Sixième Commission: les délégations entendent le Président de la CDI et débattent des normes impératives du droit international
La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a entendu, ce matin, par visioconférence, le Président de la Commission du droit international (CDI), M. Dire Tladi, présenter le dernier rapport de la CDI adopté à l’issue de sa soixante-treizième session. Le rapport de la CDI est connu pour sa rigueur et son exhaustivité, a rappelé le Président de la Sixième Commission, M. Pedro Afonso. Cette présentation coïncide traditionnellement avec la semaine du droit international.
Détaillant ce rapport long de 415 pages chapitre par chapitre, M. Tladi a fait état de progrès substantiels lors de la session, qui s’est tenue à l’Office des Nations Unies à Genève, du 18 avril au 3 juin 2022, pour la première partie, et du 4 juillet au 5 août 2022, pour la seconde partie.
La Commission a ainsi adopté en seconde lecture le projet de conclusions relatif aux normes impératives du droit international général (jus cogens), ainsi que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, s’est félicité le Président, en insistant également sur les progrès accomplis en ce qui concerne la succession d’États en matière de responsabilité de l’État.
La Sixième Commission a ensuite entamé l’examen d’un premier groupe de chapitres du rapport de la CDI: chapitres introductifs I à III, chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission), chapitre IV (Normes impératives du droit international général (jus cogens) et chapitre V (Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés).
Le projet de conclusions de la CDI sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) a été au cœur des longues interventions de la trentaine de délégations à s’être exprimées aujourd’hui. Selon le projet, ces normes « reflètent et protègent des valeurs fondamentales de la communauté internationale »; elles sont « universellement applicables » et « hiérarchiquement supérieures » aux autres règles du droit international.
La représentante de la Norvège, au nom des pays nordiques, a analysé le projet en faisant remarquer qu’il a été finalisé « alors que l’invasion russe de l’Ukraine est en cours ». « Cette grave violation d’une norme impérative du droit international général ne fait que souligner l’importance de ce corpus juridique », a-t-elle d’emblée fait valoir.
Si les délégations ont été nombreuses à saluer les modifications apportées au projet d’articles, elles n’ont pas hésité à afficher certains désaccords. Singapour a ainsi noté avec satisfaction que la Commission a incorporé dans le projet de conclusion intitulé « Communauté internationale des États dans son ensemble », l’observation de son pays selon laquelle, pour déterminer s’il existe une « très large majorité » d’États acceptant et reconnaissant le caractère impératif d’une norme, une « majorité large et représentative » d’États est requise.
« Cette formulation apporte une plus grande incertitude », a au contraire estimé le délégué des États-Unis. Appuyé par le Brésil, le délégué de la Jordanie a indiqué qu’il s’agit d’une majorité d’États « représentant les différentes régions et traditions juridiques ». Le critère d’identification des normes de jus cogens dans ce texte devrait être l’acceptation et la reconnaissance par « la communauté internationale des États dans son ensemble », a insisté l’Australie.
Le représentant de la Chine a regretté que le projet prévoie la primauté du jus cogens en cas de violation d’une résolution du Conseil de sécurité. Aucune pratique n’existe à cet égard, a-t-il noté, et une telle logique ne correspond pas aux buts de la Charte. Le délégué chinois a donc appelé à faire preuve de prudence, alors que son homologue du Brésil a, au contraire, insisté sur la compatibilité des résolutions du Conseil avec le jus cogens.
Un autre point de désaccord a été l’inclusion en annexe du projet d’une liste non exhaustive de ces normes. Huit normes sont ainsi identifiées: l’interdiction de l’agression; l’interdiction du génocide; l’interdiction des crimes contre l’humanité; les règles fondamentales du droit international humanitaire; l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid; l’interdiction de l’esclavage; l’interdiction de la torture; et le droit à l’autodétermination.
El Salvador, l’Estonie et l’Italie ont accueilli favorablement une telle liste, laquelle, selon la délégation du Mexique, devrait « permettre de relancer plusieurs débats », dont l’utilisation du droit de veto au Conseil de sécurité. Le Brésil a souhaité l’inclusion dans cette liste de l’accès à la justice.
Les États-Unis et la Chine ont, en revanche, rejeté une telle liste, tandis que l’Iran a mis en garde contre l’identification de normes impératives « spécifiques ». De son côté, la délégation de Singapour a exprimé deux inquiétudes: que les utilisateurs de ce travail puissent considérer la liste comme définitive; et que la liste n’est pas établie en utilisant la méthodologie que la Commission elle-même a développée.
« Nous aurions préféré que la Commission aborde dans les commentaires un nombre limité de normes de jus cogens établies en utilisant l’approche méthodologique établie par le projet de conclusions », a tranché l’Australie. Plus globalement, l’Iran a invité la CDI à clarifier la nature « prescriptive ou descriptive » des projets de conclusions et des lignes directrices qu’elle produit.
Enfin, le Nigéria, au nom du Groupe des États d’Afrique, a souligné la nécessité pour la CDI de prendre en compte toutes les traditions juridiques, y compris le droit coutumier africain.
La Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 26 octobre, à 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TREIZIÈME SESSION - A/77/10
Présentation du rapport
M. DIRE TLADI, Président de la Commission du droit international (CDI), a rappelé que de nombreuses vies ont été bouleversées par la pandémie de COVID-19. Deux ans plus tard, une myriade de défis posent une menace existentielle pour l’humanité et notre planète. Dans le même temps, a-t-il dit, il faut garder à l’esprit que la grande majorité de la population de notre planète vit dans la pauvreté. « Au sein de notre communauté, nous cherchons tous à trouver un sens au langage du droit international et à son riche vocabulaire dans l’espoir de construire une société meilleure et juste. »
Le Président a d’abord présenté une vue d’ensemble du rapport de la CDI à l’examen, en précisant que celle-ci a adopté le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), ainsi que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.
La Commission a également fait des progrès substantiels en ce qui concerne la succession d’États en matière de responsabilité de l’État et elle est proche d’achever ses travaux sur ce point. Sur le sujet « principes généraux du droit », la Commission a reçu le texte consolidé de l’entièreté du projet de conclusions. Là aussi, elle est proche d’achever ses travaux sur ce point, a poursuivi le Président.
