Soixante-dix-huitième session, Dixième session extraordinaire d’urgence (reprise)
45e séance plénière – après-midi
AG/12572

L’Assemblée générale exige un cessez-le-feu humanitaire immédiat dans la bande de Gaza ainsi que la libération inconditionnelle des otages

Gravement préoccupée par la situation humanitaire « catastrophique » qui règne dans la bande de Gaza et par les souffrances endurées par la population civile palestinienne, l’Assemblée générale a adopté, cet après-midi, lors d’une session extraordinaire d’urgence, une résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat, la libération inconditionnelle des otages ainsi que l’assurance d’un accès humanitaire. 

« De toute évidence, nous assistons en temps réel à l’effondrement sans précédent d’un système humanitaire déjà en ruine », a déploré le Président de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis, à l’ouverture de la séance, « et à un profond manque de respect à la fois du droit international et du droit international humanitaire ».  Si la trêve humanitaire temporaire a permis la libération des otages et des détenus ainsi que l’acheminement d’une « certaine aide », depuis le 1er décembre, nous assistons, selon le Président, à une reprise des violences avec une « sorte de férocité ». 

C'est dans ce contexte que l’Assemblée générale a adopté, par 153 voix en faveur, 10 contre (Autriche, États-Unis, Guatemala, Israël, Libéria, Micronésie, Nauru, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Tchéquie) et 23 abstentions, la résolution intitulée « Protection des civils et respect des obligations juridiques et humanitaires », qui exige également que les parties s’acquittent de leurs obligations au titre du droit international, y compris le droit international humanitaire, notamment pour ce qui est de la protection des civils.  En présentant la résolution, l’Égypte a fait valoir, au nom du Groupe des États arabes, que la mise en œuvre de ce texte restait un « devoir non accompli » de la communauté internationale depuis plus de deux mois, tout en mettant en garde contre le risque de « génocide » et d’embrasement de la région. 

L’Égypte et la Mauritanie, agissant au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), avaient demandé la reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale à la suite du veto opposé par les États-Unis au Conseil de sécurité, le 8 décembre dernier, à un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat.  Il s’agissait du deuxième veto opposé par Washington sur cette question, après celui du 18 octobre dernier. 

L’Assemblée générale a en outre rejeté, par 89 voix pour, 61 contre et 20 abstentions, soit en deçà de la majorité des deux tiers requise, un projet d’amendement présenté par l’Autriche et visant à modifier le paragraphe 3 de la résolution en y insérant, après « otages », les mots « détenus par le Hamas et d’autres groupes ».  La délégation autrichienne a expliqué que ce texte « court et constructif », basé sur la résolution 2712 (2023) du Conseil, visait à remédier aux insuffisances de la résolution en ce qui concerne le droit d’Israël à assurer la sécurité de ses citoyens et en désignant le groupe terroriste responsable de la prise d’otages.  « Les enfants, les femmes et les hommes innocents retenus captifs à Gaza n’ont pas simplement disparu ou se sont égarés.  Ils ont été enlevés par le Hamas. »

Tout en se déclarant favorables à de nombreux aspects de la résolution, les États-Unis ont présenté à leur tour un projet d’amendement visant à insérer, en tête du dispositif, un paragraphe par lequel l’Assemblée aurait rejeté et condamné « sans équivoque les attentats terroristes odieux perpétrés par le Hamas en Israël depuis le 7 octobre 2023 et la prise d’otages », un « minimum absolu » pour la délégation américaine, qui a été défait par 84 voix en faveur, 62 contre et 25 abstentions.  

Le Pakistan a regretté que l’Autriche et les États-Unis aient présenté des amendements pour, « une fois encore », ne condamner qu’une seule partie, se disant convaincu que les États Membres refuseraient de condamner exclusivement le Hamas sans accuser Israël, ce qui serait à la fois « injuste et inéquitable ».  « Est-ce de la légitime défense lorsque vous pouvez tuer 18 000 civils en toute impunité? » 

