ECOSOC et Commission de consolidation de la paix: appels à renforcer les liens entre les acteurs de la paix et du développement durable
La pandémie de COVID-19, les changements climatiques, la hausse de la pauvreté et de la faim ainsi que les conflits persistants menacent notre capacité à respecter la promesse d’une vie meilleure et d’une planète saine, comme le prévoit le Programme de développement durable à l’horizon 2030, a résumé Mme Amina J. Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, à l’entame, ce matin, d’une réunion conjointe entre le Conseil économique et social (ECOSOC) et la Commission de consolidation de la paix (CCP).
« Promouvoir une paix et un développement durables dans le contexte du relèvement après la COVID-19 », tel était le thème choisi pour cette réunion entre les deux organes. Pour se remettre de la pandémie, Mme Mohammed a suggéré d’accélérer le rythme des efforts entamés pour réaliser le Programme 2030, qui est la feuille de route non seulement pour le développement durable mais aussi pour la paix durable, deux objectifs indissociables.
En effet, avec la résurgence de la COVID-19, les pays les plus pauvres et les plus vulnérables restent face à un risque élevé d’effondrement économique et social, a averti M. Collen Vixen Kelapile, Président de l’ECOSOC. En outre, les pays en situation de conflit ont payé un lourd tribut durant la pandémie, a renchéri M. Osama Abdelkhalek, Président de la CCP. Dans ce contexte, le multilatéralisme est plus nécessaire que jamais, ont-ils souligné, appelant à davantage de coopération, de solidarité internationale et de synergie dans les partenariats. L’ECOSOC et la CCP ont en outre des rôles complémentaires dans la mesure où leur collaboration peut permettre de mieux comprendre les risques qui sapent le développement et alimentent les conflits.
La Directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI) a jugé essentiel de soutenir les pays fragiles et touchés par des conflits pour les aider à gérer cette crise sanitaire et à se remettre sur la voie d’un développement inclusif. Mme Antoinette Sayeh a d’ailleurs rappelé les propos de la Directrice générale du FMI, Mme Kristalina Georgieva, pour qui les pays ont besoin, comme les individus, de forts « systèmes immunitaires », autrement dit d’institutions solides et bien gouvernées, capables de répondre efficacement aux crises, de fournir des services publics de manière équitable et de mettre en place des politiques judicieuses pour une croissance économique soutenue.
Pour reconstruire en mieux, la pleine participation de la société civile, et plus particulièrement des femmes et des jeunes, a également été mise en exergue, avec un exemple criant donné par l’une des panélistes du dialogue interactif. Mme Luisa Romero, de la Colombie, a ainsi expliqué avoir fondé l’organisation locale « Get Up and Go Colombia » pour transformer d’anciens territoires de guerre en destinations culturelles et touristiques, en responsabilisant les communautés les plus touchées par le conflit.
Au cours du dialogue interactif, animé par le Président de la CCP, les délégations ont partagé d’autres expériences et identifié des approches et des solutions sur lesquelles les États Membres pourraient s’appuyer pour le relèvement après la COVID-19, après avoir recensé les impacts de la pandémie sur les économies, y compris dans les pays qui se remettent de conflits.
Plusieurs délégations ont relevé combien la pandémie a exacerbé les inégalités, créé des crises multidimensionnelles ou renforcé les obstacles à la consolidation de la paix et induit de nouvelles fragilités. La Norvège a souligné que les inégalités entre les sexes se sont accrues chez les plus vulnérables. Pourtant, lorsque les femmes sont autour de la table des négociations, la paix a plus de chance d’être garantie, a renchéri la Suède, à l’instar de la Vice-Secrétaire générale.
Pour une bonne consolidation de la paix, il faut se concentrer sur le volet économique, a indiqué la Thaïlande. C’est d’ailleurs ce que fait le Libéria, « petit pays meurtri par la guerre civile et ensuite affecté par Ebola ». Il est vrai que l’insécurité alimentaire accélère l’insécurité tout court, a laissé entendre le Bangladesh, qui a insisté, comme Saint-Vincent-et-les Grenadines, sur le partage des vaccins avec les pays les plus vulnérables.
