Sixième Commission: appels à la prudence sur la question « sensible » de l’immunité des représentants de l’État et de ses exceptions
La Sixième Commission a achevé aujourd’hui son examen du second groupe de chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI) relatifs à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et à l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.
Les délégations ont appelé à la prudence sur ces deux sujets, les réserves les plus marquées ayant été exprimées à propos du premier, dont le caractère « sensible » et « contesté » a été abondamment souligné. La Commission a ensuite entamé l’examen du troisième et dernier groupe de chapitres du rapport de la CDI sur la succession d’États en matière de responsabilité de l’État et les principes généraux du droit.
La délégation du Viet Nam a invité la CDI à envisager toute codification au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État avec « la plus grande prudence », dans le plein respect de la souveraineté des États. Même son de cloche du côté de l’Égypte qui a invité la CDI à la codification de la lex lata plutôt que de se pencher sur la lex feranda.
L’article 7 du projet d’articles de la CDI sur ce sujet a été au cœur des interventions des délégations. Cet article dispose en effet que l’immunité ratione materiae ne s’applique pas pour les crimes de droit international suivants: crime de génocide; crimes contre l’humanité; crimes de guerre; crime d’apartheid; torture et disparitions forcées.
La Fédération de Russie a rappelé qu’il y avait eu un vote en 2017 sur le projet d’article 7 et que certains États avaient voté contre cet article. « Le fait qu’il n’y ait pas eu de vote cette année ne veut pas dire que ces États ont changé de position », a tranché la déléguée. Ce projet d’article reste « contesté » tant au sein de la Commission que par certains États, a reconnu la déléguée du Royaume-Uni.
Leur homologue de l’Égypte a, lui aussi, fait part de sa plus grande réserve, en invitant la CDI à éviter sur un sujet aussi sensible toute proposition non-consensuelle de nature à attiser les tensions. Cette nécessité du consensus a également été soulignée par le délégué du Cameroun, qui a estimé que les exceptions de l’article 7 reposent sur la pratique d’un nombre limité d’États qui ne reflète pas le droit international coutumier.
Pour la République de Corée, appuyée par Israël, il n’y a pas d’explication claire sur l’existence d’une pratique d’État suffisante dans ce domaine. Souhaitant que les divergences entre États soient surmontées, le Japon a invité la CDI à fournir une « explication substantielle » sur la marche à suivre. L’État de Palestine, l’Afrique du Sud et l’Espagne ont en revanche apporté leur soutien à l’article 7, la déléguée palestinienne souhaitant l’inclusion du crime d’agression.
À l’instar de la République de Corée, les intervenants ont également invité la CDI à la prudence s’agissant du point relatif à l’élévation du niveau de la mer. La déléguée d’Antigua-et-Barbuda, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a salué la poursuite du dialogue avec la CDI pour comprendre, développer et appliquer le droit international de façon à répondre à l’urgence de la crise climatique.
Si le délégué du Japon a rappelé que la disparition d’un territoire et le déplacement de population en raison de cette élévation ne se sont encore jamais produits dans l’histoire, il a estimé que certains États pourraient ne plus remplir les critères de la condition étatique établies par la Convention de Montevideo de 1933 sur les droits et devoirs des États.
Cette Convention n’est pas pertinente pour la question de la continuation de l’État puisqu’il existe plutôt une présomption fondamentale de la continuation du statut d’État en droit international, a réagi la déléguée d’Antigua-et-Barbuda. « Il est donc « inéquitable et injuste » de suggérer aujourd’hui que, dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer, il faudrait appliquer strictement les critères d’un accord régional signé voici presque un siècle et ratifié par 16 pays. »
« Les critères contenus dans des instruments comme la Convention de Montevideo s’appliquent de manière plus appropriée à la création des États, mais pas à leur extinction », ont renchéri la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Samoa, au nom des Petits États insulaires en développement du Pacifique. Pour sa part, la Fédération de Russie a appuyé la Convention de Montevideo.
La Sixième Commission poursuivra ses travaux mercredi 2 novembre, à 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TREIZIÈME SESSION - A/77/10
Suite et fin du débat général sur le module 2 : chapitre VI (Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État) et chapitre IX (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international)
Mme ASHA CHALLENGER (Antigua-et-Barbuda), au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a rappelé que les 39 petits États insulaires en développement (PEID) sont particulièrement touchés par les effets de l’élévation sans précédent du niveau de la mer. Elle a salué la poursuite du dialogue avec la CDI pour comprendre, développer et appliquer le droit international de façon à répondre à l’urgence face à la crise climatique. Comme les dirigeants de l’AOSIS l’ont dit dans une déclaration en septembre, les zones maritimes et les droits qui en découlent doivent continuer de s’appliquer sans réduction, nonobstant toute modification physique liée à l’élévation du niveau de la mer due aux changements climatiques. L’AOSIS est heureuse de constater que d’autres États, y compris certains des plus grands États côtiers, ont adopté une conception similaire du droit international, reconnaissant la nécessité d’assurer la stabilité juridique, la sécurité, la certitude et la prévisibilité.
Mme Challenger a estimé que la pratique de ces dernières années est très claire: la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États n’est pas pertinente pour la question de la continuation de l’État puisqu’il existe plutôt une présomption fondamentale de la continuation du statut d’État en droit international. Il est donc « inéquitable et injuste » de suggérer aujourd’hui que, dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer, il faudrait appliquer strictement les critères d’un accord régional signé voici presque un siècle et ratifié par 16 pays. De l’avis de l’AOSIS, ces critères ne s’appliquent pas à la continuation des États et la perte éventuelle de territoire dans de petites îles en raison de l’élévation du niveau de la mer n’est pas un phénomène naturel mais est due à une cause anthropogénique. « Nous priver de notre souveraineté est contraire à un siècle de pratique » a asséné la déléguée. Il s’agit également d’un exercice inacceptable du pouvoir par les grands États, contraire au principe d’autodétermination. S’agissant de la protection des personnes face à l’élévation du niveau de la mer, là encore les obligations juridiques sont claires, a-t-elle poursuivi, ajoutant qu’il s’agit d’un problème international exigeant une coopération entre les États. À son avis, le devoir de coopération est un principe général du droit international, qui établit l’obligation pour la communauté internationale d’aider les États les plus touchés par l’élévation du niveau de la mer. Depuis les années 1960, l’Assemblée générale a joué un rôle de chef de file pour faciliter la coopération sur la réduction des risques de catastrophe et la riposte. Par ailleurs, si la coopération est une obligation légale, c’est aussi une question d’équité, a fait observer Mme Challenger. « Les membres d’AOSIS sont parmi les plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre qui expliquent les changements climatiques et l’élévation du niveau de la mer, mais ils sont confrontés aux plus graves conséquences. » Attendre des petits États insulaires qu’ils assument la charge de l’élévation du niveau de la mer sans l’aide de la communauté internationale serait le summum de l’injustice, a conclu la déléguée.
