Le Conseil de sécurité renouvèle le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) jusqu’au 31 octobre 2023
Après cinq renouvèlements techniques de courte durée en moins de 14 mois, le Conseil de sécurité a décidé ce matin de proroger le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) jusqu’au 31 octobre 2023. Adoptée à l’unanimité, la résolution 2656 (2022) précise que cette extension d’un an doit permettre à la mission politique spéciale intégrée de « mener à bien le mandat qui lui a été confié dans la résolution 2542 (2020) et au paragraphe 16 de la résolution 2570 (2021) » et qui demeure inchangé.
Dans la résolution, le Conseil se félicite de la désignation d’Abdoulaye Bathily comme Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la MANUL. La nomination d’un nouveau Représentant spécial et Chef de la mission était depuis des mois un sujet de discussion au sein du Conseil. Par deux fois, en avril et juillet, la Fédération de Russie avait refusé des prorogations supérieures à trois mois tant qu’un tel chef de mission ne serait pas nommé, ce qui avait entraîné en juillet l’abstention des trois membres africains du Conseil lors de la dernière prorogation « technique » du mandat de la Mission. M. Bathily a été nommé par le Secrétaire général le 2 septembre et est intervenu pour la première fois devant le Conseil de sécurité en cette qualité le 24 octobre.
M. Bathily avait auparavant dirigé l’examen stratégique de la MANUL mené durant l’été 2021. Dans la résolution adoptée ce jour, le Conseil demande de nouveau que la Mission « envisage l’ensemble des moyens pouvant lui permettre d’accroître son efficience et de redéployer les ressources existantes, notamment par la priorisation et la reconfiguration des tâches et des ressources, en fonction des besoins et des possibilités », ceci dans le cadre de l’application des recommandations issues de l’examen stratégique. Le Secrétaire général devra informer le Conseil de l’application de ces recommandations dans les rapports qu’il remettra désormais tous les 60 jours et non plus mensuellement.
Concernant la situation en Libye, le Conseil rappelle la feuille de route du Forum de dialogue politique interlibyen et « déplore que bon nombre de résultats attendus n’aient pas encore été obtenus » alors qu’il note que « toutes les parties prenantes libyennes avaient précédemment donné des garanties fermes pour appuyer et respecter l’indépendance et l’intégrité du processus électoral ».
Le Conseil, qui prend note du désir du peuple libyen de se prononcer sur ses futurs dirigeants au moyen des élections, invite instamment les institutions politiques et les principales parties prenantes libyennes à s’accorder sur un plan de route en vue de la tenue de ces telles élections dans tout le pays « le plus rapidement possible ». Ces élections, rappelle-t-il, devront reposer sur des bases constitutionnelles et juridiques, faire appel à la concertation, au compromis et à la participation constructive, de manière transparente et inclusive. Les élections présidentielle et législative prévues le 24 décembre 2021 avaient été reportées sine die faute d’un telle base juridique. L’objectif, ajoute la résolution, sera de former « un gouvernement libyen unifié, à même de contrôler le pays tout entier et représentant l’ensemble du peuple libyen ».
Les trois membres africains du Conseil se sont exprimés tour à tour après l’adoption pour se féliciter que la résolution garantisse stabilité et prévisibilité à la Mission. Le Gabon a vu dans le texte adopté un message clair au peuple libyen montrant que les Nations Unies sont à leur côté. La représentante du Kenya a en outre lancé un appel tant à la communauté internationale qu’aux dirigeants libyens pour qu’ils utilisent le « cadre de soutien onusien » à leur disposition, tout en ajoutant que le processus de paix en Libye était complexe et encore compliqué par des intérêts politiques extérieurs qui sont en concurrence. Le représentant du Ghana a appelé tous les membres du Conseil à soutenir le Représentant spécial dans sa mission, et les parties libyennes à œuvrer pour la démocratie dans le pays. Le Brésil, qui a aussi pris la parole, a dit espérer que la prolongation du mandat de la MANUL permettra à ses dirigeants de mieux remplir leur mandat, notamment en ce qui concerne la communication stratégique, dans le contexte de la tenue d’élections. Il a aussi rappelé que la Commission de consolidation de la paix pouvait contribuer, avec l’accord du pays concerné, à instaurer un climat de dialogue.