De nombreuses délégations ont souhaité un meilleur financement de la consolidation de la paix, comme l’Allemagne ou encore la Colombie, qui a estimé que le financement du développement doit être lié à celui de la consolidation de la paix, puisque les deux vont ensemble.
Soulignant que la crise a mis en lumière le besoin d’une solidarité mondiale, et d’un renforcement de l’ECOSOC et de la CCP, les Présidents de ces deux organes ont défendu un renforcement de leur collaboration, qui passera probablement par la désignation d’un coordonnateur informel. La CCP pourrait établir un maillon qui fasse la liaison avec l’ECOSOC, a suggéré le Japon, suivi par la République de Corée. Le Portugal a même proposé que ce rôle soit dévolu à l’un des sept membres de la CCP élus par l’ECOSOC. L’Afrique du Sud est allée plus loin en proposant que ce point focal serve de liaison entre l’ECOSOC, la CCP et le Conseil de sécurité.
RÉUNION CONJOINTE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ET DE LA COMMISSION DE CONSOLIDATION DE LA PAIX SUR LE THÈME « PROMOUVOIR UNE PAIX ET UN DÉVELOPPEMENT DURABLES DANS LE CONTEXTE DU RELÈVEMENT APRÈS LA COVID-19 »
Déclarations liminaires
M. COLLEN VIXEN KELAPILE, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a d’emblée souligné qu’avec la résurgence de la COVID-19, les pays les plus pauvres et les plus vulnérables restent face à un risque élevé d’effondrement économique et social, ce qui montre la nécessité de rester vigilants et préparés, en particulier dans les pays touchés par des conflits.
En outre, a poursuivi M. Kelapile, nous avons constaté dans de nombreux pays combien le racisme structurel et des schémas de discrimination bien ancrés ont fait supporter aux minorités et aux populations autochtones les pires effets de la pandémie. La hausse de la faim et le manque de travail poussent de plus en plus de personnes dans la pauvreté extrême et menacent la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Nous devons prêter une attention particulière à la protection des femmes dans l’économie informelle et renforcer la participation des jeunes, a-t-il ajouté.
Si les pays les plus avancés ont renforcé leurs programmes de relèvement en 2021, la COVID-19 reste la principale menace pour les pays les plus pauvres, a insisté le Président de l’ECOSOC. Le manque d’accès aux vaccins et de capacité budgétaire pour atténuer l’impact de la crise ainsi que les failles des chaînes d’approvisionnement et l’élargissement de la fracture numérique ont fait augmenter la défiance, les doléances et la migration forcée, a-t-il constaté.
Dans ce contexte, a réitéré M. Kelapile, la solidarité et la coopération internationales sont essentielles. Il a notamment évoqué l’accès aux vaccins pour les plus vulnérables ainsi que l’allègement et la restructuration de la dette afin que les gouvernements puissent continuer à étendre la protection sociale. Il est par ailleurs indispensable à son avis de s’attaquer aux niveaux élevés d’insécurité alimentaire, tout en protégeant la planète des effets des changements climatiques.
Enfin, M. Kelapile a fait observer que toute l’architecture intergouvernementale de l’ONU, dont l’ECOSOC et la Commission de consolidation de la paix, doit rester concentrée sur la fourniture de solutions intégrées, durables et novatrices afin de faire face aux défis multidimensionnels causés par la COVID-19. C’est la seule manière de consolider la paix et de promouvoir un développement durable, a-t-il conclu en ouverture de cette réunion conjointe.
M. OSAMA ABDELKHALEK, Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a loué le Conseil économique et social pour avoir attiré l’attention sur la capacité fédératrice et tisseuse de liens de la Commission de consolidation de la paix. Il a apprécié cette nouvelle étape, aujourd’hui, du renforcement des liens entre les deux organes, alors que la COVID-19 continue d’avoir des effets dévastateurs sur les populations et que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est mis en danger si des actions cohérentes ne sont pas entreprises.
