9003e séance - matin
CS/14839

Les membres du Conseil de sécurité se préoccupent des conséquences de la guerre en Ukraine sur la situation humanitaire en Syrie

Alors que le conflit syrien vient d’entrer dans sa douzième année, le Conseil de sécurité, qui examinait ce matin la situation dans le pays sous le double aspect politique et humanitaire, s’est inquiété des conséquences que pourrait avoir pour la Syrie la guerre en Ukraine.  Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Martin Griffiths, a ainsi appelé le Conseil à agir pour « montrer au peuple syrien qu’il n’est pas oublié » et à lui fournir l’aide dont il a d’autant plus besoin que le prix des denrées de base augmente.  Si la nouvelle réunion de la Commission constitutionnelle décrite par l’Envoyé spécial Geir Pedersen a été évoquée, beaucoup de membres du Conseil se sont aussi préoccupés de la reconduction de l’autorisation des convois transfrontaliers d’aide humanitaire, considérée comme un test pour l’esprit de consensus au sein du Conseil, malmené par le conflit ukrainien. 

« Nous ne pouvons pas laisser tomber le peuple syrien; pourtant, nous risquons fort d’en arriver là si nous ne prenons pas des mesures urgentes », a averti M. Griffiths.  S’il s’est dit « parfaitement conscient » de l’augmentation rapide des besoins humanitaires dans le monde et des difficultés de « l’environnement financier », le Coordonnateur des secours d’urgence n’en a pas moins appelé à financer suffisamment le plan de réponse humanitaire 2022 pour la Syrie, « sur le point d’être finalisé » et d’un montant environ 1,1 milliard de dollars, dont un quart irait à des projets de relèvement rapide et de renforcement de la résilience.  Il a en particulier rappelé qu’on estime à 12 millions les Syriens souffrant d’insécurité alimentaire et que ce nombre risque d’augmenter du fait de la hausse mondiale du prix des denrées alimentaires provoquée par la guerre en Ukraine. 

Le Secrétaire général adjoint de la Ligue des États arabes, M. Hossam Zaki, a lui aussi prédit que le conflit ukrainien aurait des conséquences sur la crise syrienne et a dit craindre qu’il détourne le regard du Conseil de la situation qui règne en Syrie.  Il a ensuite élargi la question à toute la région, en particulier aux pays voisins comme la Jordanie et le Liban, qui accueillent depuis des années des millions de réfugiés syriens au prix d’énormes charges et d’une forte pression sur leurs infrastructures, notamment éducatives et de santé. 

La gravité de la situation humanitaire a amené M. Griffiths et, à sa suite, plusieurs membres du Conseil à rappeler l’importance de l’acheminement de l’aide humanitaire à l’ensemble des populations dans le besoin, alors que se profile l’échéance, début juillet, du renouvèlement de l’autorisation des convois transfrontaliers.  En juillet 2021, pour la première fois, le Conseil avait reconduit à l’unanimité cette autorisation, à laquelle s’ajoutait la reconnaissance d’une nécessité « d’améliorer l’approvisionnement à travers les lignes de front ».  M. Griffiths a souhaité que soit préservé « l’esprit de coopération » qui avait alors prévalu.  Ce matin, certains membres -en particulier occidentaux- ont mis l’accent sur le renouvèlement de l’autorisation transfrontalière; d’autres, comme l’Inde ou les A3 (Gabon, Ghana et Kenya), sur l’amélioration des opérations à travers les lignes de front pour lesquelles la Fédération de Russie s’est plainte du manque de respect des dispositions de la résolution 2585 (2021).  Pour d’autres enfin, comme le Mexique, les deux mécanismes sont nécessaires et complémentaires.  La Ligue des États arabes a plaidé pour que la question soit traitée sans politisation.

L’examen de l’angle politique a été marqué par l’exposé de M. Pedersen sur la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle syrienne, qui se tient cette semaine à Genève.  L’Envoyé spécial a répété une nouvelle fois qu’une solution militaire est « une illusion ».  Plusieurs membres du Conseil –la Fédération de Russie, mais aussi l’Inde et les Émirats arabes unis- ont saisi l’occasion pour rappeler leur opposition à toute « ingérence étrangère » en Syrie. 

Ces pays ont également salué la normalisation progressive des relations de la Syrie avec ses voisins arabes.  La France a en revanche estimé que la réintégration de la Syrie dans la Ligue des États arabes ne permettrait pas de contrecarrer les ingérences extérieures dans le pays et l’instabilité régionale.  Elle s’est en outre opposée aux efforts de réhabilitation de la Syrie dans le giron international, ajoutant qu’ignorer les crimes de guerre commis par Bashar Al-Assad revenait à « remettre en question la possibilité d’une paix durable ».  De même, pour les États-Unis, il n’est pas question de normaliser leurs relations avec le « régime syrien », tandis que le Royaume-Uni a clairement dit refuser de travailler avec le « régime Assad ». 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Intervenant en visioconférence depuis Genève, M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a informé que l’organe restreint de la Commission constitutionnelle syrienne y tient sa septième session cette semaine.  La Syrie restant l’une des plus graves crises au monde, a-t-il rappelé, en appelant à progresser vers une solution politique conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. 

