Conseil de sécurité: la Syrie continue de rejeter les conclusions de l’OIAC sur l’utilisation présumée d’armes chimiques dans ce pays
Onze jours à peine après sa dernière intervention devant le Conseil de sécurité sur l’élimination du programme d’armes chimiques de la République arabe syrienne, la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement a déclaré, ce matin, que le manque de coopération des autorités de ce pays ne permet toujours pas de répondre aux questions en suspens concernant la fabrication et l’utilisation de telles armes dans le cadre du conflit en Syrie.
Mme Izumi Nakamitsu a ainsi confirmé que le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), chargé de vérifier l’élimination de ce programme, n’a toujours pas reçu de la Syrie la déclaration demandée concernant tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits et/ou militarisés dans une ancienne fabrique d’armes chimiques qui avait été déclarée par Damas comme n’ayant « jamais » été utilisée à cette fin.
Pareillement, les éléments complémentaires demandés au sujet des dégâts causés lors de l’attaque du 8 juin 2021 dans une installation militaire abritant une ancienne fabrique d’armes chimiques déclarée, n’ont toujours pas été transmis par les autorités syriennes. Ni ceux en rapport avec le mouvement non autorisé des restes de deux cylindres détruits lors de l’incident à l’arme chimique qui a eu lieu à Douma le 7 avril 2018, a précisé Mme Nakamitsu.
En outre, le Secrétariat technique de l’OIAC n’est toujours pas en mesure de mener le vingt-cinquième cycle de consultations à Damas entre les autorités syriennes et l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC, en raison du refus persistant de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à l’un de ses membres, a rapporté Mme Nakamitsu qui a souligné que la pleine coopération de la Syrie avec le Secrétariat technique est essentielle pour clore toutes les questions en suspens.
En raison de ces « lacunes, incohérences et divergences » qui ne sont toujours pas résolues, le Secrétariat technique de l’OIAC continue donc d’estimer que la déclaration présentée par la République arabe syrienne « ne peut être considérée comme exacte et complète », a résumé Mme Nakamitsu.
Ces conclusions ont été appuyées par plusieurs membres du Conseil, de la France au Mexique, en passant par les États-Unis, qui ont relevé que le Conseil a reçu pas moins de 101 rapports sur le sujet, sans que des progrès véritables aient pu être accomplis, imputant la faute à l’obstruction du « régime syrien ».
La Chine a pour sa part appelé le Secrétariat technique de l’OIAC à faire preuve de plus de flexibilité et à envoyer des experts avec des visas valables en Syrie pour pouvoir évaluer la déclaration initiale de la Syrie sans tarder.
Sur ce point, la République arabe syrienne a affirmé que c’est le Secrétariat technique de l’OIAC qui porte l’entière responsabilité du retard pris dans la tenue de la vingt-cinquième série, les prétextes allant de la trop grande chaleur en été au refus d’octroi d’un visa d’entrée à l’un des membres de l’Équipe. La Syrie a demandé le remplacement de ce membre et cela ne devrait pas retarder la visite de l’Équipe, a fait valoir la délégation pour qui ce blocage serait le reflet des pressions exercées sur son pays.
La délégation syrienne a également déploré que suite à l’attaque chimique perpétrée selon elle par des terroristes le 19 mars 2013 sur la zone de Khan al-Assal, l’équipe technique indépendante ne s’est jamais rendue sur le site de l’incident et aucune investigation n’a été menée. « Certains pays bien connus » dissimulent les crimes d’organisations terroristes, dans le but d’instrumentaliser et de politiser le « soi-disant dossier chimique syrien », a-t-elle accusé.
Selon elle, le même « procédé » est à l’œuvre avec la mission d’établissement des faits de l’OIAC, qui n’a pas tenu compte des demandes d’enquête formulées par son gouvernement concernant l’utilisation par des groupes terroristes de produits chimiques toxiques contre la population civile et les forces gouvernementales.
En l’absence de changement « sur le terrain » ou au sein de l’OIAC, il n’y a pas lieu de tenir une séance sur la question des armes chimiques en Syrie si peu de temps après la précédente, a tranché la Fédération de Russie qui a rejeté comme la Chine la périodicité « absolument artificielle » de ces réunions. La délégation russe a aussi mis en cause l’intégrité du Secrétariat technique de l’OIAC coupable selon elle de « fraude directe » dans l’élaboration du rapport portant sur l’enquête sur l’incident à Douma.
