Conseil de sécurité: appels en faveur de mandats plus clairs et inclusifs et pour des financements prévisibles pour les opérations de paix de l’ONU
Le Conseil de sécurité a été appelé, aujourd’hui, dans le cadre d’un débat public ouvert sur la consolidation et la pérennisation de la paix, axé sur « le renforcement efficace de la résilience dans les opérations de paix au service d’une paix durable », à doter les missions de paix des Nations Unies de mandats plus clairs, robustes et résilients. Il lui a aussi été demandé de garantir plus d’inclusivité, en particulier à coopérer avec les États hôtes et les organisations régionales, et à garantir la présence des femmes et des jeunes dans les missions et les processus de paix. Le Conseil a surtout été invité à leur octroyer des financements et des équipements à la hauteur de leurs besoins pour accomplir leurs mandats avec efficacité.
La réunion, convoquée à l’initiative du Ghana, qui préside le Conseil de sécurité ce mois-ci, a entendu une cinquantaine d’orateurs, dont des haut-fonctionnaires des Nations Unies, des ministres des affaires étrangères et autres représentants d’États Membres, souligner que les opérations de paix des Nations Unies opèrent dans un contexte de plus en plus « ardu », changeant à une « vitesse effarante » et imprévisible, avec des tensions géopolitiques en augmentation, une insécurité qui s’étend ainsi que des menaces traditionnelles et non traditionnelles. Les Casques bleus doivent affronter des groupes terroristes très déterminés, dans le même temps que les différends entre puissances mondiales continuent d’entraver les capacités de réponse collective.
De plus, la communauté internationale continue à sous-investir dans la paix, avec des ressources insuffisantes allouées aux opérations de paix, qui privent celles-ci de capacités d’action et d’adaptation, menaçant jusqu’à leurs mandats, ont notamment déploré le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, et la Ministre des affaires étrangères et de l’intégration régionale du Ghana, Mme Shirley Ayorkor Botchwey.
Alors que le Conseil ne peut ignorer cet élément-là et que la réponse sécuritaire à elle seule ne suffit pas, il doit maintenant « joindre l’acte à la parole », ont plaidé les participants à ce débat, non seulement en termes de financement programmatique robuste, prévisible et accru, mais aussi en termes d’approche. Il doit élaborer des mandats clairs et réalistes, tout en veillant à bien identifier les priorités et à donner une marge de manœuvre. Il doit aussi se montrer holistique, en abordant tous les aspects de la paix, qui vont de la prévention au règlement des conflits, en passant par le maintien de la paix, sa consolidation et par le développement. Comme garantie de paix durable, les intervenants ont recommandé que les opérations de paix qui accompagnent les transitions politiques recherchent une véritable appropriation nationale.
Le débat a été l’occasion de rappeler les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix, émises en 2015, qui demandaient au Secrétariat de l’ONU d’adopter « une analyse plus nuancée des facteurs complexes du conflit ». Il a été redit, aujourd’hui, combien il est important de s’attaquer à toutes les causes sous-jacentes des conflits, telles que le manque d’unité sociopolitique, l’exclusion des processus politiques, les inégalités, de faibles institutions, les risques liés au climat et l’insécurité alimentaire. Or, le Conseil a trop souvent écarté ses amis et alliés régionaux, nuisant gravement aux efforts de prévention des conflits, ont relevé certaines délégations, appuyées par la Présidente des Sages, groupe de décideurs indépendants fondé par Nelson Mandela, Mme Mary Robinson, et par le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Commission de l’Union africaine, M. Bankole Adeoye.
Le Conseil commence à reconnaître ces facteurs structurels non traités, s’est félicitée la Directrice exécutive du Security Council Report, Mme Karin Landgren, prenant exemple des discussions en cours et des mandats des opérations de paix présentes à Haïti, en Guinée-Bissau, au Mali, en Somalie, au Soudan du Sud et en Iraq. Cela dit, il peut aller plus loin, notamment en termes de coopération car, a-t-il été plaidé, sans compréhension commune des causes des conflits et sans définition des objectifs, il n’est pas possible de se mettre d’accord sur des mandats « précis et réalistes ». Il est également difficile d’obtenir la confiance des pays hôtes ou un appui aux efforts régionaux, et donc d’obtenir des résultats.
Par ailleurs, les outils et mécanismes existent pour changer la donne, en plus des retours d’expériences, ont dit des délégations. Par exemple, le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et l’initiative A4P+ reconnaissent le rôle important de la coopération entre l’ONU et les organisations régionales, ce qui a été prouvé par les bons résultats des exemples de coopération ONU-UA, notamment en Somalie, au Libéria et en Guinée Bissau. En matière d’expertise et de financements, la Commission de consolidation de la paix et le Fonds éponyme doivent être pleinement exploités en tant qu’atouts majeurs dans le processus de pérennisation de la paix.
La coopération avec le secteur privé, au niveau local notamment, a aussi été vantée comme facteur de stabilisation de la paix. Le projet de cohésion sociale des régions nord du golfe de Guinée, porté par la Banque mondiale et l’Association internationale de développement (IDA), est un bon exemple de ressources apportées en soutien aux efforts des Nations Unies. De même, le cadre « Wan Fambul » conçu en Sierra Leone a permis de promouvoir une approche de leadership communautaire, tandis qu’au Rwanda, après le génocide de 1994 contre les Tutsis, des solutions locales ont été intégrées dans le cadre de réformes, ce qui a contribué à résoudre certaines questions essentielles plus rapidement.
Le débat public d’aujourd’hui, a conclu le Canada, doit être une amorce de discussion à la fois constructive et critique, que les États Membres peuvent poursuivre dans le cadre de la prochaine session du Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34) ainsi que du processus de la Conférence ministérielle sur le maintien de la paix de 2023.
CONSOLIDATION ET PÉRENNISATION DE LA PAIX
Renforcement efficace de la résilience dans les opérations de paix au service d’une paix durable S/2022/799
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que les opérations de la paix, qui incluent les opérations de maintien de la paix et les missions politiques spéciales, offrent un espace de solutions politiques, aident à la protection des civils et à la prévention de la violence. Elles favorisent également le travail des acteurs de la consolidation de la paix, du développement, de l’humanitaire et des droits humains. Le Secrétaire général a toutefois noté que les contextes locaux et mondiaux dans lesquels elles opèrent sont, chaque jour, de plus en plus ardus. Ainsi, les tensions géopolitiques augmentent, l’insécurité s’étend et les moteurs de l’instabilité, plus nombreux et puissants, se renforcent mutuellement.
Ces facteurs incluent l’escalade des catastrophes climatiques, l’aggravation de la faim et de la pauvreté, le fossé croissant des inégalités, l’élargissement de la violence misogyne, la mésinformation et la désinformation, et la désaffection envers les institutions. Tout ceci ne fait qu’attiser les tensions politiques, le désespoir économique et les troubles sociaux, a constaté M. Guterres, ajoutant à cette liste la prolifération des changements inconstitutionnels des gouvernements, parallèlement aux conflits interétatiques, aux invasions et aux guerres.
Le Secrétaire général a également remarqué que les différends ancrés entre les puissances mondiales continuent d’entraver les capacités de réponse collective. Il a évoqué le gouffre entre les besoins et l’assistance humanitaire; ainsi que les atteintes aux droits humains et à l’état de droit. D’autre part, la cyberguerre et les armes autonomes meurtrières présentent des risques qu’il est encore difficile de comprendre et il n’existe pas encore d’architecture mondiale pour les contenir, a-t-il noté.
Dans un monde changeant à une vitesse effarante, il nous faut garder la cadence pour préserver la paix, a voulu M. Guterres, qui a observé un recul dans la consolidation de la paix tant sur le continent africain qu’ailleurs. Il convient, en conséquence, d’affûter notre axe de prévention et de renforcement de la résilience, a-t-il préconisé, en soulignant que le nouveau programme pour la paix, proposé dans « Notre Programme commun », accordera la priorité à l’investissement dans la prévention et la consolidation de la paix.
Dans cet esprit, les opérations de la paix devront être autonomisées et mieux équipées pour jouer un meilleur rôle dans le soutien à la paix à toutes les étapes des conflits, et toutes les dimensions. Cela requiert une appropriation nationale inclusive et engagée, qui prenne en considération les besoins de plus vulnérables, y compris des jeunes, des femmes et des minorités, a suggéré M. Guterres, qui a vivement fait valoir l’importance du développement mais aussi du respect de tous les droits humains (économiques, sociaux, culturels, civils et politiques), en tant que meilleurs outils de prévention des conflits violents et de l’instabilité.
Le Secrétaire général a ensuite dégagé quatre priorités en vue d’une réponse optimale: l’approfondissement de l’engagement avec les communautés locales et la promotion de gouvernements et d’institutions plus inclusifs; la stimulation du leadership des femmes et des jeunes pour façonner l’avenir de leur pays et bénéficier des dividendes de la paix et du développement; l’adoption d’une approche intégrée plus systémique pour le renforcement de la résilience et une paix soutenue, avec des investissements taillés sur mesure pour l’axe humanitaire, le développement et la paix; et enfin la question cruciale du financement, a-t-il précisé, en apportant des détails pour chacune de ces priorités.
« La communauté internationale continue à sous-investir dans la paix », a ensuite déclaré M. Guterres, pour qui, le moment est venu de « joindre l’acte à la parole », avant de renvoyer à la résolution de l’Assemblée générale sur le financement pour la consolidation de la paix qui reflète l’engagement à dégager des solutions de financement plus substantielles, prévisibles et durables. À cet égard, le Fonds pour la consolidation de la paix reste une ressource précieuse, a-t-il affirmé, ajoutant que l’an dernier, celui-ci avait fourni 150 millions de dollars à 25 pays africains. Le Secrétaire général a néanmoins appelé à un accroissement du financement et à un renforcement des liens avec les institutions financières internationales.
S’agissant du leadership des femmes et des jeunes, il a indiqué que le Programme pour les jeunes, la paix et la sécurité et le Cadre continental de l’Union africaine pour les jeunes, la paix et la sécurité (2020) sont d’importants instruments complémentaires pour amplifier ces voix indispensables.
Le Secrétaire général a fait valoir que le Conseil de sécurité joue un rôle fondamental dans l’appui aux opérations de la paix pour accroître la résilience et soutenir la paix. Il a engagé cet organe à agir en amont, en s’engageant d’un point de vue stratégique et en s’exprimant d’une seule voix. C’est ainsi que le Conseil sera en mesure de mobiliser le soutien politique et financier de la communauté internationale et de stimuler l’engagement des acteurs au conflit à garantir la paix, a-t-il conclu.
Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique au Département des affaires politiques et de consolidation de la paix et des opérations de paix, a déclaré que la nature des crises actuelles, qui surviennent dans un monde de plus en plus imprévisible, exige des efforts renouvelés pour adapter les missions de paix à des contextes et à des dynamiques rapidement changeants. La réponse sécuritaire à elle seule ne suffit pas: il faut une approche holistique, a-t-elle recommandé, en prônant aux missions de paix d’adopter des approches et stratégies inclusives. Cela entend qu’elles doivent prendre en compte tous les aspects de la paix: la prévention et le règlement des conflits, le maintien de la paix, sa consolidation et le développement. Cette approche implique que tous les acteurs pertinents, internationaux, régionaux et nationaux travaillent de manière coordonnée et intégrée, a plaidé Mme Pobee, ajoutant que le Conseil de sécurité, lui aussi, a un rôle à jouer en la matière: il doit élaborer des mandats clairs et réalistes, tout en veillant à bien identifier les priorités, les séquencer et à donner de la flexibilité.
Les équipes de pays de l’ONU ont, elles aussi, un rôle à jouer dans le soutien à long terme apporté aux pays, tant elles font partie des efforts de consolidation de la paix, a poursuivi Mme Pobee. Elle a souligné leur rôle particulièrement crucial dans les périodes de transition, comme cela l’a été récemment pour les missions en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Guinée-Bissau et comme il le sera en République démocratique du Congo. Par ailleurs, la consolidation de la paix nécessite aussi une étroite coopération avec les organisations régionales, sous-régionales, la société civile et le secteur privé, et les institutions financières internationales et régionales. À cet égard, le projet de cohésion sociale des régions nord du golfe de Guinée, porté par l’Association internationale de développement (IDA) et financé à hauteur de 450 millions de dollars par la Banque mondiale, est un bon exemple de comment les ressources peuvent être apportées pour soutenir les efforts des Nations Unies, a conclu la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique.
M. BANKOLE ADEOYE, Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité (PAPS) de la Commission de l’Union africaine, qui s’exprimait depuis Abuja, a souligné qu’en Afrique, les facteurs de conflit identifiés vont de la dépendance économique structurelle à des perspectives d’emploi limitées pour les jeunes, outre la marginalisation sociopolitique et économique.
Dès lors, a poursuivi M. Adeoye, le mécontentement important nécessite des ripostes rapides par le biais d’une transformation structurelle. Les opérations de paix jettent les bases d’entités mieux adaptées pour accompagner les pays dans des contextes de conflit, a-t-il affirmé.
C’est pourquoi, a fait valoir le Commissaire aux affaires politiques à la paix et à la sécurité de la Commission de l’UA, le Conseil de sécurité peut veiller à ce que les opérations de paix en Afrique s’attaquent aux racines des conflits en adoptant une approche globale dans la mise en œuvre des mandats.
Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, les opérations de paix sont multidimensionnelles et multifonctionnelles, assorties de mandats qui vont au-delà de la pacification militaire du théâtre du conflit, il est donc impératif, pour lui, de veiller à ce que les entités compétentes des Nations Unies et tous les acteurs accompagnent les missions déployées le plus tôt possible.
L’expérience a montré que s’attaquer aux racines sous-jacentes des conflits relève principalement de la responsabilité au premier chef des pays, a insisté le responsable africain, en recommandant d’accompagner les transitions politiques par des opérations de paix afin d’œuvrer à la résilience. L’Union africaine travaille à des transitions inclusives, c’est pourquoi, il a pressé le Conseil d’aider l’ONU à œuvrer à des transitions inclusives pour notamment lutter contre les causes sous-jacentes des conflits.
Ces dernières décennies, a-t-il fait observer, l’Afrique a été le théâtre d’une pléthore de conflits nécessitant des interventions internationales, régionales et sous-régionales rapides, novatrices et globales afin d’éviter des catastrophes humanitaires et autres menaces à la sécurité humaine. La nature de ces menaces émergentes, pesant sur l’Afrique, a également démontré qu’aucune institution, à elle seule, ne peut y répondre de manière adéquate et rapide, a analysé l’intervenant, estimant que l’heure est venue de resserrer la coopération pour la paix régionale et internationale, afin d’améliorer la synergie entre l’UA et l’ONU en vue de lutter contre les menaces existantes et nouvelles.
À cet égard, le haut fonctionnaire s’est réjoui des consultations qui auront lieu, en décembre prochain, au niveau interinstitutionnel et lors du sommet UA-ONU, lesquelles devraient permettre, à son avis, d’impulser un nouvel élan à ce processus et également de renforcer la coopération entre le Conseil de paix et de sécurité de l’UA et le Conseil de sécurité et, partant, les opérations de paix. Pour sa part, a conclu M. Adeoye, l’UA continuera de dialoguer avec les États membres des Communautés économiques régionales et des Mécanismes régionaux afin de renforcer leurs capacités face aux menaces.
Mme MARY ROBINSON, Présidente des Sages, groupe de décideurs indépendants fondé par Nelson Mandela, il y a 15 ans, a souligné que la sécurité, le développement durable et les droits de l’homme devraient constituer le socle d’opérations de paix efficaces et résilientes de l’ONU, mais qu’il reste des défis importants à relever pour mettre ce principe fondamental en pratique. Le Conseil de sécurité doit montrer la voie en faisant preuve de cohérence, en agissant dans l’intérêt collectif de l’ensemble des Nations Unies et en collaborant plus étroitement avec les autres composantes de l’Organisation, a-t-elle suggéré.
Pour que les opérations de paix de l’ONU se concentrent efficacement sur les causes sous-jacentes des conflits et de l’insécurité, et pas seulement sur les symptômes immédiats, a poursuivi Mme Robinson, le Conseil devrait jouer un rôle plus proactif et promouvoir une approche englobant toutes les Nations Unies, en veillant à ce que les opérations de paix tirent parti et complètent les connaissances et l’expérience du personnel de l’ONU travaillant dans les pays. En tant qu’ancienne Envoyée spéciale du Secrétaire général pour les Grands Lacs en Afrique, Mme Robinson a dit ne pas se faire d’illusions sur l’ampleur du défi, tout en se disant également consciente des risques associés à l’échec et au fatalisme.
De l’avis du groupe des Sages, le Conseil est, aujourd’hui, confronté aux plus grandes menaces pour la paix et la sécurité mondiales depuis sa création, notamment les conflits violents et leur articulation avec les crises environnementales, alimentaires, énergétiques et financières mondiales. La guerre en Ukraine a mis en lumière l’incapacité du Conseil à réagir à une agression d’un membre permanent contre un État souverain non doté de l’arme nucléaire. Trop souvent, a lancé Mme Robinson, les membres du Conseil ont écarté leurs amis et alliés régionaux de l’ordre du jour du Conseil, ce qui nuit gravement aux efforts de prévention des conflits. Les Sages soutiennent le principe consistant à permettre aux organisations régionales telles que l’Union africaine (UA) et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) de jouer un rôle de premier plan dans la prévention et la résolution des conflits lorsqu’elles sont le mieux placées pour le faire dans leur propre région, notamment par le biais d’opérations de paix régionales.
Mme Robinson a encore insisté sur la nécessité d’une approche plus holistique des causes sous-jacentes des conflits, de l’instabilité politique et économique à la pauvreté, aux inégalités et à la marginalisation de minorités. Elle s’est félicitée que ce débat ait expressément reconnu les femmes et les jeunes comme deux groupes particulièrement importants qui sont trop souvent exclus des processus décisionnels. Afin de garantir, à la fois, une représentation équitable et une véritable intégration des droits et des perspectives des femmes et des filles dans les processus de paix, il est essentiel que les femmes soient représentées de manière paritaire au sein des structures de sécurité et de défense, ainsi que dans le domaine de la consolidation de la paix et de la médiation. Selon elle, il est encourageant de voir les missions de paix de l’ONU faire pression pour une plus grande représentation des femmes dans les secteurs de la sécurité et de la défense nationales.
En venant à la crise climatique qui multiplie les risques de conflit ou les attise, Mme Robinson s’est félicitée que le Conseil reconnaisse de plus en plus les dimensions sécuritaires de la crise climatique, bien qu’il n’y ait pas encore de consensus à ce sujet. Cependant, les Sages estiment qu’il faut aller bien plus loin pour faire face aux menaces interdépendantes que constituent l’extrémisme violent, les conflits et la crise climatique, comme en Somalie, a précisé Mme Robinson en conclusion.
Mme KARIN LANDGREN, Directrice exécutive du Security Council Report, a d’entrée suggéré que les opérations de paix élaborent de nouvelles approches qui incluent des réponses aux causes et aux facteurs de conflit, car les facteurs structurels non résolus peuvent contribuer à la résurgence d’un conflit pendant ou après les missions de paix, comme l’explique la note de cadrage du Ghana. Ce Conseil a commencé à reconnaître ces facteurs structurels non traités, y compris les menaces non traditionnelles, dans ses discussions et aussi dans l’élaboration des mandats des opérations de paix, s’est réjouie l’oratrice, prenant les cas de Haïti, de la Guinée-Bissau, du Mali, de la Somalie, du Soudan du Sud et de l’Iraq. Poursuivant, elle a observé que le Conseil a soutenu des initiatives de justice transitionnelle, notamment en République centrafricaine et en Colombie.
Elle a rappelé qu’en octobre 2021, le Kenya avait déjà souligné que la plupart des situations à l’ordre du jour du Conseil découlent de conflits identitaires: ethnique, racial, religieux, partisan ou socioéconomique. La marginalisation et l’exclusion des processus politiques et des ressources économiques ont conduit à la violence et à la formation de mouvements séparatistes. Le Libéria est un exemple de situations où les résolutions du Conseil citent l’exclusion sociale, a relevé l’intervenante. Selon la Directrice exécutive, les questions telles que la structure financière et la gestion d’un État, l’impact des réseaux parallèles et informels de pouvoir, le rôle du crime organisé et les problèmes de corruption sont difficiles à soulever et à reconnaître au niveau national et, encore plus, à assumer et à résoudre pour les gouvernements.