Alors que ce mois de mars marque « le triste anniversaire de ce conflit » (11 ans) et que les besoins du peuple syrien augmentent, il a appelé les membres de la Commission à travailler avec le sens du sérieux et l’esprit de compromis que la situation exige.  Cette semaine, a-t-il rapporté, ils ont débattu de projets de textes constitutionnels portant sur les fondements de la gouvernance, l’identité de l’État, les symboles de l’État et la réglementation et les fonctions des pouvoirs publics.  « Les délibérations n’ont pas été faciles. »  Les délégations doivent maintenant soumettre des révisions pour refléter le contenu des discussions, et celles-ci doivent ensuite être discutées par les membres de la Commission.  « Nous verrons donc si les prochaines 24 heures nous aident à avancer. »  Malgré les divergences, M. Pedersen a estimé qu’il est possible de trouver et de développer des points communs, « si la volonté existe pour le faire ».  Un effort d’élaboration de la constitution qui commence réellement à explorer des compromis pourrait aider à renforcer la confiance dans ce processus, quelque chose qui manque cruellement parmi les Syriens à l’heure actuelle, a-t-il déploré.

En ce qui concerne la situation sur le terrain, et au-delà de la sphère humanitaire, il y a beaucoup d’autres choses qui pourraient être faites pour renforcer la confiance, a affirmé l’Envoyé spécial.  « Après tout, il est clair qu’aucun acteur ou groupe d’acteurs existant en Syrie ne peut déterminer l’issue de ce conflit.  Une solution militaire est une illusion. »  Notant qu’il n’y a pas eu de changement dans les lignes de front depuis deux ans, il a pourtant relevé que, ce mois-ci, les violences se sont poursuivies entre les différents acteurs syriens, deux groupes terroristes répertoriés qui impliquent également cinq armées étrangères.  M. Pedersen a toutefois vu comme possible, avec les lignes de front gelées, d’essayer de désamorcer militairement et de construire un véritable cessez-le-feu national. 

L’Envoyé spécial a souligné que les Syriens de tous bords continuent d’être touchés par le sort des personnes détenues, enlevées et portées disparues.  « Toute tentative crédible d’instaurer la confiance doit inclure des avancées sérieuses sur cette question. »  Selon lui, il y a aussi beaucoup qui pourrait être fait par le Gouvernement syrien, d’une part, et par des acteurs extérieurs, d’autre part, pour répondre aux préoccupations exprimées par les réfugiés syriens et les déplacés, qui empêchent la plupart de rentrer: la sûreté et la sécurité; le manque de moyens de subsistance et d’opportunités de travail; le manque de logements adéquats ainsi que les préoccupations concernant la terre et les droits de propriété; les exigences du service militaire; et des services de base inadéquats.

Pour M. Pedersen, il devrait être possible d’identifier des mesures concrètes, réciproques et vérifiables qui pourraient être prises en parallèle et qui pourraient commencer à modifier la dynamique du conflit.  Il a indiqué réfléchir à la façon dont un processus politique plus large pourrait être construit pour s’attaquer à tous les problèmes de la résolution 2254 (2015).  « La diplomatie internationale constructive nécessaire pour soutenir cet effort n’a pas été facilitée par les récentes tensions internationales accrues », a-t-il toutefois regretté.  

Rappelant ensuite l’impact du conflit syrien sur la région, l’Envoyé spécial a salué la participation de la Ligue des États arabes à la réunion d’aujourd’hui.  La contribution et le soutien régionaux à l’effort mené par l’ONU pour faciliter un règlement politique seront essentiels, tout comme les contributions de nombreuses autres parties prenantes internationales.  C’est pourquoi, a-t-il précisé, il continue à consulter largement, à Genève, Washington ou Antalya, et avec tous les Syriens.  Le Conseil consultatif des femmes s’est réuni cette semaine en dehors de Genève et continue de lui faire part de son point de vue et de ses idées sur le processus politique.  Plus tôt ce mois-ci, le groupe de travail thématique sur l’appui à la société civile a aussi été convoqué à Genève pour évoquer notamment l’économie, la reprise et les perspectives de développement.  M. Pedersen a conclu en disant compter sur tous les membres du Conseil pour soutenir ses efforts.

M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a rappelé qu’en ce mois de mars, cela fait désormais 11 ans que le peuple syrien souffre de la guerre, de la destruction et d’une crise humanitaire qui ont peu de parallèles dans l’histoire récente.  Il a rappelé que plus de 350 000 personnes ont été tuées et près de 14 millions déplacées, que les services de base ont été détruits et que 5 millions d’enfants nés depuis le début du conflit n’ont connu que la misère.

M. Griffiths a ensuite détaillé les plus récents développements, faisant état de civils tués ou blessés le long des lignes de front du nord-ouest et du nord-est du pays, et s’est dit préoccupé notamment par la détérioration de la situation sécuritaire dans le camp de Hol.  Afin de maintenir le caractère civil du camp, il a demandé le rapatriement complet des ressortissants de pays tiers des camps du nord-est de la Syrie. 

Le Coordonnateur des secours d’urgence a rappelé que la situation des Syriens devient chaque mois plus sombre, rappelant aussi que 14,6 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire et que 12 millions sont considérées comme en situation d’insécurité alimentaire.  Ce nombre, a ajouté M. Griffiths, risque d’augmenter encore avec la dépréciation historique de la livre syrienne et les conséquences de la guerre en Ukraine.  La flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie au niveau mondial que celle-ci provoque devrait avoir un impact négatif sur la région, y compris en Syrie, a précisé le Secrétaire général adjoint, qui a prévu une nouvelle hausse des prix des produits de base.  Des produits qui vont donc être à la fois moins abordables et moins disponibles, s’est-il inquiété en craignant que cela exacerbe la situation humanitaire déjà inacceptable.  Les problèmes de protection sont eux aussi aggravés, a poursuivi M. Griffiths, et comme toujours ce sont les plus vulnérables qui souffrent le plus.  Il a cité ainsi des cas de mariage d’enfants et de recours au travail des enfants.  