Tant que la mission d’établissement des faits n’aura pas fait toute la lumière sur cet incident, il n’y a pas lieu pour le Directeur général de l’OIAC de publier un nouveau rapport, a estimé la Chine qui, à l’instar de la Fédération de Russie, a souhaité que ce dernier s’adresse en personne aux membres du Conseil de sécurité.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2022/181)
Déclarations
Onze jours après sa dernière intervention sur le sujet, Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a informé le Conseil de sécurité des avancées dans l’élimination du programme d’armes chimiques de la République arabe syrienne, dont la vérification est assurée par le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Ce dernier n’a pas encore reçu de la Syrie la déclaration demandée concernant tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits et/ou militarisés dans une ancienne fabrique d’armes chimiques qui avait été déclarée par Damas comme n’ayant jamais été utilisée pour produire et/ou militariser des agents de guerre chimique, a-t-elle relevé.
Le Secrétariat technique de l’OIAC n’a pas non plus reçu les informations et documents complémentaires demandés concernant les dégâts causés lors de l’attaque du 8 juin contre une installation militaire abritant une ancienne fabrique d’armes chimiques déclarée. De même, il n’a pas reçu de réponse à la demande d’informations concernant le mouvement non autorisé et les restes de deux cylindres détruits liés à l’incident d’arme chimique qui a eu lieu à Douma le 7 avril 2018. La Haute-Représentante a donc demandé à la République arabe syrienne de répondre aux demandes du Secrétariat technique de l’OIAC avec toute « l’urgence nécessaire ».
En outre, le Secrétariat technique de l’OIAC n’est toujours pas en mesure de mener le vingt-cinquième cycle de consultations à Damas entre les autorités syriennes et l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC, « en raison du refus persistant de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à l’un de ses membres». La pleine coopération de la Syrie avec le Secrétariat technique est essentielle pour clore toutes les questions en suspens, a souligné Mme Nakamitsu. Elle a précisé qu’en raison des lacunes, incohérences et des divergences identifiées qui ne sont toujours pas résolues, le Secrétariat technique continue d’estimer qu’à ce stade, la déclaration présentée par la République arabe syrienne ne peut être considérée comme exacte et complète conformément à la Convention sur les armes chimiques.
Après avoir fait savoir que le Secrétariat technique de l’OIAC a l’intention d’effectuer, en 2022, une inspection des installations de Barzé et Jamraya du Centre syrien d’études et de recherches scientifiques (CERS), Mme Nakamitsu a regretté que la République arabe syrienne n’a pas encore fourni d’informations ou d’explications techniques suffisantes qui permettraient de clore la question liée à la détection d’un produit chimique du tableau 2 dans les installations de Barzé du CERS en novembre 2018. Sur une note plus positive, elle a noté que les préparatifs de la réunion en personne entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères et des expatriés se poursuivent.
Par ailleurs, la mission d’établissement des faits de l’OIAC a conclu que de l’ypérite au soufre avait été utilisée à Marea le 1er septembre 2015 et qu’un cylindre de chlore a été utilisé comme arme à Kafr Zeita le 1er octobre 2016. Le déploiement de la mission d’établissement des faits en Syrie, prévu du 22 janvier au 4 février, a été repoussé en raison de cas positifs confirmés de COVID-19 identifiés au sein de l’équipe de soutien à Damas. L’équipe d’enquête et d’identification poursuit quant à elle ses enquêtes sur les incidents dans lesquels la mission d’établissement des faits a déterminé que des armes chimiques avaient été utilisées ou probablement utilisées en Syrie. Elle publiera d’autres rapports en temps voulu, en fonction de l’évolution de la pandémie de COVID-19, a ajouté la Haute-Représentante.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a relevé que le Conseil a discuté du « dossier » des armes chimiques syriennes il y a 10 jours et que depuis, aucun changement n’a eu lieu, ni « sur le terrain », ni en termes de situation au sein de l’OIAC. Ceci est confirmé par la présentation d’aujourd'hui qui est en fait le rapport du Directeur général de l’OIAC pour le mois de février, a-t-il fait observer. À ses yeux, cet état de fait confirme que le calendrier actuel de discussion du dossier syrien au Conseil, en particulier la question des armes chimiques, est absolument artificiel. Les délégations n’ont tout simplement rien à discuter aussi fréquemment, a-t-il argué. Il a rappelé que sa délégation avait suggéré d’ajuster le calendrier afin de permettre au Conseil de travailler sur ce sujet plus efficacement. Cela a été réclamé à plusieurs reprises également par la délégation chinoise, a-t-il noté, tout en regrettant que ces propositions n’aient pas été soutenues par les collègues occidentaux. Une telle approche ne fait que saper la crédibilité de notre organisme, a—t-il déploré.