« La COVID-19 rappelle à quel point un multilatéralisme efficace est nécessaire. » Le Président de la CCP a souligné l’importance du dialogue entre la Commission, les pays et les régions, notant qu’il a permis notamment de montrer le lourd tribut payé par des pays en situation de conflit durant la pandémie. Pour M. Abdelkhalek, les politiques nationales doivent intégrer la préparation aux crises, par les pays, en promouvant une approche inclusive. Il a aussi parlé de la démarche inclusive et cohérente que doit suivre la CCP en visant les causes profondes des conflits.
La CCP continuera d’utiliser les plateformes offertes pour promouvoir le multilatéralisme et apporter son appui technique et financier, a assuré son président en souhaitant des partenariats qui mettent l’accent sur les synergies. La COVID-19 a fait pression sur des ressources déjà mises à l’épreuve, a-t-il noté en rappelant que la demande en vaccins est supérieure à l’offre. Il a conclu que la crise a mis en lumière le besoin d’une solidarité mondiale et d’un renforcement de l’ECOSOC et de la CCP. C’est pourquoi M. Abdelkhalek a réitéré son appel pour que soit désigné un coordonnateur informel chargé des liens entre les deux organes, afin de renforcer encore leurs liens.
Pour Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies, la pandémie de COVID-19, les changements climatiques, la hausse de la pauvreté et de la faim ainsi que les conflits persistants menacent notre capacité à respecter la promesse d’une vie meilleure et d’une planète saine, comme le prévoit le Programme 2030. Pour soutenir les mesures nationales visant à construire la résilience et réduire les vulnérabilités, elle a suggéré de s’appuyer pleinement sur les capacités, le leadership, la coordination et les partenariats dans le système des Nations Unies, avec le Programme 2030 pour ligne directrice. Un relèvement durable après la pandémie et la réalisation des ODD resteront hors d’atteinte si l’on ne se concentre pas sur la prévention des crises et la réduction des vulnérabilités, a assuré la Vice-Secrétaire générale.
Pour changer la trajectoire mondiale actuelle, les investissements pour le développement doivent être augmentés, faute de quoi les missions politiques et de paix sont vouées à l’échec, a mis en garde Mme Mohammed. L’ECOSOC et la CCP ont, selon elle, deux rôles complémentaires en ce sens. En outre, les ODD sont un outil essentiel de prévention, a-t-elle rappelé, en prônant une approche qui vise la réduction des risques stratégiques, sans oublier une volonté politique et une solidarité renouvelées afin de prendre les bonnes décisions pour les générations futures.
Pour se remettre de la pandémie, Mme Mohammed a suggéré d’accélérer le rythme pour la réalisation du Programme 2030, qui est la feuille de route non seulement pour le développement durable mais aussi pour la paix durable, deux objectifs indissociables. Le développement durable est en effet la voie pratique pour mettre un terme aux crises et à l’instabilité, en ce qu’il s’attaque aux causes à l’origine des conflits. À cet égard, la collaboration entre l’ECOSOC et la CCP est essentielle, a mis en exergue la Vice-Secrétaire générale en soulignant qu’elle permet de mieux comprendre les risques qui sapent le développement et alimentent les conflits. D’ailleurs, les bureaux des coordonnateurs résidents encouragent de plus en plus, sur le terrain, la collaboration entre les différentes activités relatives à l’humanitaire, au développement et à la paix.
S’agissant du financement, elle a plaidé pour un décloisonnement et pour une réponse intégrée aux défis qui se posent réellement sur le terrain. Malheureusement, a regretté Mme Mohammed, les financements sont souvent éclatés en une myriade de petites initiatives. Comprendre et façonner l’écosystème du financement pour le développement en intégrant la dimension de la paix sera essentiel pour concevoir des solutions de financement durables, a-t-elle précisé. Elle a mis en avant trois instruments de financement de l’ONU qui peuvent faire la différence s’ils sont utilisés de manière stratégique et en synergie: le Fonds de financement de la paix, qui doit passer à une toute autre échelle, le Fonds commun visant à faciliter l’application du Programme 2030 par des politiques intégrées, et le Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF), qui est le principal instrument de financement humanitaire.