La CDI a également avancé en ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international. Le Président a indiqué que les trois points suivants ont été inclus au programme de travail de la CDI: moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international; prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer; règlement des différends internationaux auxquels des organisations internationales sont parties.
Le sujet « accords internationaux non juridiquement contraignants » a été, quant à lui, inclus dans le programme de travail à long terme de la Commission. M. Tladi a précisé que la CDI veille à l’amélioration de ses méthodes de travail et a rétabli son groupe de travail sur lesdites méthodes. « En raison du manque de temps, le groupe de travail n’a pas pu achever son programme et le poursuivra l’année prochaine. »
M. Tladi a redit l’attachement de la CDI à une coopération étroite avec les autres entités telles que la Cour internationale de Justice (CIJ). La Présidente de la CIJ s’est ainsi exprimée devant la CDI le 1er juin dernier. La CDI a également eu un échange informel avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) le 21 juillet 2022.
Le Président a ensuite détaillé chaque chapitre du rapport, en insistant sur les progrès accomplis. En conclusion, M. Tladi a rappelé l’intérêt partagé de la CDI et de la Sixième Commission à l’avancement du droit international et à sa codification.·
Débat général sur le module 1: chapitres introductifs I à III, chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission), chapitre IV (Normes impératives du droit international général (jus cogens) et chapitre V Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés) 25-27 octobre
M. LUCIO GUSSETTI, de l’Union européenne, a déclaré que la protection de l’environnement doit être prise en compte dans l’établissement des normes applicables aux conflits armés. Il s’est donc félicité du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés et de son application aux États, organisations internationales et autres acteurs. Selon le délégué, les États devraient identifier des zones protégées d’importance environnementale. Il a proposé que, dans des situations de conflit armé, cette désignation se fonde sur des critères « définis et objectifs ». L’Union européenne, a-t-il indiqué, serait favorable à une protection, la plus large possible, pour tout objet civil qui pourrait nuire à l’environnement.
Mme MIRJAM BIERLING (Norvège), au nom du Groupe des pays nordiques, a salué des progrès substantiels, y compris l’adoption en première lecture de 18 projets d’articles et d’un projet d’annexe sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. La représentante s’est dit consciente des préoccupations de la Commission quant à l’effet des contraintes budgétaires qui lui sont imposées. Tout en soulignant que les ressources adéquates doivent être fournies par le budget régulier de l’ONU, elle a indiqué être ouverte à l’idée d’envisager la création d’un fonds d’affectation spéciale.
Évoquant le chapitre IV du rapport, la représentante a fait remarquer que la Commission a dû finaliser son travail sur ce sujet « alors que l’invasion russe de l’Ukraine est en cours ». Cette grave violation d’une norme impérative du droit international général ne fait que souligner l’importance de ce corpus juridique qui a maintenant été systématisé par la Commission dans ces projets de conclusions et de commentaires, a-t-elle fait valoir. Elle a réitéré la position des pays nordiques, à savoir que le jus cogens est mieux traité par une approche conceptuelle et analytique que par l’élaboration d’un nouveau cadre normatif pour les États. « Compte tenu de la pratique relativement limitée et variable des États en la matière, la codification n’est peut-être pas la voie la plus prudente à suivre. » Par ailleurs, la représentante a réaffirmé la nécessité d’une définition claire de l’étendue des acteurs pertinents dans l’identification des normes impératives du droit international général. Quant à la liste non exhaustive de normes de jus cogens mentionnée dans le projet de conclusion 23 et annexée au projet de conclusions, elle ne doit pas être interprétée comme empêchant l’émergence d’une pratique étatique et d’une opinio juris à l’appui d’autres normes.
Abordant le chapitre V, la représentante a noté que les conflits armés en cours, comme la guerre d’agression russe en Ukraine, ont mis en lumière les « ravages infligés à l’environnement » par les frappes sur les usines chimiques, les raffineries et les pipelines. Ainsi, le projet de principes est-il aussi opportun qu’important. Elle a souligné l’importance de plusieurs projets de principe, tels que le projet de principe 8 sur le déplacement des personnes ou encore le projet de principe 10. Elle a également mis en avant la nécessité de coopérer, de partager et d’accorder l’accès à l’information pour faciliter les mesures de réparation des dommages causés à l’environnement par un conflit armé, comme le souligne le projet de principe 23. « Nous sommes d’accord avec l’approche de la Commission, qui laisse la place au développement du droit, sans pour autant porter atteinte aux obligations juridiques internationales existantes », a-t-elle conclu.
Mme DAPHNE HONG (Singapour) a estimé que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) peut encore être amélioré et clarifié. Elle a noté avec satisfaction que la Commission a incorporé dans le projet de conclusion 7 l’observation de Singapour selon laquelle, pour déterminer s’il existe une « très large majorité » d’États acceptant et reconnaissant le caractère impératif d’une norme, une « majorité large et représentative d’États est requise. » Cela dit, sa délégation continue d’être d’avis que la référence à la communauté internationale « dans son ensemble » comporte des éléments quantitatifs aussi bien que qualitatifs, et que l’expression « pratiquement tous les États » doit avoir le sens quantitatif requis. Ensuite, la déléguée a jugé « inutile » le projet de conclusion 21 qui envisage la possibilité de recourir à la Cour internationale de Justice (CIJ)ou à une autre procédure entraînant des décisions contraignantes si aucune une solution est trouvée sur l’objection d’un État à ce qu’un autre État invoque une norme impérative du droit international général dans un délai de 12 mois. Enfin, concernant la liste non exhaustive des normes de jus cogens figurant dans le projet de conclusion 23, elle a exprimé deux inquiétudes: que les utilisateurs de ce travail puissent considérer la liste comme définitive; et que la liste n’est pas établie en utilisant la méthodologie que la Commission elle-même a développée.
