En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-septième session,
26e & 27e séances plénières, Matin & après-midi
AG/J/3672

La Sixième Commission accueille la Présidente de la CIJ et entame l’examen de nouveaux chapitres du rapport de la CDI, dont l’élévation du niveau de la mer

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a reçu ce matin la visite traditionnelle de la Présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ), Mme Joan Donoghue, qui a présenté hier le rapport annuel de la Cour internationale de Justice (CIJ) à l’Assemblée générale.  Le Président de la Sixième Commission, M. Pedro Afonso, a rappelé que la jurisprudence de la Cour a été et continue d’être de la plus haute importance pour le développement progressif du droit international. 

Mme Donoghue a choisi de partager avec la Sixième Commission ses réflexions sur le rôle de juge ad hoc nommé conformément à l’article 31 du Statut de la Cour; le rôle de de la CIJ comme cour de première instance; et le rythme des procédures devant la Cour.  « La CIJ n’est pas une cour de cassation ou une cour d’appel chargée uniquement de répondre à des questions de droit », a-t-elle analysé.  À ce titre, la Cour évalue les preuves présentées devant elle et s’inspire à la fois du droit civil et du droit commun. 

Lors du bref échange qui a suivi son intervention, la Présidente a pu répondre à certaines critiques quant au rythme de travail de la Cour.  « La Cour ne se contente plus de traiter une seule affaire à la fois. »  Mme Donoghue a fait valoir que la CIJ a largement rattrapé le retard qu’elle avait pu accumuler par le passé, en dépit d’un greffe dont la taille ne reflète pas l’augmentation du nombre d’affaire qu’elle doit traiter.  Interrogée par M.  Afonso sur l’extension de la compétence de la Cour aux organisations internationales, elle a souligné que, si le Statut de la CIJ devait être révisé, ce point ferait sans doute l’objet d’un consensus rapide dans la mesure ou une telle intervention est déjà permise devant d’autres tribunaux.

Le rôle de la CIJ a également été mentionné dans le cadre des débats qui ont débuté aujourd’hui sur le deuxième groupe de chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI), à savoir l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.  Sur ce deuxième point, le représentant des Bahamas, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a soutenu l’initiative de Vanuatu visant à demander à la CIJ un avis consultatif sur les obligations des États face aux changements climatiques et à leurs effets néfastes.  L’élévation du niveau de la mer n’étant plus une préoccupation « hypothétique » mais bien réelle, il a salué le travail de la CDI et de son Groupe de travail dédié, comme une majorité de délégations après lui.

Si l’Union européenne et l’Islande, au nom des pays nordiques, ont rappelé le rôle central et « l’intégrité » de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l’Iran, rejointe par l’Inde sur ce point, a jugé que cette lex lata était inadéquate face à l’élévation du niveau de la mer et plaidé pour une solution « juste et équitable » face aux modifications territoriales qui en découlent.  La Malaisie a affirmé que « les frontières maritimes doivent être fixées à perpétuité, indépendamment de l’élévation du niveau de la mer », position également partagée par Cuba.  L’Allemagne a, de son côté, estimé que si la Convention donne le droit à l’État côtier d’actualiser ses lignes de base en cas d’élévation du niveau de la mer, il ne s’agit pas d’une obligation.

L’élévation du niveau de la mer constitue une menace « existentielle », a pour sa part estimé Singapour, qui a, à ce titre, soutenu une distinction entre les critères relatifs à l’établissement d’un État et ceux relatifs à la poursuite de son existence. 

À l’instar des États-Unis, de l’Autriche, du Brésil, de la Roumanie, de l’Irlande ou encore de la Hongrie, la Pologne a noté les difficultés posées en cas d’inondation totale du territoire d’un État puisque la circonstance est inédite et qu’il n’existe « pas ou peu de précédent ».  À ce titre, l’Arménie s’est dit favorable à un raisonnement par analogie.  L’Italie a, de son côté, proposé de distinguer les cas où le territoire est complètement submergé et ceux où un État est devenu inhabitable.  L’Iran a, pour sa part, avancé l’idée du transfert de la souveraineté d’un tel territoire à un mécanisme international comme l’Autorité internationale des fonds marins.

El Salvador et le Brésil ont réitéré l’importance de protéger les personnes affectées par l’élévation du niveau de la mer.  La Slovénie a cité les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), selon lesquelles plus d’un milliard de personnes pourrait être touchées par ce phénomène d’ici à 2050.  Les États-Unis ont indiqué envisager les moyens de renforcer l’accueil des personnes « qui fuient les impacts des changements climatiques ».  L’Islande a néanmoins estimé qu’il est encore « trop tôt » pour conclure à la nécessité d’un cadre juridique spécifique sur ce point.

La Sixième Commission reprendra son débat sur ces questions mardi 1er novembre, à partir de 10 heures. 

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TREIZIÈME SESSION - A/77/10

Intervention de la Présidente de la Cour internationale de Justice

Mme JOAN E. DONOGHUE, Présidente de la Cour internationale de Justice, a commencé par partager avec la Sixième Commission ses réflexions sur le rôle de juge ad hoc nommé conformément à l’article 31 du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ).  Elle a rappelé que, lors de la rédaction du Statut de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI), qui a, la première, établi le rôle du juge ad hoc, il était présumé que les États nommeraient l’un de leurs nationaux pour assurer cette fonction.  Si cette pratique a bien été suivie par la CPJI et dans les premières années du fonctionnement de la CIJ, la tendance s’est, depuis, inversée, a remarqué la présidente.  Elle a indiqué que, sur la période 2012-2021, 80% des nouveaux juges ad hoc n’étaient pas des nationaux des États les ayant nommés.  Cette tendance indique, selon elle, que les États ne semblent pas attacher d’importance à l’expertise des juges ad hoc dans le droit interne de l’État qui les désigne.  La Présidente s’est en outre interrogée sur la pertinence de la désignation d’un juge ad hoc pour « neutraliser les vues opposées », notant l’incohérence arithmétique d’une telle logique.  La motivation prévalente de leur nomination, a-t-elle estimé, semble tenir à ce qu’elle garantit, pour les parties qui les nomment, « la présence d’une personne dans la salle pendant les délibérations privées de la Cour qui est particulièrement attentive aux intérêts de cet État, et qui peut apporter ces connaissances dans les échanges confidentiels au sein de la Cour ».  L’objectif est alors de nommer une personne qui, quelle que soit sa nationalité, dispose d’une large connaissance de la Cour et de ses procédures et maîtrise du sujet, et qui soit perçue comme crédible et juste par les autres membres de la Cour.  Mme Donoghue a conclu que le juge ad hoc reste une institution « importante et pertinente ».  Elle a néanmoins regretté que l’essentiel des juges ad hoc nommés soient des hommes issus de pays développés, appelant à plus de diversité et d’équilibre.

La Présidente s’est ensuite tournée vers le rôle de la CIJ comme cour de première instance, comparant sa fonction à celle des juridictions de première instance dans les ordres internes des États.  « La CIJ n’est pas une cour de cassation ou une cour d’appel chargée uniquement de répondre à des questions de droit », a-t-elle déclaré.  À ce titre, la Cour évalue les preuves présentées devant elle.  La CIJ, a précisé Mme Donohue, n’est ni une cour de droit commun, ni une cour de droit civil, et sur la question de la preuve son Statut et son Règlement s’inspirent des deux traditions.  Si la Cour a clairement indiqué que la charge de la preuve repose sur la partie qui invoque un fait, elle a également fait preuve de flexibilité dans certaines circonstances, notamment lorsqu’une telle preuve n’est pas disponible pour la partie qui l’invoque.  Elle a également souligné la réticence de la Cour de fixer une norme spécifique sur la preuve afin, là encore, de maintenir un équilibre entre les deux traditions.