M. Griffiths a appelé à une intensification des efforts de relèvement précoce, ajoutant qu’il avait constaté « un travail positif » dans divers secteurs, comme la santé, l’éducation ou encore l’eau et l’assainissement.  Il a précisé que, dans le plan de réponse humanitaire 2022 qui est « sur le point d’être finalisé, environ 1,1 milliard de dollars, soit 26% du total demandé, iraient au relèvement rapide et à la résilience.  Il a notamment mis l’accent sur le déminage, qui doit être étendu, les mines et engins explosifs ayant en 2021 tué 805 personnes et blessé près de 3 000 autres.  Il a également affirmé que l’ONU reste engagée avec toutes les parties pour garantir que la situation des Syriens ordinaires ne soit pas aggravée davantage par l’effet involontaire des sanctions. 

« Nous ne pouvons pas laisser tomber le peuple syrien; pourtant, nous risquons fort d’en arriver là si nous ne prenons pas des mesures urgentes », a averti M. Griffiths, qui a mis l’accent sur deux aspects.  Le premier est le financement, notamment pour les programmes de relèvement rapide.  Le Coordonnateur des secours d’urgence a rappelé qu’en 2021, le plan de réponse humanitaire n’avait été financé qu’à hauteur de 46%.  Tout en se disant « parfaitement conscient » de l’augmentation rapide des besoins humanitaires dans le monde et des difficultés de « l’environnement financier », il a jugé inacceptable que l’insuffisance des dons soit la cause de nouvelles difficultés pour les Syriens, en particulier les enfants.

Le Secrétaire général adjoint a ensuite rappelé la nécessité de garantir un accès humanitaire total aux personnes dans le besoin, où qu’elles se trouvent.  À cet égard, il s’est fait l’écho de l’appel du Secrétaire général à maintenir le consensus sur le renouvellement de la résolution autorisant l’accès transfrontalier des Nations Unies et de leurs partenaires.  Rappelant que le Conseil avait « agi à l’unisson sur cette question depuis juillet dernier », il a souhaité que cet esprit de coopération demeure.  Il a mis en avant son travail avec toutes les parties concernées pour redynamiser l’accès transfrontalier au nord-ouest et a dit son espoir qu’« avant la fin du mois, nous verrons un autre convoi inter-agences livrer de l’aide aux personnes dans le besoin ».  Quant au nord-est, il a estimé que les Nations Unies devaient être « en mesure de coordonner la réponse humanitaire depuis l’intérieur du pays ».  M. Griffiths a conclu en appelant à agir pour « montrer au peuple syrien qu’il n’est pas oublié » et fournir l’aide nécessaire.

M. HOSSAM ZAKI, Secrétaire général adjoint de la Ligue des États arabes, a prédit que la crise syrienne ne sera pas épargnée par le conflit en Ukraine.  Il a rappelé que 90% de la population syrienne vit actuellement sous le seuil de pauvreté, qu’environ 5,12 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire et que, après des années de conflit, plus de 12 millions de personnes sont déplacées, soit environ la moitié de la population.  Il a également mentionné les dizaines de milliers de détenus, de kidnappés et de disparus.  Il a relevé que cette crise a des répercussions sur les pays de la région, notamment la Jordanie et le Liban qui accueillent des réfugiés syriens et en subissent d’énormes charges ainsi qu’une forte pression sur leurs infrastructures et les secteurs vitaux comme l’éducation et la santé.  M. Zaki a indiqué que son organisation prendra part à la sixième conférence de Bruxelles en soutien à la Syrie, qui est prévue le 10 mai.  Il a insisté sur la responsabilité qui incombe à la communauté internationale et aux pays hôtes pour soutenir les déplacés et les réfugiés sans discrimination sur la base de la couleur, de la race ou de la religion, « comme nous l’avons entendu ces derniers temps avec regret ».  « Les réfugiés et déplacés issus d’un conflit sont avant tout des êtres humains, avant toute considération. »

M. Zaki a rappelé que le Conseil des ministres des affaires étrangères de la Ligue des États arabes a adopté une résolution sur la crise syrienne, le 9 mars, qui, entre autres, fait part de son inquiétude devant l’insécurité, les assassinats et le trafic de drogue dans le sud de la Syrie.  Le Conseil a appelé au retour volontaire des réfugiés dans leur patrie et il a marqué son inquiétude quant à la détérioration des conditions humanitaires dans les camps de Hol et de Roukban.  La Ligue a en outre demandé à la Syrie d’assumer ses responsabilités et de laisser les convois humanitaires entrer en Syrie.  Il est également important, aux termes de ladite résolution, de démanteler et évacuer complètement le camp de Roukban.  Les tentatives d’imposer des changements démographiques pourraient installer une nouvelle réalité sur le terrain en Syrie, a mis en garde le texte qui s’est inquiété de la poursuite de la pollution de l’air en Syrie du fait d’Israël. 

La résolution du Conseil de la Ligue des États arabes s’est félicitée de l’adoption de la résolution 2021 (2585) du Conseil de sécurité concernant le renouvellement du Mécanisme d’acheminement de l’aide transfrontalière, avant de demander aux pays donateurs de remplir rapidement leurs promesses faites lors de conférences de donateurs pour soutenir la situation humanitaire en Syrie.  De même, le Conseil de la Ligue a appelé au renouvellement de l’aide humanitaire transfrontalière à la Syrie en juillet, souhaitant que cette question soit traitée sans politisation.  M. Zaki a dit espérer que la crise en Ukraine ne va pas détourner le regard du Conseil de la situation qui prévaut en Syrie.  Il a rappelé que la crise humanitaire syrienne ne trouvera pas de solution sans un règlement politique global fondé sur la mise en œuvre intégrale de la résolution 2254 (2015) et la réalisation des aspirations légitimes du peuple syrien qui doit librement déterminer son avenir.