Tous les problèmes structurels ne conduisent pas nécessairement à des conflits, a ajouté Mme Landgren, demandant au Conseil de continuer de débattre de ces questions qui font partie intégrante du renforcement de la résilience des opérations de paix. Elle a rappelé que le premier rapport du Secrétaire général sur les transitions dans les opérations de paix, publié fin juin, a mis l’accent sur les efforts nécessaires pour préserver les « réalisations durement acquises » et « pour garantir que le suivi puisse réussir ». Les réalisations des opérations de paix ont souvent été remportées au prix d’une décennie ou plus d’engagement, des dépenses de milliards de dollars et de nombreuses vies de soldats de la paix perdues qui méritent d’être protégés. Le Conseil devrait envisager des mesures supplémentaires à cet égard, a suggéré l’oratrice, en préconisant aussi que les membres du Conseil puissent revenir de temps en temps auprès des pays concernés.
Ces pays devraient être invités à présenter les progrès réalisés dans les domaines du mandat précédent, un an après, ou trois ou cinq ans après, la fermeture de la mission, a suggéré Mme Landgren. Les membres du Conseil pourraient envisager d’effectuer une visite pour voir, par eux-mêmes, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire et au Libéria, pays dont les opérations de paix de l’ONU ont pris fin en 2014, 2017 et 2018 respectivement. Mme Landgren a terminé en rappelant les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix, de 2015, demandant au Secrétariat de l’ONU d’adopter « une analyse plus nuancée des facteurs complexes du conflit ».
Mme SHIRLEY AYORKOR BOTCHWEY, Ministre des affaires étrangères et de l’intégration régionale du Ghana, qui préside le débat public d’aujourd’hui, a salué d’emblée la clarté de la vision du Secrétaire général, ajoutant qu’il faut que le Conseil arrive à un équilibre entre paix et développement, face aux crises en cascade qui menacent le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle a encouragé à viser plus haut pour sauver les objectifs de développement durable (ODD). Le financement du continuum de la paix doit se poursuivre également, a-t-elle recommandé, par le renforcement d’un écosystème solide pour une réelle transformation des sociétés.
La Ministre a remarqué que les ressources consacrées aux opérations de maintien de la paix sont insuffisantes, et n’ont pas la capacité d’agir au rythme de l’évolution des problèmes de sécurité, ce qui menace aussi le mandat de ces opérations. Elle a pointé en particulier que ce sont les pays les plus pauvres qui subissent les conflits les plus dévastateurs et qui en paient le coût, alors que leurs ressources sont modiques. La Ministre a aussi constaté une montée de l’intensité de la violence dans les attaques successives, relevant que 35% des morts se concentrent dans le Sahel. En conséquence, a-t-elle dit, une paix durable exigera une réforme des opérations de maintien de la paix, ainsi qu’un financement programmatique « prévisible et accru ». Elle a aussi abordé la question des changements climatiques, dont les effets sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest bouleversent les vies des populations locales et leurs moyens de subsistance. « Le Conseil ne peut ignorer cet élément-là. »
Dégageant des pistes de réflexion, elle a invité à repenser et recadrer, d’urgence, les opérations de maintien de la paix. Elle a aussi recommandé d’envisager les mesures de lutte contre le terrorisme en abordant sérieusement les causes structurelles des conflits. Au Conseil de sécurité, elle a demandé d’assumer son mandat et de mettre en œuvre les recommandations essentielles du rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix (rapport HIPPO), arguant que « les menaces à la paix et la sécurité s’amplifient chaque jour que nous n’agissons pas ». La Ministre ghanéenne a aussi vivement exhorté à accorder une attention particulière à l’autonomisation des jeunes et des femmes. Il faut veiller à une action cohérente à travers tout le système des Nations Unies, par une approche holistique dans toutes les étapes des mandats des opérations de paix, a-t-elle conclu.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a souligné qu’une paix durable exige de nous tous de travailler ensemble et de veiller à ce que les opérations de paix actuelles soient véritablement multidimensionnelles et intégrées. Au Soudan du Sud, a-t-elle rappelé, le Conseil a donné une vision stratégique du rôle de la Mission en appui à une gouvernance inclusive et responsable. Au Mali, la Mission est chargée d’aider les autorités nationales à mettre en œuvre l’accord de paix et une stratégie pour traiter des causes sous-jacentes du conflit. Dans les deux cas, a fait observer la représentante, l’on constate que les chefs des opérations de paix travaillent avec plus d’efficacité et de confiance quand ils savent clairement ce que le Conseil attend d’eux. C’est la raison pour laquelle, a-t-elle expliqué, le Conseil a commencé à introduire des visions stratégiques à long terme dans les mandats des opérations de paix.
Mais, a-t-elle prévenu, le succès dépend de l’appui et de la coopération des pays hôtes. Il faut aussi le reconnaître: les opérations de paix ne peuvent pas seules traiter des causes sous-jacentes et des moteurs d’un conflit. Ces moteurs sont des problèmes générationnels qui exigent l’implication d’un large éventail d’acteurs, à savoir les organisations humanitaires, le secteur privé et les États Membres, sans oublier les femmes dont la perspective doit être dûment intégré dans les fonctions des opérations de paix pour qu’enfin leur participation et celle des filles aux processus de prise de décisions devienne la norme. La représentante a souligné le rôle vital du programme pour les femmes et la paix et la sécurité dans les opérations de paix, avant de plaider avec la même force pour l’implication des jeunes, surtout en Afrique où la moyenne d’âge est de 19 ans. Elle a conclu, en insistant sur l’importance des acteurs régionaux, dont l’Union africaine qu’elle a salué pour ses efforts de paix.
M. HERMAN IMMONGAULT, Ministre délégué auprès du Ministre des affaires étrangères du Gabon, a évoqué « nos outils de paix et formulé des recommandations » spécifiques et réalistes à même d’améliorer l’efficacité des opérations de paix et maintenir les mandats y afférents en phase avec l’exigence d’efficacité requise sur le terrain. Il s’agit, pour lui, de corriger les failles aussi bien structurelles que conjoncturelles et promouvoir un ajustement des mandats des opérations des Nations Unies en tant qu’instrument de pérennisation de la paix et de la sécurité internationales afin de garantir une réponse adéquate aux multiples crises et conflits qui polarisent le monde actuel. Au-delà de ces enjeux importants, pour le Gabon, faire des OMP les instruments d’une paix durable, adaptée aux défis contemporains, reste tributaire de plusieurs facteurs essentiels, tels que le renforcement de la coopération entre le Conseil de sécurité et la Commission de consolidation de la paix. Il s’agit également, selon lui, de veiller à l’amélioration de la coordination entre les équipes de pays des Nations Unies, notamment dans le cadre des transitions.
Le rôle de passerelle entre les différents organes des Nations Unies et les États Membres, y compris les engagements transversaux auprès des jeunes, des femmes et des populations les plus vulnérables, ainsi que son rôle dans les processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), font de la Commission de la consolidation de la paix un atout majeur dans le processus de pérennisation de la stabilisation, a-t-il estimé. Il s’est dit d’avis de faire de la consolidation de la paix une partie intégrante des mandats parce que la reconstruction des pays en crise reste très souvent un exercice délicat qui nécessite un engagement conséquent de la communauté internationale.
Le Ministre délégué a encouragé à promouvoir une culture de la prévention des conflits armés, pour relever efficacement les défis interdépendants de la sécurité et du développement auxquels sont confrontés les pays en proie aux crises chroniques ou cycliques. Cela est, à ses yeux, un enjeu crucial, si l’on veut pérenniser les efforts de paix de la communauté internationale. En Afrique centrale, des canaux de concertation ont été mis en place dans le cadre des mesures de confiance, mais également un mécanisme sous-régional de détection de signes avant-coureurs de conflits dénommé le Mécanisme d’alerte rapide de l’Afrique centrale (MARAC) dont le Gabon abrite le siège. En effet, a estimé M. Immongault, plus haut sera le baromètre de la prévention des crises et l’alerte précoce, mieux se portera notre action collective pour la paix, c’est pourquoi il a appelé à un renforcement des capacités financières, logistiques du MARAC afin de donner plein effet à l’opérationnalisation de cette initiative sous-régionale. Pour finir, le Ministre délégué a réaffirmé l’importance de configurer « nos paradigmes » dans la promotion de la culture d’une paix durable.
M. THOMAS BYRNE, Ministre des affaires européennes de l’Irlande, a d’emblée jugé essentiel que le Conseil et le système des Nations Unies dans son ensemble continuent à s’efforcer de s’attaquer aux causes sous-jacentes et aux moteurs des conflits, faute de quoi ils se condamneront à relever sans cesse les mêmes défis sécuritaires. La trajectoire vers une paix durable n’est pas un processus linéaire, a observé le Ministre, et l’histoire a montré que des gains durement acquis peuvent être fragiles et réversibles. L’Irlande le sait bien et c’est la raison pour laquelle elle a donné la priorité au lien entre maintien et consolidation de la paix durant son mandat au Conseil de sécurité. Les opérations de maintien de la paix se déploient dans des environnements de plus en plus exigeants et complexes, où les solutions militaires seules ne suffiront pas. De l’avis de M. Byrne, ces difficultés exigent une réponse holistique et coordonnée dans tous les piliers du travail de l’ONU.
Pour que la paix soit résiliente et durable, elle doit être inclusive et prise en charge au niveau local, a poursuivi le Ministre. Cela signifie que les femmes et les jeunes doivent être placés au cœur des ripostes nationales et régionales dès le départ, et non pas après-coup. En outre, lutter contre les violations des droits de l’homme aiderait à atténuer la violence et l’insécurité, la radicalisation et la montée en puissance du terrorisme.
La communauté internationale doit également être réactive face aux autres moteurs de conflit, notamment les risques sécuritaires liés au climat. De nombreux États Membres de l’ONU, et une majorité au Conseil, reconnaissent le lien évident entre changements climatiques et instabilité. Le Ministre s’est félicité que le Conseil intègre de plus en plus ces risques dans les mandats de maintien de la paix, l’invitant à continuer à le faire. Par ailleurs, les programmes de consolidation de la paix requièrent un financement suffisant, prévisible et durable, notamment par le biais du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la consolidation de la paix. Et, lorsque les conflits prennent fin, les obligations de la communauté internationale demeurent, a plaidé M. Byrne, mettant en particulier l’accent sur la protection des civils durant et après les transitions.
M. VINAY KWATRA, Secrétaire d’État aux affaires étrangères de l’Inde, a rappelé que les opérations de paix ont commencé, il y a sept décennies, comme des missions largement unidimensionnelles chargées de maintenir la paix et de faciliter les processus politiques sur la recherche de solutions durables aux conflits. Or, aujourd’hui, l’environnement et la nature des conflits ont changé et, en Afrique, l’on ne peut nier que l’héritage du colonialisme est la base fondamentale de beaucoup de situations instables. L’environnement politique et sécuritaire, a poursuivi le représentant, est devenu plus complexe, plus incertain, plus volatile et plus ambigu. Les conflits sont marqués par la participation d’acteurs non étatiques, qui bénéficient d’un soutien politique, et par l’exploitation par les terroristes et les groupes extrémistes des technologies modernes.