Enfin, Mme Donoghue a évoqué le rythme des procédures devant la Cour.  Elle a rappelé les modalités et les différentes phases de la procédure.  Les deux parties demandent souvent de longues périodes, pouvant aller jusqu’à un an, pour la préparation de leurs plaidoiries respectives, et la procédure écrite est fréquemment interrompue par les procédures incidentes.  Si par le passé la Cour a fait face à un important retard pour la procédure orale, elle a largement rattrapé ce retard grâce aux réformes de ses méthodes de travail, a précisé la Présidente.  La Cour ne se contente plus de traiter une seule affaire à la fois.  Elle s’est néanmoins inquiétée que la taille du greffe ne reflète pas l’augmentation du nombre d’affaires soumises à la CIJ ces dernières années.  La Présidente a estimé que, si la procédure de la Cour pouvait être plus efficace, ce gain d’efficacité affecterait la qualité des jugements.  En conclusion, Mme Donoghue a fait valoir que les critiques dirigées contre la procédure suivie par la Cour ne sont « plus pertinentes ». 

Dialogue interactif avec la Présidente de la Cour internationale de Justice

La représentante de la Colombie a souligné que, lors de la nomination des juges ad hoc, les limitations linguistiques constituent un obstacle à la désignation d’un juge de la nationalité de l’État partie.  En réponse, la Présidente a noté que les deux langues de travail du Secrétariat des Nations Unies sont prévues par la Charte des Nations Unies et que la Cour n’a donc malheureusement pas de marge de manœuvre sur ce point.

Le représentant de l’Égypte a posé une question relative aux règles de procédures et à l’harmonisation des traditions juridiques.  La Présidente a rappelé que le Statut de la CIJ ne peut pas être modifié par la Cour puisqu’il est hérité de la CPJI, mais qu’il reste pertinent car il est général et n’empêche pas la Cour de s’adapter.  Le Règlement de la Cour lui accorde plus de flexibilité, mais là encore, la CIJ n’y a apporté que peu de modifications.  La structure est « durable et raisonnable », a-t-elle estimé.  Cette structure confère également un certain degré de flexibilité sur la question des traditions juridiques, a-t-elle ajouté.  Le représentant de l’Égypte a repris la parole pour demander à la Présidente de clarifier l’influence des traditions juridiques sur la rédaction des arrêts.  La Présidente a reconnu que le processus de rédaction est influencé à la fois par les traditions juridiques et par les préférences des juges.  Elle a néanmoins noté que, les procédures étant collégiales, les jugements sont amendés pour être largement acceptés, à la fois sur la substance et sur le style. 

La représentante du Canada s’est interrogée sur les mesures envisagées pour gérer l’augmentation des demandes en indication de mesures conservatoires.  La Présidente a noté que, si les parties à une affaire demandent un format différent, à l’instar d’une chambre, cela pourrait être envisagé, mais qu’une telle initiative ne devrait pas venir de la Cour.

La représentante de la Grèce est revenue sur la fréquence de l’absence de nomination d’un juge ad hoc et sur la position de la Cour dans ce cas de figure.  La Présidente a noté que, dans certaines affaires, les parties se sont accordées pour ne pas nommer de juges ad hocDans tous les cas, il s’agit d’une décision exclusivement entre les parties.

Le représentant de l’Arménie s’est intéressé aux progrès de l’évaluation des règles de procédure de la Cour par le Comité du Règlement dans le contexte de la charge de travail de la Cour.  La Présidente a noté que le comité du Règlement parvient à conserver un rythme robuste et énergique en dépit de la charge de travail de la Cour.

Le Président de la Sixième Commission a interrogé la Présidente de la CIJ sur l’extension de la compétence de la Cour aux organisations internationales.  La Présidente a estimé que, si le Statut de la CIJ devait être révisé, ce point ferait sans doute l’objet d’un consensus rapide dans la mesure où des instruments plus modernes comme le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) permettent déjà une telle intervention.

Débat général sur le module 2: chapitre VI (Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État) et chapitre IX (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international)

M. THOMAS RAMOPOULOS (Union européenne) a centré son intervention sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.  Il faut consolider les travaux de la CDI sur ce sujet, a dit le délégué.  Il a réaffirmé l’importance de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et appelé à la préservation de son intégrité.  « C’est la véritable constitution du droit de la mer. »  En conséquence, toute question juridique soulevée par l’élévation du niveau de la mer doit être traitée dans le cadre de la Convention, a-t-il fait valoir.  Le délégué a appelé à la prudence quant à l’examen de la pratique régionale des États.  « Certaines pratiques ne doivent pas amener à la reconnaissance d’un droit coutumier local. »  Il a rappelé que le principe selon lequel « la terre domine la mer » préside à la délimitation des zones maritimes, en soulignant l’importance des lignes de base pour une telle délimitation.  Il faut reconnaître la stabilité des zones maritimes établies par traité ou par adjudication, a-t-il dit. 

M. STAN SMITH (Bahamas), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a rappelé que les États membres de la CARICOM sont en première ligne de la lutte contre les changements climatiques, notamment s’agissant des dommages physiques et de l’élévation du niveau de la mer.  Si la CARICOM convient avec la Commission que la question de l’élévation du niveau de la mer est un phénomène mondial, avec des implications directes pour plus d’un tiers de la communauté internationale, les effets auxquels sont confrontés les petits États insulaires en développement (PEID), y compris ceux de la CARICOM, ne peuvent plus être traités comme un problème pour les générations futures.  M. Smith a apprécié que le Groupe d’étude sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international ait reconnu qu’il ne s’agit plus d’une préoccupation hypothétique étant donné le « caractère progressif du phénomène ».  À cet égard, il s’est félicité de l’examen de ces questions par la CDI, notamment les implications juridiques de l’inondation des zones côtières et des îles, car les zones maritimes sont essentielles pour le statut et la stabilité juridique des États côtiers.  Les conséquences pour la qualité d’État au regard du droit international si le territoire et la population d’un État venaient à disparaître, les protections au titre du droit international dont bénéficient les personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer et la question de savoir si le principe de la coopération internationale doit être appliqué pour aider les États à faire face à l’élévation du niveau de la mer, sont autant de questions qui intéressent la CARICOM. 

La CARICOM, a poursuivi M. Smith, a pris acte des préoccupations exprimées quant au fait que le champ d’application des sous-thèmes est trop large et, par conséquent, de la nécessité de réduire le nombre de questions à l’examen.  Il s’est toutefois inquiété du risque de concentrer l’attention sur des sujets dont l’étude et la pratique sont déjà avancées, telles que le droit de la mer et la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.  Il a donc vivement encouragé la CDI à « éviter de restreindre la portée des sujets et de réduire leur pertinence pour les États Membres ».  Nous attendons avec impatience, a-t-il dit, la présentation par Vanuatu, lors de la présente session de l’Assemblée générale, de la résolution sur le climat qui demande à la Cour internationale de Justice (CIJ) de fournir un avis consultatif sur les obligations des États, en vertu du droit international, de sauvegarder les droits des générations actuelles et futures face aux changements climatiques et à leurs effets néfastes.  Il a espéré que le Groupe d’étude en tiendra compte lors de ses prochaines délibérations.  « Nous restons déterminés à nous engager dans l’avancement du droit international à cet égard. »

Mme ANNA JOHANNSDOTTIR (Islande) au nom des pays nordiques, a souligné le jalon que constitue l’adoption en première lecture du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  La CDI est parvenue à un équilibre entre les intérêts de l’État du for et ceux de l’État du représentant, a-t-elle estimé.  Elle a apporté son appui au projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas), avant de rappeler l’engagement des pays nordiques en faveur du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et des autres traités énumérés en annexe.  Elle a souligné l’importance d’harmoniser le projet d’articles avec ces traités.  Elle a en particulier salué le libellé du paragraphe 3 de l’article 7 qui permet d’en réduire le potentiel d’utilisation abusive, sans empêcher une application de bonne foi.  La déléguée a considéré que ce projet peut constituer une bonne base pour l’élaboration d’un traité, tout en reconnaissant que la plupart des articles reflètent le droit international coutumier et sont donc juridiquement contraignants pour les États.