Mme MONA JUUL (Norvège), s’exprimant également au nom de l’Irlande, en tant que pays porte-plumes sur le dossier humanitaire syrien, s’est désolée que la situation humanitaire continuer à se détériorer, après « 11 années de conflit, de mort et de désespoir en Syrie ».  La COVID-19, les crises économiques et la sécheresse alimentent la misère, a-t-elle souligné en citant les 12 millions de Syriens en insécurité alimentaire, ainsi que le nombre « scandaleusement élevé » de réfugiés, de personnes déplacées et de personnes ayant besoin d’une aide vitale.  Plaidant pour que l’impératif humanitaire soit au cœur de la réponse, elle a rappelé avoir soutenu le plan de six mois de l’ONU visant à acheminer l’aide humanitaire à travers la ligne de conflit vers le nord-ouest.  « La Norvège et l’Irlande exhortent toutes les parties à faciliter un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave à ceux qui en ont besoin. »  Face à la violence qui continue, elle a exhorté à protéger les civils et les infrastructures civiles, conformément au droit international humanitaire.  Elle a déploré les 751 attaques contre des établissements et du personnel éducatifs qui auraient eu lieu depuis le début du conflit, des attaques « clairement contraires » à la résolution 2601 (2021) sur la protection de l’éducation dans les conflits armés.

Poursuivant son intervention à titre national sur la situation politique en Syrie, Mme Juul a assuré que la Norvège continuera de soutenir le processus politique dirigé et contrôlé par les Syriens.  Encouragée par le fait que la Commission constitutionnelle se réunit cette semaine pour son septième cycle de négociations, elle a appelé tous les participants à y contribuer de manière constructive, de bonne foi et avec flexibilité.  La déléguée a salué également les consultations de l’Envoyé spécial avec le Conseil consultatif des femmes et le soutien à la société civile.  Elle a appuyé son approche progressive, « comme moyen d’engager toutes les parties dans l’identification et la mise en œuvre de mesures réciproques vers une solution politique ».  Enfin, elle a mis l’accent sur la question des personnes portées disparues ou illégalement privées de liberté.  Elle a appelé toutes les parties à autoriser les acteurs humanitaires, tels que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), à visiter les centres de détention et à mener à bien leur important travail d’information des familles des victimes.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est félicité du début des travaux de la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle à Genève, souhaitant que ses travaux soient menés sans ingérence extérieure et sans imposition de délais artificiels, dans le respect de la résolution 2254 (2015).  Sur le terrain en Syrie, le représentant a estimé que la situation reste explosive, état qu’il a imputé à la présence de terroristes, en particulier à Edleb.  Il a appelé à lutter contre les groupes terroristes reconnus comme tels par la communauté internationale et à mettre fin à la « présence étrangère illégale » qui viole l’intégrité et la souveraineté territoriale de la République arabe syrienne, « sans oublier les frappes aériennes d’Israël ».  Il a notamment accusé les pays occidentaux de laisser libre cours aux activités terroristes, arguant que cela leur permet de mettre en œuvre leur propre agenda.  Le représentant a en outre accusé les États-Unis et leurs alliés d’avoir, sous des prétextes divers, notamment celui de l’utilisation d’armes chimiques, lancé dans le passé des frappes de masse contre des infrastructures syriennes. 

Le représentant russe a ensuite estimé que le Secrétaire général de l’ONU avait renoncé à son vocabulaire de neutralité à propos de l’Ukraine et qu’il devait désormais « faire preuve de cohérence » et parler de violations de la Charte et d’occupation étrangère à Hol, sans quoi on assisterait à une forme de « deux poids, deux mesures ».  Nous n’avons pas eu l’avis du Secrétaire général sur les bombardements occidentaux, par exemple à Raqqa, a-t-il ainsi fait valoir. 

Venant au dossier humanitaire, le délégué a affirmé qu’un convoi humanitaire au travers des lignes de front et à destination d’Alep avait été bloqué par les combattants du Front el-Nosra.  Il a reproché aux occidentaux de conditionner l’aide humanitaire à des conditions politiques préalables et d’avoir « asphyxié » la Syrie avec des sanctions unilatérales qui ont des effets très négatifs sur la situation humanitaire syrienne.  Il s’est montré soucieux de la situation dans les pays accueillant des réfugiés syriens, qui sont « mis à rude épreuve », et a appelé à respecter les droits des réfugiés et des déplacés à rentrer chez eux dans le strict respect de la coordination avec Damas.  Rappelant enfin l’échéance de juillet concernant l’autorisation des convois transfrontières, il a estimé que les autres dispositions de la résolution 2585 (2521), portant sur les convois à travers les lignes de front, n’étaient pas respectées.  Or, Damas a prouvé à Edleb que les convois à travers les lignes de front sont possibles, a fait observer le représentant.  

M. RICHARD MILLS (États-Unis) a fait observer que 11 ans après le début du conflit en Syrie, certains estiment qu’il faut passer à autre chose et que la question occupe inutilement le temps du Conseil de sécurité.  Cependant, avec le conflit syrien qui se poursuit, il n’est pas question pour les États-Unis, contrairement à d’autres pays, de normaliser leurs relations avec le « régime syrien », a déclaré le délégué.  Il a souhaité que la réunion cette semaine de la Commission constitutionnelle aboutisse à des résultats positifs demain, avec notamment un texte révisé.  Il a salué le travail de l’Envoyé spécial qui s’efforce de promouvoir une solution politique en Syrie, une solution qui doit être trouvée avec la participation de la société civile et qui doit tenir compte du besoin de protection des femmes syriennes.