Mme GALIA RIVLIN (Israël) a déclaré que bien que son pays attache une grande importance aux efforts internationaux de lutte contre la criminalité et l’impunité, les règles fondamentales et de longue date relatives à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État sont « à juste titre » fermement établies dans le système juridique international. Israël continue de soutenir que certains projets d’articles ne reflètent pas l’état actuel du droit international coutumier tel qu’il est soutenu par la pratique des États et l’opinio juris, et constituent plutôt des propositions en vue du développement progressif du droit, « sans le reconnaître ouvertement ». La représentante a argué que le projet d’article 7, qui propose des exceptions à l’immunité ratione materiae, ne reflète pas non plus l’état actuel du droit international et a été rejeté par des membres de la Commission en 2017, une position qui demeure inchangée. Elle a en outre réitéré sa demande à la CDI de reconsidérer sa position sur la question de l’immunité ratione personae dans les projets d’articles 3 et 4, estimant qu’en vertu du droit international coutumier, tel que reflété dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice (CIJ) et des tribunaux nationaux, la catégorie des représentants de l’État qui jouissent de cette immunité est en fait plus large. Selon la déléguée, la détermination de l’immunité doit être faite par les autorités compétentes de l’État, qui ne sont pas nécessairement ses tribunaux. Les décisions relatives à l’opportunité d’engager des poursuites pénales ou de prendre des mesures coercitives à l’encontre d’un fonctionnaire étranger comportent selon elle le risque de violer l’immunité de celui-ci en vertu du droit international coutumier. En ce qui concerne le règlement des différends, elle a rejeté le mécanisme prévu au paragraphe 2 du projet d’article 18 en vertu duquel l’un des États concernés peut saisir unilatéralement la CIJ, estimant au contraire que le consentement de tous les États concernés est nécessaire.
Mme MATILDA BARTLEY (Samoa), au nom des Petits États insulaires en développement du Pacifique, a pris note des conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) relatives à l’augmentation probable des températures au-delà de 1,5 degrés Celsius. Elle a rappelé que l’élévation du niveau de la mer n’a pas été envisagée dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. À ce titre, la représentante a réitéré que la Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques, publiée en aout 2021 par les dirigeants du Forum des Îles du pacifique, reflète la position de ses membres sur l’application des règles de ladite Convention. Il ne s’agit pas de « contourner » cet instrument ou de créer de nouvelles règles du droit international, a-t-elle précisé, mais uniquement d’interpréter les règles contenues dans la Convention sur le droit de la mer.
La représentante a également estimé qu’il existe une présomption en faveur de la continuité de l’État. À cet égard, les critères contenus dans des instruments comme la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États de 1933 s’appliquent de manière plus appropriée à la création des États, « mais pas à leur extinction ». Elle s’est, enfin, inquiétée des menaces multidimensionnelles auxquelles les petits États insulaires en développement (PEID) sont confrontés du fait de l’élévation du niveau de la mer, d’autant plus qu’elles ne peuvent pas toujours être atténuées par des mesures d’adaptation et par le renforcement des infrastructures. En conclusion, la représentante a insisté sur l’obligation de coopérer pour combattre ces menaces.
M. SERGE NYANID (Cameroun) a abordé le sujet « délicat » de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. « De manière générale, ma délégation réitère qu’elle demeure attachée à la vision de l’immunité, qui est consubstantielle à l’existence de la souveraineté de l’État. » Ceux qui représentent l’État et expriment sa volonté aussi bien sur le plan interne que sur le plan international ne sauraient être fragilisés par une « épée de Damoclès » qui plane sur leur tête, a développé le délégué. Il a donc invité la CDI à poursuivre la réflexion sur ce sujet en vue d’une plus grande cohérence. Il a estimé que la référence aux régimes spéciaux de juridiction pénale internationale pourrait créer un droit pénal spécial, discriminatoire, avant d’appeler à ne pas mettre la pression sur les États et à respecter leur liberté d’exprimer leur consentement à être liés par les conventions de leur choix. « Les culs-de-sac juridiques » que l’on trouve dans certaines conventions qui sont de véritables camisoles de force juridiques pourraient passer un message inapproprié et faire croire que ces mécanismes dits de lutte contre l’impunité sont orientés et discriminatoires. S’agissant de l’article 7, il a relevé que plusieurs crimes pour lesquels l’immunité rationae materiae n’est, selon le projet de la CDI, pas applicable, reposent sur la pratique d’un nombre limité d’États qui ne reflètent pas le droit international coutumier. « Il serait en conséquence souhaitable de revoir cette perspective afin d’obtenir un consensus qui permettrait de donner une suite favorable aux longs efforts de la Commission, à travers l’adoption des projets d’articles par les États en tant que convention internationale. » En l’état actuel, ma délégation observe que cette perspective a encore du chemin à faire, a tranché le délégué.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Nyanid a rappelé que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est « silencieuse sur le sujet », alors même que les États les plus concernés sont en attente de réponses claires afin de pouvoir sécuriser juridiquement leur comportement face à la montée des eaux. Il a adhéré à l’idée de ne pas imposer de limites à ce sujet afin de permettre au Groupe de travail de parvenir à des conclusions sur la question de savoir si le droit international existant permettait de régler les difficultés rencontrées ou si de nouvelles règles ou de nouveaux principes sont nécessaires pour combler d’éventuelles lacunes. « À cet égard, ma délégation est d’avis que la Commission devrait approfondir son travail dans le domaine de l’examen ou d’un exposé des problèmes juridiques pertinents découlant des situations engendrées par l’élévation du niveau des mers. »
M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a rappelé que son pays a été victime d’un cyclone principalement dû à l’élévation du niveau de la mer provoquée par les changements climatiques. En dépit des difficultés, son gouvernement a, avec succès, évacué les personnes en danger et distribué les ressources de base nécessaires aux personnes affectées. Les implications juridiques de ce phénomène sont lacunaires, a-t-il regretté, saluant à ce titre le travail de la CDI sur ce point. Le représentant a toutefois souhaité approfondir la réflexion sur la condition étatique des États dont le territoire serait complètement recouvert par la mer. Il a également souligné l’influence de la note thématique sur d’autres projets de la CDI, notamment le projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe. Le représentant a, enfin, réitéré que les positions de la CDI sur la relation entre l’élévation du niveau de la mer et le droit international doivent s’inscrire dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Mme LAUZA ALI (Maldives) a rappelé que les Maldives, État insulaire vulnérable aux effets de l’élévation du niveau de la mer, ont accueilli en 1989 la première conférence sur ce phénomène, qui s’est traduite par la Déclaration de Malé sur le réchauffement du globe et la hausse du niveau des mers et a conduit à la création de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS). L’élévation du niveau de la mer est une menace existentielle pour les États de faible altitude et les petits États insulaires en développement (PEID), a-t-elle dit. Pour les PEID, cette menace est une question de survie. Selon les prévisions des scientifiques, « les Maldives seront inhabitables à la fin du siècle, et les habitants seront de fait apatrides ». Il est donc urgent que la communauté internationale prenne en compte le point de vue de pays comme les Maldives lorsqu’elle formule des stratégies, a fait observer la représentante. S’agissant de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, envisagée à partir du cadre existant « en cas de catastrophe », elle a souligné que les changements climatiques ne sont pas une catastrophe naturelle mais une catastrophe d’origine humaine. Selon elle, Les projets d’articles de la CDI peuvent fournir des orientations utiles mais ils devraient être complétés par une analyse tenant compte des dommages transfrontaliers et de la responsabilité internationale selon une approche de « responsabilités communes mais différenciées ». En outre, les Maldives plaident pour une approche fondée sur les droits humains. Les effets des changements climatiques et l’élévation du niveau de la mer touchent de manière disproportionnée les segments les plus vulnérables de la population: les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes de couleur, les groupes autochtones. Au vu des instruments de droit international relatifs aux populations vulnérables, la représentante a jugé essentiel que le débat adopte une approche intersectionnelle.