Évoquant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, Mme Johannsdottir a rappelé les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur le réchauffement climatique, avant d’insister sur la vulnérabilité des petits États insulaires en développement (PEID).  Elle a réaffirmé l’importance de préserver l’intégrité de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.  Enfin, s’agissant de la protection des personnes affectées par l’élévation du niveau de la mer, la déléguée a estimé qu’il est encore « trop tôt » pour conclure à la nécessité d’un cadre juridique spécifique, tout en invitant la CDI à réfléchir davantage à cette question.

Mme DAPHNE HONG (Singapour) a estimé que si les garanties procédurales sont importantes pour assurer le respect de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, une marge d’appréciation et de flexibilité doit être accordée aux États afin de répondre aux circonstances.  Selon la déléguée, il serait utile que les commentaires clarifient par exemple que l’obligation énoncée au paragraphe 2 du projet d’article 9 (Examen de la question de l’immunité par l’État du for) n’exclut pas l’adoption de mesures nécessaires et proportionnées pour prévenir un préjudice en réponse à un recours imminent et illicite à la force.  Cela devrait s’appliquer de la même manière à l’obligation, prévue au paragraphe 1 du projet d’article 10 (Notification à l’État du représentant), de notifier l’État d’un fonctionnaire étranger avant de prendre des mesures coercitives à son égard. 

Abordant ensuite le chapitre IX du Rapport, la déléguée s’est jointe aux autres petits États insulaires en développement (PEID) pour souligner la « menace très réelle et existentielle » que représente l’élévation du niveau de la mer.  Évoquant les travaux du Groupe d’étude sur ce point, elle a soutenu l’opinion selon laquelle il convient d’établir une distinction entre les critères relatifs à l’établissement d’un État et ceux relatifs à la poursuite de son existence.  Cela dit, cette question et ses implications nécessitent un examen plus approfondi, a-t-elle estimé.  En particulier, nous reconnaissons que la perte prolongée ou permanente d’un territoire affecterait presque inévitablement, dans la pratique, la capacité d’un État à exercer ses droits et à remplir ses obligations en vertu du droit international, a dit la déléguée.  Elle a jugé utile d’examiner les options pratiques qui peuvent être envisagées par les États vulnérables dont l’existence même est actuellement menacée par l’élévation du niveau de la mer. 

M. MARCINIAK (Pologne), abordant le chapitre relatif à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, a estimé qu’un réel effort avait été fait pour élaborer un ensemble de projets d’articles qui reflètent de manière optimale un certain nombre de questions juridiques, notamment l’équilibre à trouver entre le droit relatif aux immunités et la nécessité de combattre l’impunité pour les crimes les plus odieux au regard du droit international.  Le délégué a soulevé la question de la liste des crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas (article 7).  La Pologne, a-t-il dit, doute de la pertinence d’omettre le crime d’agression.  Citant les justifications de la Commission, y compris l’obligation pour les tribunaux nationaux de déterminer l’existence d’un acte d’agression préalable de la part de l’État étranger et la dimension politique particulière de ce type de crime commis par des dirigeants politiques, le délégué a estimé qu’il faut cependant être conscient que, dans une large mesure, « les mêmes arguments pourraient être appliqués aux crimes contre l’humanité et au génocide ».  Il est vrai que le fait de déclarer qu’un représentant d’un autre État a commis un crime a des implications importantes, mais « la pratique indique clairement que le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre comportent tous une dimension politique comparable à celle du crime d’agression ». 

Le délégué a ensuite abordé le sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.  Il a rappelé les demandes de la Pologne l’an dernier en faveur de la transparence des travaux de la CDI à ce sujet, notamment en faisant la distinction entre la lex lata, la lex feranda et les options politiques.  Cette question préliminaire est d’une importance fondamentale, car son étude peut englober des considérations qui vont potentiellement bien au-delà de la dichotomie traditionnelle entre codification et développement progressif.  Le délégué a donné en exemple les situations où le territoire d’un État subit une inondation totale, une circonstance jusqu’à présent totalement inédite.  Il n’existe aucune pratique étatique à cet égard, et les précédents historiques de perte temporaire de contrôle du territoire d’un État ne sont pas comparables, car ils n’étaient pas causés par des processus naturels et n’avaient pas un caractère permanent, a-t-il fait remarquer.  Il a estimé que le simple fait de déclarer qu’un État continue d’exister, même lorsque son territoire est totalement et définitivement submergé, ne peut suffire sans une explication de son futur modus operandi.  Le délégué a ainsi invité la CDI à se pencher sur le sujet, appelant à envisager sérieusement de le diviser, notamment parce que les piliers du droit de la mer et de la protection des personnes semblent beaucoup plus pertinents et exigent une réponse plus urgente en termes de solutions proposées que le pilier de l’État.

M. MARKO RAKOVEC (Slovénie) a salué le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, en soulignant le caractère sensible de ce sujet.  Il s’agit ici de « concilier le respect du principe de l’égalité souveraine des États et lutte contre l’impunité », a-t-il expliqué.  Le délégué a pleinement appuyé le projet d’article 7 qui dispose que l’immunité de juridiction pénale étrangère ne s’applique pas pour certains crimes graves.  « Ce n’est pas la gravité des actes qui justifie une telle exception, mais bien la nécessité de protéger les valeurs fondamentales de la communauté internationale. » Il a néanmoins regretté que le crime d’agression ne soit pas inclus dans la liste de ces crimes graves, en rappelant que l’interdiction du crime d’agression revêt le caractère de norme impérative du droit international.

Évoquant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a rappelé les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), selon lesquelles plus d’un milliard de personnes pourrait être touchées par ce phénomène d’ici à 2050.  Il a souligné les situations complexes et inédites entraînées par ce phénomène, avant d’insister sur l’importance du futur travail de la CDI sur la protection des personnes touchées.

M. GUIDE JIA (Chine) a noté qu’un mécanisme de résolution des différends n’a de sens que si le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État a vocation à devenir un traité.  Sur le fond, il a rappelé que la compétence de la CIJ pour régler les différends est fondée sur la volonté des États.  Il a donc suggéré que la Commission envisage deux approches vis-à-vis de la clause compromissoire contenue dans le projet : supprimer la mention relative à la compétence de la CIJ ou autoriser les réserves à cette disposition.  Il a noté que plusieurs crimes pour lesquels l’immunité rationae materiae n’est, selon le projet de la CDI, pas applicable, reposent sur la pratique d’un nombre limité d’États.  Le délégué s’est en outre inquiété de la « politisation » d’un tel instrument, notant les désaccords au sein même de la Commission et le fait que le projet « n’a pas été adopté par consensus ».  Il a demandé de ne pas dresser de liste et de signaler uniquement que ladite immunité ne s’applique pas aux crimes les plus graves.

En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer, le délégué a invité la CDI à reconnaître la complexité du problème et à améliorer ses méthodes de travail.  Il a appelé à la prudence afin d’éviter des débats politiques ou des conflits normatifs.  Il a également estimé que, pour aboutir à un consensus, les études de la CDI ne devraient pas être limitées à un format à huis clos.