Mme Hong a par ailleurs appuyé l’inscription du thème « Les accords internationaux juridiquement non contraignants » au programme de travail à long terme de la CDI. Elle a noté que l’utilisation courante de mémorandums d’accord ou d’accords juridiquement non contraignants par les États illustre l’importance pratique de ce sujet. Si ce sujet est transféré au programme de travail de la Commission, elle a espéré que la Commission tiendra compte de la riche pratique des États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur cette question.
M. ALAA NAYEF AL-EDWAN (Jordanie) a estimé que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) ne devrait pas être utilisé pour identifier des normes impératives spécifiques et leurs conséquences juridiques. Il a rappelé que, selon la pratique, seules les normes coutumières peuvent servir de fondement à une norme impérative, tout en reconnaissant la distinction formulée par la CDI dans sa conclusion 5. Il a également noté que leur formation ne requiert pas l’unanimité des États, mais uniquement une majorité représentant les différentes régions et traditions juridiques. La supériorité des normes impératives ne devrait pas être utilisée par les États comme prétexte pour ne pas exécuter les obligations issues des résolutions et décisions obligatoires des organisations internationales, a dit le représentant. Il a en outre regretté que la procédure prévue dans la conclusion 21 soit « peu pratique ».
Le représentant a apporté son soutien à l’approche retenue par le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, dont l’application est « cruciale pour la protection de l’environnement ». Il s’est, à cet égard, félicité de l’inclusion des situations d’occupation dans le projet ainsi que la prise en compte des déplacements humains. Il a néanmoins estimé que la CDI aurait dû régler le problème de l’attribution du dommage environnemental. Il a, enfin, rappelé que l’occupant devait utiliser les ressources naturelles « au bénéfice de la population protégée ».
M. MCCARTHY (Australie) a apprécié que la Commission étudie les sources de droit identifiées à l’article 38(1) du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ). Il a salué l’inclusion du sujet de la prévention et de la répression de la piraterie et des vols à main armée en mer dans son programme de travail. « Ces actes constituent une menace permanente pour la sécurité maritime. » Rappelant que la Convention sur le droit de la mer définit le cadre juridique applicable en la matière, il a estimé que l’examen par la CDI de la pratique des États et la clarification des zones d’incertitude encourageront la coopération internationale.
Le représentant a jugé essentiel que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) et ses commentaires reflètent fidèlement le droit international et qu’ils soient fondés sur la pratique des États. Le critère d’identification des normes de jus cogens dans le projet de conclusion no 7 devrait être l’acceptation et la reconnaissance par « la communauté internationale des États dans son ensemble », a-t-il appuyé. Il a douté de l’utilité de la liste non exhaustive mentionnée dans l’annexe au projet de conclusion no 23. « Nous aurions préféré que la Commission aborde dans les commentaires un nombre limité de normes de jus cogens établies en utilisant l’approche méthodologique établie par le projet de conclusions. »
Concernant la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le représentant a estimé que le respect du droit international humanitaire (DIH) existant peut limiter l’impact que les conflits peuvent avoir sur l’environnement naturel et les populations qui en dépendent. Il a salué la référence au « droit international applicable » dans le projet de principes adopté par la Commission, qui souligne que ce sujet ne suggère pas d’interprétations nouvelles ou modifiées du DIH existant. En outre, il a affirmé qu’il existe des différences substantielles dans le droit international humanitaire entre les obligations liées aux conflits internationaux et celles liées aux conflits non internationaux, notant que le projet ne prévoit pas actuellement de différenciation. En conclusion, il a regretté que « l’équilibre entre les sexes continue d’échapper à la Commission ».
Mme ZINOVIA STAVRIDI (Grèce) a salué l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Elle s’est en particulier félicitée de la conclusion 2 qui précise que lesdites normes reflètent et protègent des valeurs fondamentales de la communauté internationale. « Nous sommes également d’avis que cette caractéristique capitale du jus cogens constitue également un critère de son identification étant donné qu’une norme, pour être qualifiée d’impérative, doit être acceptée et reconnue par la communauté internationale des États comme reflétant et protégeant de telles valeurs. » La déléguée a ensuite commenté la conclusion 21 sur la procédure recommandée lorsqu’un État invoque une norme impérative du droit international général comme motif de nullité ou d’extinction d’une règle du droit international. « Nous notons avec satisfaction que le libellé a été amendé pour souligner le fait que cette procédure n’est pas contraignante pour les États. »
S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, Mme Stavridi a salué l’adoption du projet de principes y afférent. Elle s’est félicitée du libellé du principe 13 qui dispose que l’environnement doit être respecté et protégé conformément au droit international applicable et, en particulier, au droit des conflits armés. Elle a également salué la clarification s’agissant de l’interdiction du pillage des ressources naturelles visée au principe 16. Cette interdiction s’applique également aux situations d’occupation, a précisé la déléguée. Enfin, elle a pleinement appuyé le principe 25 sur le secours et l’assistance apportés lorsque la source des dommages causés à l’environnement en rapport avec un conflit armé n’est pas identifiée ou que la réparation n’est pas envisageable.
M. OMHAMMAD SADEGH TALEBIZADEH SARDARI (République islamique d’Iran) a demandé à la CDI de clarifier la nature « prescriptive ou descriptive » des projets de conclusions et des lignes directrices qu’elle produit. La Cour internationale de Justice (CIJ) a reconnu qu’une variété de sources peuvent servir de fondement à une norme impérative de droit international général, sans préférence ni priorité, a-t-il noté. Regrettant une incohérence entre la conclusion 8 du projet de conclusions sur les normes impératives et le projet de conclusions sur l’identification du droit international coutumier, le représentant a appelé la CDI à assurer une meilleure cohérence entre ses travaux. Il a défendu la « règle de l’objecteur persistent » dans la mesure où ce qui est requis pour établir le jus cogens ne peut pas être en deçà de ce qui est requis pour établir le droit international coutumier. Il a en outre mis en garde contre l’identification de normes impératives spécifiques.
Le représentant a par ailleurs noté que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés vise au développement progressif du droit international: il ne peut pas créer de nouvelles obligations pour les États. Il s’est inquiété d’une applicabilité indiscriminée aux conflits armés internationaux et non internationaux. Le représentant a enfin mis en garde contre toute contradiction entre le travail de la CDI sur la prévention et la répression de la piraterie et du vol armé en mer et les conventions existantes.