Mme THI HA TRANG DAO (Viet Nam) a abordé le sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, en invitant la CDI à envisager toute codification avec « la plus grande prudence ». Elle a insisté sur la nécessité de trouver un équilibre permettant de concilier les avantages de ladite immunité et le respect de la souveraineté des États, en mettant en garde contre toute application abusive des exceptions à ladite immunité.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a indiqué qu’il s’agit d’un sujet pressant pour son pays qui est très exposé à cette élévation. Il est crucial de poursuivre la codification et le développement de règles sur ce sujet, a tranché la déléguée, en insistant sur la fragilisation de la condition étatique en raison de ce phénomène. Toute codification en la matière doit prendre en compte le principe d’égalité souveraine des États et respecter la Convention des Nations sur le droit de la mer. Enfin, elle a invité la CDI à prendre en compte dans ses travaux les principes du droit international de l’environnement.
Mme MOTSEPE (Afrique du Sud) a souligné la nécessité de trouver un équilibre entre le besoin de protéger les représentants de l’État et de lutter contre l’impunité. « L’objectif de l’immunité n’a jamais été de se soustraire à la responsabilité en matière pénale », a-t-elle rappelé. Elle s’est dit satisfaite de l’inclusion dans le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État de garanties contre les abus et de l’absence d’effet sur les droits et devoirs existants, notamment à l’égard de la Cour pénale internationale (CPI). Elle a également apporté son soutien à l’article 7 sur les crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas.
La représentante a rappelé que l’élévation du niveau de la mer est un phénomène global qui affecte l’ensemble des États, notamment en Afrique. Selon elle, les États peuvent rester des sujets du droit international en dépit de la disparition de leur territoire et du déplacement forcé de leur population. « Aucun critère n’oblige le gouvernement d’un État à être situé sur son propre territoire », a-t-elle fait valoir, notant néanmoins la difficulté pour un tel gouvernement d’exercer ses prérogatives de manière effective. La représentante a rappelé qu’il appartient aux États Membres de garantir les droits humains des personnes déplacées. Elle a apporté son soutien à un cadre juridique, voire une convention, sur la question des personnes déplacées.
Mme DEBRA GERSTEIN (Royaume-Uni) a relevé les progrès de la CDI sur le sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. Elle a salué la clarification sur le champ d’application de cette question au projet d’article 1, notamment son lien avec certains accords internationaux et d’autres règles spéciales du droit international. Le Royaume-Uni rappelle que les exceptions à l’immunité proposées au projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) et ses annexes restent « contestés » tant au sein de la Commission que par certains États. La représentante a réitéré qu’il est d’une importance capitale « que la CDI indique clairement quels sont les projets d’article qui reflètent ou non le droit international ».
Le sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, a relevé Mme Gerstein, couvre des questions fondamentales pour de nombreux États, en particulier les petits États insulaires en développement (PEID). Elle a indiqué que le Royaume-Uni examinera les travaux du Groupe d’étude avec toute l’attention qu’ils méritent.
Mme MELIKBEKYAN (Fédération de Russie) a évoqué le sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, en appelant la CDI à revenir sur certains aspects du projet d’articles en seconde lecture. Elle a rappelé qu’il y avait eu un vote en 2017 sur le projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) et que certains États avaient voté contre cet article. « Le fait qu’il n’y ait pas eu de vote cette année ne veut pas dire que ces États ont changé de position », a lancé la déléguée. Elle a insisté sur la distinction entre le développement de normes et un travail de codification. La CDI ne doit pas définir son travail sur ce sujet comme relevant de la codification lorsqu’il est évident que la pratique des États et le droit des traités ne prévoient pas les exceptions visées à l’article 7. Aucune tendance ne se dégage s’agissant de ces exceptions, a dit la déléguée, en rappelant que cette immunité ne dépend pas de la gravité du fait examiné. « La question de l’immunité doit être tranchée avant tout examen de l’affaire sur le fond », a-t-elle insisté, en invitant la CDI à réviser cet article 7 en seconde lecture. Elle a estimé que l’obligation de ne pas quitter le territoire de l’État du for ne peut pas s’appliquer à un représentant de l’État, en jugeant excessif tout retrait de passeport. La déléguée n’a vu aucun inconvénient à rallonger le temps d’examen de ce sujet par la CDI.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a jugé cruciale la question de la condition étatique, avant de se rallier à la définition donnée par la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États de 1933. Il est crucial de prendre des mesures d’atténuation de ce phénomène naturel délétère, a déclaré la déléguée, en appelant notamment au renforcement des côtes. Enfin, elle a estimé que la question de la protection des personnes est étroitement liée à la condition étatique, en soulignant l’importance de la question de l’apatridie.
Mme MARÍA CECILIA CÁCERES NAVARRETE (Chili) a rappelé que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est complexe puisqu’elle intègre à la fois des considérations relatives à l’égalité des États et à la lutte contre l’impunité. Elle a regretté que certaines expressions utilisées dans la quatrième partie du projet d’articles de la CDI ne soient pas claires. Elle a notamment évoqué l’expression « examinent […] la question de l’immunité », qui ne précise pas quelles sont les obligations minimales qui doivent être prises en compte par les États. Elle a également estimé que l’article 14 (Détermination de l’immunité) doit inclure la complémentarité avec le respect des obligations de l’État du for. Elle a également mis en garde contre les retards inutiles générés par la mention d’un délai raisonnable dans l’article 18 (Règlement des différends) et appelé à définir un délai précis.
La représentante a noté que l’élévation du niveau de la mer est l’une des conséquences des changements climatiques, saluant le travail de la CDI à ce sujet. Même si les conséquences les plus graves ne se feront pas ressentir dans les prochaines années, certains des effets sont déjà là, a-t-elle noté. Elle a donc demandé à approfondir les mécanismes et cadres juridiques applicables aux personnes affectées par l’élévation du niveau de la mer afin de prévenir et d’atténuer les conséquences les plus imminentes. Sur la question de la condition étatique, elle a relevé que la plupart des exemples donnés ont vocation à être temporaires, ce qui est différent de la situation « irréversible » des États submergés. Il faut donc déterminer si la présomption étatique peut être maintenue indéfiniment et selon quels critères, a-t-elle estimé. Les conséquences liées à la disparition des États doivent également être étudiées, a-t-elle ajouté. La représentante a noté que l’ordre juridique international dispose déjà de normes générales permettant de protéger les personnes déplacées, tout en attirant l’attention sur les groupes particulièrement vulnérables. Elle a, enfin, insisté sur le principe de responsabilités communes mais différenciées.