Dans un tel contexte, les opérations de paix sont écrasées par des objectifs qui dépassent leur mandat traditionnel de maintien de la paix, et ce panier de responsabilités croissantes a bien souvent un prix indésirable qui ne fait aucun cas des causes sous-jacentes des conflits et de l’insécurité. Les conflits actuels, a-t-il expliqué, trouvent souvent leur source dans les domaines politiques et sociaux, et pas seulement militaires. Les opérations de paix peuvent créer les conditions favorables aux processus politiques et sociaux mais, en aucun cas, les remplacer. Fière d’être une grande contributrice des opérations de paix, l’Inde, a dit le représentant, sait que la composante militaire d’une opération ne peut jouer qu’un rôle de facilitateur de la consolidation de la paix.
À cet égard, il a plaidé pour la prise en compte de l’avis des organisations régionales et des pays voisins d’un pays en proie à un conflit et pour que le système des Nations Unies respecte les priorités nationales et se garde d’imposer des idées et des solutions étrangères. Le représentant a également insisté sur l’importance qu’il y a à encourager une gouvernance représentative et inclusive pour ramener la stabilité dans les pays en conflit, et a estimé qu’une telle gouvernance doit être soucieuse de la dimension sexospécifique, tout comme le secteur de la sécurité. Après avoir plaidé pour un financement prévisible et durable des efforts de la consolidation de la paix, il a jugé primordial de renforcer les capacités des pays hôtes de lutter contre le terrorisme.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a déclaré qu’alors que le Conseil de sécurité envoie des hommes et des femmes au-devant des dangers, en particulier dans des régions comme le Sahel, où ils s’opposent de plus en plus à des groupes terroristes déterminés, le moins qu’il peut faire est de s’assurer que les mandats, l’équipement et les autres outils sont adaptés à l’objectif. Le Conseil doit également évaluer les performances de manière cohérente et professionnelle et veiller à ce qu’il y ait une responsabilisation tout au long du processus de maintien de la paix. C’est pourquoi, le Kenya soutient pleinement l’Action du Secrétaire général pour le maintien de la paix (A4P) et A4P+ et toutes ses dispositions, a dit le délégué.
Il a également déclaré que son pays, en tant que contributeur de troupes aux missions de paix de l’ONU et de l’Union africaine, estime qu’il est temps d’aller au-delà des débats détournés et d’accepter les contributions fixées par l’ONU pour soutenir les opérations de l’UA. Il estime aussi essentiel d’assurer la sécurité des soldats de la paix, tout comme la protection des civils, tout en gérant les attentes du public et en luttant contre la mésinformation et la désinformation. Par ailleurs, le Conseil de sécurité devrait « véritablement » mettre en œuvre le Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, relatif aux accords régionaux, en particulier lorsqu’il traite avec l’Union africaine qui dispose d’une architecture de médiation engagée, a recommandé le délégué.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a réitéré que les opérations de la paix sont l’expression exemplaire du multilatéralisme et de la solidarité internationale, et que leur efficacité est tributaire de la prise en compte de l’évolution de la nature même des conflits. Il a noté que, de nos jours, ces opérations interviennent dans des contextes de conflits asymétriques dans des États affaiblis, confrontés à des groupes armés et à des organisations extrémistes. Il importe donc, a-t-il suggéré, que tant les stratégies nationales que l’appui international aillent au-delà d’une réponse purement militaire: il faut qu’elles contiennent une perspective de sécurité humaine. Notant que les analyses ont bien montré la nécessité de résoudre les causes structurelles comme l’exclusion, la pauvreté, la discrimination et les inégalités, le délégué a estimé que cela ne peut se faire que par le renforcement de l’état de droit et de la gouvernance, du développement durable et d’une réconciliation nationale centrée sur la garantie des droits des victimes à la justice. Il a mis l’accent sur l’approfondissement des liens entre le maintien et la consolidation de la paix, le renforcement de l’appui aux programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), les réformes du secteur de la sécurité, la justice transitionnelle et la santé de mentale, ainsi que le soutien psychosocial aux victimes.
M. GENG SHUANG (Chine) a estimé que les opérations de paix pourraient faire davantage sur le front des bons offices, de la médiation et de la coopération avec les organisations régionales. Pour établir le socle d’une paix durable, elles doivent, a-t-il ajouté, accompagner les pays hôtes dans les efforts de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). Le représentant a également mis l’accent sur l’aide à la formation des forces de police et de sécurité, avant d’insister sur la nécessité de veiller à ce que le maintien de la paix et les efforts de développement aillent de pair car ce développement est la pierre angulaire de la paix et de la sécurité. À cet égard, le représentant a attiré l’attention du Conseil sur les efforts que la Chine a déployés en faveur des objectifs de développement durable, au sein des Missions des Nations Unies en Mali et en République centrafricaine. Il a d’ailleurs rappelé que les projets à impact rapide confiés à certaines opérations de paix ont joué un rôle de premier plan pour améliorer les conditions de vie et les moyens de subsistance des populations locales.
Ce qu’il faut, c’est tenir compte des contextes spécifiques et adapter en conséquence les mandats des opérations de paix, a conclu le représentant.
Pour Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni), les opérations de paix doivent être dotées de capacités qui leur permettent de comprendre les moteurs de conflit et de nourrir l’analyse de la stratégie de l’ensemble des Nations Unies. En ce sens, le Royaume-Uni est fier d’apporter son soutien aux conseillers de l’ONU pour la paix et le développement, dont l’expertise pourrait être utilisée dans les missions. De plus, la représentante a plaidé pour un système des Nations Unies plus intégré afin de permettre une approche plus holistique. Les tableaux de bord intégrés mis en place en Haïti, en Somalie et au Soudan, avec un financement britannique, ont permis d’avancer, mais il faut les étendre.
Par ailleurs, Mme Woodward a soulevé la question de la coordination des investissements pour la paix. Le Fonds pour la consolidation de la paix est un outil essentiel pour rassembler différentes parties du système des Nations Unies, mais le système de développement de l’ONU dans son ensemble doit augmenter l’investissement dans la paix et encourager des partenariats avec les institutions financières régionales et internationales. En outre, investir dans la prévention est fondamental, de même que renforcer le rôle des femmes dans la prévention et la résolution des conflits pour une paix et une sécurité durables. À cet égard, le Royaume-Uni est fier de soutenir le réseau des femmes africaines pour la prévention des conflits de l’Union africaine.
Mme MONA JUUL (Norvège) a insisté sur le fait que le soutien aux solutions politiques est au centre de tout maintien de la paix. Le Conseil de sécurité doit renforcer le lien entre le maintien et la consolidation de la paix lors de la planification et du mandat des opérations de paix, a-t-elle aussi suggéré. Elle a cité les efforts actuels au Sahel pour illustrer la nécessité de solutions holistiques. Les opérations de paix doivent également faciliter la participation des femmes et des groupes de la société civile qui ont des idées nouvelles et des connaissances intergénérationnelles qui devraient être incluses à toutes les étapes de l’élaboration des politiques de prévention, y compris les mécanismes d’alerte précoce. Les autres facteurs de conflits comme les changements climatiques, les inégalités, la corruption, le chômage et l’extrémisme violent doivent être combattus, a exhorté la représentante. Elle a ensuite insisté sur la protection des civils pendant les conflits et sur le travail commun de toutes les composantes du système des Nations Unies pour renforcer la résilience et prévenir les conflits. Elle a aussi demandé une plus grande interaction entre le Conseil de sécurité et le Haut-Commissaire aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme pour faciliter l’engagement précoce et la prévention, en s’appuyant sur la Commission de consolidation de la paix. Enfin, elle a appelé à augmenter le financement de la consolidation de la paix et de la prévention des conflits.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a appelé à une approche globale, systémique et proactive des opérations de paix pour faire face à la nature mouvante des conflits. Le maintien de la paix, a-t-il dit, va bien au-delà des accords politiques, car il implique aussi le traitement des causes sous-jacentes des conflits et tous les piliers d’une société ouverte. Une approche fondée sur les particularités nationales est indispensable pour provoquer les changements nécessaires et garantir la réalisation des objectifs de développement durable, a ajouté le représentant, en insistant sur la communication stratégique et la transparence des informations pour lutter contre les fausses nouvelles et les discours de haine. Le représentant n’a pas oublié de souligner le rôle essentiel des femmes et des jeunes. Il a cité l’exemple des Balkans occidentaux où les jeunes élaborent et mettent en œuvre des projets et des initiatives très réussis qui pourraient inspirer d’autres situations. Il a conclu, en attirant l’attention sur le caractère explosif que peut avoir la conjugaison de fléaux tels que les changements climatiques, la mauvaise gouvernance et le non-respect des droits de l’homme.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a tout d’abord évoqué la coopération entre les Nations Unies et l’Union africaine, rappelant que cette réunion se tient alors que les deux organisations ont confié au Président du Niger une évaluation sur l’avenir de l’architecture de sécurité au Sahel. La France continuera d’apporter son appui aux pays de la région qui en font la demande, a assuré le représentant. Elle continuera aussi, à titre national et avec l’Union européenne, d’appuyer la montée en puissance de forces de sécurité capables d’assurer la sécurité sur leur territoire, a-t-il ajouté, estimant cependant qu’un soutien international plus important est nécessaire pour appuyer les initiatives africaines. Il a formé le vœu que la déclaration présidentielle portée par le Gabon sur ce sujet pourra être adoptée rapidement, avant de réitérer son soutien au financement des opérations africaines de paix sur les contributions obligatoires des Nations Unies.