M. Polyansky a relevé que les Occidentaux sont focalisés sur la Syrie, alors même qu’il y a d’autres points chauds comme la Libye qui a un nouveau Premier Ministre depuis le 10 février et où on y note des enlèvements de ministres et une situation chaotique qui fait craindre les risques d’un double pouvoir de facto. Mais « les parrains du complot libyen au Conseil de sécurité » prétendent qu’il ne se passe rien de spécial, a-t-il dénoncé, faisant remarquer que personne n’a suggéré d’ajuster le calendrier établi des réunions sur la Libye qui ont lieu tous les deux mois. En revanche, nous sommes obligés de discuter chaque mois de la Syrie uniquement parce que c’est important pour nos collègues occidentaux, a-t-il déploré, décriant une autre manifestation du « deux poids, deux mesures ».
Revenant au dossier chimique syrien, le délégué russe a réitéré ses accusations de politisation du travail de l’OIAC, notamment la violation, par le Secrétariat technique, de la méthodologie de travail de la Convention sur les armes chimiques, ainsi que des faits révélés de fraude directe dans la préparation du rapport de la mission de l’enquête sur l’incident à Douma. Il a également dénoncé les activités de l’équipe « illégitime d’enquête et d’identification, l’accusant d’avoir conclu de manière délibérément biaisée sur la « culpabilité » de Damas, tout en ignorant l’utilisation d’armes chimiques par des terroristes. Le représentant a aussi dénoncé « le manque de volonté de la direction de l’OIAC de corriger cette situation déplorable. Le Directeur général de l’OIAC doit trouver « dans son emploi du temps soi-disant chargé », du temps pour informer le Conseil et répondre à toutes les questions posées précédemment par la délégation russe, a insisté le délégué. Sinon, nos soupçons que le Secrétariat technique a quelque chose à cacher ne vont que s’intensifier.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a jugé fondamental que le Conseil de sécurité soit informé à intervalles réguliers du travail effectué par l’OIAC en Syrie. Il a rappelé que le Conseil a déjà reçu 101 rapports du Directeur général de l’OIAC et que, malgré cette profusion d’informations, peu de progrès ont été enregistrés. Le cent-unième rapport et la dernière réunion d’information du Secrétariat technique de l’OIAC à La Haye ont confirmé que la Syrie ne respecte toujours pas ses obligations en vertu de la résolution 2118 (2013), a constaté le représentant. De plus, a-t-il relevé, le Gouvernement syrien continue de refuser d’octroyer des visas à tous les membres de l’Équipe d’évaluation des déclarations, ce qui retarde encore les travaux de cette dernière. Soulignant que le Gouvernement syrien ne peut choisir les experts participant à ces évaluations, le délégué a enjoint Damas à coopérer pleinement avec l’OAIC. Il a affirmé que le « régime Assad » continue de détenir des preuves concernant la destruction de deux cylindres de chlore liés à l’attaque perpétrée en 2018 à Douma. Il n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi ces cylindres avaient été déplacés et détruits. Or, il ne pouvait le faire sans l’accord de l’OIAC, a-t-il souligné, y voyant un refus flagrant de coopérer. Pour le représentant, la Syrie n’a pas non plus été honnête sur la portée et l’ampleur de son programme chimique lors de sa déclaration initiale.
Rappelant que l’Équipe d’évaluation des déclarations a déterminé que la Syrie a utilisé à trois reprises des armes au chlore contre sa population à Ltamenah en mars 2017, il a écarté les accusations de Damas et de ses alliés selon lesquelles les experts de cette équipe seraient motivés politiquement. En tentant de justifier la « guerre inutile » qu’elle mène en Ukraine, la Fédération de Russie prouve qu’on ne peut lui faire confiance lorsqu’elle parle du dossier des armes chimiques en Syrie, a-t-il martelé. À ses yeux, l’incapacité de la Syrie de s’acquitter de ses obligations « fait que tout le monde est en danger ». Il a donc une nouvelle fois appelé le « régime Assad » à coopérer pleinement avec l’OIAC, en particulier avec l’Équipe d’évaluation des déclarations et l’équipe d’enquête et d’identification.