Mme THARARUT HANLUMYUANG (Thaïlande) a souligné la nécessité de trouver un juste équilibre entre l’octroi de l’immunité de juridiction pénale étrangère aux représentants de l’État et la fin de l’impunité, tout en tenant compte du respect du principe de l’égalité souveraine des États dans la détermination et l’application de l’immunité. Elle a reconnu l’importance d’inclure des garanties procédurales dans la quatrième partie des projets d’articles, qui sont essentielles pour protéger les droits et les intérêts des États tout en assurant la transparence et la régularité de la procédure.
Au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la représentante s’est dit consciente de la fragmentation des cadres juridiques internationaux existants qui s’appliquent à la protection des personnes touchées par les changements climatiques. Elle a donc estimé que les travaux sur cette question sont urgents et de la plus haute importance. De l’avis de la Thaïlande, « les droits des États au regard des zones et des frontières maritimes tels que garantis par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer doivent être protégés ». Les frontières maritimes établies sont définitives et ne doivent pas être modifiées en raison de l’élévation du niveau de la mer, a commenté la représentante, ajoutant que c’est essentiel au maintien de la paix et de la sécurité internationales ainsi qu’à la stabilité. Elle a insisté sur la nécessité de mener les travaux sur cette question sur la base d’une pratique des États suffisante et en tenant compte des préoccupations de tous les États Membres, quels que soient leur taille ou leur niveau de développement.
M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a évoqué le sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, en rappelant l’attachement de son pays à la lutte contre l’impunité. Il a invité la CDI à faire montre de « la plus grande prudence » lorsqu’elle se penche sur un sujet aussi sensible. La Commission, a-t-il dit, doit donner la priorité à la codification de la lex lata plutôt que de se pencher sur la lex feranda. Le délégué a affiché sa plus grande réserve s’agissant du projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas). Il a insisté sur l’importance d’une distinction entre l’immunité ratione materiae et l’immunité ratione personae, celle-ci étant insuffisamment prise en compte par le projet d’articles. La CDI doit éviter toute proposition non-consensuelle de nature à attiser les tensions, a averti le délégué.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a appelé à des mesures vigoureuses afin de faire face aux effets des changements climatiques. Les pays développés doivent honorer leurs engagements au titre du financement climatique, a-t-il notamment demandé.
M. RIPOL CARULLA (Espagne) a estimé que le texte du projet d’articles de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est appelé à exercer « une grande influence ». L’Espagne, a-t-il indiqué, partage la distinction contenue dans ledit projet entre les titulaires de l’immunité et les différents régimes juridiques, qui « correspond à n’en pas douter à la norme ». Il a jugé opportune l’inclusion d’une liste des crimes graves à l’égard desquels l’immunité ne s’applique pas. Les règles procédurales inclues dans le projet permettent également d’articuler le droit de l’État à l’immunité et le respect du droit de l’État du for. À ce titre, il a souligné l’importance de la coopération entre États.
Au sujet du travail de la CDI sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le représentant a estimé qu’il convient de donner priorité à certaines questions, notamment celles concernant la condition étatique et la protection des personnes touchées par ce phénomène.
M. KENNETH WELLES (États fédérés de Micronésie) a fait savoir que la Micronésie, en tant que petit État insulaire en développement (PEID) particulièrement vulnérable et touché par l’élévation du niveau de la mer, ne peut pas accepter quelque interprétation que ce soit du droit international qui le priverait de sa condition étatique et des droits qui en découlent simplement parce qu’il perd des terres en raison de l’action et des omissions des autres, en particulier de pays développés et d’autres grands émetteurs de gaz à effet de serre. « Les critères de la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États ne s’appliquent pas automatiquement au moment de déterminer si la condition étatique persiste une fois qu’elle a été créée. » Le délégué a noté que le deuxième document de travail énumère plusieurs alternatives possibles qui pourraient permettre à un État de conserver une forme de personnalité juridique internationale sans territoire, comme une association avec un ou plusieurs autres États. Ces alternatives semblent s’inspirer en partie des trois accords de libre association que la République des Palaos, la République des Îles Marshall et les États fédérés de Micronésie ont signé avec les États-Unis. Si nombre de disciplines du droit international ont un lien important avec la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, aucun instrument international juridiquement contraignant ou processus intergouvernemental n’est spécifiquement consacré à cette question, a encore fait remarquer le délégué. La Micronésie est donc ouverte à la discussion sur l’adoption d’un instrument international.
M. MAREK ZUKAL (République tchèque) a estimé que la définition et la portée de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État ratione personae et ratione materiae contenue dans les parties I, II et III du projet d’articles de la CDI reflètent le droit international coutumier actuel. S’agissant du « très discuté » projet d’article 7, qui prévoit des exceptions à l’immunité ratione materiae, il a considéré qu’il reflète « en principe » correctement les normes existantes du droit international et la pratique basée sur l’absence d’immunité ratione materiae lorsque des crimes de droit international et des crimes dits officiels sont commis. La non-applicabilité de l’immunité ratione materiae semble à ses yeux être une conséquence de l’incompatibilité normative de cette immunité avec les définitions et obligations du droit international et des conventions internationales pertinentes. Le délégué a toutefois émis des doutes sur la partie IV du projet portant sur les dispositions procédurales et les garanties. Il a souligné à cet égard que l’immunité ratione materiae ne s’applique que lorsque les actes de l’agent étranger accomplis en sa qualité officielle font l’objet d’une procédure devant les tribunaux étrangers, ce qui ne semble pas être pris en compte dans les projets de dispositions procédurales. Les travaux sur les aspects procéduraux de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État devraient être davantage axés sur la pratique des États, a-t-il jugé.
En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M Zukal s’est attardé sur les travaux menés par la CDI sur la condition étatique et la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, estimant que, pour les États de faible altitude et les petits États insulaires en développement (PEID), la menace est de nature « existentielle » et que, dans le cas des PEID, elle concerne « leur survie même ». Le délégué a encouragé la CDI à se concentrer sur la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer en s’appuyant sur les rapports d’experts mentionnés au paragraphe 6. Il a par ailleurs approuvé l’avis exprimé au paragraphe 172 selon lequel les cadres juridiques internationaux existants sur ces questions sont fragmentés et de nature générale, et qu’ils devraient donc être étayés pour répondre aux besoins spécifiques des personnes touchées.