La participation et l’égalité des femmes sont également essentielles, a poursuivi Mme Mohammed, arguant que « lorsque les femmes sont à la table, la paix a une chance ». Elle a encouragé à prévoir leur participation à toutes les prises de décisions et à s’appuyer sur les progrès réalisés par l’ECOSOC et la CCP en ce sens.
Enfin, la Vice-Secrétaire générale a rappelé qu’il reste huit ans pour mettre en œuvre le Programme 2030. Les occasions de renforcer la collaboration entre les deux organes devront monter en puissance afin de répondre aux attentes des États Membres et des parties prenantes, a-t-elle lancé, plaidant aussi pour des progrès vers un relèvement après la pandémie qui promeuvent une paix et un développement durables.
Exposés des experts
Rappelant que la paix et le développement durables sont indissociables, et plus que jamais dans le contexte de la pandémie de COVID-19, Mme ANTOINETTE SAYEH, Directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI), a appelé à redoubler d’efforts pour soutenir les pays les plus fragiles et les plus vulnérables. Lors de réunions récentes du FMI, sa Directrice générale, Mme Kristalina Georgieva, a dit que les pays ont besoin, comme les individus, de forts « systèmes immunitaires », autrement dit d’institutions solides et bien gouvernées, capables de répondre efficacement aux crises, de fournir des services publics de manière équitable et de mettre en place des politiques judicieuses pour une croissance économique soutenue.
Les pays fragiles et touchés par des conflits représentent plus de 20% des membres du FMI et leur PIB réel s’est contracté de 6,6% en 2020, avec une reprise prévue de seulement 3,2% en 2021, a fait savoir Mme Sayeh. Leur dette publique a augmenté de 12,6 points de pourcentage du PIB l’année dernière, contre 2,8 points pour d’autres pays à revenu faible. Ils enregistrent une inflation bien supérieure à celle des autres pays pauvres et le Programme alimentaire mondial (PAM) a indiqué que 45 millions de personnes dans 43 pays risquent de souffrir de famine, soit deux fois plus qu’en 2019.
L’écart entre les pays qui sont sur la voie de la reprise et les pays fragiles et touchés par des conflits menace les gains durement acquis en termes de stabilité et de développement durable, s’est ainsi inquiétée Mme Sayeh, en plaidant pour le soutien « indispensable » de la communauté internationale afin d’aider ces pays à gérer cette crise et à se remettre sur la voie d’un développement inclusif.
Depuis le début de la pandémie, le FMI a fourni 7,5 milliards de dollars en aide d’urgence aux États fragiles, tandis que 16,2 milliards des droits de tirage spéciaux (DTS) récemment alloués leur ont été affectés. Ces sommes renforcent les réserves de change, réduisent la dépendance à la dette et contribuent à soutenir la stabilité et la confiance, a expliqué Mme Sayeh, en indiquant que certains de ces pays envisagent d’utiliser ces nouveaux DTS pour financer l’importation de vaccins.
Si le financement d’urgence est indispensable, ces pays ont besoin d’institutions économiques fortes pour mettre en œuvre des politiques budgétaires et monétaires efficaces et construire une économie résiliente, ce qui est au cœur d’un « système immunitaire » national, a fait remarquer Mme Sayeh. C’est la raison pour laquelle, a-t-elle expliqué, le FMI renforce son engagement auprès de ces pays et est en train d’élaborer une nouvelle stratégie en ce sens, qui passera notamment par le développement des capacités et une présence accrue sur le terrain. Le FMI consulte également d’autres organisations, la plupart dans le système des Nations Unies, et est favorable à une collaboration étroite, a-t-elle également signalé.
M. AXEL VAN TROTSENBURG, Directeur général des opérations de la Banque mondiale, a qualifié la coopération au sein de la famille des Nations Unies de « cruciale ». Pour sa part, la Banque mondiale a collaboré au fil des ans avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et forgé de nouvelles alliances pour combattre non seulement la précarité, mais aussi, depuis bientôt deux ans, la pandémie de COVID-19.