M. JISHENG XING (Chine) a estimé que le Conseil de sécurité devrait réduire le nombre de réunions sur le « dossier chimique syrien ». Un autre rapport du Directeur général de l’OIAC lui a été présenté la semaine dernière, a-t-il rappelé, soulignant qu’il n’y a pas eu, depuis, de nouveaux développements. Il a estimé que, tant que la mission d’établissement des faits n’aura pas fait toute la lumière sur l’incident de Douma, il n’y a pas lieu de publier un nouveau rapport. En outre, le représentant a appelé le Secrétariat technique de l’OIAC à faire preuve de plus de flexibilité et à envoyer des experts avec des visas valables en Syrie pour pouvoir évaluer la déclaration initiale de la Syrie sans tarder. Il a insisté sur l’idée que le dossier des armes chimiques syriennes ne peut être réglé qu’à travers la coopération et le dialogue. Le Secrétariat technique doit en outre veiller à la non-politisation de son travail, a souhaité le représentant qui a conclu en émettant l’espoir de voir le Directeur général de l’OIAC se déplacer pour s’adresser en personne aux membres du Conseil.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a dénoncé le manque de coopération de la Syrie concernant sa déclaration d’armes chimiques et sa violation de la résolution 2118 (2013). Le représentant a appelé le régime syrien à respecter la Convention sur les armes chimiques. Le délégué a ensuite fait le parallèle entre l’action de la Fédération de Russie en Ukraine et ses agissements en Syrie, appelant à mettre un terme aux campagnes de désinformation de Moscou. La Russie a une longue histoire de déni de la vérité et la volonté de faire obstruction en ce qui concerne les armes chimiques. En 2017, a rappelé le représentant, l’équipe d’enquête et d’identification et le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU avaient conclu que le régime d’Assad était responsable d’avoir commis des attaques chimiques.
Poursuivant, le représentant a noté que la Fédération de Russie a présenté 40 versions différentes de l’attaque à l’arme chimique à Salisbury, ainsi que différentes versions de l’attaque au Novitchok contre Alexeï Navalny. La question qui se pose est de savoir si l’on doit croire un État qui utilise des armes chimiques et qui refuse de répondre aux questions sur les attaques du régime Assad ou croire une organisation internationale indépendante qui a mené des enquêtes rigoureuses et attribué les responsabilités. Affirmant que le Conseil de sécurité a entendu suffisamment de mensonges sur les armes chimiques de la part de la Fédération de Russie, le délégué a appelé à arrêter de faire semblant que le régime d’Assad agit en toute bonne foi.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a affirmé qu’il avait une obligation morale, au cours de cette réunion consacrée à la Syrie, d’aborder la question de Marioupol, une ville de 500 000 habitants victime d’une brutale attaque russe depuis deux semaines. C’est une ville assiégée, complètement coupée, que l’agresseur n’a pas pu prendre et qu’il bombarde sauvagement. C’est une ville que l’agresseur a laissé sans électricité, eau, nourriture, tout ce qui est nécessaire pour vivre et ses habitants, où les civils coupent des arbres pour lutter contre le froid, font fondre la neige pour boire et ne pas mourir de déshydratation. Autrefois centre de l’industrie et de l’éducation en Ukraine; Marioupol est maintenant une terre brûlée, le visage de l’agression russe, a déploré le représentant qui a notamment condamné « l’attaque délibérée » hier, contre un hôpital.