M. Mills a appelé à un cessez-le-feu général en Syrie et a déploré les nombreuses victimes civiles du conflit, faisant même un parallèle avec la situation en Ukraine où les auteurs des crimes accusent les autres.  Il s’est dit inquiet de l’information faisant état du recrutement de combattants syriens pour l’Ukraine.  Sur la question humanitaire, il a plaidé pour que l’aide parvienne à tous ceux dans le besoin, notamment dans le nord-est du pays.  Il a rappelé que l’ONU fournit une aide par le biais du Mécanisme transfrontalier qui doit être renouvelé en juillet prochain en soulignant que, d’un autre côté, l’acheminement de l’aide par les lignes de front est très risqué.  Il a invité ceux qui doutent de l’efficacité de l’aide transfrontalière à se rendre à Bal el-Haoua pour constater son bon fonctionnement.

Avant de conclure, M. Mills a réagi aux propos de son homologue russe, qu’il a jugés « hypocrites » au vu des attaques perpétrées contre les civils par la Fédération de Russie en Syrie et en Ukraine.  Selon lui, la Russie essaye de détourner l’attention de la communauté internationale sur les crimes qu’elle commet elle-même en Syrie et ailleurs. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a salué la tenue, hier, d’un évènement sur la justice organisé par le mouvement des femmes syriennes en marge de la session en cours de la Commission de la condition de la femme.  Il a souligné les témoignages de victimes de violences sexuelles en Syrie qui ont été ainsi mis au jour, complétant les études conduites par l’ONU et qui concluent à une pratique systémique du « régime » dans ce domaine.  « Nous le savons, Bashar Al-Assad s’est rendu coupable de crimes de guerre. »  Ignorer ces crimes c’est remettre en question la possibilité d’une paix durable, a fait valoir le représentant en expliquant ainsi pourquoi la France s’oppose aux efforts de réhabilitation dans le giron international.  Il a estimé en particulier que la réintégration de la Syrie dans la Ligue des États arabes ne permettrait pas de contrecarrer les ingérences extérieures dans le pays et l’instabilité régionale.  La France, a insisté M. de Rivière, continuera son combat sans relâche contre l’impunité en Syrie. 

La population syrienne continue à payer le prix fort de ce conflit, a déploré le délégué en notant que la situation humanitaire continue à se détériorer: 14,6 millions de personnes ont désormais besoin d’aide humanitaire.  Les Européens, a-t-il relevé, ont toujours répondu présent, en étant, de loin, les premiers pourvoyeurs d’aide en Syrie depuis 2011.  L’insécurité alimentaire s’accroît et la perte des approvisionnements en provenance de l’Ukraine contribuera à aggraver cette situation, a-t-il averti.  « Le droit international humanitaire n’est pas une option: c’est une obligation qui s’impose à tous. »  Dans cet esprit, M. de Rivière a rappelé que le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière continue à sauver des vies.  Enfin, il a souligné que la résolution 2254 (2015) demeure la seule voie commune de ce Conseil pour aboutir ensemble à une solution politique au conflit.  « Aucun acteur n’a, seul, la clef de la fin de ce conflit, » 

M. DAI BING (Chine) a dit attendre avec impatience des résultats positifs de la Commission constitutionnelle syrienne qui est réunie à Genève.  Il a déploré les sanctions unilatérales qui frappent la Syrie, avant de saluer les efforts de réconciliation du Gouvernement et les actions menées en vue de la reconstruction.  Pour la Chine, les efforts humanitaires doivent se focaliser sur le relèvement précoce et la reconstruction.  Poser des conditions politiques à la reconstruction et à l’aide ne fera que saper les efforts des acteurs humanitaires, a-t-il mis en garde.  Le délégué chinois a rappelé que les ressources pétrolières de la Syrie appartiennent aux Syriens, exhortant les militaires étrangers se trouvant illégalement en Syrie à arrêter de voler ces ressources.  De l’avis du représentant, la Syrie est un important membre de la Ligue des États arabes et son retour dans l’organisation est crucial pour trouver une solution durable à la crise que connaît le pays.  Le représentant a d’ailleurs salué les pays arabes ayant déjà repris des relations diplomatiques avec la Syrie. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a rappelé que le douzième anniversaire de la guerre en Syrie coïncide avec « l’agression » de la Russie contre l’Ukraine.  Il a dénoncé le « comportement inhumain » de la Russie dans les deux cas.  Il a exhorté les membres du Conseil de sécurité à appeler à un cessez-le-feu national en Syrie et à un accès sans entrave de l’aide humanitaire.  La situation humanitaire reste très sombre, a constaté le représentant, qui a souhaité que les réfugiés et déplacés puissent « à terme » rentrer chez eux.  Mais les conditions ne sont toujours pas réunies, a-t-il regretté.  Il a plaidé pour qu’un tel retour se fasse de manière « volontaire, sûre et digne ».  L’aide humanitaire reste vitale, a aussi rappelé le délégué, qui a estimé que le Conseil de sécurité devait se tenir prêt à soutenir la reconduction, en juillet, de l’autorisation des convois transfrontaliers accordée par la résolution 2585 (2021). 

Sur le dossier politique, le représentant a déclaré que le Royaume-Uni refuse de travailler avec le « régime Assad », qui à son avis n’est pas fiable et refuse de se réformer.  Il a pris note de la tenue actuelle de la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle.  Des progrès urgents sont nécessaires, a-t-il lancé.  