Mme UMA SEKHER (Inde) a salué les travaux de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, en appelant au respect du principe de l’égalité souveraine des États, sur lequel repose cette immunité.  Elle a recommandé de procéder à un examen approfondi de l’arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire des immunités juridictionnelles des États, qui a identifié la pratique des États à cet égard devant les juridictions nationales.  La CIJ a affirmé que les immunités accordées aux fonctionnaires ne le sont pas pour leur bénéfice personnel, mais bien pour protéger les droits et les intérêts de l’État, a précisé la représentante.  Elle a constaté des observations divergentes sur le projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas), en se référant à certaines conventions internationales, y compris le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Dans ce contexte, elle a souhaité que la CDI trouve une solution pour concilier les vues divergentes de ses membres, se disant convaincue que tout système qui ne fait pas l’objet d’un accord risque de nuire aux relations interétatiques et de compromettre l’objectif même de mettre fin à l’impunité des crimes internationaux les plus graves.  Les dispositions en la matière ne doivent pas être considérées comme une codification du droit international existant, a-t-elle ajouté, ni faire référence au Statut de Rome auquel plusieurs pays ne sont pas parties.

En ce qui concerne le chapitre relatif à l’élévation du niveau de la mer, Mme Sekher a reconnu que, bien que la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 établisse un régime juridique efficace pour la gouvernance des océans, elle ne traite pas explicitement de l’impact de l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques.  La représentante a conclu que toute recommandation éventuelle à cet égard ne devrait être examinée par la Commission qu’après une étude approfondie des principes, sources et règles pertinents du droit international ainsi que de la pratique des États et de l’opinio juris.

M. ZANINI (Italie)a espéré que l’adoption du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État le sujet mènera à l’élaboration d’une convention spécifique qui résoudrait le problème de la fragmentation des pratiques nationales en la matière.  Il a appuyé le projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas).  « Nous envisageons l’inclusion d’une règle ayant le même contenu dans notre code national des crimes internationaux actuellement en cours de rédaction », a-t-il indiqué.  Le délégué a fait quelques remarques au sujet de différents projets d’article, dont l’article 14 (Détermination de l’immunité).  En ce qui concerne le moment où l’immunité doit être déterminée, l’Italie émet quelques réserves sur l’emploi de l’expression générique « avant d’engager des poursuites pénales », qui est également utilisée dans l’article 9 (Examen de la question de l’immunité par l’État du for).  Le délégué a suggéré l’élaboration de deux formulations différentes, celle du projet d’article 14 pouvant fixer plus tard le délai de la détermination de l’immunité, éventuellement avant le début du procès.  Par ailleurs, il a salué l’inclusion d’une clause de règlement des différends dans le projet de la CDI.  Il a toutefois proposé de préciser à l’article 18 que les différends ne peuvent survenir qu’après que les immunités ont été définitivement déterminées par l’autorité judiciaire compétente. 

Ensuite, le délégué a reconnu l’importance et l’urgence d’aborder la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, en raison notamment des conséquences dramatiques auxquelles les États sont confrontés.  Dans le même temps, a-t-il précisé, ces travaux devraient être menés d’une manière qui ne porte pas atteinte au cadre juridique consacré par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Sur le document thématique qui traite de la qualité d’État et de la protection des personnes, le délégué a approuvé la proposition faite de traiter séparément les cas où le territoire d’un État est complètement submergé et ceux où un État est devenu inhabitable en raison d’une réduction partielle de son territoire par suite de l’élévation du niveau de la mer.  Il faut également prendre dûment en considération les effets sur le statut d’État de phénomènes tels que les inondations périodiques et la contamination des eaux douces causées par l’élévation du niveau de la mer.  En conclusion, il s’est dit favorable à la proposition d’élaborer un projet de traité sur une nouvelle forme de protection subsidiaire pour les personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer. 

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a salué le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, « un travail exceptionnel ».  Elle a loué l’équilibre de ce projet, qui est de nature à dissiper les tensions entre État du for et État du représentant et à favoriser la stabilité des relations interétatiques.  « Cette immunité ne peut en aucun cas être interprétée comme étant une impunité », a ajouté la déléguée, en saluant la liste proposée de crimes graves justifiant une exception à ladite immunité.

Évoquant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a rappelé que ce phénomène est un fait scientifiquement prouvé qui touche tous les domaines du droit international, pas seulement le droit de la mer.  Il est crucial de protéger les personnes touchées, a-t-elle déclaré, avant d’insister sur la vulnérabilité des petits États insulaires en développement (PEID).  Une coopération entre États sera essentielle dans ce domaine.

M. POPKOV (Bélarus) a rappelé que les immunités des représentants sont conférées pour garantir l’exercice par les États de leurs droits souverains.  Il a mis en garde contre « l’affaiblissement sans fondement » de ces règles, qui affecterait les relations entre États.  Il convient donc de faire en sorte que la sanction des crimes commis par les représentants soit équilibrée avec les principes d’égalité souveraine et de non-ingérence, a-t-il indiqué.  À ces fins, le délégué a suggéré de renforcer la procédure préalable aux poursuites.  Le principal critère relatif à l’engagement de poursuites devrait être la levée de l’immunité par l’État du représentant, a-t-il estimé.  Il a ajouté que des exceptions à ce principe ne peuvent être reconnues que si elles recueillent le soutien d’une majorité d’États et sont reflétées dans la pratique.  À ce titre, il a noté que la pratique des États est hétérogène.  Il a également appelé à garantir la possibilité pour les représentants de formuler un appel contre les décisions qui écartent leur immunité, en particulier dans le cas où les pays hôtes ont limité leur droit d’accès au juge.  Le délégué a également souligné la nécessité d’intégrer un mécanisme de règlement des différends par la conciliation.  La définition des « actes accomplis à titre officiel » n’est pas suffisante, a-t-il en outre estimé.  Il a, enfin, plaidé pour que les personnes bénéficiant de l’immunité ratione personae continuent d’en bénéficier après leur mandat, au motif que l’immunité ratione materiae ne garantit pas un niveau de protection suffisant.  Le représentant a par ailleurs souligné l’importance du travail de la CDI sur la question de l’élévation du niveau de la mer.  Il a plaidé pour l’élaboration d’un instrument juridique international sur ces questions.

Mme SILEK (Hongrie) a estimé que la prévention et les actions visant à ralentir le processus d’élévation du niveau de la mer sont essentielles.  Cependant, a-t-elle dit, il est également nécessaire de se concentrer sur l’adaptation aux changements climatiques.  La représentante a appelé à élaborer des politiques axées sur la résilience et à soutenir les cadres juridiques en vue d’éviter et d’atténuer les crises humaines, telles que les migrations forcées.  La représentante a jugé que le document thématique qui traite des questions liées à l’État et à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer donne un bon aperçu des pratiques actuelles et soulève des points importants.  L’une de ses principales conclusions, a-t-elle noté, est qu’il est difficile de s’appuyer sur la pratique des États, car les cas liés à la continuité de l’État après une perte partielle de territoire sont rares.  Cependant, nous pensons que la CDI devrait se concentrer principalement sur les questions liées aux droits humains qui sont déjà urgentes.  La représentante a estimé que le document ne fournit pas un aperçu détaillé de la manière dont les conventions et accords généraux et sectoriels relatifs aux droits de l’homme peuvent être appliqués aux différents problèmes découlant de l’élévation du niveau de la mer.  La CDI devrait fixer des priorités à court, moyen et long terme à cet égard, a-t-elle encouragé, suggérant d’analyser pour commencer la manière dont les États touchés peuvent faire face aux défis de la jouissance des droits de l’homme de leurs citoyens, et si ces États ont des obligations au cas où l’élévation du niveau de la mer aurait des effets négatifs sur ces droits.  Pour ce qui est des objectifs à moyen terme, le délégué a jugé inévitable de se pencher sur des questions liées à la migration.  En effet, en raison de l’élévation du niveau de la mer, non seulement les conditions de vie changent de manière défavorable, mais les États doivent également faire face à la perte partielle de leur territoire.  Par conséquent, des questions telles que les devoirs des États tiers découlant de l’élévation du niveau de la mer et l’applicabilité de mesures telles que la protection temporaire, la protection subsidiaire et le principe de non-refoulement doivent être soigneusement analysées, a-t-il insisté.  Pour la représentante, la clef pour trouver des solutions durables est de maintenir la nature universelle des instruments juridiques existants, à savoir la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