Mme TIJJANI MUHAMMAD BANDE (Nigéria), au nom du Groupe des États d’Afrique, a souligné la nécessité pour la CDI de prendre en compte toutes les traditions juridiques, y compris le droit coutumier africain. Il a salué la coopération nouée entre la CDI et la Commission de l’Union africaine sur le droit international. Il a insisté sur l’importance de préserver une bonne représentation géographique au sein des différents groupes de travail, en déplorant qu’un seul membre africain ait été nommé rapporteur spécial. Enfin, le délégué s’est félicité de l’inclusion des deux points suivants au programme de travail de la CDI: moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international et prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer.
M. ZANINI (Italie) a vu, dans l’adoption du projet de conclusions sur l’identification et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), un « jalon important dans la contribution de la CDI à la clarification et au développement du droit international ». Il a partagé l’avis du Rapporteur spécial quant à la supériorité hiérarchique des normes de jus cogens par rapport aux autres règles ordinaires du droit international. Ainsi, nous continuons d’attacher la plus grande importance aux catégories autonomes des normes impératives du droit international général et des obligations erga omnes, qui protègent les intérêts fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble, a-t-il affirmé. Sur le processus d’identification des normes, il a indiqué qu’il aurait préféré des précisions sur le concept de « preuve » et, plus précisément, sur les affirmations individuelles des États selon lesquelles une norme est acceptée et reconnue comme une norme à laquelle aucune dérogation n’est permise. Évoquant la conclusion no 8 (Preuve de l’acceptation et de la reconnaissance), le représentant a estimé que le commentaire aurait pu faire une référence plus remarquable aux dispositions constitutionnelles telles qu’interprétées et appliquées par la jurisprudence des cours constitutionnelles. « Cela aurait permis de prendre dûment en considération la pratique des différents systèmes juridiques et les principes fondamentaux inscrits dans la Constitution de diverses nations. ». En outre, au sujet des conclusions nos 22 et 23, le délégué a dit comprendre, en partie, les raisons ayant motivé la décision d’élaborer une liste non exhaustive, compte tenu de l’évolution possible de la reconnaissance et de l’affirmation des normes de jus cogens. « Cependant, nous ne sommes pas entièrement convaincus par le choix de la Commission de ne pas aborder l’épineuse question des conséquences juridiques de certaines normes impératives, telles que celles interdisant le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. »
Au sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le représentant a salué l’adoption du projet de principe no 9 (Responsabilité des États). Selon lui, il faut garantir à la fois le respect du principe de prévention et celui du principe de précaution, qui sont au cœur du droit international de l’environnement. Par ailleurs, il a estimé qu’aucune attaque dirigée contre un objectif militaire ne doit être considérée comme « proportionnée » lorsqu’elle est destinée à causer -ou dont on peut s’attendre à ce qu’elle cause- des dommages étendus, durables et graves. Au sujet du projet de principe no 21 (Prévention des dommages transfrontières), le représentant a salué l’élargissement de son champ d’application spatial tout en estimant que la question du dommage transfrontalier environnemental aurait aussi dû être abordée en relation avec des contextes autres que les situations d’occupation. Enfin, la Commission aurait pu faire une référence plus spécifique à l’application du principe fondamental d’autodétermination des peuples dans l’utilisation des ressources naturelles dans le contexte de l’occupation, a affirmé le représentant, reconnaissant cependant que le commentaire contient des explications précieuses quant à la notion de « population protégée » et à la définition des obligations d’un occupant à l’égard des ressources naturelles situées dans les territoires occupés.
Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a salué l’adoption, en seconde lecture, du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Ce projet respecte l’équilibre entre la pratique des États et les décisions des juridictions, a apprécié la déléguée, en insistant sur l’importance de la pratique dans ce domaine. Elle a salué l’inclusion en annexe d’une liste non exhaustive de normes impératives. Elle a commenté le paragraphe 2 de la conclusion no 8 (Preuve de l’acceptation et de la reconnaissance), en indiquant que la notion « organisations internationales » aurait pu être précisée. La déléguée a ensuite salué l’adoption du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. « Il s’agit d’un travail extraordinaire. » Elle a rappelé que la Cour interaméricaine des droits de l’homme et l’Assemblée générale de l’ONU ont reconnu un droit à un environnement sain. Il aurait peut-être été utile de préciser, dans les commentaires, les notions « conflits armés » et « objectifs militaires » visées par ledit projet, a-t-elle estimé en conclusion.
M. GUIDE JIA (Chine) a appelé la CDI à renforcer ses échanges avec les États Membres et à adopter une approche plus ciblée sur la base des besoins « pratiques » de la communauté internationale. Il a également souligné l’importance d’améliorer les travaux de codification et de développement progressif du droit international et insisté sur la nécessité d’éclaircir les critères de sélection des sujets traités. Le délégué s’est félicité de l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), un sujet « au cœur » du droit international. Il a néanmoins regretté que le projet prévoie la primauté du jus cogens en cas de violation par une résolution du Conseil de sécurité. Aucune pratique n’existe à cet égard, a-t-il noté, et une telle logique ne correspond pas aux buts de la Charte. Il a donc appelé à faire preuve de prudence. De même, le délégué a mis en garde contre l’adoption d’une liste des normes impératives, rappelant que la CDI y avait renoncé pour l’élaboration de la Convention de Vienne sur le droit des traités. « Il serait préférable de déterminer les critères pertinents pour l’identification des normes du jus cogens », a-t-il précisé. Enfin, il s’est interrogé sur l’application des normes relatives aux conflits internationaux et aux conflits non internationaux dans le cadre du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.