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a estimé qu’il n’y a plus de place, aujourd’hui, pour l’aspiration ou l’espoir en Syrie, car « le régime d’Assad a défiguré la Syrie ».  En outre, l’invasion russe de l’Ukraine aggrave les souffrances et la misère de millions de Syriens en menaçant directement leur sécurité alimentaire, a-t-elle fait remarquer.  Chiffres à l’appui et soulignant notamment que plus de 14 millions de Syriens, dont 6,5 millions d’enfants, ont besoin d’aide, la déléguée a évoqué un « enfer sur terre ».  « Combien de personnes encore sans défense devront mourir avant que le Conseil ne prenne des mesures décisives? »  C’est inacceptable et cela doit cesser, a martelé M. Dautllari.  Elle a appuyé l’accès sans entrave à l’aide humanitaire vitale par toutes les modalités, y compris par le renouvellement de l’autorisation de l’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière, à laquelle il n’y a pas d’alternative, ainsi que les projets d’aide et de relèvement rapide transversaux conformes à la résolution 2585 (2021).

Sur le plan politique, Mme Dautllari a vu dans la mise en œuvre intégrale de la résolution 2254 (2015) une priorité absolue pour le Conseil.  Selon elle, la Commission constitutionnelle est la seule plateforme existante pour envisager et poursuivre la transition politique.  Elle a toutefois dénoncé « le manque d’implication véritable de la part du régime syrien ».  En l’absence de pression constante du Conseil, et en l’absence d’un calendrier et d’échéances, la Commission constitutionnelle risque de devenir « un écran de fumée pour l’inaction », a-t-elle encore mis en garde. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), s’est félicité de la tenue de la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle, en y voyant un engagement constructif.  Il a espéré que les parties pourront s’engager à tenir des réunions plus régulières afin de créer une dynamique dans la recherche d’une solution durable.  Les A3, a-t-il dit, soutiennent aussi d’autres efforts novateurs visant à faire avancer le processus politique comme le traitement de la situation des détenus et la clarification du statut des personnes disparues; ils prennent note de l’approche étape par étape de l’Envoyé spécial. 

M. Kimani a condamné la poursuite des violences dans le nord-ouest de la Syrie.  Il a souligné la nécessité d’actions collectives décisives pour combattre les groupes figurant comme terroristes sur la liste du Conseil de sécurité.  Il a réitéré qu’il n’existe pas d’option militaire à la crise syrienne et renouvelé l’appel des A3 à un cessez-le-feu national, avant de rappeler l’impératif de protection des civils, des travailleurs humanitaires et des infrastructures civiles. 

Concernant la situation humanitaire, les A3 estiment que le mécanisme d’aide transfrontalière, « complété par des livraisons à travers les lignes de front », doit être maintenu, a dit M. Kimani qui a notamment plaidé pour une plus grande fréquence et une plus grande prévisibilité des opérations à travers les lignes de front.  Il a aussi demandé une « attention urgente et particulière » en faveur des personnes résidant à Roukban, dans le sud-ouest du pays.  Enfin, « pour alléger le fardeau humanitaire colossal » dans les camps, il a appelé les États Membres à rapatrier leurs ressortissants présents dans les camps, en particulier les femmes et les enfants, dans des conditions sûres et dignes.  

M. Kimani a en outre jugé essentiel de prendre des mesures pour atténuer l’impact humanitaire de la situation en Ukraine, notamment en s’assurant que la réponse humanitaire de la communauté internationale en Syrie reste financée de manière adéquate.  Il a également demandé de soutenir les mesures de relance économique, y voyant une composante essentielle de la paix à plus long terme, ainsi que les activités de relèvement précoce. 

En conclusion, les A3 considèrent que le consensus sur les volets politique et humanitaire est plus crucial que jamais et espèrent que l’on peut encore compter sur le système multilatéral en tant que médiateur efficace de la paix et de la sécurité mondiales.  Ils rappellent que la paix à laquelle aspire le peuple syrien ne pourra être obtenue que par un processus politique mené par les Syriens, avec le soutien de la communauté internationale.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a estimé que chaque jour qui passe, la communauté internationale est redevable au peuple syrien de ne pas avoir mis fin à la souffrance de millions de personnes.  Pour la déléguée, il n’y a pas de solution militaire au conflit en Syrie, et la seule voie est le dialogue politique avec l’engagement de toutes les parties.  C’est pourquoi elle a salué la tenue de la septième réunion de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle qui se déroule actuellement à Genève.

Dans le domaine humanitaire, elle s’est alarmée de voir que les besoins de la population soient au plus haut niveau depuis le début du conflit.  Elle a fait observer que d’autres facteurs pourraient avoir des répercussions négatives sur la situation alimentaire en Syrie, notamment l’augmentation des prix du carburant et les effets que le conflit en Ukraine pourrait avoir sur l’approvisionnement en céréales de base.  Compte tenu de cette réalité, le poste frontière de Bab el-Haoua continue d’être vital pour la survie de millions de personnes dans le nord-ouest, a-t-elle noté.  Elle a également souligné l’importance des opérations à travers les lignes de front.  C’est pourquoi le Mexique convient avec le Secrétaire général que les deux mécanismes sont nécessaires et complémentaires, a-t-elle rappelé en espérant à cet égard que l’on puisse préserver le consensus atteint l’année dernière avec la résolution 2585. 