Texte du projet de résolution S/2022/803
Le Conseil de sécurité,
Rappelant sa résolution 1970 (2011) et toutes ses résolutions ultérieures sur la Libye, notamment les résolutions 2259 (2015), 2510 (2020), 2542 (2020), 2570 (2021), 2629 (2022) et 2647 (2022),
Réaffirmant son ferme attachement à un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens avec l’aide de l’Organisation des Nations Unies et l’appui de la communauté internationale, notamment à la tenue dès que possible d’élections présidentielle et législatives nationales libres, régulières, transparentes et inclusives dans toute la Libye, notant que toutes les parties prenantes libyennes avaient précédemment donné des garanties fermes pour appuyer et respecter l’indépendance et l’intégrité du processus électoral, ainsi que les résultats des élections, et exprimant à cet égard son appui à la reprise de la facilitation des concertations interlibyennes visant à créer des conditions et des circonstances et notamment un climat de sécurité propices à l’organisation d’élections reposant sur des bases constitutionnelles et légales, afin de mettre un terme à la période de transition,
Se déclarant préoccupé par l’état de la sécurité en Libye, notamment par les affrontements violents chroniques opposant des groupes armés dans la région de Tripoli, qui font des victimes civiles et entraînent la destruction d’infrastructures civiles, et demandant à toutes les parties de maintenir le calme qui règne sur le terrain,
Condamnant énergiquement l’emploi sans discrimination d’armes dans des zones peuplées qui a des conséquences pour la population civile et demandant à toutes les parties de s’abstenir de se livrer à de tels actes, conformément aux obligations que leur impose le droit international, en particulier en matière de protection des civils en période de conflit armé,
Conscient du rôle important que jouent les pays voisins et les organisations régionales à l’appui de l’action des Nations Unies, rappelant la résolution 2616 (2021), constatant avec préoccupation les répercussions du conflit sur les pays voisins, notamment le danger que représentent le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes, ainsi que les mouvements de groupes armés et de mercenaires, et encourageant le maintien de l’appui international et de la coopération régionale entre la Libye, les pays voisins et les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies, notamment la Commission de consolidation de la paix, en faveur de la consolidation et de la pérennisation de la paix dans le pays et dans la région,
Notant avec inquiétude la menace que constituent le détournement et la prolifération des armes et des munitions en Libye, qui portent atteinte à la stabilité, et demandant aux institutions libyennes clefs, avec l’appui de l’Organisation des Nations Unies, de prendre des mesures pour sécuriser et gérer efficacement les stocks de munitions, détruire les engins explosifs et les restes explosifs de guerre dans les zones dangereuses et protéger les civils contre les risques d’explosion accidentelle dans les sites de munitions,
Insistant sur la nécessité de planifier le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés et de tous les acteurs armés non étatiques concernés, dans le cadre d’une démarche intégrée, globale et cohérente en matière de consolidation de la paix, notamment le retour de leurs membres dans leur pays d’origine, soulignant qu’il faudrait pour cela instaurer une coordination régionale et prendre en considération les besoins et les priorités du maintien de la paix, constatant qu’il importe de préparer la réforme du secteur de la sécurité et d’établir un dispositif de sécurité inclusif, unifié et comptable de son action, placé sous le contrôle des autorités civiles pour toute la Libye, et demandant aux autorités libyennes de s’attacher à accomplir des progrès sur cette question,
Exhortant les institutions et autorités libyennes à garantir la participation pleine, égale, effective et véritable des femmes à tous les niveaux, y compris aux postes de direction, et à toutes les activités et décisions relatives aux processus politiques d’inclusion, la transition démocratique, le règlement des conflits et la consolidation de la paix, sachant qu’il importe de protéger les femmes, les organisations de défense des droits des femmes et les artisanes de la paix contre les menaces et les représailles, encourageant vivement toutes les parties à créer un environnement sûr et porteur pour permettre aux membres de la société civile, notamment à ceux qui promeuvent et protègent les droits humains, de mener leurs activités en toute indépendance et à l’abri de toute ingérence indue, y compris dans les situations de conflit armé, et de lutter contre les menaces, le harcèlement et la violence, pour contrer les discours de haine dirigés contre eux, et de protéger et de promouvoir les droits humains, conformément aux obligations que leur impose le droit international, et appuyant les mesures prises par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) pour permettre aux femmes issues de tous les secteurs de la société libyenne de contribuer et de participer plus largement au processus politique et aux institutions publiques, et sachant que le processus politique doit être ouvert à tous les Libyens, y compris aux jeunes et à la société civile,