En venant à la question des armes chimiques, il a dénoncé le manque délibéré de coopération de la part de la Syrie de répondre aux demandes clairement formulées dans la résolution 2118. Il a relevé que depuis presqu’un an, l’équipe d’experts de l’OIAC n’a effectué aucune vérification sur le territoire syrien, affirmant que la Syrie « se mure dans une réponse qui n’est ni exacte, ni complète conformément à la Convention sur les armes chimiques ». Il a exigé une coopération pleine et sans équivoque des autorités syrienne avec le Secrétariat technique de l’OIAC et rejeté tout effort de discrédit ou de politisation de leur travail. La Syrie n’a le droit de décider ni des règles de procédure ni du choix des inspecteurs, a-t-il souligné.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que depuis 2013, le « régime syrien » a utilisé au moins à huit reprises des armes chimiques contre sa propre population. « Cela a été démontré sans aucune ambiguïté par les enquêtes de l’OIAC et de l’ONU. » Or, depuis plus de huit ans, aucun progrès n’a été effectué, a constaté à regret le représentant, qui a souhaité revenir sur trois points. Premièrement, il a salué la publication, il y a quelques semaines, des deux rapports de la mission d’établissement des faits, qui démontrent que des armes chimiques ont été utilisées à Marea en 2015 et à Kafr Zeita en 2016. Ensuite, il n’est pas acceptable, a dit le délégué, que le « régime » continue de faire obstruction au travail de l’OIAC, en refusant de délivrer les visas nécessaires au déploiement de l’équipe d’évaluation de la déclaration initiale. M. de Rivière a accusé la Syrie d’utiliser des prétextes fallacieux pour entraver les missions du Secrétariat technique, « qui fait preuve de ténacité et d’un grand professionnalisme ». Les campagnes de désinformation à son encontre sont odieuses et doivent cesser, a-t-il plaidé. Enfin, il a souligné que les mesures prises en avril 2021 lors de la Conférence des États parties ne sont pas irréversibles: les droits et privilèges suspendus peuvent être rétablis, à condition que la Syrie s’acquitte de ses obligations. « Mais soyons clairs: il n’y aura pas de répit pour les criminels de guerre qui utilisent ces armes choquantes et bannies par le droit international », a mis en garde le représentant.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a insisté sur le fait que la République arabe syrienne doit remplir ses obligations conformément à la Convention sur les armes chimiques et la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité. Elle a rappelé qu’il y a 20 questions en suspens en rapport avec la déclaration initiale de la Syrie qui restent non résolues. Nous exhortons la Syrie à fournir suffisamment d’informations techniques et d’explications pour combler ces lacunes en suspens, a-t-elle plaidé. Elle a regretté des retards persistants dans la délivrance des visas aux membres de l’Équipe d’évaluation des déclarations. Elle a souligné l’obligation de la Syrie de coopérer pleinement avec l’OIAC. Mme Heimerback a également rappelé que l’OIAC a demandé des informations complémentaires sur une attaque signalée contre une ancienne installation de production d’armes chimiques qui contenait apparemment des équipements pertinents à une enquête en cours de l’OIAC. Enfin, elle a jugé essentiel que la Syrie achève de prendre les mesures nécessaires pour que puisse être levée la suspension de ses droits et privilèges en tant qu’État partie à la Convention sur les armes chimiques. Elle a, pour finir, appelé à la coopération, qui est « essentielle pour régler tous les problèmes non résolus ».
Dénonçant les efforts visant à politiser les conclusions de l’OIAC, Mme Geraldine Byrne Nason (Irlande) a appelé le Conseil de sécurité à être uni et clair dans son appui à l’OIAC et dans son rejet de la désinformation. Les efforts de la Syrie et d’ « autres » visant à saper le travail de l’OIAC ont de graves conséquences, a-t-elle souligné. Elle a ainsi rappelé que 20 questions restent en suspens et qu’il a été démontré que la Syrie n’a pas correctement déclaré ses activités de développement d’armes chimiques. De plus, des preuves ont été apportées sur des attaques perpétrées par le régime syrien contre sa population, qui ont causé la mort de centaines de personnes. Elle a jugé impératif que le Conseil fasse respecter ses décisions et continue d’appuyer les activités de l’OIAC qui visent à faire en sorte que les stocks syriens d’armes chimiques soient détruits de manière vérifiable. Pour cela, la Syrie doit pleinement coopérer, c’est l’unique moyen d’avancer sur ce dossier, a insisté la déléguée, avant d’appeler les autorités de Damas à appuyer la réunion prévue entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères et des expatriés. La Syrie doit également fournir sans délais les précisions nécessaires sur toutes les questions en suspens et cesser de bloquer le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations, a-t-elle ajouté, soulignant que Damas a l’obligation de fournir un accès immédiat à l’ensemble du personnel de l’OIAC. Plutôt que de retarder ces travaux, la Syrie doit prendre des mesures constructives pour que les inspections se poursuivent, a-t-elle dit.
M. TAINÃ LEITE NOVAES (Brésil) a noté que cela ne fait que 10 jours, que le Conseil s’est réuni pour discuter des mêmes rapports du Directeur général de l’OIAC et de la mission d’établissement des faits. Pour lui, la périodicité de ces réunions devrait être mieux discutée entre les membres, au risque de diminuer l’importance que les États membres et d’autres acteurs attachent au dossier des armes chimiques syriennes. Il a réitéré que le Brésil condamne, dans les termes les plus fermes, l’utilisation d’armes de destruction massive, y compris les armes chimiques, n’importe où, par n’importe qui, et en n’importe quelles circonstances. Par conséquent, son pays soutient une OIAC forte, transparente et indépendante. Quant aux enquêtes menées par la mission d’établissement des faits, le représentant a estimé que, compte tenu de la gravité des faits, elles doivent être impartiales, équilibrées, techniques et exhaustives. Plaidant en faveur du rétablissement de la confiance entre l’OIAC et la République arabe syrienne, le représentant a dit qu’il s’agit d’une étape fondamentale pour surmonter la « regrettable politisation » qui a sapé la culture du consensus au sein de l’Organisation et de ses organes de décision.