M. MARTIN GALLAGHER (Irlande) a dit être alarmé par la trajectoire actuelle en Syrie et a jugé essentiel que les parties adhèrent à un cessez-le-feu national permanent, conformément à la résolution 2254 (2015).  Saluant les efforts de l’Envoyé spécial sur le plan politique, il s’est félicité des pourparlers en cours à Genève.  « Cependant, à moins qu’il n’y ait de véritables tentatives pour réduire les divergences, en particulier de la part des autorités syriennes, aucun progrès ne sera possible. » 

M. Gallagher a réitéré l’appel lancé par l’Irlande à toutes les parties, en particulier aux autorités syriennes, pour qu’elles cessent les attaques aveugles et les attaques directes contre les civils et les infrastructures civiles.  En outre, il a réitéré ses appels à la libération des personnes détenues arbitrairement et a demandé à ce que le sort de toutes les personnes ayant fait l’objet de disparitions forcées soit révélé.  Il faut également que des observateurs indépendants aient accès à tous les lieux de détention, a-t-il réclamé.  Enfin, il a souligné l’engagement inébranlable de l’Irlande à lutter contre l’impunité et à veiller à ce que les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Syrie rendent des comptes.  La vérité, la justice et la responsabilité sont le droit du peuple syrien, a-t-il dit, en soulignant aussi leur caractère essentiel pour rendre durable une future solution politique, pour instaurer la confiance et pour garantir que de telles violations ne se reproduisent plus jamais.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est dit impatient de connaître les résultats des discussions de la septième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle, qui se tient cette semaine à Genève, en espérant y voir « un esprit de coopération et de volonté de progrès ».  Pour le Brésil, seul un processus politique appartenant aux Syriens et dirigé par eux, facilité par l’ONU dans le respect de la préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie, permettra d’instaurer une paix durable et d’alléger les souffrances de la population.  Le représentant a ensuite remercié l’Envoyé spécial pour ses efforts visant à impliquer les principaux acteurs internationaux et à favoriser la confiance entre les parties.  « Avec l’aggravation de la situation sur le terrain, il est grand temps que le dialogue politique donne des résultats concrets pour soulager les souffrances du peuple syrien. » 

Très préoccupé par la protection des civils, le représentant a aussi rappelé que l’insécurité alimentaire n’a jamais été aussi élevée et que les menaces pesant sur l’approvisionnement en électricité affectent les services de base.  Il a appelé à un cessez-le-feu immédiat à l’échelle nationale et à des initiatives de relèvement rapide pour reconstruire les infrastructures civiles essentielles.  Il a dit soutenir également les évaluations de l’impact des sanctions sur la vie quotidienne de la population, rappelant que les exemptions humanitaires doivent être strictement respectées.  Il a par ailleurs appelé à continuer à donner la priorité à la lutte contre les activités terroristes en Syrie, soulignant que la pauvreté et l’instabilité politique constituent un terrain fertile pour les forces extrémistes.  L’aide humanitaire internationale reste primordiale, a poursuivi M. de Almeida Filho, « que ce soit dans le cadre de modalités transfrontalières ou non ».  Il a rappelé l’importance d’une surveillance étroite des opérations humanitaires transfrontalières et d’une collaboration entre toutes les parties pour l’expansion des opérations à travers les lignes de front, qui doivent pouvoir être menées de manière sûre, régulière et prévisible.  En conclusion, il a rappelé le caractère illusoire de toute solution militaire, en voyant la preuve dans le gel des lignes de front et l’impasse persistante sur le terrain. 

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a rappelé que l’Inde a adopté une position constante depuis le début de la crise syrienne: l’imposition de solutions externes ne peut pas aider au règlement du conflit.  C’est aux Syriens de déterminer et de décider ce qui est le mieux pour la Syrie et leur propre avenir, a-t-il dit en saluant à cet égard la réunion cette semaine de la Commission constitutionnelle.  L’Inde n’a cessé d’appeler à soutenir les efforts régionaux pour trouver une solution à long terme au conflit, a rappelé le délégué.  Il a jugé encourageant la normalisation progressive des relations de la Syrie avec ses voisins arabes ces derniers mois. 

Le représentant s’est dit préoccupé par la situation sécuritaire qui prévaut en Syrie.  Il a noté qu’alors que les lignes de front restent inchangées, la violence se poursuit dans plusieurs endroits, notamment dans le nord-ouest et le nord-est du pays.  Il y a un besoin urgent d’établir un cessez-le-feu global sérieux en Syrie, a-t-il observé, ajoutant que le retrait des forces étrangères est essentiel pour réaliser cet objectif.  Pour le délégué, la lutte contre le terrorisme ne peut et ne doit pas être compromise pour des gains politiques étroits.  Alors que l’accent de la communauté internationale se tourne vers la crise humanitaire résultant du conflit en Ukraine, il est important de ne pas perdre de vue la Syrie et la souffrance du peuple syrien, a-t-il déclaré.  Dans le cadre de l’assistance humanitaire, le délégué a appelé les Nations Unies à déployer des efforts pour améliorer les opérations à travers les lignes de front.  Il a enfin souligné que le soutien de la communauté internationale pour relever les défis économiques et humanitaires fait partie intégrante du succès du processus politique.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a dit rechercher des solutions diplomatiques aux crises et a prôné « un rôle arabe efficace pour discuter des moyens de résoudre la crise syrienne au lieu de simplement la gérer ».  La récente visite du Président syrien aux Émirats arabes unis est le résultat de cette approche, a-t-elle ajouté.  Elle a également appuyé les efforts de l’ONU pour parvenir à une solution politique conformément à la résolution 2254 (2015), y compris les efforts de M. Pedersen pour faire converger les vues politiques régionales et internationales sur la manière de faire face aux effets de la crise syrienne.  Alors que nous appelons au renforcement du rôle arabe en Syrie dans le cadre de l’effort de sortie de crise, nous renouvelons également notre rejet de l’ingérence étrangère en Syrie, dont la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale doivent être respectées, a insisté la déléguée.