Le délégué a ensuite jugé impératif de traiter les causes profondes des conflits. Employées seules, les mesures militaires ne sauraient bâtir une paix durable, a-t-il dit, appelant à l’établissement d’un « cercle vertueux » entre développement et atténuation des effets des changements climatiques, mais aussi à l’appui au déploiement de l’État et à la réforme du secteur de la sécurité. Ces efforts doivent s’accompagner d’une plus grande participation des femmes et des jeunes, et d’un encadrement de l’exploitation des ressources naturelles et de la lutte contre les trafics, a plaidé M. de Rivière, pour qui ces problématiques doivent être davantage intégrées dans les mandats des opérations de paix. Il convient également d’assurer à chacun l’accès à une justice de qualité, car la lutte contre l’impunité, le respect des droits humains et du droit international humanitaire sont aussi les conditions de la paix, a-t-il souligné. Il a, d’autre part, estimé que la lutte contre le terrorisme appelle une action non seulement dans le pays de déploiement des opérations de maintien de la paix, mais aussi avec les agences, fonds et programmes de l’ONU implantés dans le reste de la région. Il a enfin souhaité que, dans les contextes de transition, une continuité soit assurée entre les opérations de maintien de la paix et les acteurs de la consolidation de la paix.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a déclaré que les efforts de renforcement de la résilience ne doivent pas seulement peser sur les missions de paix. Il a aussi fait remarquer que des mandats flous, vagues et à durée indéterminée causent de la frustration chez les partenaires. Il a donc insisté sur la nécessité de coordonner les points de vue. À cet égard, la Commission de consolidation de la paix peut jouer une contribution inestimable, a-t-il plaidé. Le délégué a également prévenu que si l’on mise uniquement sur l’approche sécuritaire, on risque de voir renouveler indéfiniment les mandats des opérations de maintien de la paix et maintenir le pays dans un besoin perpétuel d’aide humanitaire.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a insisté sur la nécessité d’avoir une « compréhension commune » des causes des conflits, car sans la définition des objectifs, il est difficile d’obtenir des résultats. Or, les opinions continuent de diverger et pas seulement entre belligérants, mais également entre les principaux acteurs régionaux et même ici au Conseil de sécurité.
Sans communauté d’esprit, il n’est pas possible de se mettre d’accord sur des mandats « précis et réalistes » et encore moins d’obtenir la confiance des pays hôtes ou un appui fort aux efforts régionaux. Du fait de ces divergences, a fait observer la représentante, de nombreuses situations de conflit dans le monde se tournent en des solutions régionales ou bilatérales.
Les opérations de paix, a-t-elle poursuivi, s’éternisent dans les pays avec des mandats vagues et s’occupent de tâches « secondaires » telles que les droits de l’homme ou des questions d’ordre social liées au genre ou au climat. Ces opérations peuvent ainsi s’immiscer dans la vie politique des pays hôtes, oubliant qu’elles sont un instrument non pas de gestion mais de règlement des conflits. Elles se détournent de leurs priorités, voient même parfois leurs objectifs de façon différente et se laissent tenter par l’exercice d’un « mentorat » sur les problèmes politiques, en s’exposant ainsi à des tensions avec les pays hôtes. Face, par exemple, à la montée en puissance de la menace terroriste, notamment en Afrique, il ne faut pas se « bercer d’illusions »: les opérations de paix ne sont pas prêtes à assumer ce fardeau, a ajouté la représentante.
En Afrique, a-t-elle encore dit, l’histoire du maintien de la paix montre que lorsque l’on comprend de la même façon les objectifs, dans le cadre d’une coopération fondée sur la confiance, l’on obtient des résultats concrets. Mais, il faut pour cela que les pays touchés par le même fléau conviennent de la façon, du calendrier et des moyens d’avancer. La représentante a donc conseillé aux pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel de s’unir dans leur volonté de vaincre la menace terroriste, et ce, sans ingérence extérieure. Elle a conclu en se disant prête à discuter de la proposition « judicieuse » des États africains visant à ce que l’ONU leur apporte un soutien financier.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a reconnu que, compte tenu de la multitude de menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité, et du rythme auquel elles évoluent, les opérations de paix doivent être polyvalentes et conçues avec pour objectif principal de renforcer la résilience face aux menaces à court et à long terme. La tâche est donc colossale mais vitale. S’il est illusoire d’attendre des opérations de paix qu’elles répondent de manière exhaustive à toutes les menaces pour la paix, a poursuivi M. Abushahab, le renforcement de la résilience permet non seulement de garantir la paix, mais aussi de prévenir l’éclatement et la reprise des conflits.
Partant, des stratégies de transition adaptées, claires et réalistes nécessitent une prise en compte approfondie des dynamiques locales et régionales, ainsi qu’une coordination étendue avec une variété d’acteurs locaux, notamment les femmes, les jeunes, les chefs religieux et communautaires, a estimé le représentant. De tels efforts sont particulièrement pertinents pour mettre fin à la violence des groupes armés et pour concevoir des mécanismes efficaces de désarmement, de réintégration et de prévention du réengagement des anciens combattants. Veiller à ce que les besoins et les priorités des communautés locales soient pris en compte crée en outre une base solide pour soutenir l’appropriation nationale de la paix et reconstruire des sociétés résilientes, stables et inclusives. Les opérations de paix peuvent aussi avoir un impact durable et positif, notamment en construisant des infrastructures fiables dont les communautés d’accueil peuvent bénéficier après le retrait des opérations de paix.
Enfin, la promotion d’une consolidation de la paix durable et efficace nécessite une réponse multilatérale coordonnée et intégrée, a conseillé M. Abushahab. Cela implique une coordination avec tous les acteurs, notamment le Conseil de sécurité, la Commission de consolidation de la paix, ainsi que les organisations régionales et sous-régionales. Cela peut également contribuer à l’élaboration de méthodes et de mécanismes de financement durables et novateurs qui permettent de faire face collectivement aux menaces traditionnelles et non conventionnelles, des changements climatiques et de l’insécurité alimentaire aux crises sanitaires mondiales et au terrorisme et à l’extrémisme.
Pour M. JOONKOOK HWANG (République de Corée), la coopération avec la population locale est la condition préalable au renforcement de la résilience dans les opérations de paix. Il a donné l’exemple des Casques bleus coréens postés au Soudan du Sud qui ont mené des activités de coordination civile et militaire comprenant une formation professionnelle dans des secteurs tels que l’agriculture, la menuiserie, l’électricité et la construction, a informé le représentant. Il a aussi suggéré de renforcer la coordination avec les équipes de pays des Nations Unies et les organisations régionales. Au Soudan du Sud, la République de Corée s’associe à l’UNICEF pour améliorer l’approvisionnement en eau et l’accès à l’éducation et aux services médicaux, a annoncé le délégué. Le représentant a ensuite recommandé un engagement précoce dans la consolidation de la paix pour une transition en douceur et une paix durable. Il a exhorté à combattre l’extrémisme violent et le terrorisme en comptant sur les capacités des femmes et des jeunes. Il a demandé au Conseil de sécurité de consulter la Commission de consolidation de la paix, lors de l’élaboration et de l’ajustement des mandats et de directives politiques. Enfin, il a demandé un financement adéquat, prévisible et soutenu pour ladite Commission.
M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a proposé plusieurs axes d’action pour renforcer la résilience et la durabilité des opérations de maintien de la paix, à commencer par la mise en place de transitions stratégiques. Il a ainsi rappelé que les conflits sont marqués par la prolifération de groupes armés, la marginalisation sociopolitique, l’insécurité climatique et alimentaire, l’extrémisme violent et le terrorisme, et la propagation de fausses informations, autant d’éléments qui transforment les conflits locaux en conflits régionaux. Il n’y a pas de solution unique dans ce type de contextes, a-t-il constaté, plaidant pour un passage du paradigme classique des opérations de maintien de la paix à la mise en œuvre de mesures telles que celles identifiées dans le plan Action pour le maintien de la paix + (A4P+). Partisan de stratégies qui s’incarnent dans des mandats cohérents, le délégué a appelé à doter les opérations des ressources nécessaires, à mener d’étroites concertations avec les pays d’accueil et à promouvoir la participation des femmes à toutes étapes des processus de paix.
Même si tous les facteurs qui débouchent sur le conflit ne peuvent être traités, les opérations de maintien de la paix ont apporté la preuve de leur utilité, a observé le représentant. Toutefois, afin d’éviter que ces opérations attisent les tensions, il importe, selon lui, de faire advenir des solutions politiques pour une paix durable et de réfléchir aux causes profondes des conflits. À ses yeux, le maintien et la consolidation de la paix sont complémentaires: les conflits ne s’arrêtent pas quand les Casques bleus quittent le territoire. Il convient donc, avant, pendant et après une opération de maintien de la paix, d’utiliser la « boîte à outils pour la paix » et de recourir à des instruments comme la Mission « état de droit » de l’Union européenne au Kosovo ou les mission politiques spéciales de l’ONU, a-t-il estimé, y voyant un moyen d’éviter une militarisation des systèmes politiques. Enfin, compte tenu de la nature transfrontalière des conflits, il a jugé essentiel d’entretenir la coordination entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales, en particulier sur le plan de la prévention des conflits.
M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a dit accorder une grande priorité aux questions liées à la résilience dans les mandats des opérations de maintien de la paix qui jettent les bases de la stabilité et le développement durable. L’Égypte a lancé le Forum annuel d’Aswan pour la paix et le développement durable, a-t-il rappelé. Le Caire, qui accueille le Centre africain pour la reconstruction, a été un chantre du concept de continuum de la paix, s’est-il enorgueilli. Lors de la définition et de l’examen des mandats des opérations de paix, le Conseil devrait accorder davantage la priorité à la composante consolidation en fonction des besoins, a conseillé le représentant, qui a néanmoins regretté que le financement de ce volet demeure très insuffisant pour véritablement renforcer la capacité de résilience des pays hôtes. Il a donc recommandé une approche nationale et transnationale qui offrirait des moyens aux populations reculées et affectées, surtout dans les zones frontalières, pour lutter notamment contre le terrorisme. La nature des défis actuels impose à l’ONU de renforcer aussi son partenariat avec les organisations régionales et sous-régionales, en veillant à trouver des alternatives de financement des opérations sous la houlette de l’Union africaine, par le biais de contributions obligatoires au budget de l’ONU, y compris à partir du Fonds pour la consolidation de la paix.
M. BOŠTJAN MALOVRH (Slovénie) a indiqué que son pays participe activement aux efforts visant à identifier de nouvelles approches pour promouvoir des réponses et des solutions collectives afin de minimiser les risques de conflits futurs. De fait, s’est enorgueilli le représentant, la Slovénie a apporté des contributions extrabudgétaires pour soutenir les approches innovantes visant à moderniser les opérations de paix de l’ONU et contribué au Fonds pour la consolidation de la paix de l’ONU. En tant que participant actif aux efforts de maintien de la paix et de stabilisation de l’ONU et d’autres organisations, son pays a également fourni du personnel militaire, policier et civil à l’ONU et à d’autres opérations de paix déployées en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient, a-t-il rappelé. Pour finir, le représentant a insisté sur le rôle essentiel des femmes et des jeunes, en tant qu’agents du changement, notamment dans la recherche d’une paix durable et de sociétés résilientes.