Non seulement cette résolution « hypocrite » ne condamne pas le Hamas, mais elle ne le mentionne même pas, a rétorqué Israël.  « Ce n’est pas Israël qui a violé le cessez-le-feu qui était en vigueur le 6 octobre, mais 3 000 nazis du Hamas », a fustigé la délégation.  Elle a accusé le Hamas d’avoir fait voler en éclats la pause humanitaire en refusant de libérer des otages, en violant des femmes et en faisant pleuvoir des missiles sur son territoire.  « Ceux qui appuient cette résolution ne font que signer un chèque en blanc à cette organisation terroriste, a encore averti Israël, en ajoutant que « l’exploitation » des Palestiniens a fait de l’ONU une « tache sur la conscience de l’humanité ».  Le représentant israélien a alors brandi une affiche indiquant le numéro de téléphone du bureau du Hamas à Gaza. 

Pourtant, a constaté l’Arabie saoudite, chaque jour qui passe la situation humanitaire continue de se détériorer, tandis que la communauté internationale se montre incapable d’endiguer une catastrophe qui est le résultat d’une escalade incessante.  Appuyé par Chypre, le Liechtenstein a indiqué pour sa part avoir soutenu la résolution en se fondant sur les progrès accomplis lors du court répit accordé aux populations civiles pendant la pause humanitaire, tant en ce qui concerne la libération des otages que l'acheminement des secours humanitaires. 

Comme la Bulgarie et les Pays-Bas, l’Allemagne a jugé « inacceptable » un texte qui ne condamne ni les actes terroristes ni les violations du droit international dont le Hamas s'est rendu coupable le 7 octobre, y compris les actes de violence sexuelle atroces commis contre les femmes et les filles israéliennes.  

Dans ce contexte, les États–Unis ont fait valoir qu’un cessez-le-feu serait dangereux à la fois pour les Israéliens, qui seraient pris pour cible par des attaques incessantes, mais aussi pour les Palestiniens, qui méritent la chance de construire un avenir meilleur sans le Hamas.  Néanmoins, « la manière dont Israël se défend importe », a reconnu la représentante américaine.  Tel Aviv doit donc éviter tout déplacement de masse de civils dans le sud de Gaza, veiller à l’acheminement de l’aide humanitaire et permettre aux civils de regagner leur foyer dès que la situation le permettra.  « Le Hamas ne peut avoir de rôle à l'avenir dans la gouvernance de Gaza », a insisté le Canada. 

Pour sa part, la Suisse a soutenu cette résolution et demandé sa mise en œuvre, en considérant un cessez-le-feu humanitaire comme une pause humanitaire limitée dans le temps, sans préjudice du droit d’Israël d’assurer sa sécurité. Afin d’éviter une escalade régionale du conflit, elle a appelé les parties à respecter leurs obligations, dont celle d’assurer un accès humanitaire à travers tous les points de passage. 

Une fois de plus, le Conseil de sécurité a échoué à s’acquitter de son mandat, a déploré l’Afrique du Sud, même après que le Secrétaire général a pris l’initiative d’invoquer, le 6 décembre, l’Article 99 de la Charte des Nations Unies pour attirer son attention sur les menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales.  Ayant vécu l’apartheid, elle a souligné l’importance d’agir conformément au droit international, lequel doit être appliqué de façon uniforme et non sélective.  

« Ce dont nous sommes témoins à Gaza constitue une violation manifeste du droit international humanitaire et des droits de l'homme », a renchéri la Slovénie, consternée par le risque d’effondrement de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).  L’UNRWA, qui représente une « lueur d’espoir » pour des milliers d'habitants de Gaza, a vu son personnel décimé par les combats et a lui-même besoin d’une aide humanitaire.

Pour sa part, la Fédération de Russie a espéré qu’après l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité sera en mesure de s’acquitter de ses responsabilités. « En opposant leur veto à un appel à un cessez-le-feu, les États-Unis ont donné un droit de tuer à Israël et sont pleinement responsables de toute nouvelle victime dans le cadre du conflit à Gaza », a-t-elle accusé.  

« Tant que cette violence persistera, une solution politique à ce conflit continuera d’être compromise », a prévenu le Président de l’Assemblée générale.  Plus cela prendra de temps, plus grand sera le risque qu’une solution négociée à deux États devienne hors de portée.

La reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale se poursuivra le vendredi 15 décembre, à 15 heures. 

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