M. van Trotsenburg a illustré ses propos en évoquant le lancement du Mécanisme COVAX, fondé sur le don de vaccins, ainsi que les efforts de l’Union africaine, avec le « African Vaccine Acquisition Trust » (AVAT), un dispositif basé sur l’achat groupé de vaccins par l’Union africaine, qui complète le Mécanisme COVAX. En plus de l’« effort planétaire pour changer la donne », la Banque mondiale dispose de 20 milliards de dollars de fonds disponibles, a indiqué le Directeur général. « Les vaccins sont une chose, la préparation aux crises en est une autre », et la Banque mondiale est, là aussi, un partenaire privilégié des délégations, a ajouté l’orateur.
M. van Trotsenburg a aussi évoqué « une année difficile en Afghanistan » et l’approche de l’hiver dans le pays, où l’insécurité alimentaire touche 20 millions de personnes. À travers le Fonds d’affectation spéciale pour la reconstruction de l’Afghanistan, entre autres, la Banque mondiale a veillé à ce que plusieurs millions de dollars soient transférés « très bientôt » pour appuyer les opérations de l’UNICEF et du Programme alimentaire mondial (PAM). Ceci est essentiel pour aider des millions de personnes à traverser l’hiver, a-t-il souligné.
Mme SIREBARA FATOUMATA DIALLO, Directrice de « La Femme Rurale », au Mali, a fait observer que les femmes sont particulièrement touchées par les inégalités socioéconomiques exacerbées par la pandémie. De plus, dans les situations de conflit et de transition, l’insécurité limite les possibilités de répondre à la pandémie, a-t-elle constaté. Elle a dès lors recommandé, pour transcender les difficultés, une mobilisation de toutes les couches de la population. Au Mali, a-t-elle donné comme exemple, le Gouvernement a mis en place des mesures d’atténuation des effets de la pandémie pour les entreprises et les ménages les plus vulnérables. « Néanmoins, beaucoup reste à faire, car l’économie malienne peine à se relancer et cette situation est exacerbée par la crise sécuritaire et sociopolitique que nous vivons. » Elle a aussi plaidé pour un soutien aux femmes dans la phase de croissance.
Selon Mme Diallo, la coopération de l’ECOSOC et de la CCP doit viser à encourager les autorités nationales à introduire une politique stratégique de gestion des crises et de l’après-crise, tout en impliquant la société civile. Pour cela, une synergie d’action est nécessaire, pour restaurer et sécuriser les moyens d’existence, améliorer la protection sociale des ménages vulnérables, ainsi que renforcer durablement la productivité agricole, les revenus des plus vulnérables et la gouvernance. Le système des Nations Unies et d’autres partenaires, tels que les institutions financières internationales, les organisations régionales, la société civile et le secteur privé, doivent accompagner les pays dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques générales stratégiques, tenant compte des objectifs de développement durable, a-t-elle conclu.
M. CELESTIN MUKEBA MUNTUABU, Directeur général d’Equity BCDC et Président du Conseil d’administration du réseau local du Pacte mondial des Nations Unies en République démocratique du Congo (RDC), a expliqué les conséquences de la pandémie en RDC, sur l’emploi, la santé économique et l’accès aux biens et services. Le reste de son discours n’a pas pu bénéficier des services d’interprétation, « en raison de la mauvaise qualité du son » comme l’a expliqué l’interprète.
Selon le diaporama numérique sur lequel M. Muntuabu s’est basé pour sa présentation, l’entité qu’il préside, Equity BCDC, a créé un « plan pour le redressement et la résilience de l’Afrique après la crise ». Une stratégie en plusieurs points prévoit de développer la capacité de crédit sur une période de plusieurs années, afin d’injecter de « l’oxygène » dans l’économie; de catalyser les flux d’investissement dans la région grâce à une approche collaborative avec les partenaires mondiaux; de déployer les infrastructures et les capacités pour améliorer les chaînes de valeur.