M. BIGGE (États-Unis) a indiqué avoir des préoccupations de longue date avec des projets d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État qui restent « sans réponse ».  Par exemple, a-t-il dit, nous ne sommes pas d’accord avec le fait que le projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) soit soutenu par la pratique constante des États et l’opinio juris et qu’il ne reflète pas le droit international coutumier.  Le délégué a appelé une nouvelle fois la Commission à travailler par consensus.  Si les articles ne sont pas révisés, il sera important que le commentaire reflète les cas où ces articles correspondent à une proposition de développement progressif du droit plutôt qu’à une codification.  En outre, « si plusieurs des projets d’articles continuent à ne pas refléter le droit international coutumier et à diverger des opinions exprimées par les États, la possibilité que les longs efforts de la Commission aboutissent à des projets d’articles adoptés par les États en tant que convention internationale est fortement réduite. » Il faut donc reconsidérer le projet d’articles dans cette optique, tant sur le fond que sur la forme, a-t-il résumé. 

Au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a mentionné la nouvelle politique des États-Unis sur l’élévation du niveau de la mer et les zones maritimes.  S’agissant des travaux du Groupe d’étude de la CDI, il a souligné que les problèmes examinés soulèvent des questions juridiques complexes liées à des aspects fondamentaux du droit international.  Étant donné l’absence de pratique étatique applicable dans les domaines concernés, il est difficile de tirer des conclusions définitives sur l’évolution du droit international, a-t-il estimé.  Le délégué a salué l’examen par la Commission de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, rappelant la publication d’un rapport par la Maison Blanche sur l’impact des changements climatiques sur les migrations.  « Nous envisageons des moyens de renforcer l’application des cadres de protection existants, d’ajuster les mécanismes de protection américains pour mieux accueillir les personnes qui fuient les impacts des changements climatiques, et d’évaluer la nécessité de protections juridiques nationales supplémentaires pour les personnes qui n’ont d’autre choix que de migrer. »

Mme OROSAN (Roumanie) a apprécié que le projet d’articles visé au chapitre VI aborde la question de la relation entre l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et l’obligation de coopérer avec les tribunaux pénaux internationaux.  La Roumanie soutient pleinement l’application du principe de responsabilité pour les crimes les plus graves commis contre des civils et le rôle essentiel des tribunaux pénaux internationaux à cet égard, a-t-elle indiqué.  Sur l’article 11 (Invocation de l’immunité), la représentante a demandé plus de clarté quant aux conséquences du défaut d’invocation dans un délai raisonnable.  Compte tenu de la promptitude que les États devraient manifester en exerçant ce droit au stade le plus précoce de la procédure, de bonne foi et sans abuser de leur pouvoir discrétionnaire, nous voyons l’intérêt de prescrire son invocation dès que possible, a-t-elle précisé.  En même temps, le non-exercice de ce droit dès que « l’État a connaissance du fait que la juridiction pénale d’un autre État pourrait être ou est exercée sur le fonctionnaire » ne devrait pas empêcher l’État de l’invoquer à un stade ultérieur. 

Sur le chapitre IX consacré à l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la représentante a réaffirmé que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer doit être la « pierre angulaire » des relations entre les États.  La préservation des lignes de base et des limites extérieures des zones maritimes est cruciale pour la stabilité juridique, a-t-elle souligné, précisant ne pas chercher à apporter des innovations ou des modifications juridiques.  S’agissant du document qui traite du statut d’État et de la protection des droits humains, le sujet invite à l’innovation car il n’y a quasiment aucun précédent.  Toutefois, nous ne voyons aucune raison d’être original, a-t-elle indiqué, invitant donc à la prudence.  En ce qui concerne le statut de l’État, la représentante a constaté que l’accent est mis sur la manière dont un État peut continuer à fonctionner si son territoire est affecté par l’élévation du niveau de la mer au-delà de l’habitabilité, plutôt que sur la question de savoir si l’État continue à exister dans un tel cas.  Enfin, elle a relevé de plus en plus de litiges sur la question de l’impact négatif des changements climatiques sur les droits de l’homme. 

Mme NOOR AZMAN (Malaisie) a fait des remarques sur les projets d’article 17 (Consultations) et 18 (Règlement des différends) relatifs à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Si nous sommes généralement d’accord avec le projet d’article 17, nous souhaitons souligner que l’on devrait accepter que la suspension d’une procédure nationale en attendant le règlement d’un différend international sur cette question soit particulièrement déférente à l’égard de l’État du fonctionnaire, a indiqué la déléguée.  Concernant le paragraphe 2, elle a convenu qu’il serait utile de fixer un délai pour éviter tout retard dans le processus de règlement des différends.  Elle a ainsi proposé au Rapporteur spécial de mener une étude approfondie sur les avantages et les inconvénients possibles d’un délai de six mois et d’un délai de douze mois pour une délibération ultérieure. 

Abordant ensuite le sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a salué le travail du Groupe d’étude, tout en rappelant son mandat et en exhortant les États à procéder « avec prudence » afin de ne pas modifier le droit international existant, en particulier la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.  Bien que l’élévation du niveau de la mer et les activités de poldérisation puissent avoir des effets similaires sur l’espace maritime d’un État, ces deux activités doivent être soigneusement distinguées afin d’éviter qu’un État n’en tire parti en élargissant son espace maritime sous prétexte d’élévation du niveau de la mer, a-t-elle par ailleurs recommandé.  Enfin, la déléguée a partagé l’avis de la majorité des États selon lequel « les lignes de base, les limites et les frontières maritimes doivent être fixées à perpétuité, indépendamment de l’élévation du niveau de la mer. »

M. HELMUT TICHY (Autriche) a salué le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et souligné son caractère équilibré.  Il a estimé nécessaire de clarifier la notion de « juridictions pénales internationales » visée au paragraphe 3 de l’article 1 sur le champ d’application du projet, afin de savoir s’il s’applique aux tribunaux hybrides ou à ceux créés par le Conseil de sécurité.  Il a appuyé l’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) en estimant qu’il s’agit d’un compromis destiné à lutter contre l’impunité.  Tout en comprenant l’esprit de compromis qui a présidé à l’élaboration de cet article, il a toutefois pensé que le crime d’agression aurait dû être inclus dans la liste.  Il a ensuite commenté l’article 10 qui prévoit que l’État du for notifie l’État du représentant avant d’engager des poursuites pénales ou de prendre des mesures cœrcitives contre ledit représentant.  Il a estimé que cette notion de « mesures cœrcitives » est trop large.  Il a espéré qu’une convention sera « rapidement » élaborée sur la base de ce projet.

Évoquant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a noté les difficultés à déterminer une condition étatique « lorsque le territoire d’un État a été complètement submergé ou rendu inhabitable ».  Il s’est enfin félicité que la CDI se penche sur un sujet aussi important.  Nous sommes persuadés que la Commission contribuera de manière significative à la clarification du droit international applicable, a conclu M. Tichy.

Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique) a souligné que le texte du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et ses commentaires représentent un effort important pour clarifier les règles du droit international.  Le projet reflète certaines des normes de droit coutumier, a-t-elle relevé.  Elle s’est également félicitée de l’inclusion de dispositions procédurales ainsi que d’une clause relative au règlement pacifique des différends.