Mme VIDISHA MAITRA (Inde) a réitéré l’attachement de sa délégation à la Convention sur les armes chimiques. Elle a affirmé « soutenir » les efforts déployés par les parties pour veiller à ce que la crédibilité et l’intégrité de cette Convention soient maintenues. Toute enquête sur l’utilisation d’armes chimiques devait être impartiale, crédible et objective, a demandé la représentante. Une telle enquête devrait suivre scrupuleusement les dispositions et procédures inscrites dans la Convention, a-t-elle insisté. Elle a mis en garde contre la possibilité que des entités terroristes aient accès à des armes chimiques, y compris en Syrie. Les rapports de l’UNITAD ont également fait référence aux déploiements répétés d’armes chimiques par des groupes terroristes interdits par l’ONU et ceux affiliés à Daech contre des populations civiles entre 2014 et 2016, a rappelé la représentante. Elle a, enfin, encouragé à faire des progrès sur les voies politique et humanitaire, ce qui faciliterait à son avis les processus de paix et politique en Syrie.
Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya) M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est dit préoccupé par les divergences qui persistent entre les positions de l’OIAC et des autorités syriennes concernant les lacunes non comblées, les incohérences et les questions en suspens dans les soumissions initiales et ultérieures de la Syrie conformément à la Convention sur les armes chimiques. Il a estimé que des progrès significatifs peuvent être accomplis vers la mise en œuvre intégrale du programme d’élimination grâce à des relations renforcées et à une coopération de bonne foi entre l’OIAC et ses organes de mise en œuvre, d’une part, et « l'Autorité syrienne », d’autre part. Il a estimé que la rencontre en personne proposée entre le Ministre des affaires étrangères syrien, M. Faisal Mekdad, et le Directeur général de l’OIAC pourrait être une occasion de renforcer la confiance et d’obtenir un réengagement de la Syrie envers ses obligations.
En ce qui concerne le déploiement sur le terrain de l’équipe d’évaluation de la déclaration initiale, le représentant de l’A3 a exhorté la Syrie à se conformer à ses obligations en accordant un accès libre et sans entrave à son territoire pour tous les membres de l’équipe, et à collaborer en matière de communication et d’échange d’informations. Après avoir pris note du soutien continu du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) dans le cadre de l’accord tripartite conclu avec l’OIAC et les autorités syriennes, le représentant a rappelé les difficultés posées par la pandémie de COVID-19 aux travaux de l’OIAC en Syrie.
Il a dit que le Groupe A3 continuera à soutenir les mesures de responsabilisation pour tenir les auteurs responsables et renforcer les normes internationales contre l’utilisation d’armes chimiques et d’autres armes de destruction massive. Dans ce contexte, il a particulièrement salué le travail « essentiel » de la mission d’établissement des faits et de l’équipe d’enquête et d’identification visant à identifier les auteurs, avant de souligner la nécessité pour ces structures de rester indépendantes, transparentes et impartiales. Il a, en conclusion, réitéré la position de principe de l’Afrique contre l’utilisation d’armes chimiques n’importe où, par n’importe qui et dans n’importe quelles circonstances, avant de rappeler qu’aucune cause ne pouvait justifier une utilisation. C’est pourquoi, il a exprimé son soutien à tous les efforts visant à conclure rapidement l’élimination du programme d’armes chimiques de la Syrie.
M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTINEZ (Mexique) a constaté que des incohérences persistent dans la déclaration initiale de la Syrie. Il a regretté en outre que, malgré de nombreuses tentatives, il n’ait pas été possible de tenir le vingt-cinquième cycle de consultations en raison du refus de Damas de délivrer des visas à tous les membres de l’Équipe d’évaluation de la déclaration initiale. Il a demandé aux autorités syriennes de permettre le déploiement, en temps utile, de ladite équipe dans les installations du Centre d’études et de recherches scientifiques de Barzé et de Jamraya. Le délégué a également réitéré la demande de clarification des faits concernant la conservation et le transfert non autorisés de cylindres de chlore liés à l’attaque de Douma en date d’avril 2018.
