sous le nom de « Wazalendo » reçoivent un soutien opérationnel et logistique complet, en contradiction avec l’esprit de l’Accord-cadre et des feuilles de route régionales pour la paix et la sécurité.  En outre, le recrutement de milliers de mercenaires au sein de l’armée nationale, qui contrevient aux conventions internationales, combiné au refus de mettre en œuvre les accords signés, démontre, à ses yeux, le manque d’intérêt de Kinshasa pour la paix et sa préférence pour une solution militaire.  Le représentant s’est dit alarmé par la montée des discours de haine et de la xénophobie, et notamment les appels à l’expulsion des communautés tutsies congolaises.  Il a donc jugé regrettable qu’il n’y ait aucune condamnation de tels actes d’atrocités par le Conseil de sécurité, y compris dans la Déclaration présidentielle adoptée hier.

M. ZENON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a attiré l’attention sur le fait qu’au moment où le Conseil se réunit, la Force de défense rwandaise et ses « supplétifs terroristes du M23 » occupent toujours des positions sur le territoire de la RDC.  Il a déploré l’absence de mise en œuvre de l’Accord-cadre par certaines des parties signataires ce qui, selon le représentant, soulève la question de la nécessité de le revisiter.  À cet égard, a-t-il annoncé, le Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre organisera, du 24 au 25 octobre 2023 à Kinshasa, des consultations dont les conclusions serviront de feuille de route à une participation efficiente de la RDC à la retraite des pays signataires, prévue à Durban du 31 octobre au 1er novembre 2023. 

Dans la perspective des élections en RDC, la priorité demeure la restauration de la paix dans la partie orientale du pays, a poursuivi le représentant.  Cela suppose la fin de l’agression rwandaise, le retrait vérifié de toutes les troupes du Rwanda, y compris des éléments de son armée dissimulés parmi les M23, le cantonnement de ce groupe armé, le retour des populations déplacées dans leurs foyers pour y exercer leurs droits civiques le 20 décembre 2023, le retour des enfants à l’école et la jouissance de leur droit à l’éducation, dont ils sont privés depuis l’agression du M23. 

Le délégué a demandé au Conseil de sécurité de soutenir davantage les Processus de Nairobi et de Luanda en exerçant une pression maximale sur le Rwanda et son « proxy du M23 » pour qu’ils se conforment aux recommandations de ces plans de paix.  Cela signifie pour le M23 de déposer les armes, d’accepter le cantonnement, de se démobiliser, a-t-il souligné, qui a rejeté la mention des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) aux paragraphes 4 et 8 du rapport du Secrétaire général.  À ses yeux, il ne s’agit que d’un « refrain ressassé à longueur de journée » par le Rwanda qui, même s’il était avéré, ne peut en aucun cas servir de prétexte à l’agression d’un pays souverain au regard du droit international et des engagements pris par les États de la région.  Les membres du FDLR n’étant pas des citoyens congolais, il a demandé à nouveau au Conseil de diligenter « un plan d’éradication des FDLR auquel la RDC sera heureuse de participer ».

Concernant l’exploitation illégale « frauduleuse » des ressources naturelles de la RDC par le Rwanda, le représentant a demandé au Conseil d’appliquer des « sanctions sévères » contre les acteurs et entités opérant sur toute la chaîne partant de la production jusqu’aux zones de destination.  Il a encouragé à suivre un processus similaire à celui de Kimberley pour gérer l’or dans les zones de conflit.  Il a ajouté par ailleurs que les Wazalendo ne sont que de jeunes patriotes congolais et non un groupe armé.

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