L’élévation du niveau de la mer liée au réchauffement climatique constitue « l’une des crises les plus urgentes auxquelles est confrontée l’humanité », a pressé la représentante.  Il s’agit d’un sujet « technique par nature », a-t-elle souligné.  S’il emporte des conséquences sur les droits souverains et économiques des États, la protection des personnes affectées doit également être au cœur de la discussion, a-t-elle estimé.  Elle s’est, à cet égard, félicitée que le Groupe d’étude sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international envisage ce point.  Son travail sera crucial pour aider et guider la pratique des États.  La représentante a rappelé l’importance du recours aux experts scientifiques et techniques dans ce domaine.

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a souligné que le Groupe d’étude sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international ne devrait pas être empêché de tirer des conclusions pour savoir si le droit international existant serait suffisant ou si de nouvelles règles ou de nouveaux principes sont nécessaires en la matière.  Il a affirmé la pertinence des principes de coopération internationale et de responsabilité commune et différenciée.  En effet, le principe de coopération, via notamment le transfert de technologie et l’échange des meilleures pratiques, pourrait jouer un rôle important pour que les États assurent leur propre préservation, a analysé le représentant, évoquant le coût très élevé des mesures de préservation telles que l’installation ou le renforcement des digues. 

Le représentant s’est ensuite intéressé à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, saluant l’adoption du projet d’articles.  Sur les articles 1 à 18 en général, il a pris note avec intérêt de l’inclusion d’une clause sans préjudice visant à distinguer et à garantir l’indépendance entre ledit projet et le régime spécial applicable aux cours et tribunaux pénaux internationaux par rapport au régime d’immunité applicable au niveau national.  Il a appuyé l’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas).  Indépendamment du fait qu’il s’agisse d’une codification ou d’un développement progressif, la clarification apportée par rapport à certains des pires crimes connus du droit international est bienvenue et devrait renforcer la possibilité de rendre justice aux victimes, a-t-il estimé.  En outre, sur le projet d’article 13 (Demandes d’informations), le représentant s’est dit favorable à la suppression de la disposition selon laquelle le fonctionnaire doit être présent dans l’État du for pour déterminer l’immunité en relation avec l’article 7.  Par ailleurs, sur l’article 15 (Transfert des poursuites pénales), il a souhaité que la Commission réexamine le paragraphe 5 afin de restreindre son champ d’application.  Enfin, prenant note de la possibilité qu’un nouveau rapporteur spécial soit nommé pour ce sujet, le représentant a demandé à la Commission de prendre en compte « le besoin de stabilité et de continuité dans la direction du travail actuel ». 

Mme VON USLAR-GLEICHEN (Allemagne) a salué le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, avant de redire l’engagement de son pays en faveur de la lutte contre l’impunité.  « La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine est un rappel tragique de l’importance de cette lutte. »  La déléguée a indiqué que la poursuite des crimes internationaux par les juridictions nationales constitue un élément essentiel de l’architecture pénale allemande.  Ainsi, le code pénal de droit international allemand, adopté en 2002, est la base de la poursuite de tels crimes, selon le principe de compétence universelle.  Elle a déclaré que toute modification substantielle du droit international proposée par la CDI sur cette question devra être agréée par les États par la voie d’un traité.  La déléguée a aussi averti que le libellé de l’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) laisse la place à « des interprétations erronées et à des utilisations politiques ».  Les articles de la quatrième partie sur les dispositions et garanties procédurales ne sont pas tous étayés par le droit coutumier international existant, a continué la déléguée, en ajoutant que de telles garanties procédurales ne seront largement acceptées que si elles reflètent les différentes traditions juridiques.

Évoquant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a insisté sur la « menace existentielle » posée par les changements climatiques.  Selon nous, une lecture contemporaine de la Convention sur le droit de la mer donne à l’État côtier le droit d’actualiser ses lignes de base en cas d’élévation du niveau de la mer ou en cas de recul de la ligne côtière sans pour autant obliger ledit État à le faire, a-t-elle conclu. 

M. MOHAMMAD SADEGH TALEBIZADEH SARDARI (République islamique d’Iran) a exprimé ses inquiétudes face à certains projets d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État adoptés par la CDI, en particulier l’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas).  Ce texte, a-t-il déploré, ne correspond pas à la pratique des États et ne reflète pas le droit international coutumier.  Il a exprimé son désaccord avec les crimes énumérés dans cet article ainsi qu’avec la liste des traités annexés, signalant que ceux-ci ne sont pas universellement acceptés.  Un mécanisme de règlement des différends n’est pertinent que si le projet d’articles a vocation à devenir un accord, a-t-il argué, en invitant à la prudence.

« Personne ne peut fermer les yeux sur l’importance et les menaces potentielles de l’élévation du niveau de la mer à l’échelle mondiale », a ensuite déclaré le représentant.  Il a émis l’idée du transfert de la souveraineté d’une portion d’un territoire affecté par l’élévation du niveau de la mer à un mécanisme international, par exemple l’Autorité internationale des fonds marins.  Il a, à ce titre, souligné les exemples d’administration d’un territoire par les Nations Unies, tout en les distinguant des territoires sous tutelle.  Le représentant a affirmé que les modifications apportées aux lignes de base en conséquence de l’élévation du niveau de la mer devraient être fondées sur les principes de l’équité et de la justice.  Notant que la lex lata n’est pas satisfaisante sur cette question, il a interrogé la CDI sur son approche sur ce point.  Il a, enfin, estimé que la pratique de la restauration des terres, de la fortification des côtes et d’autres moyens pour maintenir les zones côtières constituent des réponses appropriées à l’élévation du niveau de la mer « tant qu’elles ne créent pas de nouveaux droits pour les États ».

M. VINÍCIUS FOX DRUMMOND CANCADO TRINDADE (Brésil) a estimé que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est importante pour garantir qu’ils puissent exercer convenablement leurs fonctions, en particulier lorsqu’ils ne sont pas protégés par les conventions multilatérales existantes.  En même temps, l’immunité ne doit pas signifier l’impunité, a-t-il affirmé.  Le représentant s’est ainsi dit favorable aux exceptions à l’immunité de juridiction ratione materiae présentées à l’article 7, qui visent à lutter contre l’impunité des crimes internationaux graves, et s’est félicité des garanties présentées dans la quatrième partie du projet d’articles, en particulier la nécessité pour l’État du for d’évaluer les immunités des autorités étatiques avant d’engager des poursuites pénales ou d’adopter une mesure coercitive.  Par ailleurs, il a soulevé la question du règlement des différends qui « doit encore être discutée ».  Si elle est incluse, une telle clause devrait être de nature générale, sans utilisation d’un langage obligatoire, a-t-il fait savoir.

Le représentant a insisté sur le caractère urgent de la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.  Nous avons une côte de près de 8 000 km et une population côtière de plus de 50 millions de personnes, a-t-il témoigné, invitant donc à améliorer la compréhension des impacts juridiques de l’élévation du niveau de la mer.  Il a réitéré l’importance que les solutions soient conformes à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Évoquant la question particulière du statut d’État, il a fait observer qu’il n’existe « aucune trace de situations dans lesquelles le territoire d’un État a été complètement submergé ou rendu inhabitable ».  Il est donc certainement utile de recourir au droit conventionnel établi, tel que la Convention de 1933 sur les droits et devoirs des États, a-t-il indiqué.  En outre, il a estimé que les États doivent coopérer de bonne foi et en tenant compte de leurs responsabilités communes mais différenciées.  Enfin, sur la question de la protection des personnes, le délégué a jugé pertinent d’explorer les cadres juridiques internationaux existants potentiellement applicables.  Les normes du droit international des droits de l’homme - notamment le droit à une nationalité - et du droit international des réfugiés - comme le principe de non-refoulement - le cas échéant, pourraient s’avérer utiles pour l’examen du sujet par le Groupe d’étude. 

Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) a, sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, exprimé sa préoccupation au sujet du projet d’article 18 sur le règlement des différends, qu’elle entend comme une acceptation tacite d’un recours judiciaire spécifique.  Dans la mesure où les interprétations de l’immunité de juridiction pénale peuvent varier selon les États, elle a souligné l’importance de compter sur des règles claires tout en respectant la souveraineté et le système juridique de chaque État. 

L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international est un sujet complexe et de la plus haute importance, qui doit, selon la déléguée, être traité « sans délai ».  Après avoir constaté que les effets des changements climatiques sur l’élévation du niveau de la mer sont disproportionnés dans certaines régions, elle a reconnu que l’Amérique latine et les Caraïbes sont particulièrement touchés.  Ainsi, entre 45 et 55 % de la population colombienne sera affectée par l’élévation du niveau de la mer d’ici à 2050, a-t-elle prévenu, en soulignant le caractère « vital » des travaux de la Commission sur ce sujet.  La déléguée a invité le Groupe de travail à se pencher sur toutes les sources du droit international dans son examen de cette question, sans se limiter à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) a salué l’adoption, en première lecture, du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et appelé à ajouter le crime d’agression à la liste prévue au projet d’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas).  Il s’est également félicité de l’inclusion de dispositions procédurales dans le projet de la CDI.

S’il a dit partager pleinement l’opinion selon laquelle l’élévation du niveau de la mer est un phénomène mondial qui doit être traité au niveau international, le délégué a demandé à la Commission de se concentrer sur les aspects juridiques de ce sujet, conformément à son mandat, et de « ne pas s’engager sur des questions politiques ».  Il a donc invité à la prudence au sujet de la préservation de la condition étatique sans territoire, dans la mesure où ces solutions sont dépendantes d’un accord politique.  Le représentant a aussi noté que la question de la protection des personnes affectées touche plusieurs domaines du droit international.  Il a donc demandé à la CDI d’envisager si les instruments existants sont susceptibles d’apporter une protection suffisante en prenant compte de la pratique des États et de l’expertise des organisations internationales.

Mme VESKI (Estonie), abordant le projet d’articles de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, a salué la disposition portant sur une relation entre le sujet de l’immunité et les cours et tribunaux pénaux internationaux.  Si elle a reconnu que les activités de la Cour pénale internationale (CPI) jouent un rôle particulier, elle a rappelé également l’existence d’autres tribunaux internationaux et hybrides, dont la création contribue également au développement du droit international.  À ce sujet, la représentante a rappelé « les discussions en cours sur la création d’un tribunal spécial pour traiter le crime d’agression commis en Ukraine ».  Elle a douté de la nécessité de l’article 17, expliquant que les consultations entre États constituent un moyen normal de communication diplomatique et devraient toujours être disponibles.  Commentant l’article 18, elle a réaffirmé qu’une clause de règlement des différends ne serait pertinente que si le projet d’articles était destiné à devenir un traité. 

Abordant ensuite le sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la représentante a réaffirmé l’importance de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Sur le thème de l’impact de cette élévation sur la qualité d’État, notre objectif principal devrait être la préservation de la stabilité juridique, de la sécurité, de la certitude et de la prévisibilité dans les relations internationales, a-t-elle affirmé.  Elle a rappelé les critères pour le statut d’État généralement énumérés: une population permanente, un territoire défini, un gouvernement et la capacité de nouer des relations avec les autres États ou d’autres sujets du droit international.  Nous sommes également d’accord avec l’idée que, dans certains cas, un État ne pourrait pas disparaître automatiquement parce qu’il ne remplit pas tous les critères mentionnés, notamment la perte du territoire, a-t-elle indiqué.  « C’est ce qui s’est passé dans le cas de mon propre État, la République d’Estonie, lorsque nous avons perdu le contrôle de notre territoire en raison d’une occupation et d’une annexion illégales, mais que notre État a conservé son statut d’État et sa personnalité juridique. »  Enfin, la représentante a signalé que plus de 70 États sont ou sont susceptibles d’être directement touchés par l’élévation du niveau de la mer, soit près d’un tiers de la communauté internationale.  L’élévation du niveau de la mer n’est pas seulement un débat théorique mais aussi une question très pratique.  Quant aux questions relatives aux personnes protégées, la représentante a convenu que la protection des droits des peuples autochtones est une question importante qui mérite une plus grande attention dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer. 

M. SARVARIAN (Arménie) a appelé à éviter les conflits d’obligations dans le cadre du projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants étrangers, à la fois sur le fond et dans le cadre du règlement des conflits.  Il a soutenu la formulation du projet d’article 7 relatif aux crimes pour lesquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas.

Le représentant a également souligné l’importance de l’étude par la CDI de l’élévation du niveau de la mer.  Les sujets identifiés par le Groupe d’étude commencent à émerger « alors que la submersion des terres se produit », a-t-il fait remarquer.  Le travail de l’Association de droit international et de relations internationales (ADIRI) est également précieux sur ce point.  Le représentant a jugé important de prendre en compte la pratique par analogie, dans la mesure où l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques est « sans précédent ».  Il a indiqué que le produit de ces travaux pourrait prendre des formes différentes en fonction des sujets abordés.

M. ADAM MCCARTHY (Australie) a salué le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  « Nous réitérons notre demande que les commentaires de ce projet indiquent clairement lorsque la CDI a souhaité codifier une règle existante du droit coutumier international ou lorsqu’elle s’est engagée en faveur d’un développement progressif du droit.  » Lorsque la CDI a une intention de codification, elle devrait poursuivre ses efforts en vue de l’identification de la pratique des États pertinente et de l’opinio juris en appui aux articles concernés, a insisté le délégué.  Il a aussi estimé que le débat entamé en 2016 sur l’article 7 (Crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité ratione materiae ne s’applique pas) n’est toujours pas tranché.

Évoquant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a insisté sur la complexité des questions de la continuité de la condition étatique et de la protection des personnes face à ce phénomène.  Le droit international existant applicable aux personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer est fragmenté et ne prévoit pas le scenario d’une perte potentielle de condition étatique pour cette raison, a souligné le délégué.  Enfin, il a rappelé que les dirigeants du Forum des îles du Pacifique, auquel l’Australie est partie, ont adopté en 2021 une déclaration pionnière sur la préservation des zones maritimes face à cette élévation.  « Cette déclaration appuie l’intégrité de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, tout en clarifiant son interprétation afin de préserver les zones maritimes établies sur son fondement. »

Mme ZINOVIA STAVRIDI (Grèce) a exprimé des réserves en ce qui concerne le texte de compromis adopté sur la relation entre le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et les normes régissant le fonctionnement des tribunaux pénaux internationaux, qui ne semble pas résumer pleinement la pratique récente concernant l’établissement de tribunaux internationaux.  Concernant l’article 11, elle a noté que ni le projet d’article ni son commentaire ne reflètent le point soulevé par plusieurs États selon lequel l’invocation de l’immunité, un droit de l’État du fonctionnaire, n’est pas et ne devrait pas être considérée comme une condition préalable à l’application de l’immunité, puisque celle-ci fait partie du droit international.  La représentante a en outre exprimé sa préoccupation face au projet d’article 12, qui prévoit l’irrévocabilité de la renonciation à l’immunité, étant donné l’absence de pratique étatique dans ce domaine.  Le libellé du projet d’article 18 fait par ailleurs référence à « un différend relatif à l’interprétation ou à l’application du présent projet d’articles », ce qui est une formulation habituellement utilisée lorsqu’un traité est envisagé, et non pour un différend ou une divergence concernant la détermination ou l’application de l’immunité dans un cas particulier, a-t-elle noté.  D’autre part, son libellé s’écarte considérablement de celui des dispositions similaires adoptées récemment par la CDI, à savoir l’article 15 du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, qui est mentionné dans le commentaire pertinent.  À ses yeux, ce projet d’article devrait être formulé comme une recommandation aux États d’essayer de résoudre ces différends le plus tôt possible en utilisant, à leur discrétion, les moyens de règlement pacifique des différends énoncés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies. 