M. Ochoa Martínez a regretté que la Syrie continue de ne pas se conformer aux obligations énoncées par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et par la Convention sur les armes chimiques elle-même. Rappelant l’avoir mentionné lors de la réunion de février dernier, il a pris note que les enquêtes de la mission d’établissement des faits ont permis d’établir qu’il existe des « motifs raisonnables » de croire que des produits chimiques ont été utilisés comme armes à Marea et à Kafr Zeita. La possibilité que des acteurs non étatiques, y compris ceux inscrits par ce Conseil sur la liste des entités terroristes, puissent avoir accès à des produits chimiques est « très préoccupante », a-t-il conclu.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a estimé que tout progrès tangible dans le dossier des armes chimiques de la crise syrienne nécessite de combler les lacunes existantes. Il a donc encouragé à mener un dialogue constructif et significatif entre l’OIAC et la République arabe syrienne. En outre, les modalités de leur coopération devraient être améliorées, conformément aux principes sur lesquels l’OIAC a été créée, et en tenant compte de sa nature technique et des principes de consensus et non-politisation, a-t-il recommandé. « Nous croyons que faciliter le voyage de l’Équipe d’évaluation de la déclaration en Syrie contribuera à la réalisation de ces objectifs. » Il a également insisté sur l’importance d’empêcher les terroristes présents en Syrie d’obtenir des armes chimiques, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. En conséquence, il a souligné l’importance de continuer à combattre Daech en Syrie, pour l’empêcher de réorganiser ses rangs ou d’acquérir des armes chimiques.
Réagissant à la déclaration du représentant de l’Albanie au sujet d’un soi-disant bombardement d’un hôpital à Marioupol le représentant de la Fédération de Russie a expliqué que sa délégation a distribué une lettre officielle au Conseil de sécurité en date du 7 mars au sujet de l’opération spéciale en Ukraine. Il a affirmé que l’hôpital était occupé par le bataillon nationaliste Azov qui utiliserait la population de Marioupol comme bouclier humain. « Il n’y avait plus de femmes attendant d’accoucher dans cette installation depuis longtemps », a insisté le délégué russe avant d’exhorter les délégations à vérifier la source de leurs informations, et de cesser de diffuser des informations falsifiées au cours de réunions du Conseil de sécurité. Illustrant son propos il a indiqué que des vidéos circulant sur les médias sociaux permettent de voir une actrice jouer le rôle de trois différentes femmes enceintes.
Le représentant de la Chine a demandé à son tour que les déclarations à venir évitent de soulever des questions sans rapport avec le sujet à l’ordre du jour, de manière que le Conseil puisse examiner et délibérer des questions pertinentes « normalement et rapidement ».
M. KOUSSAY ALDAHHAK (République arabe syrienne) a rappelé qu’il y a neuf ans, le 19 mars 2013, des éléments terroristes ont tiré un missile contenant des produits chimiques toxiques sur la zone de Khan al-Assal, dans la province d’Alep, causant la mort par asphyxie de 25 membres des forces armées syriennes et de 110 autres personnes. Suite à cette attaque, a-t-il indiqué, le Gouvernement syrien a pris l’initiative de demander au Secrétaire général de l’ONU d’alors de former une équipe technique indépendante pour enquêter sur les faits. Or, après des mois d’atermoiements, cette équipe n’a jamais visité le site de l’incident et aucune enquête n'a été menée, a-t-il déploré, y voyant la preuve que « certains pays bien connus » cachent les crimes d’organisations terroristes, ce qui a contribué à la manipulation et à la politisation du « soi-disant dossier chimique syrien ». Selon le représentant, le même « procédé » s’est ensuite reproduit avec la mission d’établissement des faits de l’OIAC, qui n’a pas tenu compte des demandes d’enquête formulées par le Gouvernement syrien concernant l’utilisation par des groupes terroristes de produits chimiques toxiques contre la population civile et les forces gouvernementales.