Mme PASCALE BAERISWYL (Suisse) a estimé que les missions de maintien de la paix peuvent encourager une prévention de la violence qui traite des causes racines de la violence. Pour cela, les populations affectées doivent pouvoir engager un dialogue avec les autorités locales sur la bonne gouvernance, les droits humains, l’état de droit et la prise en compte des enjeux sécuritaires des changements climatiques, a-t-elle préconisé, remerciant à ce titre le Ghana d’avoir accueilli, l’an dernier, le premier Cours régional pour la prévention de l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest, coorganisé par la Suisse et l’Union africaine.
La représentante a ensuite plaidé pour une action cohérente du système onusien lors des transitions des opérations de maintien de la paix. Selon elle, une coopération étroite entre le Bureau du Coordonnateur résident et la direction des missions en est un aspect clef, tout comme la coordination avec les différents bailleurs et institutions financières internationales, notamment le Fonds mondial pour l’engagement de la communauté et la résilience (GCERF). La population locale doit aussi être acquise aux objectifs des missions avec une participation égale et significative des femmes et des jeunes, a-t-elle ajouté, avant d’appeler le Conseil de sécurité à encourager l’action conjointe des multiples acteurs, par exemple en sollicitant systématiquement le soutien de la Commission de consolidation de la paix, et à façonner des mandats qui permettent aux missions d’interagir efficacement contre les causes de la violence.
M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a jugé crucial, dans l’optique d’une paix et d’une stabilité résilientes, effectives et durables dans toute zone touchée par un conflit, de tenir compte des préoccupations des pays touchés, ainsi que de l’opinion de leurs voisins et de la voix de la région. À cette fin, a-t-il dit, la Thaïlande appuie des consultations inclusives entre le Conseil de sécurité, le pays hôte, les pays fournisseurs de contingents et de forces de police et les autres parties prenantes concernées, la clef étant d’assurer un mandat clair pour les opérations de paix. Le représentant a ensuite plaidé pour des partenariats « régionaux-mondiaux », en invitant le Conseil de sécurité à continuer de soutenir les initiatives régionales visant à promouvoir une paix durable, tout en aidant à assurer une meilleure coordination avec l’ECOSOC, la Commission de consolidation de la paix (CCP) et l’Assemblée générale.
Jugeant d’autre part que paix durable et développement durable doivent aller de pair, le délégué a indiqué que les Casques bleus thaïlandais contribuent aux efforts de consolidation de la paix du pays hôte par le biais du renforcement des capacités. Alors que la tâche principale du contingent thaïlandais de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) est de contribuer à la stabilité et de reconstruire les infrastructures essentielles, d’autres priorités consistent à s’engager avec les communautés locales dans le développement de l’agriculture durable et la gestion de l’eau et des terres, a-t-il expliqué, ajoutant que son pays soutient aussi les programmes bilatéraux et la coopération Sud-Sud triangulaire. Enfin, après avoir souligné l’importance de l’inclusion dans la lutte contre les causes profondes des conflits, il a souhaité que le renforcement de la résilience, y compris par le biais d’opérations de paix, bénéficie à toutes les personnes, en particulier celles qui sont les plus à risque.
M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a défendu la nécessité d’une cohérence au niveau du système des Nations Unies afin d’atteindre l’objectif commun de renforcer la résilience. Le Conseil de sécurité peut s’attaquer aux causes sous-jacentes des conflits, comme les changements climatiques, le manque d’institutions durables et les facteurs socioéconomiques, en renforçant ses liens avec d’autres instances de l’ONU, en particulier la Commission de consolidation de la paix. En outre, les Nations Unies peuvent s’améliorer en élaborant des stratégies de prévention complètes et régionales, et donc en renforçant les partenariats avec les organisations régionales telles que l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union européenne. En ce sens, le nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général offre l’occasion de porter ces partenariats à un autre niveau, a estimé le délégué. Au niveau local, les opérations de paix doivent contribuer à consolider la résilience des communautés afin d’aider à parvenir à une paix durable, a poursuivi M. Marschik. Il a cité le succès des projets à impact rapide qui répondent aux besoins prioritaires de la population locale et contribuent à la confiance. Une attention particulière doit également être accordée à la création d’institutions inclusives et résilientes fondées sur l’état de droit, sans oublier la reconnaissance du rôle fondamental des femmes et des jeunes dans la prévention des conflits, les processus de paix et le renforcement de la résilience.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a souligné que le maintien de la paix est l’un des principaux outils des Nations Unies et que le Conseil y joue un rôle primordial. Dans la réflexion sur les mandats, il faudrait viser d’éviter la résurgence de conflits dans les États où les missions sont déployées, a-t-elle recommandé. Elle a aussi invité à prévoir la création d’institutions nationales et locales résilientes, qui ne peuvent exister et fonctionner sans la participation active des femmes. Le Conseil pourrait, en outre, réfléchir à de nouvelles manières de former les opérations de maintien de la paix, en mettant l’accent sur la résilience et sur de nouvelles modalités qui iraient au-delà de la simple présence militaire.
M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a estimé que la prévention est le meilleur moyen de consolider la paix, ce qui implique de prendre en compte les besoins des populations et de prévenir le déclenchement, l’enlisement, la poursuite et la récurrence des conflits. Prévenir les conflits, c’est également s’attaquer à leurs causes, a énuméré la représentante qui a souligné l’importance du dialogue, de l’état de droit, de la croissance économique, de l’éradication de la pauvreté, de la réduction des inégalités, de la démocratie, des droits humains et des libertés fondamentales. Dans les contextes postconflit, a ajouté le représentant, la paix durable repose sur un processus de réconciliation, la justice transitionnelle, la réparation des victimes, ainsi que la démobilisation et la réintégration des ex-combattants. Le représentant a souligné l’importance des actions à long terme comme le programme « pour les femmes et la paix et la sécurité », la participation des femmes aux négociations et à l’application des accords de paix. Il a réaffirmé la nécessité d’un financement adéquat, prévisible et durable de la consolidation de la paix, non seulement par le biais de contributions volontaires et d’autres sources de financement, mais également par le budget ordinaire de l’ONU. Pour combattre les opérations de désinformation, il a préconisé des communications stratégiques afin de rétablir la confiance dans les localités où les opérations de maintien de la paix travaillent, en consultant la société civile.
Mme ANNA KARIN ENESTRÖM (Suède), au nom des pays nordiques, a plaidé pour que les opérations de paix de l’ONU aient des mandats non seulement robustes, flexibles et assortis de ressources adéquates, mais également qui contiennent des considérations en matière de prévention, de résilience et de consolidation de la paix. Une complémentarité avec d’autres acteurs, tels que les entités régionales ou encore la société civile est nécessaire, a-t-elle ajouté. La représentante a insisté sur l’appropriation nationale et l’engagement actif des acteurs à tous les niveaux de la société, afin d’édifier et maintenir la paix. Dès lors, les opérations de la paix ne peuvent pas remplacer la volonté politique des parties au conflit pour atteindre la paix, ni les responsabilités souveraines de l’État hôte. Soulignant l’importance majeure de la protection des civils, elle a estimé qu’une force de police, un système judiciaire et un service correctionnel efficaces sont des conditions préalables à la paix, appelant également à l’inclusion de la société civile et l’autonomisation des communautés vulnérables.
Par ailleurs, elle a insisté sur les partenariats, avec les organisations régionales notamment, telles que l’Union européenne et l’Union africaine. Elle a également encouragé la cohésion avec les efforts de maintien de la paix déployés dans le cadre des organisations sous-régionales africaines ainsi que des initiatives telles que l’Initiative d’Accra. Des approches cohérentes et complémentaires au sein des Nations Unies sont tout aussi importantes, a-t-elle indiqué, mentionnant le rôle important de la Commission de consolidation de la paix. En outre, elle a fait remarquer que la consolidation de la paix nécessite des ressources adéquates, rappelant que les pays nordiques contribuent à plus de 30% du financement du Fonds pour la consolidation de la paix. Enfin, elle a encouragé à intégrer pleinement les changements climatiques et les risques sécuritaires liés au climat dans les opérations de la paix.
M. ROBERT CHATRNUCH (Slovaquie) a estimé que le maintien de la paix en Afrique est un défi qui doit être relevé de manière holistique. Depuis de nombreuses années déjà, la Slovaquie considère la réforme du secteur de la sécurité comme l’un des éléments clefs d’une prévention efficace des conflits et d’une reconstruction et d’une stabilisation postconflit réussies. L’expérience directe de nombreuses missions et opérations de paix de l’ONU et de l’UA montre clairement qu’un processus de réforme du secteur de la sécurité inclusif et mené au niveau national peut progressivement traiter les causes profondes de l’insécurité et de la fragilité, et créer un environnement propice au développement durable et à la paix. L’expérience montre aussi que les contributions combinées des femmes soldats de la paix en uniforme et des réseaux et organisations locales de femmes, mais aussi des jeunes et de leurs organisations, garantissent que leurs préoccupations font partie des efforts de prévention et de résolution des conflits. Les résultats sont généralement plus durables, a conclu le représentant.
Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas) a jugé essentiel que les opérations de paix aient des mandats politiques stratégiques, qui contiennent des objectifs à long terme pour renforcer la résilience et parvenir à une paix durable. Pour y parvenir, il importe, selon elle, qu’une transition du maintien de la paix à la consolidation de la paix soit intégrée dans les mandats, dès le début de l’opération. Afin de renforcer la capacité du Conseil de sécurité à intégrer des considérations de résilience et de consolidation de la paix dans les opérations de paix, les Pays-Bas soutiennent un rôle plus important de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a-t-elle indiqué, plaidant pour que la CCP fournisse en temps voulu des orientations stratégiques sur les efforts de consolidation de la paix, lors des consultations et des séances d’information sur les renouvellements de mandat. La représentante a, d’autre part, appelé à doter le Fonds pour la consolidation de la paix d’un financement adéquat, prévisible et durable afin d’assurer un travail efficace de consolidation de la paix et de prévention des conflits à l’avenir.