M. HARIS CHRYSOSTOMOU (Chypre) a fait observer que Chypre, en tant qu’État insulaire, a fait l’expérience de la gravité du phénomène des changements climatiques et de l’élévation du niveau de la mer induite par le climat. En ce sens, Chypre apprécie le travail du Groupe d’étude de la CDI visant à apporter une clarification juridique quant aux effets possibles de l’élévation du niveau de la mer mais réitère en même temps sa position selon laquelle le Groupe d’étude n’a pas pour mandat de proposer des modifications du droit international, y compris de la nature coutumière de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et en particulier le régime des îles. « Il est indispensable de respecter totalement l’esprit et la lettre de la Convention », a insisté le délégué. Pour aborder les effets juridiques de l’érosion côtière, a-t-il suggéré, les États côtiers pourraient définir des lignes de base permanentes conformément à l’article 16 de la Convention sur le droit de la mer. À cet égard, Chypre apprécie le travail déjà mené par la CDI sur les limites du plateau continental afin d’aider les États à déterminer les lignes de base permanentes et encourage le Groupe d’étude à tenir compte de ses conclusions récentes. Les effets de l’élévation du niveau de la mer sur les lignes de base ne devraient avoir aucune incidence juridique sur le statut d’un traité maritime déjà conclu, a ajouté le délégué, précisant que les frontières maritimes désignées par des organes judiciaires internationaux devraient rester « inchangées » en cas d’élévation du niveau de la mer. S’agissant de la condition étatique, le délégué a attiré l’attention sur le principe d’autodétermination qui a été transformé en droit international au cours du mouvement de décolonisation et a toujours été appliqué aux situations de domination coloniale ou d’occupation étrangère. Le délégué a par ailleurs noté qu’il n’existe aucun instrument international juridiquement contraignant qui traite précisément des mouvements transfrontaliers et de la protection des personnes déplacées de force en raison des effets néfastes des changements climatiques, tels que l’élévation du niveau de la mer. Chypre est intéressé par le développement d’une initiative à ce sujet, a-t-il fait savoir.
Mme NIDAA HUSSAIN ABU-ALI (Arabie saoudite) a demandé à la CDI de tenir compte, dans le cadre du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, du principe de la souveraineté de l’État et de l’importance de l’immunité pour l’exercice des fonctions des représentants. Elle a souligné la nécessité de renforcer le droit international coutumier en la matière. Dans ce contexte, la déléguée a invité la CDI à tenir compte des décisions des tribunaux nationaux et se fonder sur les sources existantes du droit international. À cet égard, elle a noté que plusieurs projets d’articles n’ont pas été acceptés par des membres de la CDI et par plusieurs États. Elle a également invité la Commission à intégrer les mesures de coercition prises par les États étrangers, considérant que cela permettrait de garantir la souveraineté de l’État et la non-ingérence dans les affaires intérieures. S’agissant du projet d’article 11 (Invocation de l’immunité), la déléguée a rappelé que l’immunité était présumée et donc appelé à limiter cet article à la seule hypothèse de la renonciation conformément au projet d’article 12. Elle a également indiqué que la définition des crimes visés à l’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) est encore débattue et qu’ils ne font pas l’objet d’une adhésion universelle. Elle a, enfin, réaffirmé que l’État qui souhaite exercer sa juridiction doit disposer de preuves que le représentant a commis un crime et doit référer la procédure à l’État du représentant avant de statuer sur l’immunité.
M. MAEDA (Japon) a salué l’adoption en première lecture du projet d’articles de la CDI relatif à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. Les divergences entre États Membres s’agissant du projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) doivent être surmontées, a déclaré le délégué, en espérant que la CDI fournira à ce titre une explication substantielle.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a rappelé que la disparition d’un territoire et le déplacement de population en raison de cette élévation ne se sont encore jamais produits dans l’histoire. Certains États pourraient ne plus remplir les critères de la condition étatique établies par la Convention de Montevideo de 1933, a-t-il conclu, en appelant à un examen accru du droit applicable sur cette situation sans précédent.
M. MOHAMED FAIZ BOUCHEDOUB (Algérie) s’est félicité que la CDI ait pris en compte le principe de l’égalité souveraine entre les États ainsi que les dispositions qui visent à renforcer la confiance et la coopération entre l’État du for et du représentant dans le cadre du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. D’après lui, ledit projet propose les moyens juridiques nécessaires pour garantir que ces articles ne seront pas exploités « à des fins politiques unilatérales ». Le représentant a néanmoins émis des réserves par rapport au projet d’article 7 sur les crimes à l’égard desquels l’immunité ne s’applique pas et qui « ne reflète pas le droit international ». Il a mis en garde contre l’introduction de règles qui sont en contradiction avec le droit international positif, notamment les Conventions de Vienne sur les privilèges et immunités diplomatiques. Il a également émis ses réserves à l’égard de la compétence obligatoire de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans le projet.
Le représentant a regretté l’absence de cadre juridique relatif aux personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, qui constitue une menace « réelle et effective ». Il a encouragé le Groupe d’étude sur l’élévation du droit de la mer au regard du droit international à poursuivre son travail et à élaborer des conclusions pratiques pour guider les États. La CDI doit également poursuivre ses efforts sans porter préjudice au droit des États membres de délimiter leurs espaces maritimes conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a-t-il estimé.
M. ANDY ARON (Indonésie) a déclaré que les scénarios sur l’élévation du niveau de la mer présentés dans le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) représentent un défi « sans précédent » pour l’humanité, insistant sur l’impact sur la biodiversité marine. Il a donc salué les travaux de la CDI sur ce point, jugeant essentielle une analyse fine de ces enjeux « particulièrement sensibles ». Il a appelé à distinguer les éléments politiques et ce qui relève du droit international. Le représentant a en outre souligné que lorsque la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer a été négociée, les changements climatiques étaient mal connus. De plus, la Convention dit peu de choses sur ce point. Il a appelé la CDI à trouver un équilibre entre la stabilité du droit international de la mer et l’équité en matière de changement climatique. En conclusion, il a rappelé l’intégrité de la Convention.
M. JOHN MARTIN PANGIPITA (République-Unie de Tanzanie) a fait remarquer que la Tanzanie, qui compte 1 424 kilomètres de côtes et plusieurs îles, dont Zanzibar, attache beaucoup d’importance au travail de la CDI sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international. En cela, elle rejoint les petits États insulaires en développement (PEID) pour souligner la nécessité pour la communauté internationale de réfléchir d’urgence à cette question qui touche à l’existence même des îles. Le délégué a recommandé à la CDI de coopérer avec les agences de l’ONU chargées des affaires humanitaires et des personnes déplacées pour traiter des effets probables de l’élévation du niveau de la mer sur l’humanité. S’agissant de la condition étatique, il a estimé que la préservation des zones maritimes et des droits qui en découlent doit faire l’objet d’un nouvel examen conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et à ses principes juridiques. Il a recommandé de prendre également en compte les principes généraux et les règles du droit international, ainsi que les traités bilatéraux et multilatéraux traitant de divers aspects du droit de la mer.
M. RASHED JAMAL IBRAHIM IBRAHIM AZZAM (Émirats arabes unis) a estimé que l’article 7 du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) ne reflète pas le droit international en vigueur, la pratique internationale et la jurisprudence. Il a regretté que ce texte n’arrive pas à trouver un équilibre entre la souveraineté des États et la nécessité de poursuivre les auteurs de crimes internationaux. Toute proposition de développement progressif sur un tel sujet ne peut être présentée « que si elle est consensuelle », a averti le délégué. En l’état, un tel texte ne pourrait pas être recommandé à l’Assemblée générale.
M. FRED SARUFA (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a rappelé l’importance de la Déclaration du Forum des îles du Pacifique en date du 6 août 2021 sur la préservation des zones maritimes face à l’élévation de la mer en raison des changements climatiques. Il s’est félicité des échos positifs qu’a reçu cette Déclaration. Il a déclaré que la Convention de Montevideo s’applique à la création des États, non pas à leur extinction. Nous pensons qu’il existe une forte présomption de continuité de l’État qui a été établie au sein de la société internationale, a dit le délégué. Il a rappelé que la préservation des droits maritimes est étroitement liée à la préservation de la condition étatique puisque seuls les États peuvent générer des zones maritimes. Il a aussi rappelé le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles établi par la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale. Le délégué a invité à répondre aux besoins des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, dans le plein respect de leurs droits. Enfin, il a pris note des préoccupations exprimées par certaines délégations quant au projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.