Mme LOUISA ROMERO, cofondatrice de « Get Up and Go Colombia », a expliqué avoir fondé cette organisation locale dans sa région colombienne du Cauca, où un conflit armé de plus d’un demi-siècle a laissé des plaies ouvertes et de nombreux problèmes. L’organisation vise à transformer d’anciens territoires de guerre en destinations culturelles et touristiques, en responsabilisant les communautés les plus touchées par le conflit. Leurs capacités sont renforcées sur des questions telles que le tourisme durable, l’entrepreneuriat social et l’anglais. Ces communautés se consacrent ainsi à un tourisme qui fait entendre leur voix et contribue à la consolidation de la paix. Durant près de six ans, l’organisation a travaillé avec des communautés autochtones, des victimes, des anciens combattants, des jeunes et des volontaires internationaux, a encore expliqué Mme Romero, en se félicitant de l’ouverture récente d’un centre pour la paix et d’un café, où tout ce qui est vendu est produit par des communautés touchées par le conflit armé.
Les principaux enseignements que Mme Romero a tirés durant la pandémie sont l’importance de la flexibilité, de la compassion et de la gentillesse, ainsi que la capacité d’une opportunité à tout changer. L’organisation, qui se concentrait sur le tourisme avant la pandémie de COVID-19, a été forcée à évoluer dans sa façon de se servir du tourisme, a-t-elle reconnu, en y voyant un véritable outil de consolidation de la paix et de développement socioéconomique. Mme Romero a aussi expliqué avoir décidé d’utiliser le numérique, plus précisément la réalité virtuelle, pour proposer des visites guidées virtuelles. L’expérience a montré que donner le pouvoir à la société civile et lui permettre de participer à la création de solutions permettent d’identifier et de soutenir le développement d’initiatives qui contribuent à l’objectif 16 de développement durable (ODD) (paix, justice et institutions efficaces). Mme Romero a aussi constaté les difficultés d’accès au financement pour réaliser les ODD et a conseillé d’écouter les jeunes pour l’avenir de 2030.
Dialogue interactif
Au cours du dialogue interactif, animé par le Président de la CCP, M. Abdelkhalek, les États Membres ont partagé leurs expériences et identifié des approches et des solutions sur lesquelles ils pourraient s’appuyer pour le relèvement post-COVID-19, après avoir recensé les impacts de la pandémie sur les économies, y compris dans les pays qui se remettent de conflits.
Parmi les conséquences et les leçons de la pandémie, sur les pays en développement notamment, la Bolivie a mentionné les crises multidimensionnelles créées ou aggravées par la pandémie, particulièrement dans les pays en proie aux conflits ou qui en sortent. De même, le Maroc a relevé que la pandémie a renforcé les obstacles à la consolidation de la paix et créé de nouvelles fragilités, ce qui ne facilite pas le relèvement. Pour le Canada, la COVID-19 a jeté la lumière sur des difficultés qui existaient déjà, exacerbant l’ampleur des inégalités, notamment celles entre les sexes, qui se sont accrues chez les plus vulnérables, a remarqué la Norvège. Pourtant, lorsque les femmes sont autour de la table des négociations, la paix a plus de chance d’être garantie, a renchéri la Suède.
Pour une bonne consolidation de la paix, il faut mettre l’accent sur le volet économique, a recommandé la Thaïlande. C’est d’ailleurs ce que fait le Libéria, « petit pays meurtri par la guerre civile et ensuite affecté par Ebola », a relevé sa déléguée. Le Gouvernement libérien a en effet pris des mesures pour juguler la pandémie et relancer l’économie, en mettant l’accent sur des secteurs clefs comme l’agriculture. Il est vrai que l’insécurité alimentaire accélère l’insécurité tout court, a laissé entendre le Bangladesh en appelant à mettre d’abord l’accent sur les vaccins. Même son de cloche chez Saint-Vincent-et-les Grenadines qui a, à son tour, insisté sur le partage des vaccins avec les pays les plus vulnérables.
La Chine a déjà distribué 1,8 milliard de doses à plus de 100 pays, a retorqué son représentant, alors que les États-Unis ont dit avoir versé 4 milliards de dollars à GAVI, l’Alliance du vaccin, et promis 500 millions de doses supplémentaires pour les pays en développement en 2022 par le biais du Mécanisme COVAX. L’Inde a, quant à elle, parlé de ses structures de production de vaccins qui servent à ravitailler la communauté internationale.