Rappelant que les ressources pétrolières de la Libye doivent être utilisées au profit de tous les Libyens et rester sous le contrôle exclusif de la National Oil Corporation, engageant toutes les parties à laisser la National Oil Corporation mener ses activités sans perturbation, ingérence, ni politisation, et rappelant l’importance d’un contrôle libyen des institutions économiques et financières nationales, ce qui comprend la responsabilité d’assurer une gestion transparente, équitable et comptable des recettes dans tout le pays,
Réaffirmant qu’il importe de créer un mécanisme dirigé par les Libyens et rassemblant les parties prenantes de tout le pays destiné à définir les priorités en matière de dépenses et à veiller à ce que les recettes du pétrole et du gaz soient gérées de manière transparente, équitable et comptable et soumises à un contrôle libyen effectif, et réaffirmant le rôle de la MANUL pour ce qui est d’aider à consolider les arrangements économiques des institutions libyennes,
Réaffirmant qu’il entend veiller à ce que les avoirs gelés en application des dispositions du paragraphe 17 de la résolution 1970 (2011) soient, à une étape ultérieure, mis à la disposition du peuple libyen et utilisés à son profit,
Notant avec inquiétude la situation humanitaire en Libye, notamment les mauvaises conditions de vie, l’insuffisance de services de base et la situation des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, y compris l’impossibilité pour les déplacés de regagner leurs foyers en raison des risques liés aux explosifs et des menaces de représailles, se déclarant gravement préoccupé par le trafic de migrants et de réfugiés et la traite d’êtres humains sur le territoire libyen et par les difficultés rencontrées par les migrants et les réfugiés qui sont détenus arbitrairement, soumis à de mauvais traitements et exposés à la violence sexuelle et fondée sur le genre, soulignant qu’il importe de s’attaquer aux causes profondes du trafic de migrants et de la traite d’êtres humains, se félicitant des travaux menés par la MANUL pour coordonner et appuyer la fourniture de l’aide humanitaire aux réfugiés et aux migrants, engageant les autorités libyennes à s’employer à fermer les centres de rétention de migrants et à atténuer de toute urgence les souffrances de l’ensemble de la population libyenne en accélérant la prestation des services publics dans toutes les zones du pays et exhortant toutes les parties à permettre et à faciliter un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave,
Rappelant sa résolution 2510 (2020) dans laquelle il a enjoint à toutes les parties au conflit de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international humanitaire, et soulignant que quiconque est responsable de violations du droit international humanitaire et des droits humains et d’atteintes à ces droits devra répondre de ses actes,
Exhortant toutes les parties à appliquer les résolutions pertinentes relatives aux priorités concernant les femmes et la paix et la sécurité et à prévenir et combattre la violence sexuelle liée aux conflits, et engageant les autorités libyennes à mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes de violence sexuelle et fondée sur le genre, conformément à ses résolutions applicables, en particulier la résolution 1325 (2000),
Rappelant qu’il importe de protéger les enfants, selon les dispositions énoncées dans ses résolutions pertinentes, et de prendre les mesures appropriées à cet égard, se déclarant préoccupé par les informations faisant état de violations et d’atteintes sur la personne d’enfants en Libye en dépit de l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020, en particulier les meurtres ou les atteintes à l’intégrité physique d’enfants, les enlèvements d’enfants, les violences sexuelles commises contre des enfants, l’enrôlement ou l’utilisation d’enfants, et exhortant toutes les parties à mettre immédiatement fin à ces pratiques,
Se félicitant du Plan-cadre de coopération des Nations Unies pour le développement durable 2023-2025, qui dénote la volonté des parties prenantes libyennes et de l’Organisation des Nations Unies de coopérer au moyen d’une démarche associant l’action humanitaire, le développement et la consolidation de la paix pour remédier aux causes structurelles de la fragilité et aux besoins humanitaires qui subsistent, afin d’opérer une transformation en profondeur et une transition vers une paix et un développement durables dans tout le pays, à l’appui du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable,
Rappelant qu’il a constaté, dans sa résolution 2213 (2015), que la situation en Libye continuait de menacer la paix et la sécurité internationales,
1. Décide de proroger jusqu’au 31 octobre 2023 le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), mission politique spéciale intégrée, pour lui permettre de mener à bien le mandat qui lui a été confié dans la résolution 2542 (2020) et au paragraphe 16 de la résolution 2570 (2021) ;
2. Se félicite de la désignation d’Abdoulaye Bathily comme Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la MANUL et exhorte toutes les parties libyennes et les principales parties prenantes à coopérer pleinement et de manière constructive avec le Représentant spécial du Secrétaire général dans l’exécution de son mandat ;