De surcroît, a poursuivi le délégué, la mission d’établissement des faits a eu recours à des méthodes de travail « erronées et dangereuses », parfaitement incompatibles avec les dispositions énoncées dans sa feuille de route. Il a notamment cité le fait que la mission accepte de recevoir des échantillons de parties tierces anonymes venant de l’extérieur de la Syrie au lieu de procéder elle-même à la collecte des échantillons. La Syrie, a-t-il insisté, a volontairement adhéré à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques. Elle s'est débarrassée de tous ses stocks d’armes chimiques et a détruit leurs installations de production. S’agissant des questions qui restent en suspens, il a assuré que le Comité national syrien a facilité la coopération avec l’OIAC, comme en attestent les 24 séries de consultations avec l’Équipe d’évaluation de la déclaration. Pour le représentant, c’est le Secrétariat technique de l’OIAC qui porte l’entière responsabilité du retard pris dans la tenue de la vingt-cinquième série, les prétextes allant de la trop grande chaleur en été au refus d’octroi d’un visa d’entrée à l’un des membres de l’Équipe. La Syrie a demandé le remplacement de ce membre et cela ne devrait pas retarder la visite de l’Équipe, a-t-il fait valoir, considérant que ce blocage est le reflet des pressions exercées sur son pays et des tentatives visant d’abuser de sa coopération.
Dans le cadre de sa coopération, a ajouté le représentant, la Syrie a également soumis son quatre-vingt-dix-neuvième rapport mensuel sur les activités liées à la destruction de ses armes chimiques et de ses installations de production. Le Gouvernement syrien s’emploie en outre à préparer la tenue d’une rencontre de haut niveau entre le Ministre des affaires étrangères et des expatriés et le Directeur général de l’OIAC, notamment en convenant d’un ordre du jour qui permette d’avancer sur un certain nombre de questions liées aux pratiques erronées des équipes de l’OIAC. Celle-ci ne pourra accomplir son mandat avec succès en imposant des « diktats » à la Syrie, en politisant le travail de ses équipes et en poussant le Conseil à inciter la Conférence des États parties à geler les droits et les privilèges de la Syrie au sein de l’OIAC. Le succès, a-t-il conclu, ne pourra être atteint que si le Secrétariat technique fait le bilan complet de ses « mauvaises méthodes de travail » et respecte la nature « purement technique » des activités de l’OIAC, sans en faire un « outil » au service des desseins de certains pays et au détriment du régime de non-prolifération.
M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a déclaré que politiser la mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques et exploiter l’OIAC à des fins nationales motivées par des considérations politiques, a des conséquences négatives majeures pour l’autorité et la crédibilité de la Convention et de l’OIAC. Il a renouvelé l’appel de l’Iran à une mise en œuvre complète, efficace et non discriminatoire de la Convention et à la sauvegarde de l’autorité de l’OIAC. À ses yeux, la Syrie s’est conformée de bonne foi à ses obligations au titre de la Convention et continue de coopérer avec l’OIAC, comme en témoigne le fait qu’elle a soumis son quatre-vingt-dix-huitième rapport sur les opérations liées à la destruction d’armes chimiques et de sites de production associés sur son territoire le 17 janvier 2022. En outre, la Syrie fournit régulièrement des informations au Secrétariat technique de l’OIAC et au Secrétariat général de l’ONU sur la possession et l’utilisation de matières chimiques par certaines organisations terroristes, ainsi que sur les incidents chimiques créés de toute pièce dans le but de les imputer ensuite à l’armée syrienne, a également souligné le délégué. Conscient des répercussions désastreuses et horribles de l’utilisation d’armes chimiques par Saddam Hussein, « l’ex-dictateur iraquien », lors de son agression contre l’Iran, le délégué a réitéré son opposition à l’utilisation de telles armes par qui que ce soit et en aucune circonstance. Le représentant a conclu en disant que consacrer une réunion mensuelle du Conseil à la répétition de positions et d’allégations infondées contre le Gouvernement syrien ne va pas dans le sens de l’efficacité du Conseil de sécurité.
Pour M. ÖNCÜ KEÇELI (Turquie) le régime syrien continue de fouler aux pieds ses obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques. Il a déploré les lacunes, incohérences et disparités dans la déclaration sur les armes chimiques de la Syrie, notant que les demandes d’informations de l’OIAC restent sans réponse. En outre, le régime syrien manipule la question de la délivrance de visa et refuse de coopérer et de fournir un accès à l’Équipe d’enquête et d’identification.
Selon le représentant, des preuves scientifiques de plus en plus nombreuses prouvent que le régime syrien ne s’acquitte pas de ses obligations internationales. Les violations de la Convention sur les armes chimiques ont des répercussions très graves pour la paix et la sécurité internationales, a-t-il prévenu. Condamnant l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien, le délégué a appelé à identifier les auteurs de ces attaques et les faire comparaître devant les tribunaux le plus vite possible. L’impunité pour des crimes contre l’humanité aussi horribles ne peut pas et ne saurait être tolérée, a-t-il affirmé.