Du côté du financement de la consolidation de la paix, les Pays-Bas ont plaidé pour qu’il soit puisé dans le budget ordinaire de l’ONU, comme l’a proposé le Secrétaire général. La Colombie a fait valoir que le financement du développement doit être lié à celui de la consolidation de la paix, puisque les deux vont ensemble. Il faut un meilleur financement de la consolidation de la paix, ont reconnu de nombreuses délégations dont celle de l’Allemagne qui a appelé à trouver de nouvelles pistes. De son côté, l’Éthiopie a relevé que le dispositif financier international n’a pas assez fait pour aider les pays en développement victimes de la pandémie.
Après avoir réclamé, lui aussi, des fonds pour la consolidation de la paix, le Costa Rica a appelé à décloisonner et à faire tomber les barrières intérieures qui sapent la coopération entre les organes onusiens. La Suisse a abondé en expliquant l’intérêt d’un lien fort entre les programmes de développement, de paix et ceux relatifs aux droits de l’homme. La CCP pourrait, par exemple, établir un maillon qui fasse la liaison avec l’ECOSOC, a suggéré le Japon, suivi par la République de Corée et le Portugal qui a estimé que ce rôle pourrait être dévolu à l’un des sept membres de la CCP élus par l’ECOSOC. L’Afrique du Sud est allée plus loin en proposant que ce point focal serve de liaison entre l’ECOSOC, la CCP et le Conseil de sécurité.
Quelque peu circonspect, le Pakistan a estimé que la prévention des conflits est une « nouvelle donne peu claire du mandat de la CCP », puisque le but originel de la Commission était de renforcer la paix après les conflits. La délégation a ainsi jugé peu opportune cette nouvelle fonction de prévention qu’on voudrait lui faire jouer, arguant que cela ne saurait se faire sans l’aval du pays concerné. La Fédération de Russie a aussi attiré l’attention sur le risque d’ingérence dans les affaires d’un pays tiers. Le Pérou a quand même rappelé le besoin de voir une meilleure coordination entre l’ECOSOC et la CCP, ce qui est d’ailleurs la raison d’être de la réunion de ce jour, a rappelé le Mexique.
Déclarations finales
M. ABDELKHALEK, Président de la Commission de consolidation de la paix, a espéré que la réunion d’aujourd’hui avait permis de faire la lumière sur la nécessité de collaborer entre le Conseil et la Commission sur le rôle crucial tenu par les femmes et les jeunes, ainsi que sur l’approche à suivre dans la récolte des données scientifiques. Il a dit espérer également que l’on sorte de cette réunion en comprenant mieux ce qu’il faut faire, à l’échelle du système, face à la pandémie de COVID-19. M. Abdelkhalek a, enfin, rappelé que l’Afrique accuse toujours un retard et qu’il reste encore beaucoup à faire pour gérer la pandémie.
Dans ses remarques de conclusion, M. KELAPILE, Président de l’ECOSOC, a constaté qu’une approche à l’échelle de l’ensemble de la société -avec la pleine participation des femmes, des jeunes, des organisations de la société civile et du secteur privé- est nécessaire pour reconstruire en mieux, d’une manière qui s’attaque aux causes, aux facteurs et aux éléments déclencheurs de conflit et qui crée les conditions d’une paix et d’un développement à long terme. Selon lui, le Programme 2030 et ses objectifs de développement durable donnent l’occasion de faire exactement cela. Chaque objectif est nécessaire à la réalisation des autres, en vue de parvenir à un monde juste, équitable, inclusif et paisible, a-t-il affirmé.
M. Kelapile a assuré que l’ECOSOC continuera à travailler avec la CCP pour attirer l’attention sur les besoins en matière de développement et de consolidation de la paix des populations et des pays touchés par un conflit. Afin de renforcer cette collaboration, il a dit que les deux présidents avaient évoqué la mise en place d’un coordonnateur informel pour les deux organes. M. Kelapile a espéré que cela serait fait en début d’année prochaine.