Mme SAMANTHA BRAIDY SPENCE (Jamaïque) a estimé que les règles élaborées sur la question de la future condition étatique d’États qui serait submergés en raison de l’élévation du niveau de la mer devraient soutenir le maintien de la stabilité et la protection des États les plus vulnérables. Mettre en place des mesures d’atténuation et d’adaptation est aussi un élément important de l’effort collectif contre les effets de l’élévation du niveau de la mer. Pour sa part, la Jamaïque a fait de gros efforts pour renforcer sa ligne côtière, en particulier dans les zones les plus vulnérables à l’érosion. Mais, si les petits États insulaires en développement (PEID) s’efforcent d’atténuer les effets négatifs de l’élévation du niveau de la mer, la représentante a salué le débat de la CDI et de la communauté internationale sur les diverses manières dont le droit international pourrait aider à remédier aux causes plus larges et aux effets de ce phénomène. S’agissant de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, elle a estimé que des principes peuvent être tirés des instruments internationaux existants en matière de droits de l’homme, et qu’il est nécessaire de renforcer le cadre existant pour combler les lacunes et faire face à ce phénomène. La crise climatique touche des droits protégés par le droit des droits de l’homme, a-t-elle ajouté. Le succès de la coopération internationale dépend de réponses collectives et harmonisées qui tiennent compte de la position de tous les États, y compris les PEID, de manière juste et équilibrée. S’agissant du champ d’application de la coopération internationale, elle a jugé important que la CDI se penche sur les obligations des États non touchés à qui il serait demandé de coopérer.
M. MATTHEW EDBROOKE (Liechtenstein) a rappelé que les pays les plus directement touchés par l’élévation du niveau de la mer doivent être au cœur des discussions sur la condition étatique. Il a appuyé la présomption de continuité de la condition d’État. Il s’est félicité que la question de l’autodétermination soit prise en compte. Le représentant a noté que le droit à l’autodétermination s’applique aussi aux peuples des territoires non autonomes et a invité la CDI à utiliser ces termes en sus des termes « pays » et « États » lorsque cela est approprié.
M. GADJI RABE (Côte d’Ivoire) a pris note du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. Comme il est d’usage à la CDI, ce projet sera soumis par le Secrétaire général aux États Membres, qui auront l’occasion de se prononcer sur leur pertinence, a dit le délégué, en rappelant l’attachement de son pays à la lutte contre toutes formes d’impunité.
S’agissant du point relatif à l’élévation du niveau de la mer, le délégué a informé que les inondations occasionnent de nombreuses pertes en vies humaines et des déplacés parmi la population d’Abidjan, tandis que d’autres grandes villes côtières telles que Grand-Bassam, Fresco, Sassandra et San Pedro se trouvent également menacées. « Selon une étude de la Banque mondiale, la Côte d’Ivoire occupe le 147e rang sur les 178 pays dont l’indice de vulnérabilité est particulièrement élevé. » Il a détaillé l’action de son pays face à ce défi. Le Gouvernement ivoirien s’est résolument engagé dans un ambitieux programme de réduction drastique de ses émissions de CO2 de 28 % ainsi que d’introduction de 42 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique, à l’horizon 2030, a-t-il précisé. Le délégué a appelé les pays du Nord à davantage de solidarité financière, d’autant plus que l’Afrique n’est responsable que de 4% des émissions de gaz à effet de serre.
Mme ALESSANDRA FALCONI (Pérou) a salué le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, soulignant particulièrement l’adhésion de son État aux articles 3 à 6 ainsi qu’à l’article 7. Elle a jugé importantes les garanties procédurales afin d’assurer une « interprétation homogène » des articles.
La représentante a rappelé qu’il est urgent pour la communauté internationale de faire face aux répercussions des changements climatiques, dont l’élévation du niveau de la mer qui pose une « menace existentielle » aux petits États insulaires en développement (PEID). Elle a jugé essentiel de poursuivre l’analyse de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer en étudiant les accords en vigueur, notamment ceux relatifs aux droits humains et à la migration. La représentante a en outre a estimé qu’il sera nécessaire d’envisager des mécanismes de coopération internationale pour les pays touchés et pour les États d’accueil des populations déplacées. Elle a enfin jugé fondamental de continuer à réfléchir à la question de la condition étatique et de la continuité territoriale.
M. ALINA J. LLANO (Nicaragua) a soutenu le principe de responsabilités communes mais différenciées dans le cadre de l’examen de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international. Elle a recommandé d’étudier les solutions juridiques existantes, comme la compensation pour responsabilité internationale. Quant à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, la déléguée a recommandé de chercher des solutions globales, pratiques et justes, qui puissent s’appliquer à l’avenir à une situation dans laquelle un État devient complètement ou partiellement inhabitable en raison de l’élévation du niveau de la mer ou de tout autre effet généré par les changements climatiques. Il faut que les populations touchées puissent jouir d’un environnement propre, sain et durable, mais aussi de leur droit à compensation pour les préjudices subis.
Mme AYDIN-GUCCIARDO (Türkiye) a réitéré sa demande visant à intégrer la phrase « avec le consentement de l’agent de l’État » au projet d’article 12 (Renonciation à l’immunité). Elle a également demandé la suppression du 5e paragraphe du même projet d’article, qui prévoit que la levée de l’immunité est irrévocable, notant qu’aucun traité ni aucun droit interne ne prévoit cette irrévocabilité et que la pratique sur ce point est limitée.
La représentante a encouragé la CDI à examiner les aspects juridiques de l’élévation du niveau de la mer, notant que la littérature sur cette question est encore immature. À ce titre, elle a souligné que l’argument présenté dans la note thématique tenant à la préservation des droits des États affectés par l’élévation du niveau de la mer est « exagéré et hypothétique » en raison de l’absence de pratique sur cette question. Elle a, pour sa part, estimé que lorsque les délimitations n’ont pas eu lieu, l’augmentation du niveau de la mer peut avoir des effets sur la délimitation finale. L’impact de l’élévation du niveau de la mer sur la condition étatique et les droits relatifs aux espaces maritimes devraient être réglées au cas par cas, a-t-elle recommandé.
M. MOON DONG KYU (République de Corée) a salué l’adoption en première lecture du projet d’articles de la CDI relatif à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. Il a estimé qu’il n’y a pas d’explication claire sur l’existence d’une pratique d’État suffisante ou sur l’intention de la CDI de mettre en place des procédures qui soient véritablement souhaitables.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a prôné la prudence. Il a invité la CDI à se concentrer sur les enjeux juridiques découlant de ce phénomène plutôt que de rechercher des solutions définitives à ce défi. Il a enfin souligné la nécessité de l’envisager sur la durée puisque l’élévation du niveau de la mer est graduelle.
Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande) a souligné la complexité de la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international et appuyé le travail de la CDI sur ce sujet. Elle a rappelé l’importance de la Déclaration du Forum des îles du Pacifique de 2021 sur la préservation des zones maritimes face à l’élévation de la mer en raison des changements climatiques. Cette Déclaration contient la vision de la région s’agissant de l’application de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer aux zones maritimes face à ce phénomène. Enfin, la déléguée s’est félicitée qu’un grand nombre d’États, très divers, aient appuyé cette Déclaration.
M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a relevé qu’il n’existe pas de traité multilatéral universel régissant toutes les questions ayant trait à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, raison pour laquelle les travaux de la CDI sont essentiels. Il est très important de préserver des liens pacifiés entre États, a-t-il souligné. Il a ajouté que l’immunité doit être interprétée à la lumière du droit international, en particulier le droit pénal international qui a caractérisé les délits les plus graves, ce qui a permis à la communauté internationale de lutter contre l’impunité. Abordant l’aspect politique de la question de l’immunité, le représentant a fait observer que des tensions diplomatiques entre pays peuvent être directement liées à l’immunité de leurs représentants, raison pour laquelle il est important de prévoir un ensemble de mesures permettant un règlement pacifique des différends entre États.
En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le représentant a dit que la continuité de l’État doit être prise en compte et que les questions juridiques doivent être traitées par les États et la communauté internationale dans son ensemble. Quant à la protection des populations touchées par ce fléau, il existe une multitude de règles et de traités, qui doivent faire l’objet d’une analyse fine.
Mme TZVETY KIRILOVA ROMANSKA (Bulgarie) a centré son intervention sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, en rappelant que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est la « constitution des océans ». C’est dans son cadre que toutes les activités relatives aux océans doivent être menées. Toute conclusion juridique sur ce sujet devra respecter pleinement cet instrument, a tranché la déléguée, en soulignant l’équilibre délicat atteint entre droits et devoirs des États dans ce texte. Enfin, elle a indiqué que ladite Convention ne fait pas obligation aux États parties d’actualiser régulièrement leurs lignes de base et zones maritimes.
Mgr ARCHBISHOP GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a rappelé l’importance de l’immunité pour les relations pacifiques et amicales entre les États. Il a salué l’absence d’exceptions pour les personnes disposant de l’immunité ratione personae, jugeant cette position « réaliste ». Il a également accueilli les limitations à l’immunité ratione materiae, notant néanmoins que l’article 7 ne codifie pas le droit coutumier, mais constitue un développement progressif. Il a mis en garde contre la confusion entre le fond et les questions préliminaires. Il a proposé de limiter les exceptions aux crimes commis de manière systématique et dans le cadre d’une politique étatique, laissant à l’État concerné le soin de juger les crimes individuels.
L’élévation du niveau de la mer n’est pas « abstraite » et constitue une question complexe, a poursuivi l’observateur. Il a demandé à la CDI de donner la priorité à la protection des personnes touchées par ce phénomène, notant qu’aucun cadre juridique existant ne fournit de protection adéquate. Le droit existant est fragmenté, non spécifique, et souvent il s’agit de droit souple, a-t-il noté. L’Observateur permanent a donc encouragé l’établissement de règles à la fois pour les déplacés permanents en raison de la disparition du territoire et pour les migrations causées par les changements climatiques, sur la base d’une approche basée sur les besoins dans le cadre des personnes déplacées. Les règles relatives à la protection des réfugiés pourraient constituer un cadre pertinent à appliquer aux personnes déplacées en raison des changements climatiques, a-t-il estimé.
Mme LOUREEN O. A. SAYEJ, observatrice de l’État de Palestine, a souligné l’importance de l’établissement des responsabilités pour les violations graves du droit international. Elle a pris note du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. Si elle a appuyé le projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas), elle aurait toutefois souhaité l’inclusion du crime d’agression dans la liste des crimes pour lesquels l’immunité de juridiction pénale étrangère ne s’applique pas. Par ailleurs, l’observatrice a noté les enjeux sans précédent liés à l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international. Les travaux de la CDI sur ce point sont historiques, a-t-elle conclu.
Débat général sur le module 3: chapitre VII (Succession d’États en matière de responsabilité de l’État) et chapitre VIII (Principes généraux du droit)
M. ODD INGE KVALHEIM (Norvège), s’exprimant au nom des pays nordiques, a déclaré que le résumé des travaux accomplis jusqu’à présent dans le chapitre VII du rapport de la CDI constitue une bonne base pour la poursuite des travaux sur ce sujet. Il a pris note de la décision de la Commission qui établit que les travaux sur ce sujet prendront la forme de projets de directives plutôt que de projets d’articles. Bien que les pays nordiques, par souci de cohérence avec les travaux antérieurs de la Commission, aient exprimé une légère préférence pour les projets d’articles, ils n’ont « rien contre les projets de directives ». La forme du résultat n’est pas d’une importance majeure: l’essentiel est d’avoir un ensemble de dispositions bien rédigées et équilibrées, qui seront utiles dans la pratique. Cependant, la succession d’États étant un phénomène rare et la disponibilité de la pratique des États étant limitée, le délégué a encouragé la CDI à maintenir une approche « prudente ».
En ce qui concerne les principes généraux du droit, le délégué a jugé le rapport bien documenté et bien structuré. Il fournit lui aussi une base solide pour ce sujet qui complète les travaux antérieurs de la CDI sur les principales sources du droit international. Dans l’ensemble, les pays nordiques souscrivent à l’approche du Rapporteur spécial. Ils conviennent avec lui qu’il n’y a pas de hiérarchie formelle entre les principales sources du droit international. Ils soulignent tout de même que les principes généraux du droit jouent en pratique un rôle subsidiaire, principalement en tant que moyen d’interprétation, comblant des lacunes ou évitant des situations de non liquet. Sur un autre plan, le délégué a salué la décision de remplacer le terme « nations civilisées » par « communauté de nations », une expression plus actualisée et appropriée dans le projet de conclusion 2 et le projet de conclusion 7, paragraphe 1. Il a cependant continué de penser que l’expression « communauté internationale des États » est préférable à l’expression « communauté de nations ».
Poursuivant son intervention, le délégué a dit que les pays nordiques souscrivent au projet de conclusion 3, selon lequel les principes généraux peuvent soit découler des systèmes juridiques nationaux, soit être formés dans le cadre du système juridique international. Ils auraient cependant préféré disposer de davantage d’exemples de pratique des États et d’opinio juris pour étayer les conclusions tirées dans le commentaire du projet de conclusion. Ils sont également d’accord avec l’approche en deux étapes de l’identification des principes généraux découlant des systèmes juridiques nationaux, dans les projets de conclusions 4, 5 et 6. S’ils conviennent que des principes généraux de droit peuvent également émaner du système juridique international, comme le souligne le projet de conclusion 7, ils considèrent aussi qu’il existe une certaine incohérence entre les formulations des paragraphes 1 et 2 du projet de conclusion 7.
Les pays nordiques souscrivent aussi aux affirmations des projets de conclusions 8 et 9, selon lesquelles les décisions judiciaires et les enseignements des publicistes les plus qualifiés peuvent servir de moyen subsidiaire pour la détermination des principes généraux du droit international. Ils pensent néanmoins que leur inclusion en tant que projets de conclusions distincts est inutile et inappropriée.