Mme SILEK (Hongrie) a estimé que l’importance des normes impératives du droit international, comme l’interdiction de l’agression ou le droit à l’autodétermination, ne peut pas être surestimée à l’heure actuelle. Même si la CDI n’a pas pour objectif d’analyser le contenu et les caractéristiques des normes de jus cogens et n’en fournit pas une liste exhaustive, la représentante s’est dite convaincue que l’interprétation large de ces normes par les États peut conduire à l’affaiblissement du concept même de jus cogens. Ensuite, a-t-elle relevé, si les projets de conclusions traitent des cas de conflit entre les normes de jus cogens et d’autres sources de droit international, ils ne traitent pas des cas de conflit entre les normes de jus cogens elles-mêmes. Par ailleurs, bien que les normes de jus cogens soient les piliers du système juridique international, il est possible que leur contenu évolue légèrement au fil des décennies. Or, si les conclusions sont claires sur les étapes de l’identification des normes impératives, il n’y a pas d’orientation sur leur examen, a-t-elle conclu.
M. VISEK (États-Unis) a voulu rappeler que son pays est favorable à l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, afin de combler une lacune dans l’ordre juridique existant. Il a salué ensuite l’adoption en seconde lecture du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Il a indiqué que la Commission a répondu à certaines préoccupations des États-Unis, notamment en ce qui concerne la conclusion 2 (Nature des normes impératives du droit international général). Le délégué a néanmoins marqué son désaccord en ce qui concerne le libellé de la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble) selon laquelle l’acceptation et la reconnaissance par une majorité d’États très large et représentative est requise aux fins de la détermination d’une norme impérative du droit international général. Il a estimé que l’ajout du mot « représentative » apporte une plus grande incertitude. Le délégué a également rejeté l’inclusion d’une liste non exhaustive de telles normes, en estimant que la CDI n’a pas suivi sur ce point la méthodologie habituelle.
S’agissant du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le délégué s’est étonné que seules les entreprises commerciales soient mentionnées en tant qu’acteurs non étatiques, alors qu’il existe nombre de tels acteurs comme les organisations criminelles. Enfin, il a souhaité davantage de clarté s’agissant du choix du format à donner aux travaux de la CDI sur différents sujets.
M. KESSEL (Canada) a rappelé qu’en l’absence de pratique étatique et d’opinio juris, les obligations applicables aux conflits armés internationaux ne devraient pas être présentées comme des normes coutumières applicables lors de conflits armés non internationaux. Il faut, selon lui, éviter de faire cette distinction entre conflits internationaux et non internationaux pour ce qui est de l’applicabilité des projets de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, d’autant plus que cela nuit à la cohérence du texte. Le délégué a également regretté l’usage de verbes à caractère obligatoire dans plusieurs projets de principes visant à créer de nouvelles normes ou à étendre des normes existantes. De tels verbes devraient être réservés aux principes qui constituent la lex lata, a-t-il estimé. Il a en outre rappelé que l’article 1 commun aux Conventions de Genève ne crée pas, pour les États qui ne participent pas à un conflit armé, le devoir de s’assurer que toutes les parties étatiques et non étatiques au conflit respectent ces Conventions. Au sujet du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), le délégué a souligné que, dans la mesure où les traités ne lient que leurs parties, ils ne peuvent pas fonder l’existence d’une norme impérative. Selon lui, il faut continuer d’œuvrer pour « peaufiner et clarifier » certains aspects des projets de principes et des commentaires.
Mme AZELA GUERRERO ARUMPAC-MARTE (Philippines) a vu dans l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) un « véritable tournant ». Cependant, elle a noté avec préoccupation que plusieurs projets de conclusions envisagent la valeur probante des décisions des tribunaux nationaux dans l’identification des normes impératives du droit international général, alors que des acteurs non-étatiques, tels que la société civile, ont saisi des tribunaux pour réparation en invoquant le jus cogens. La déléguée a en outre estimé que l’évolution du raisonnement des tribunaux nationaux et du jus cogens montre qu’il faut éclaircir le rôle du droit international. Quant au commentaire afférant à la conclusion 9 (Moyens auxiliaires de détermination des normes du droit international général), il semble suggérer que certaines cours nationales auraient plus de poids que d’autres. « Il faut réviser ce commentaire. » Enfin, la déléguée a réitéré ses réserves sur la conclusion 23 (Liste non exhaustive).
Mme NOOR NADIRA NOORDIN (Malaisie) a salué l’adoption du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Elle a indiqué que ce projet n’a pas vocation à être contraignant, tout en critiquant le libellé obligatoire de certains principes. La Malaisie suggère que le libellé et la forme de ce projet soient révisés, afin qu’il ne contienne pas de formulations impliquant des obligations contraignantes. La déléguée a commenté le principe 12 relatif à la clause de Martens en matière de protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, principe qui dispose que l’environnement reste sous la sauvegarde et sous l’empire des principes du droit international, tels qu’ils résultent des usages établis, des principes de l’humanité et des exigences de la conscience publique. Certains États ne s’accordent pas sur la portée et l’application de ces principes de l’humanité et des exigences de la conscience publique dans le cadre de ladite clause Martens, a fait observer la déléguée. Elle a donc jugé crucial que la Commission prenne en compte les vues et pratiques des États à ce sujet. Enfin, elle a salué l’inclusion dans le programme de travail des sujets suivants: moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international et prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer.
M. HELMUT TICHY (Autriche) s’est félicité de la finalisation du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), qui vient encadrer l’une des questions les plus débattues sur la structure du droit international. Malheureusement, la clarification du terme « représentative » dans la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble) n’est pas utile dans la mesure où elle n’indique pas si les critères sont cumulatifs ou alternatifs. Le délégué a également regretté l’utilisation du terme « injuste » dans la conclusion 11 (Divisibilité des dispositions d’un traité en conflit avec une norme impérative du droit international général), qui n’est pas un terme de droit positif. Il a proposé la formule alternative suivante: « ne serait pas contraire à l’intérêt commun des parties ». La formulation de la conclusion 13 (Absence d’effet des réserves aux traités sur les normes impératives du droit international général) aurait également pu être clarifiée, a-t-il ajouté. Le représentant a en outre indiqué qu’il aurait été préférable que la liste non exhaustive des normes impératives mentionne la prohibition du recours à la force et non la prohibition de l’agression. De même, l’expression « règles fondamentales du droit international humanitaire » n’est pas suffisamment précise, a-t-il estimé.