La déléguée a par ailleurs estimé utile de coordonner les efforts avec les organisations régionales, notamment avec l’Union africaine, et les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale. L’analyse conjointe s’est avérée précieuse au Sahel, a-t-elle relevé, souhaitant que ces travaux se poursuivent pour renforcer la connaissance de la situation et accroître la cohérence entre tous les acteurs. Enfin, la représentante a appelé de ses vœux la tenue de consultations périodiques, ciblées et orientées vers l’action entre ces acteurs, afin de faire face aux menaces existantes et émergentes à la paix et à la sécurité internationales dans des régions spécifiques.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a estimé qu’il est temps d’actualiser et de renforcer les fonctions de l’ONU, y compris ses opérations de paix. Il faut tout d’abord renforcer le rôle des opérations de paix dans la coordination et l’intégration des efforts visant à soutenir la consolidation de la paix sur le terrain, a-t-il indiqué. Lorsque les opérations de paix se déploient, a-t-il expliqué, l’essentiel des activités de consolidation de la paix est partagé par un large éventail de partenaires, y compris la société civile et les institutions financières internationales. Il a également indiqué que d’autres partenaires, y compris les États Membres, peuvent œuvrer à cette coordination en favorisant l’ouverture et la transparence de leurs propres activités.
Le représentant a encouragé le Conseil de sécurité à tenir plus systématiquement compte des conseils de la Commission de consolidation de la paix pour donner aux opérations de paix une perspective à plus long terme. Enfin, le représentant a évoqué la question du financement durable pour renforcer la résilience face aux menaces sécuritaires, notamment au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Nous devrions exploiter davantage le Fonds et la Commission de la consolidation de la paix, a-t-il conclu.
M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne (UE), a mis en avant le partenariat stratégique étroit entre l’UE et les Nations Unies en matière d’opérations de paix et de gestion de crise. Une approche holistique de la prévention des conflits et de la gestion de crise est un élément essentiel de la politique étrangère et sécuritaire de l’UE, a fait savoir M. Gonzato, pour qui le dialogue, la réconciliation et la médiation constituent une méthode qui a fait ses preuves. Toutefois, œuvrer pour une paix résiliente implique d’aller au-delà des accords de paix et de prendre en compte la réconciliation à long terme, la cohésion sociale, le renforcement des institutions, le respect des droits de l’homme et le développement économique. Cela implique aussi de travailler en permanence sur les racines des conflits, comme les changements climatiques, l’insécurité alimentaire, les inégalités et la fragilité de la gouvernance. L’unité d’action des Nations Unies et le lien entre l’action humanitaire, le développement et la paix sont donc essentiels à une stratégie cohérente visant à rompre les cercles vicieux des conflits, a souligné M. Gonzato. Par ailleurs, l’UE, qui fournit plus de 60% du financement du Fonds pour la consolidation de la paix, reconnaît l’écart entre la demande et les ressources disponibles du Fonds et des efforts de consolidation de la paix au sens large. Le représentant a donc invité les États Membres à augmenter leurs contributions.
Mme PAULA NARVAEZ OJEDA (Chili) a estimé nécessaire d’adopter, dans les opérations de maintien de la paix, une approche globale et multidimensionnelle des conflits, en s’attaquant à leurs causes structurelles. Dans le même ordre d’idées, la représentante a préconisé d’accorder une attention prioritaire aux vulnérabilités existantes qui aggravent, selon elle, les conséquences des inégalités, citant la pauvreté, la perte des écosystèmes, la rareté des ressources et les déplacements forcés. Pour réussir les opérations de paix, la déléguée a recommandé de coordonner l’action entre les trois piliers du système des Nations Unies, notamment en ce qui concerne la nécessité d’harmoniser les objectifs de la paix et de la sécurité internationales avec les buts des objectifs de développement durable (ODD).
M. TAREK LADEB (Tunisie) a constaté qu’en dépit de l’engagement actif du Conseil dans le maintien de la paix et la sécurité internationales, la paix durable échappe toujours à de nombreuses régions dans le monde, en particulier dans les contextes fragiles en Afrique, en raison d’un certain nombre de facteurs sous-jacents et interconnectés qui entravent la résilience des populations, exacerbent les tensions, alimentent les cycles de violence et pérennise les conflits. Conjugués à la pauvreté chronique, au chômage, à l’exclusion et aux inégalités croissantes, ces facteurs attisent le mécontentement vis-à-vis des autorités. Notant que certains membres du Conseil prétendent que ces questions n’ont pas de lien avec leur mandat, le représentant a fait remarquer que le fait de les ignorer, a un impact sur l’efficacité même du Conseil et sape sa crédibilité. Ne pas examiner ces facteurs structurels, c’est risquer de contribuer à la résurgence des conflits pendant ou après une opération de paix, avec un effet boule de neige qui pourrait accroître l’insécurité au niveau régional compte tenu de leur nature transfrontalière.
M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a estimé qu’il faut fournir aux Casques bleus tous les moyens nécessaires à l’exécution de leur mandat, maintenant qu’ils sont de plus en plus confrontés à des menaces asymétriques. Les opérations de paix ont connu de profonds changements, conjugués à l’évolution rapide des contextes, ce qui appelle en particulier à des mesures de résilience. Ces opérations, a estimé le représentant, doivent être dotées de moyens conséquents pour protéger les civils. Rappelant que l’Afrique du Sud a accueilli un symposium sur le maintien de la paix et les nouvelles technologies, le représentant a espéré que l’ONU s’inspire des conclusions agréées. Il a plaidé pour l’application pleine et entière des engagements pris en vertu du programme pour les femmes et la paix et la sécurité. Il faut recruter plus de femmes et adapter les modalités des opérations de paix à leurs besoins particuliers. Il a aussi souligné que les organisations africaines, qui s’efforcent de contribuer au règlement des conflits, méritent des financements tirés du budget ordinaire de l’ONU comme le soulignent les résolutions 2320 (2016) et 2378 (2017) du Conseil de sécurité.
M. NACIM GAOUAOUI (Algérie) a dit sa conviction que chaque mission de paix a le devoir de réinstaurer la paix et la stabilité, tout en abordant les causes profondes des crises et encourageant le dialogue. Pour ce faire, ces opérations doivent bénéficier des ressources financières et matérielles nécessaires pour accomplir leur mandat, a rappelé le représentant. Il a ajouté que, pour être légitimes, elles doivent évoluer dans un environnement leur permettant d’accomplir leur mandat, notamment en termes de volonté politique. La coopération doit donc être renforcée entre toutes les parties sur le terrain, a insisté le représentant.
M. LUIS FELIPE LLOSA (Pérou) a plaidé pour l’établissement de relations de confiance entre le personnel des missions de maintien de la paix et les principaux acteurs locaux, à savoir les autorités nationales, le secteur privé et les mouvements locaux et populaires, tels que ceux dirigés par les femmes et les jeunes. Cette approche doit, selon lui, être intégrée aux processus de transition envisagés par les mandats des missions, dans le respect des droits humains et de l’état de droit. Rappelant que le Pérou contribue à six opérations de consolidation de la paix, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, au Soudan, au Soudan du Sud, à Abyei et au Liban, le représentant a jugé essentiel de prévoir une participation des femmes et des jeunes au différents organes et processus décisionnels, en particulier dans tous les aspects liés au processus de paix et de transition postconflit.
Pour le délégué, il importe également que le travail de coordination entre le Conseil de sécurité et les agences des Nations Unies engagées dans les plans de résilience guident leurs efforts pour améliorer la capacité des autorités locales à réduire les violences, notamment en donnant la priorité à la sécurité alimentaire, à la santé, à la sécurité des citoyens et à la participation politique. Dans ce contexte, il a salué le travail accompli par le Fonds pour la consolidation de la paix pour s’assurer que des ressources prévisibles et durables servent à protéger les populations civiles, à promouvoir les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et à augmenter les capacités dans les domaines de la justice, de la sécurité et de l’entrepreneuriat productif.
M. SERHII DVORNYK (Ukraine) a d’emblée pointé du doigt les agissements « irresponsables » de la Fédération de Russie dans son pays qui ont des effets dévastateurs partout dans le monde et exacerbé la crise alimentaire dans des régions déjà très vulnérables. Le représentant a dénoncé le chantage de la Fédération de Russie et ses menaces de saper l’Initiative céréalière de la mer Noire qui a pourtant permis l’exportation de neuf millions de tonnes de céréales et de produits alimentaires. Ce sont toujours les civils, a-t-il souligné, qui paient le prix fort d’une guerre, comme c’est le cas en Ukraine. Il est donc essentiel que les opérations de paix travaillent au rétablissement de la sécurité mais aussi au renforcement de la résilience. En tant que pays ayant activement participé à ces opérations, l’Ukraine, a poursuivi le représentant, constate, aujourd’hui, que le renforcement des capacités doit s’accompagner de la mise en place d’institutions propres à promouvoir l’état de droit et la démocratie. Ceux qui violent les droits de l’homme et les normes du droit international ne sauraient être considérés comme des partenaires dignes de ce nom dans le règlement des problèmes mondiaux, a martelé le représentant.
M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a prôné une approche globale pour assurer la collectivité des investissements dans la paix et la sécurité internationales, là où le Conseil de sécurité peut apporter sa pierre à l’édifice. En tant que pays contributeur de troupes, le Bangladesh, a dit le représentant, a mené, au sein des opérations de paix, des activités de renforcement de la résilience, de prévention des conflits et aussi de surveillance des trêves, avec le souci d’impliquer les populations dans les différentes initiatives. Le Bangladesh a également pris part activement aux processus de transition et au rétablissement de la démocratie dans différents pays. De même, il a œuvré dans les processus électoraux et les opérations de désarmement, démobilisation et réintégration. Pour renforcer la résilience et faciliter les efforts de réconciliation nationale, a conseillé le représentant, il faut mettre en place des institutions inclusives et comptables de leurs actes.
M. RICHARD ARBEITER (Canada) a dit attendre de participer, en 2023, à la réunion ministérielle sur le maintien de la paix qui sera accueillie par le Ghana. Concernant le rôle du Conseil de sécurité, qui est de faire en sorte que les opérations de paix des Nations Unies puissent s’attaquer aux causes des conflits et de l’insécurité, il a conseillé, parmi les ingrédients clefs de la réussite de ces opérations, de viser un engagement authentique des parties au conflit dans tout processus de paix, de prévoir des mandats clairs et réalisables avec les ressources nécessaires, de fournir l’appui total du Conseil de sécurité et de mobiliser le niveau régional de manière positive. Ces principes, inscrits dans la doctrine-cadre de 2008 de l’ONU, demeurent valides aujourd’hui, a déclaré le Canada, tout en faisant observer que dans de nombreux contextes où les opérations de paix de l’ONU sont déployées, ces éléments clefs sont absents, et là où ils sont absents, les missions sont en difficulté. Le Conseil de sécurité joue un rôle central, en mettant les opérations de paix qu’il autorise dans la meilleure position possible pour réussir, en utilisant tous les outils à sa disposition, a-t-il rappelé, soulignant néanmoins que le succès de la mission dépend de la collaboration de tous ces acteurs et de la responsabilisation mutuelle. Il a perçu le débat public d’aujourd’hui comme une amorce de discussion, à la fois constructive et critique, que les États Membres peuvent poursuivre dans le cadre de la prochaine session du Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34) ainsi que du processus de la Conférence ministérielle sur le maintien de la paix de 2023.