S’agissant de la situation humanitaire, Mme Nusseibeh a jugé inacceptable de laisser le peuple syrien, dont les personnes déplacées, vivre dans des conditions épouvantables (sans électricité, sans nourriture et sans eau potable).  Les enfants syriens ont été particulièrement touchés par ces conditions, a-t-elle déploré.  Elle s’est aussi inquiétée de l’aggravation de la situation économique qui affecte chaque citoyen syrien, avec des prix de denrées alimentaires à des niveaux sans précédent, entraînant une nouvelle détérioration de la situation humanitaire.  Concernant la propagation de la pandémie de COVID-19, elle a assuré que l’approvisionnement de fournitures médicales au peuple syrien reste une priorité pour son pays.

Pour M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne), ce qu’il faut commémorer, c’est le onzième anniversaire de l’agression des États-Unis contre la Syrie.  La Syrie incarne la civilisation, la résistance, la tolérance, le progrès et le développement, a-t-il déclaré en déplorant qu’elle soit la cible des forces du mal, de la haine, de l’ignorance, de l’obscurantisme et de la trahison visant à entraver la renaissance syrienne.  Il a affirmé que la révolution syrienne n’avait pas 11 ans, comme l’ont dit certains orateurs, mais 100 ans, en référence au soulèvement du pays en vue de son indépendance.

Pour le représentant, on exprime souvent des « inquiétudes » au Conseil de sécurité, mais ce qui devrait l’inquiéter, ce sont les pratiques des forces d’occupation, notamment américaines, qui appuient les milices sécessionnistes dans le nord de la Syrie et contribuent au pillage des ressources syriennes, de même que les forces d’occupation turques qui s’ingèrent dans les affaires intérieures de la Syrie, ou encore les attaques hostiles et répétées d’Israël contre la souveraineté syrienne.  Or, a-t-il fait observer, on n’a pas entendu s’exprimer « d’inquiétudes » à propos de ces violations.

Pour le représentant, les parties qui invitent à mettre fin à la violence l’alimentent en fait tous les jours.  Il a notamment accusé ces pays de soutenir le terrorisme et de refuser de rapatrier les ressortissants qui le pratiquent.  C’est lorsque ces pays ont commencé à saper la paix et la stabilité dont jouissait le peuple syrien que les souffrances de celui-ci ont commencé, a poursuivi M. Sabbagh, qui a également dénoncé les sanctions unilatérales et les « politiques d’agression » qui ont provoqué les vagues migratoires. 

Il faut créer les conditions propices au retour des réfugiés, a poursuivi le représentant, qui a en particulier accusé la Turquie de saper les efforts du Gouvernement syrien en ce sens ainsi que la mise en place de projets de relèvement rapide.  Il a dénoncé « l’hypocrisie flagrante » des pays qui ne font que promouvoir leur propre solution politique, qui ne correspond pas, a-t-il affirmé, aux souhaits de la population syrienne.  Ces crimes, a-t-il affirmé, ne resteront pas impunis. 

La Syrie reste déterminée à tout faire pour que la situation humanitaire du peuple syrien s’améliore, notamment pour faire entrer l’aide humanitaire sur le territoire syrien, pour faciliter la mise en place des projets de relèvement rapide et pour permettre le retour des personnes déplacées.  La Syrie consent des efforts louables pour parvenir à la paix, y compris par des accords de réconciliation locaux ou encore un décret d’amnistie.  Le représentant a salué l’engagement positif et constructif de la délégation syrienne au sein de la Commission constitutionnelle mais a rejeté tout ingérence extérieure, l’imposition de résultats ou la création de délais artificiels.  La paix ne sera possible que si les pays occidentaux renoncent à leurs hostilités, rapatrient leurs terroristes, lèvent le blocus économique et commencent à privilégier la reconstruction et le développement du pays, a-t-il conclu. 

M. ÖNCÜ KEÇELI (Turquie) a estimé que la Commission constitutionnelle est le seul mécanisme censé parvenir à un processus politique, mais regretté que « le régime use de stratagèmes pour bloquer son travail ».  Il n’y a pas de place pour des formations terroristes dans ce processus, a-t-il relevé en rappelant que la recherche d’une solution militaire serait tragique.  La Turquie continuera de lutter contre le terrorisme et le séparatisme en Syrie, a affirmé le représentant en notant que Daech délègue son action à travers le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et les soi-disant Forces démocratiques syriennes (FDS).  Il a rappelé que la Turquie attend toujours une suite à sa demande d’enquête des Nations Unies pour faire la lumière sur les agissements du PKK et des FDS.  M. Keçeli a dit que la situation en Syrie ne doit pas être reléguée au second plan, car des millions de personnes vivent dans des conditions difficiles, notamment à Edleb.  La Turquie fait de son mieux pour apporter son aide à plus de 4 millions de Syriens qui vivent sur son territoire.  Compte tenu de la situation sécuritaire qui se détériore de plus en plus, l’aide transfrontalière reste le meilleur moyen d’aider les populations, a-t-il conclu.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a regretté une situation humanitaire difficile en Syrie avec la destruction des infrastructures civiles et l’imposition de mesures unilatérales coercitives.  Prétendre s’occuper de la situation humanitaire tout en maintenant des sanctions illégales est tout simplement « hypocrite », a-t-il lancé.  Le délégué a insisté sur l’importance de mener à bien des projets de relèvement rapide.  Il a en outre dénoncé le pillage des ressources naturelles syriennes dans des zones occupées par des forces étrangères.  D’après lui, la crise ne pourra être réglée si on ne met pas fin à l’occupation et si l’on ne parvient pas à éliminer la menace terroriste.  Il a condamné en particulier les actes d’agression commis en Syrie « par le régime israélien ».  Enfin, le délégué a appuyé la poursuite des négociations intra-syriennes à Genève et les efforts déployés en ce sens par M. Pedersen.  Il n’y a pas d’autre solution qu’un règlement dirigé et contrôlé par les Syriens, « sans pression ni délai artificiel », a-t-il conclu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.