3. Prie à nouveau instamment la MANUL d’appliquer les recommandations issues de l’examen stratégique indépendant (S/2021/716), notamment en recourant davantage à des communications stratégiques pour appuyer les activités de la Mission, demande de nouveau que, dans le cadre de l’application des recommandations issues de l’examen stratégique, la MANUL envisage l’ensemble des moyens pouvant lui permettre d’accroître son efficience et de redéployer les ressources existantes, notamment par la priorisation et la reconfiguration des tâches et des ressources, en fonction des besoins et des possibilités, et prie le Secrétaire général de l’informer de l’application des recommandations issues de l’examen stratégique, dans le rapport demandé au paragraphe 11 de la présente résolution ;
4. Rappelle la feuille de route du Forum de dialogue politique interlibyen, déplore que bon nombre de résultats attendus n’aient pas encore été obtenus, souligne que les objectifs et les principes directeurs énoncés dans ladite feuille de route et en particulier aux articles 1, 2 et 6 demeurent pertinents pour le processus politique, notamment les principes de responsabilité financière, la lutte contre la corruption et la transparence, rejette tout acte susceptible de conduire à la violence ou d’accentuer les divisions en Libye, prend note du désir du peuple libyen de se prononcer sur ses futurs dirigeants au moyen des élections, et invite instamment les institutions politiques et les principales parties prenantes libyennes à s’accorder sur un plan de route en vue de la tenue de ces élections dans tout le pays le plus rapidement possible, reposant sur des bases constitutionnelles et juridiques, faisant appel à la concertation, au compromis et à la participation constructive, de manière transparente et inclusive, dans l’objectif notamment de la formation d’un gouvernement libyen unifié, à même de contrôler le pays tout entier et représentant l’ensemble du peuple libyen ;
5. Se félicite de l’appui apporté par l’Organisation des Nations Unies à la Haute Commission électorale nationale libyenne et l’encourage à poursuivre cet appui afin de permettre la conduite d’élections présidentielle et législatives nationales libres, régulières, transparentes et inclusives, dans toute la Libye ;
6. Souligne l’importance d’un processus de dialogue national et de réconciliation nationale global et inclusif, fondé sur les principes de la justice transitionnelle, se félicite de l’action menée par le Conseil présidentiel pour lancer le processus de réconciliation nationale et du concours de l’Union africaine à cet égard, notamment pour faciliter une réunion sur la réconciliation nationale en Libye pendant les mois à venir, apprécie le rôle important que jouent d’autres organisations régionales telles que la Ligue des États arabes et l’Union européenne, et demande aux institutions et autorités libyennes compétentes de mettre en place des mesures de confiance en vue d’instaurer des conditions propices au bon déroulement d’élections présidentielle et législatives nationales, notamment en veillant à la participation pleine, égale, effective et véritable des femmes, et à l’inclusion de représentants des jeunes et de la société civile, à toutes les activités et décisions concernant la transition démocratique et les efforts de réconciliation ;
7. Souligne qu’il ne saurait y avoir de solution militaire en Libye et demande à toutes les parties de s’abstenir de toute violence et de tout acte susceptible d’aggraver les tensions, d’exacerber les conflits ou de compromettre le processus politique ou le cessez-le-feu du 23 octobre 2020 en Libye, qui doit être pleinement appliqué ;
8. Rappelle que les mesures énoncées dans sa résolution 1970 (2011), telles que modifiées par des résolutions ultérieures, s’appliqueront également aux personnes et entités dont le Comité des sanctions de l’Organisation des Nations Unies a déterminé qu’elles se livraient ou qu’elles apportaient un appui à des actes qui mettent en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou qui entravent ou menacent la réussite de sa transition politique, ce qui comprend le fait d’entraver ou de compromettre la tenue des élections, et exige de tous les États Membres qu’ils respectent pleinement l’embargo sur les armes qu’il a imposé à la Libye par sa résolution 1970 (2011), telle que modifiée par des résolutions ultérieures ;
9. Exhorte tous les États Membres à respecter pleinement la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et l’unité nationale de la Libye ;
10. Demande à toutes les parties d’appliquer intégralement l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020 ainsi que le Plan d’action approuvé par la Commission militaire conjointe 5+5 à Genève le 8 octobre 2021, qui devra être exécuté de manière synchronisée, progressive et équilibrée, et engage vivement les États Membres à en respecter et à en appuyer la mise en œuvre intégrale, notamment en retirant sans plus tarder l’ensemble des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen ;
11. Prie le Secrétaire général de lui rendre compte tous les 60 jours de l’application de la présente résolution ;
12. Décide de rester activement saisi de la question.