Le représentant a regretté que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés ne définisse pas le terme « environnement ». Il s’est en particulier dit convaincu que les États peuvent désigner des zones protégées autour des centrales nucléaires qui soient respectées par tous les États. L’urgence à cet égard est illustrée par la situation actuelle de la centrale de Zaporijia, en Ukraine, a-t-il pressé. Il a également appelé à intégrer au projet de principe 19 (Obligations générales de la Puissance occupante relatives à l’environnement) une recommandation pour l’occupant de coopérer avec les institutions internationales afin de prévenir ou minimiser les dommages à l’environnement. Le représentant s’est, enfin, félicité des nouveaux sujets ajoutés au programme de travail de la Commission.
Mme SEKHER (Inde) a approuvé la conclusion selon laquelle une norme, pour pouvoir être identifiée comme une norme impérative de droit international général, doit être acceptée et reconnue par les États comme une norme à laquelle on ne saurait déroger. Dans ce contexte, la déléguée a pris note des projets de conclusions 4 (Critères pour la détermination d’une norme impérative du droit international général) et 5 (Fondements des normes impératives du droit international), ajoutant que lesdites normes doivent être suffisamment développées pour s’appliquer et que différentes sources jouent un rôle important dans la détermination de leur caractère impératif. Sur les projets de conclusions 6 à 9, la délégation est d’avis que la procédure d’identification des normes devrait prendre compte son acceptation au sein de tous les systèmes juridiques et toutes les cultures. Étant donné que les normes impératives du droit international général sont hiérarchiquement supérieures aux autres normes du droit international, cette procédure doit être claire et sans ambiguïté. Évoquant ensuite la liste non exhaustive, la représentante a noté l’absence d’une définition claire. Enfin, elle s’est félicitée de l’intégration dans le programme de travail de plusieurs points, notamment la prévention et la répression des actes de piraterie et de vols à main armée en mer. Il serait pertinent de reconnaître le cadre juridique international créé par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a-t-elle conclu.
Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique)a noté que le développement progressif du droit international est une tâche fondamentale. Elle a reconnu l’importance de disposer d’une liste non exhaustive des normes de jus cogens ainsi que de directives pertinentes en vue d’identifier ces normes et leurs conséquences. Elle a souligné le lien avec les articles 40 et 41 des articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite adoptés en 2001. Les normes impératives identifiées permettront de relancer plusieurs débats, selon elle. La représentante a rappelé la réflexion sur le recours au veto par les membres permanents du Conseil de sécurité en cas d’agression. Au sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, elle a souligné l’importance de protéger l’environnement en général et d’interdire des méthodes conçues pour poser des dégâts « considérables, durables et graves ». Elle a, à ce titre, évoqué les armes nucléaires. La diligence et la responsabilité civile des entreprises causant des dégâts à l’environnement et à la santé constituent également un élément clef. La représentante a donc déclaré que « le moment est venu de demander des responsabilités aux entreprises pour les effets néfastes causés par leurs actions ».
M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) s’est félicité de l’inclusion de la question de la prévention et de la répression de la piraterie et du vol à main armée en mer dans le programme de travail de la CDI. Il a salué l’adoption en seconde lecture du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). « Un travail précieux », a dit le délégué, en notant les efforts considérables de la CDI. Il a ensuite salué l’adoption du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, « un projet de principes très complet ». Il a apprécié l’accent mis sur la responsabilité de la puissance occupante s’agissant de la protection de l’environnement. Enfin, le délégué a rappelé que la COP27 -Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques- va démarrer dans quelques jours en Égypte.
Mme VON USLAR-GLEICHEN (Allemagne) s’est félicitée de l’adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), un sujet qui continue d’être particulièrement important pour l’ordre juridique international. Estimant toutefois que l’adoption d’une liste de normes impératives spécifiques pourrait mener à des « conclusions erronées » et entraver l’évolution du jus cogens, elle a regretté son maintien en seconde lecture malgré les préoccupations exprimées par les États. La représentante a par ailleurs craint que la référence aux valeurs fondamentales de la communauté internationale dans le projet de conclusion no 2 (Nature des normes impératives du droit international général) et l’ambiguïté qui subsiste dans le commentaire y afférant ne risquent de donner lieu à de mauvaises interprétations. Elle a également noté la faible pratique des États pour étayer le projet de conclusion no 16 (Obligations créées par des résolutions, décisions ou autres actes d’organisations internationales en conflit avec une norme impérative du droit international général). À cet égard, elle a mis en garde contre les abus afin de se soustraire aux résolutions obligatoires du Conseil de sécurité et le danger de saper son autorité. Enfin, pour l’Allemagne, l’agression russe en Ukraine illustre le rôle important de la CDI sur la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.
M. POPKOV (Bélarus), soulignant l’importance des normes impératives du droit international pour la stabilité internationale, a trouvé judicieux que la définition contenue dans la Convention de Vienne sur le droit des traités serve de point de départ. La reconnaissance de telles normes requiert un large consensus représentant toutes les catégories de membres de la communauté internationale, a-t-il fait valoir. Selon lui, il aurait été préférable de mentionner les critères applicables directement dans le texte, plutôt que dans le commentaire afin d’éviter des conflits potentiels. Il a également souligné le « rôle particulier » des normes contenues dans les traités universels, notamment la Charte des Nations Unies. Le représentant a déclaré que la liste illustrative mentionnée dans le projet de conclusions aurait pu être élargie en incluant les principes universels du droit international contemporain ainsi que certaines normes relatives à la protection de l’environnement et les régimes juridiques qui s’appliquent aux espaces internationaux. Il a également noté que les propositions concernant les conséquences juridiques des normes impératives ne reflètent pas toujours la lex lata, notamment le principe de l’objecteur persistent. Il serait précipité d’élaborer une convention à partir du projet de conclusions, a-t-il conclu, préférant l’adoption de recommandations méthodologiques. Par ailleurs, le représentant a jugé « équilibré » le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Il a notamment souligné l’importance d’encadrer l’occupation militaire et d’inclure les activités des entités privées.