M. MORA FONSECA (Cuba) a plaidé pour la cohérence dans le travail de la CDI, notamment au regard des autres sujets traités, tels la prévention et la répression des crimes contre l’humanité ou les normes impératives du droit international général.  L’obligation de notification en amont de poursuite contre un représentant bénéficiant de l’immunité de juridiction pénale étrangère doit constituer la première garantie, a-t-il estimé.  Il a également appelé à ne pas porter atteinte aux textes existants, notamment la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.

Le délégué a noté que la Conventions des Nations Unies sur le droit de la mer n’apporte « aucune réponse » à l’élévation du niveau de la mer.  Il a estimé que les lignes de base ne devraient pas être modifiées, indépendamment de l’élévation du niveau de la mer.  Quant à l’extinction d’un État en raison de la perte d’un territoire, il convient de faire preuve de prudence, a déclaré le délégué, qui a noté que la coopération internationale joue un rôle vital à ce sujet.  Il a mis l’accent sur l’expérience cubaine pour la protection des populations côtières.

M. KOWALSKI (Portugal) a estimé que le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État dans sa version actuelle est équilibré.  Il est désormais important à nos yeux de clarifier la manière de procéder, à savoir ce qu’il convient de recommander à l’Assemblée générale, a-t-il indiqué, suggérant de procéder à la deuxième lecture en ayant à l’esprit une recommandation visant à utiliser ce projet d’articles comme base d’un futur traité international.  Saluant la solution trouvée pour préserver le statut des tribunaux internationaux dans les textes, le délégué a rappelé que les tribunaux pénaux internationaux sont essentiels dans la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves de portée internationale.  Par ailleurs, le nouveau paragraphe 3 de l’article 1 sur le champ d’application dudit projet est susceptible d’atteindre trois objectifs très importants, a-t-il estimé, y compris mettre en évidence l’indépendance des régimes applicables à l’immunité devant les juridictions pénales nationales et des tribunaux pénaux internationaux, et présenter un texte applicable à tous les États. 

Concernant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a fait remarquer que l’examen de ce sujet paraît très complexe.  Il a ainsi salué la qualité du deuxième document de réflexion, notamment en ce qui concerne les pratiques existantes et émergentes des États.  L’élévation du niveau de la mer est un phénomène mondial qui ne connaît pas de frontières et qui a un impact sur tous les États et sur plusieurs millions de personnes, a-t-il rappelé.  Si le droit international a un rôle très important à jouer dans la lutte contre cette menace mondiale, il est clair que le cadre juridique applicable est quelque peu fragmenté.  Le délégué s’est félicité que ce sujet soit abordé du point de vue du droit existant et du droit qui doit être développé.  Ces discussions seront pertinentes pour les années à venir, sachant que l’élévation du niveau de la mer pourrait mettre directement en danger plus de 800 millions de personnes dans les villes côtières d’ici 2050. 

Mme AZELA GUERRERO ARUMPAC-MARTE (Philippines) a réitéré que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État doit être abordée sous l’angle du respect de l’égalité souveraine des États et de la protection des représentants de l’État contre l’exercice abusif de la juridiction pénale, tout en tenant compte de la nécessité de lutter contre l’impunité des crimes internationaux. 

Concernant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le représentant a considéré qu’en tant qu’État archipélagique comptant de nombreuses zones côtières de faible élévation, les Philippines estiment nécessaire de continuer de progresser dans l’examen de la condition étatique et de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.  Il s’est félicité à cet égard de la reconstitution du Groupe d’étude sur l’élévation du niveau de la mer et de l’échange de vues sur le deuxième document de réflexion, bien qu’il soit de nature exploratoire et qu’il vise à établir une liste des questions de droit international devant être analysées du point de vue de la lex lata et de la lex ferenda.  Les Philippines, a-t-il noté, sont d’avis que ces questions doivent être abordées sur la base de la stabilité juridique, de la sécurité et de la prévisibilité du droit international, en tenant compte des traités, des coutumes et des principes généraux du droit applicables.  La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer constitue en outre le cadre juridique dans lequel doivent s’inscrire les activités menées dans les océans.  S’agissant de la condition étatique, le représentant a estimé que lorsque l’un des éléments de la qualité d’État vient à manquer, par exemple lorsque le territoire de l’État a été complètement submergé, il faut adopter une « approche pragmatique en faveur de la stabilité et de la prévisibilité en droit international, en tenant compte des circonstances spécifiques ».  Il a fait remarquer que le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières engage par ailleurs les États à élaborer des stratégies d’adaptation et de résilience face aux catastrophes naturelles à évolution lente, tout en prônant des approches cohérentes pour faire face aux mouvements migratoires qui en découlent.  Si la pratique des États sur cette question est rare, elle est plus développée parmi les États déjà touchés par l’élévation du niveau de la mer, notamment en Asie du Sud-Est.  Ainsi, tout en prenant acte de l’accent mis par la CDI sur les aspects juridiques de ce sujet, conformément à son mandat, les politiques et instruments des États des régions touchées doivent selon lui être pris en considération pour identifier les pratiques émergentes des États.

M. SMYTH (Irlande) a suggéré que la CDI réduise le nombre de thèmes à l’examen afin de donner aux États davantage de temps pour développer leurs vues.  Il a salué le projet d’articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Il a exprimé des réserves quant au libellé de l’article 1 sur son champ d’application et estimé nécessaire de clarifier la notion de juridictions pénales internationales visée à son paragraphe 3, afin de savoir s’il s’applique aux tribunaux hybrides ou à ceux créés par le Conseil de sécurité.  Il a souligné l’utilité de l’article 18 relatif au règlement des différends entre l’État du for et l’État du représentant.

Au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a jugé urgent de réfléchir aux conséquences juridiques complexes de ce phénomène.  « Il n’y a pas ou peu de précédent dans ce domaine », a-t-il conclu, en insistant sur l’importance d’examiner minutieusement la pratique des États.

Mme AAGTEN (Pays-Bas), s’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, a rappelé ses préoccupations quant à l’examen de ces sujets en l’absence d’opinio juris, des préoccupations toujours présentes face à ce projet d’articles. 

Abordant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a indiqué que 26% des territoires fonciers se trouvent au-dessous du niveau de la mer aux Pays-Bas.  Ce pourcentage risque d’augmenter au fur et à mesure, a-t-elle mis en garde, alertant aussi sur la situation des petits États insulaires en développement (PEID).  Selon elle, les critères pour cette condition étatique figurant dans la Convention de 1933 sont le point de départ des débats.  La déléguée a rappelé que ces critères portent sur la création et l’existence d’un État en tant que personne morale internationale.  Néanmoins, la pratique étatique démontre que ces critères ne sont pas appliqués de la même manière en cas de création des États, ou en cas de continuité et d’extinction, a-t-elle relevé.  Pour la déléguée, « il n’y a pas de raison pour qu’un État qui perd son territoire perde automatiquement sa condition étatique ».  Elle a ainsi appelé à étudier plus en détail les critères en question et à organiser davantage de débats au sujet de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer. 

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