M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a fait remarquer que l’évolution rapide récente de l’environnement sécuritaire international pose de nouveaux défis à tous les États Membres, ce qui exige une approche et des stratégies d’engagement mieux adaptées ainsi qu’une évolution des opérations de paix. Ce n’est que par une approche holistique qu’il sera possible de mettre un terme à l’effet domino de guerres qui entraînent « de nouvelles crises et de nouvelles crises », qui provoquent de nouvelles guerres, a prévenu le représentant. Il a dit être convaincu qu’une stabilité à long terme n’est pas possible sans éliminer les causes sous-jacentes des conflits, telles que le manque d’unité sociopolitique, l’exclusion des processus politiques, les inégalités, de faibles institutions, les risques liés au climat et l’insécurité alimentaire. C’est la raison pour laquelle la Pologne attache une grande importance au lien entre l’action humanitaire, le développement et la paix, a-t-il dit, en concluant son intervention.
M. OMAR KADIRI (Maroc) a estimé que la réponse aux multiples défis actuels doit se fonder sur des approches nouvelles et novatrices, qui permettent d’anticiper et d’intervenir au lieu de se limiter à réagir. Il faut consacrer davantage de ressources au renforcement des différents outils à la disposition des Nations Unies afin de garantir la complémentarité des actions. Le représentant a réitéré sa conviction que l’instauration d’une paix pérenne nécessite d’investir dans le lien entre l’action humanitaire, le développement et la paix, afin d’éliminer les causes profondes des conflits et de renforcer les capacités des États Membres à prévenir et répondre aux risques de crise. Il a aussi insisté sur la diplomatie préventive, la médiation et les missions politiques spéciales en tant qu’outils essentiels de l’ONU qui doivent être en mesure de remplir pleinement leur rôle. La complémentarité et la coordination entre le Conseil de sécurité et la Commission de consolidation de la paix sont également importantes.
M. ALHAJI FANDAY TURAY (Sierra Leone) a mis l’accent sur les acteurs locaux dont dépend le succès des efforts de paix. Il a aussi encouragé la communauté de consolidation de la paix à mieux prendre en compte la valeur de la prévention et à se focaliser sur le long terme au niveau local, en sus du national. Il a remarqué que les acteurs internationaux impliqués dans l’assistance humanitaire, le développement, la relève après les catastrophes et la consolidation de la paix se concentrent principalement sur les aspects négatifs du conflit, en oubliant de donner la priorité à la résilience à renforcer des personnes en butte à de graves situations. Une approche centrée sur la résilience est en effet un outil crucial pour analyser et élaborer des politiques et programmes taillés sur les besoins spécifiques des populations locales, a-t-il dit. Il a fourni comme exemple sierra-léonais le cadre « Wan Fambul » (Une famille) conjointement conçu par plusieurs ministères en collaboration avec l’organisation non gouvernementale « Fambul Tok » et l’ONG internationale « Catysts for Peace ». Ce cadre permet de promouvoir une approche de leadership communautaire tendant à la consolidation de la paix, à la réconciliation et à l’autonomisation économique dans trois districts pilotes. Il s’agit du premier programme interministériel mettant en pratique de nouvelles formes de planification et de collaboration entre acteurs nationaux et internationaux au niveau du pays, qu’il est également prévu d’élargir aux 16 districts de la Sierra Leone, s’est enorgueilli le représentant.
M. CLAVER GATETE (Rwanda) a fait observer que l’histoire de processus réussis montre que s’attaquer aux causes réelles de conflit avec impartialité suscite la confiance entre les parties prenantes, ce qui, en retour, donne une base solide aux processus politiques et facilite la consolidation de la paix. Il a jugé indispensable d’adapter le mandat des opérations de paix aux réalités locales en impliquant les autorités, par le biais de divers mécanismes bilatéraux et multilatéraux en mesure d’apporter la synergie nécessaire. Une telle approche devrait être mise en place conformément à l’Action pour le maintien de la paix du Secrétaire général et en partenariat avec le pays hôte, a suggéré M. Gatete. Dans la plupart des cas, la priorité est de protéger les civils et de fournir une réponse humanitaire tout en cherchant des solutions à long terme par le biais de négociations. Il a témoigné qu’au Rwanda, après le génocide de 1994 contre les Tutsis, des solutions locales ont été intégrées dans le cadre de réformes, ce qui a contribué à résoudre certaines questions essentielles plus rapidement.
M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a reconnu que le Conseil de sécurité vient d’être confronté à des menaces traditionnelles et non traditionnelles qui exigent de lui de nouvelles approches pour garantir une réponse efficace propre à assurer une paix durable. Notant que les nouvelles menaces à la paix et la sécurité internationales incluent le recours à des armes sophistiquées et à la cybercriminalité, le représentant a insisté sur la nécessité de confier aux opérations de paix des mandats robustes qui leur permettent de répondre à des dynamiques et des contextes en mutation rapide.
M. MARISKA DWIANTI DHANUTIRTO (Indonésie) a estimé que le Conseil de sécurité doit avoir une certaine marge de manœuvre dans les tâches confiées aux opérations de paix, au regard de l’évolution constante des défis en matière de paix et sécurité. Pour le représentant, il faut encourager l’appropriation nationale et élaborer des mandats clairs. L’idéal est de faire en sorte que les opérations de paix aient des effets positifs sur les populations locales, pour éviter de nouveaux risques en matière de sécurité. Le représentant a, pour finir, estimé que la performance de ces opérations dépend du recrutement d’un nombre accru de femmes plus aptes à multiplier les contacts avec les groupes les plus vulnérables, dont les femmes et les enfants.
Mme JEANNE MRAD (Liban) a estimé que le Conseil de sécurité doit réfléchir aux questions sociales transversales, qui pourraient faire basculer les pays dans l’instabilité et les conflits. Le sous-développement et la répartition inégale des richesses sont autant de causes de conflits. On ne peut plus se pencher sur le développement et la sécurité de manière isolée. Il faut que le Conseil adopte une approche globale et crée une coordination étroite avec les entités publiques locales. S’il faut revoir les mécanismes de riposte aux menaces, il ne faut pas pour autant questionner les outils que sont les opérations de paix, a plaidé la représentante.
Mme ANA PAULA BAPTISTA GRADE ZACARIAS (Portugal), dont le pays est actuellement engagé dans plusieurs missions, notamment en République centrafricaine, au Soudan du Sud et en Colombie, a dit avoir pris conscience que le maintien de la paix est désormais de plus en plus exigeant, avec des opérations plus complexes et des environnements opérationnels de plus en plus hostiles. Soulignant la nécessité de se concentrer sur les causes profondes des conflits, elle a ajouté qu’un engagement politique est nécessaire à tous les niveaux pour résoudre les différends et rétablir la confiance. Elle a dit que son pays a soutenu le Mozambique dans le conflit armé à Cabo Delgado, en fournissant une formation à ses forces armées et un soutien aux secteurs de la justice, de la sécurité et de la défense. Pour cette raison aussi, elle a émis l’espoir qu’une décision sera bientôt prise pour assurer un financement prévisible et durable aux opérations dirigées par l’Union africaine.
M. TIJJANI MUHAMMAD BANDE (Nigéria) a mis en avant cinq domaines essentiels dans lesquels le Conseil de sécurité peut intégrer un renforcement efficace de la résilience dans les opérations de paix. Il a d’abord souligné les risques liés aux changements climatiques, d’autant que les opérations de paix se déploient dans des pays parmi les plus exposés. Il a aussi souligné que les soldats de la paix peuvent jouer un rôle vital, en aidant les autorités nationales à répondre à la crise sanitaire due à la pandémie de COVID-19. Il a ensuite insisté sur la composante « protection des civils » des mandats et sur l’appui qu’il faut offrir aux autorités nationales dans le rétablissement des moyens de subsistance des communautés vulnérables, y compris par un soutien aux cours de formation. Le Conseil de sécurité, a poursuivi le représentant, doit continuer de donner aux femmes et aux jeunes les moyens de jouer un rôle actif dans la prévention des conflits, le maintien de la paix et les mécanismes d’après-conflit. Enfin, sans financement suffisant, prévisible et durable, renforcer la résilience contre les menaces à la sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest restera une tâche herculéenne, a prévenu le représentant.
M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) a appelé à un esprit pratique afin d’affiner les objectifs à court, moyen et long terme en matière de désarmement et de démobilisation. Il a aussi insisté sur l’importance de la réforme des institutions essentielles, telles que la police et le pouvoir judiciaire. Les processus de consolidation de la paix, a-t-il dit, doivent, pour être efficaces, permettre aux sociétés de résister aux pressions internes et externes. Les efforts doivent tenir compte de la diversité des besoins et des intérêts divers et promouvoir l’inclusivité, le partenariat et le besoin collectif de tirer les enseignements du passé. L’échange des connaissances et des expériences ainsi que la possibilité pour les communautés de lancer des initiatives et des mécanismes de coordination sont autant d’éléments à prendre en compte pour parvenir à la consolidation de la paix. Quant au concept de résilience, il doit être envisagé par les communautés elles-mêmes pour avoir une légitimité politique, sociale et culturelle.
M. THOMAS PETER ZAHNEISEN (Allemagne) a observé que les opérations de paix s’efforcent constamment d’améliorer leur connaissance de la situation. Cependant, bien que celles-ci aient souvent un niveau très élevé de capacité analytique, il a recommandé d’améliorer l’analyse et l’utilisation systématiques des données. Soulignant le rôle important des conseillers en sécurité climatique dans les missions, le représentant a appelé à créer de tels postes dans toutes les missions appropriées. La clef pour résoudre le problème de la durabilité des opérations de la paix est d’intégrer les différents instruments de l’ONU de manière plus cohérente, a-t-il insisté. Elle a rappelé le rôle essentiel de la Commission de consolidation de la paix, qui pourrait informer le Conseil de sécurité sur des aspects qui n’ont pas encore reçu une attention suffisante. Enfin, le représentant a dit attendre avec impatience de pouvoir discuter des modalités d’un financement adéquat des opérations de soutien à la paix dirigés par l’UA pour faire face à la menace croissante de l’extrémisme violent et du terrorisme en Afrique.