M. BANDEIRA GALINDO (Brésil) a salué l’adoption en seconde lecture du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Il a commenté la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble) selon laquelle l’acceptation et la reconnaissance par une majorité d’États très large et représentative est requise aux fins de la détermination d’une norme impérative du droit international général. Cela signifie que de telles normes doivent être identifiées « à partir de tous les systèmes juridiques dans le monde », a précisé le délégué. Nous aurions préféré qu’il soit fait expressément mention des résolutions du Conseil de sécurité dans la conclusion 16 (Obligations créées par des résolutions, décisions ou autres actes d’organisations internationales en conflit avec une norme impérative du droit international général), a-t-il continué, avant de se féliciter de leur inclusion dans les commentaires. Il a insisté sur la nécessaire conformité desdites résolutions aux normes impératives du droit international. S’agissant de la liste non exhaustive de ces normes, le délégué a souhaité l’inclusion de l’accès à la justice. Par ailleurs, le délégué a salué le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, tout en insistant sur son caractère juridiquement non contraignant. « Ce projet ne doit ni créer de nouvelles normes du droit international ni modifier le droit existant. »
M. MARKO RAKOVEC (Slovénie) a souligné l’importance du sujet des normes impératives du droit international et du besoin d’en déterminer les critères. Il a soutenu l’inclusion d’une liste non exhaustive des normes impératives en annexe des conclusions. Ces normes sont « routinièrement identifiées comme ayant un caractère impératif », a-t-il souligné. Il a rappelé le caractère erga omnes des obligations issues des normes impératives et souligné les conséquences juridiques de leur violation ainsi que l’obligation des États de coopérer pour y mettre fin. Le représentant a ensuite insisté sur l’importance du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, qui renforce la protection de l’environnement à la fois pour les conflits internationaux et non internationaux. Il s’est notamment félicité de l’inclusion de dispositions relative aux personnes déplacées et à la protection par les entreprises de l’environnement et de la santé. « Ces principes visent à dissuader les entreprises de s’attaquer à la population locale et aux ressources naturelles pendant les conflits armés. »
M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) a déclaré que l’agression de la Russie contre l’Ukraine nous rappelle que les valeurs fondamentales contenues dans les normes impératives du droit international général (jus cogens) doivent être fermement établies comme pilier de l’ordre international. Estimant que le projet de conclusions est un guide utile, il a souligné que leur portée concrète reste du ressort de la communauté internationale des États et de leur pratique future. S’il a rappelé avoir soutenu à plusieurs reprises l’idée d’une liste non exhaustive, le délégué a toutefois averti qu’elle peut créer une certaine ambiguïté, comme c’est le cas avec la référence « plutôt vague » aux « règles fondamentales du droit humanitaire ». De même, l’omission du crime de piraterie pourrait susciter des interrogations.
Concernant la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le délégué a vu dans le projet de principes une « orientation précieuse pour les États et autres acteurs ». Les conflits armés ont toujours des impacts négatifs sur l’environnement et les ressources naturelles, qui sont souvent de longue durée et parfois irréparables, a-t-il déploré, appréciant ainsi que l’ensemble du projet offre une systématisation complète des règles applicables à la protection de l’environnement dans ce contexte. En outre, il s’est réjoui de la nature transversale du projet de principes, qui englobe des éléments tirés de divers domaines, tels que le droit international humanitaire, le droit international des droits humains et le droit de l’environnement. Enfin, le délégué a pris note de l’inclusion de nouveaux sujets dans les travaux de la CDI, notamment le « Règlement des différends auxquels des organisations internationales sont parties ».
Mme VESKI (Estonie) a jugé nécessaire de clarifier la notion de jus cogens, avant de saluer l’adoption en seconde lecture du projet de conclusions sur ce sujet. Elle a apprécié que les conclusions et commentaires traitent de la question de l’application du jus cogens sur les obligations d’actes découlant d’organisations internationales. La déléguée s’est prononcée en faveur d’une liste non exhaustive de telles normes, en insistant sur sa valeur pratique et sa clarté. Il est néanmoins essentiel d’identifier les normes impératives du droit international sur la base d’un consensus fort et clair de la communauté des États, a-t-elle précisé. Elle a rejeté les vues exprimées par certaines délégations selon lesquelles une telle liste entraverait l’émergence d’autres normes. S’agissant du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, elle a estimé qu’il faut « comprendre son application à toutes les phases d’un conflit: avant, pendant et après ». Enfin, la déléguée a salué le fait que la CDI ne veuille pas avec ce projet modifier le droit existant des conflits armés.
M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a estimé que, malgré le travail considérable accompli par le passé, la CDI est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis, en particulier sur sa composition et ses méthodes de travail. La Commission doit garder à l’esprit l’objectif de servir les États Membres lorsqu’elle choisit ses sujets et se concentrer sur les questions juridiques dont les États ont un besoin urgent dans la pratique. En l’absence d’un consensus général, la priorité doit être donnée à la cohérence et à la clarté de la lex lata. Notant que seulement cinq rapporteurs spéciaux viennent d’Asie et sept d’Afrique, il a jugé nécessaire de rendre la CDI plus représentative.
S’agissant des normes impératives du droit international général (jus cogens), le représentant a salué la méthodologie de la Commission et a approuvé la manière dont lesdites normes sont caractérisées. Il a apprécié la mention du « droit à l’autodétermination » dans la liste non exhaustive des normes impératives figurant dans le projet de conclusion no 23. Malheureusement, a-t-il poursuivi, en l’absence d’une définition suffisamment précise et juridiquement fondée du terrorisme, plusieurs États ont en fait abusé des résolutions antiterroristes du Conseil de sécurité pour « criminaliser » certaines activités légitimes couvertes par le droit international, y compris le droit des peuples à l’autodétermination. Le représentant a, par exemple, cité l’affaire Al Kadi lorsque la Cour européenne de justice a déterminé qu’il existait un conflit potentiel entre une résolution du Conseil de sécurité et les droits fondamentaux du requérant, que la Cour a qualifiés de jus cogens. Cela montre que des conflits entre les résolutions du Conseil de sécurité et le jus cogens peuvent survenir. Il a donc espéré que le Conseil de sécurité veillera à ce que ses résolutions sur la lutte contre le terrorisme ne soient pas utilisées à mauvais escient par certains États Membres pour restreindre les libertés fondamentales des personnes, en particulier celles qui subissent une occupation étrangère et une domination étrangère.