Les pays nordiques se félicitent aussi de la formulation proposée au projet de conclusion 10. Elle reflète fidèlement la fonction réelle des principes généraux du droit dans la pratique juridique internationale. Les délégations de ces pays encouragent toutefois le Rapporteur spécial et la Commission à examiner s’il ne serait pas préférable de souligner les traits particuliers identifiés dans le projet de conclusion 10, paragraphe 2, lettres a et b, dans les commentaires, plutôt que de les identifier dans le texte d’un projet de conclusion. Enfin, l’orateur s’est félicité de la structure et de la formulation proposées du projet de conclusion 11. Elles reflètent fidèlement l’interaction fondamentale entre les principes généraux du droit et les autres sources primaires du droit, les traités et le droit international coutumier. « Les principes généraux du droit, en tant que source du droit international, ne sont pas dans une relation hiérarchique formelle avec les traités et le droit international coutumier », a conclu l’orateur.
M. TOH SHIN HAO (Singapour) a estimé, au sujet de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, que la primauté doit être accordée aux accords auxquels les États concernés ont souscrit. Il est important que le résultat final de la CDI sur cette question soit concis, équilibré et serve d’orientation pratique utile aux États.
S’agissant des principes généraux du droit, le représentant a relevé que la seconde catégorie de principes figurant au projet de conclusion 3 (Catégories de principes généraux du droit), à savoir les principes qui proviennent des systèmes juridiques nationaux, a fait l’objet de « vifs débats ». De l’avis de Singapour, certains principes fondamentaux du droit international semblent justifier l’existence de cette catégorie, comme l’égalité souveraine des États. Cela dit, le représentant s’est demandé, à l’instar d’autres délégations, si la pratique des États ou la jurisprudence sont suffisantes pour en justifier l’existence. La méthode d’identification de cette catégorie de principes devrait être suffisamment stricte pour ne pas affaiblir ou contourner les exigences relatives à l’identification des normes du droit international coutumier. En même temps, les critères doivent être suffisamment souples pour que la tâche ne soit pas insurmontable. Le représentant a aussi relevé plusieurs difficultés dans la méthode proposée dans le projet de conclusion 7 (Détermination des principes généraux du droit formés dans le cadre du système juridique international), notamment un manque de clarté dans les critères. Selon lui, la CDI doit veiller à ne pas confondre cette catégorie avec les traités et le droit international coutumier.
M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie) a douté de l’existence d’une « catégorie » de principes généraux du droit, notant qu’une telle catégorie n’existe que dans la littérature et les écrits académiques et n’est pas soutenue par la pratique et par les avis de la Cour internationale de Justice (CIJ). « Les exemples mentionnés par le Rapporteur spécial sont, en substance, des exemples de normes coutumières qui sont confondues avec des principes généraux du droit » en raison des termes utilisés par les tribunaux, a-t-il estimé. Le représentant s’est dit inquiet que les critères de détermination des principes généraux du droit puissent « ouvrir la porte à l’activisme juridique » et servir à court-circuiter les critères d’identification du droit international coutumier. Il a par conséquent invité la CDI à revoir sa position.
Le représentant a exprimé sa déception quant au produit « hybride » de la CDI sur la succession d’États en matière de responsabilité de l’État puisqu’elle est passée du texte des projets d’articles au texte des projets de directives. Là encore, il a invité la Commission à réexaminer ce sujet l’an prochain et à le supprimer de son ordre du jour.
M. WALTER FERRARA (Italie), s’agissant du format des travaux de la CDI sur la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, a salué la décision d’adopter provisoirement les textes anciennement appelés projets d’articles sous forme de projets de directives, compte tenu de la rare pratique des États en la matière. Selon lui, ce choix permet de préserver la cohérence des règles générales de la responsabilité des États et de promouvoir davantage l’élaboration de directives dans des domaines qui n’ont pas encore été réglementés par le droit international. Il a également partagé le point de vue exprimé dans la conclusion concernant le statut privilégié des accords internationaux entre les États concernés, par rapport au projet de directives. Le délégué a salué les efforts du Rapporteur spécial dans la recherche d’un équilibre entre la continuité des droits et obligations de l’État prédécesseur à l’État successeur et la doctrine de « l’État propre ».
Abordant le sujet des principes généraux du droit, le délégué s’est félicité de l’adoption des projets de conclusions 1, 2, 3, 4, 5 et 7 et a indiqué suivre avec intérêt le débat sur les autres projets de conclusions. Mais de manière générale, il a été d’avis que la discussion sur la nature des principes généraux, en tant que source indépendante du droit international et sur la méthodologie pour les identifier, devrait se poursuivre. L’établissement d’une méthode spécifique est en effet indispensable pour préciser s’il existe une distinction entre les principes généraux du droit et le droit international coutumier. Par conséquent, une attention particulière devrait être accordée aux différentes exigences nécessaires pour établir l’émergence d’une norme de droit international coutumier et d’un principe général, à savoir l’existence de l’opinio juris, en matière de droit coutumier, et les critères énoncés dans le projet de conclusion 7, en ce qui concerne les principes généraux.
M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) a dit que « le manque de pratique internationale suffisante et cohérente sur la question de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État complique tout exercice de codification du droit international ». Dans ce contexte, il a salué la décision de convertir les projets d’articles en projets de directives, qui peuvent toujours contribuer de manière importante à une meilleure clarté et à davantage de compréhension de cette question.
En ce qui concerne les principes généraux du droit, le représentant a estimé que ce sujet donne la possibilité à la CDI de compléter ses travaux sur d’autres sources du droit international et de fournir des orientations complémentaires sur la nature, l’identification et l’application des principes généraux du droit, ainsi que sur leurs liens avec d’autres sources du droit international. En ce qui concerne le projet de conclusion 5, le représentant a souligné que les tribunaux nationaux peuvent s’appuyer sur des sources de droit différentes de celles applicables en droit international et que ces différentes sources peuvent s’organiser selon une hiérarchie propre aux différents systèmes juridiques du monde. Cela doit être pris en compte dans l’analyse des décisions des tribunaux nationaux visant à déterminer l’existence de principes généraux du droit. Toutefois, la CDI doit éviter d’établir une hiérarchie entre plusieurs sources du droit international. De l’avis du Portugal, les principes généraux du droit définissent le cadre éthico-normatif des autres normes et ont pour fonction supplémentaire de combler les lacunes et d’éviter les décisions de non liquet. La délégation a estimé que cette question demande davantage d’analyse par la Commission.
M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a appelé à une approche « pondérée et prudente » pour la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, notamment lorsque l’État prédécesseur a cessé d’exister. Étant donné la complexité de la question et le fait que la succession des États est réglée de façon ad hoc, les accords entre les États intéressés doivent jouer un rôle central, a-t-il estimé.
Le représentant a souligné la nécessité de procéder à une analyse approfondie des principes généraux du droit dans le contexte du droit international. Ces principes ne doivent pas être des règles secondaires, mais refléter un consensus de la communauté internationale dans son ensemble afin de donner une valeur ajoutée au travail du Rapporteur spécial. Il s’agit d’une question prometteuse, malgré l’absence de pratique, a-t-il conclu.