Mme OROSAN (Roumanie) a encouragé la CDI à reprendre l’échange traditionnel d’informations avec les organisations régionales, une tradition qui semble avoir été affectée pendant la pandémie de COVID-19. Elle a notamment cité le dialogue que la CDI entretient avec le Comité des conseillers juridiques sur le droit international public du Conseil de l’Europe. La représentante a ensuite salué l’inclusion dans le programme de travail de la Commission des thèmes « Règlement des différends internationaux auxquels des organisations internationales sont parties » et « Prévention et répression de la piraterie et des vols à main armée en mer ». Par ailleurs, elle a réitéré la proposition de la Roumanie d’inclure dans le programme de travail actuel de la CDI le thème de la compétence universelle, estimant que son expertise aiderait la Sixième Commission dans son évaluation juridique de l’application de ce principe.
Au sujet des normes impératives du droit international général, elle a affirmé que les projets de conclusions, bien que plutôt théoriques, offrent une aide méthodologique aux États pour déterminer si une norme en particulier a atteint le statut de jus cogens. Cela dit, la représentante a montré des réserves sur différents sujets, y compris la conclusion 5 (Fondements des normes impératives du droit international général) et la conclusion 21 (Procédure recommandée) qui, malgré les assurances données dans le commentaire qu’elle ne crée pas une base pour la compétence de la Cour internationale de Justice (CIJ), est formulée d’une manière qui ne permet pas d’éviter une telle hypothèse. Par ailleurs, bien qu’elle ne soit pas opposée à l’inclusion de la liste indicative des normes de jus cogens dans le produit final de la CDI, la déléguée a regretté le « manque d’ambition de la Commission », qui aurait dû s’efforcer d’inclure au moins toutes les normes qu’elle avait précédemment déterminées comme étant impératives.
Enfin, la déléguée s’est penchée sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. L’adoption du projet de principes n’aurait pas pu être plus opportune, a-t-elle jugée, évoquant les conséquences pour l’environnement de l’agression russe en Ukraine. De plus, la Roumanie est préoccupée par les dommages graves et durables causés à l’environnement dans le bassin de la mer Noire par le ciblage russe de l’industrie lourde et des installations énergétiques. Ainsi, l’effort de la CDI pour systématiser le droit dans le domaine de la protection de l’environnement dans le contexte plus large d’un conflit armé reflète largement les réalités de la guerre moderne et sert les intérêts actuels des États, a-t-elle estimé. La représentante a toutefois estimé que le projet aurait gagné en précision s’il avait inclus des dispositions portant spécifiquement sur les conflits armés non internationaux.
M. SMOLEK (République tchèque) a jugé que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général permet de mieux comprendre le jus cogens. Il a salué la méthode et la définition adoptées dans le projet. Ces normes, a-t-il souligné, sont « le reflet des valeurs fondamentales de la communauté internationale ». S’il a estimé que des doutes subsistent concernant le projet de conclusion 21 (Procédure recommandée), il a noté qu’il ne s’agit là que d’une pratique recommandée. La République tchèque n’est pas convaincue par l’inclusion d’une liste des normes, a poursuivi le délégué. Il a demandé que la CDI mentionne clairement les références aux normes impératives figurant dans ses autres travaux. À ce titre, il a indiqué que les normes impératives font parfois l’objet de libellés différents et que leur portée n’est pas claire, à l’image de la prohibition de l’agression et du recours à la force.
Le délégué a également souligné la nécessité de renforcer le cadre juridique de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Le projet de principes constitue à cet égard une « contribution majeure ». Ce projet complète d’autres initiatives dans ce domaine qui renforceront la protection de l’environnement, s’est-il réjoui. Il a néanmoins regretté l’absence de division claire entre les règles acceptées et les efforts de la CDI visant au développement progressif du droit international.
Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) s’est félicitée de l’inclusion de nouveaux sujets dans le programme de travail de la CDI. Elle a estimé que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général est important et permet une systématisation de ce droit. Elle a noté qu’il vise à résoudre les principaux problèmes du jus cogens et qu’il s’agit en cela d’un point de départ pour l’identification de telles normes. Elle a en outre salué la liste non exhaustive annexée au projet. La représentante a jugé qu’il aurait été utile de préciser quels types de résolutions, d’organisations et de conférences peuvent être utilisées comme preuve de l’existence d’une norme impérative. Elle s’est notamment demandé si les organisations régionales pourraient remplir ces critères.
Quant au projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, la représentante a rappelé qu’il contient des dispositions d’une valeur normative différente, certaines ayant une valeur coutumière et d’autres contribuant au développement progressif du droit international. Ces principes ne peuvent en tout état de cause créer de nouvelles obligations pour les États, a-t-elle affirmé. Il faut également différencier les conflits armés internationaux et non internationaux. La représentante a, enfin, appelé à une meilleure coopération entre la CDI et la Sixième Commission.
M. MORA FONSECA (Cuba) s’est dit préoccupé par le fait que la sécurité internationale, l’environnement et le développement durable de la planète sont gravement menacés par la possibilité latente de l’utilisation d’armes de destruction massive. « Il serait très utile que la Commission se penche sur les effets néfastes du développement, du stockage et de l’utilisation des armes nucléaires sur l’environnement. » Par ailleurs, le délégué a souligné l’importance d’un régime de responsabilité qui couvre la réparation des dommages, la reconstruction et l’indemnisation. S’agissant des normes impératives du droit international général, il a appuyé l’étude du sujet par la CDI, estimant qu’il est important d’établir des éléments d’interprétation pour le jus cogens. Il a toutefois rappelé que les travaux de la CDI devraient tenir compte de la pratique des États en tant qu’élément essentiel pour l’élaboration de ces normes.