8925e séance – matin
CS/14730

Conseil de sécurité: le Représentant spécial mise sur les dirigeants militaires et civils du Soudan pour rétablir la confiance entre les parties

Alors que la transition politique du Soudan traverse sa « plus grande crise à ce jour » et que les discussions pour en sortir ont commencé, les décisions à venir mettront à l’épreuve la volonté et la capacité des parties à rechercher une sortie commune à la crise, a affirmé ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan et Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), M. Volker Perthes. 

Ces décisions -sur la formation d’un gouvernement, les nominations de haut niveau et la mise en place d’institutions de transition- devront être prises dans un contexte de manifestations publiques, marquées pour certaines d’actes de violences, et dans un climat de confiance perdue entre les parties, a expliqué M. Perthes en présentant le rapport du Secrétaire général.  Il a constaté que beaucoup de Soudanais se sentent trahis par le coup d’état du 25 octobre, rejetant désormais toute négociation ou partenariat avec l’armée.   Or, a-t-il craint, un manque d’inclusivité  et de consensus risque d’entraîner une fragmentation supplémentaire. 

En effet, a-t-il expliqué, l’accord politique  du 21 novembre signé entre le Premier Ministre, Abdalla  Hamdok, et le Président du Conseil souverain et commandant des Forces armées soudanaises, le général de corps d’armée Abdel  Fattah  Al-Burhan, que M. Perthes lui-même a salué « avec prudence », est rejeté par un segment important des parties prenantes soudanaises.  

Mais bien qu’imparfait, car n’ayant pas permis le retour de la confiance, cet accord peut contribuer à éviter de nouvelles effusions de sang et constituer une étape vers un dialogue global et un retour à l’ordre constitutionnel, a-t-il dit.  Dans cet élan, M. Perthes a appelé les dirigeants militaires et civils à, principalement, rétablir la confiance entre les parties nationales et prendre des mesures pour regagner le soutien financier, économique et politique de la communauté internationale.  

En réponse, le représentant du Soudan a expliqué que l’accord du 21 novembre, dans lequel les parties prennent en compte l’intérêt supérieur  du pays, est le fruit des efforts  conjugués  de plusieurs composantes de la société pour réussir la transition démocratique.  Le Soudan a besoin de « l’aide constructive » de ses ‘amis’ en cette étape délicate qu’il traverse, a-t-il fait observer.   « La région n’a pas besoin d’un autre conflit. »

Entendant son appel, quelques délégations, notamment les États-Unis, l’Inde, le Royaume-Uni et les A3+1, c’est à dire le Kenya, le Niger, la Tunisie et Saint-Vincent-et-les Grenadines, mais aussi de la Fédération de Russie et la Chine se sont voulues constructives. 

Cet accord « rassurant » du 21 novembre, qui a permis le rétablissement du Premier Ministre civil, remis le processus politique « sur les rails  » et placé les intérêts du pays au premier plan constitue « un jalon important », une « première étape » vers la résolution de la crise et le retour à l’ordre constitutionnel, ont-elles commenté.  Il permet d’avancer vers une transition inclusive et démocratique, tel qu’énoncé dans l’Accord de paix de Djouba de 2020, ont aussi souligné ces membres du Conseil, appelant toutes les parties soudanaises à le respecter. 

Sans se prononcer formellement sur ledit accord, d’autres ont, en revanche, estimé que la priorité devait être donnée à l’adoption de mesures de rétablissement de la confiance, vu les enjeux pour la transition et la stabilité du Soudan.  Ainsi, la France, le Royaume-Uni ou encore l’Estonie, la Norvège et l’Irlande ont demandé la levée de l’état d’urgence, la libération des détenus politiques ou encore l’élargissement de la consultation politique.  La voix du peuple devrait être pleinement entendue dans les négociations futures , a recommandé l’Irlande. 

Convaincue aussi que ledit accord permettra de régler la crise interne, la Fédération de Russie a invité les partenaires du Soudan à éviter toute politisation des relations avec les différents groupes.  Il leur a aussi demandé de s’abstenir de toutes formes d’ingérence, d’imposition de solutions étrangères « toutes faites », de pression politique et de chantage économique contre le Soudan, au risque de saper la confiance entre les autorités soudanaises et les institutions onusiennes, et de davantage déstabiliser le pays. 

Partageant le même avis, son homologue chinois s’est voulu plus explicite  en demandant la neutralité de la communauté internationale et le respect des choix du Soudan: la trajectoire  démocratique  que choisit chaque pays doit être conforme à sa réalité économique et sociale et c’est au pays de la choisir.  L’Histoire a montré qu’imposer une plateforme démocratique de l’extérieur ne fonctionne pas, a-t-il résumé. 

Des membres du Conseil ont également évoqué la situation économique du pays en lien avec la suspension de l’aide économique de la communauté internationale. Pour les A3+1 et l’Inde ou encore le Viet Nam, puisque le processus de transition a repris, la communauté internationale et les partenaires du Soudan doivent maintenant reconsidérer  leur  décision  de suspendre  leur  appui financier. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2021/1008)

Déclarations

M. VOLKER PERTHES, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan et Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour lassistance à la transition au Soudan (MINUATS), a déclaré qu’au cours des six dernières semaines, la transition politique du Soudan a traversé sa plus grande crise à ce jour.  Cette crise n’est pas encore terminée, a-t-il dit, mais les discussions sur la voie à suivre ont commencé.  Relatant les faits, il a indiqué que la prise de pouvoir militaire du 25 octobre et l’arrestation du Premier Ministre M. Abdalla Hamdok, de hauts fonctionnaires et de militants politiques, ont déclenché de nombreuses protestations et condamnations.  Au moins 44 personnes ont été tuées et des centaines ont été blessées à la suite d’un usage excessif de la force par les forces de sécurité, a-t-il déploré.  Cela a aggravé la crise et « mobilisé la rue », qui continue d’organiser régulièrement des manifestations de masse.  Des « comités de résistance » sont déterminés à poursuivre leurs protestations pour réclamer la révolution et faire pression pour un régime civil, a-t-il ajouté.  Même si l’écrasante majorité des manifestants restent pacifiques, de petits groupes qui recourent à la violence sont récemment apparus, a-t-il prévenu. 

M. Perthes a également indiqué avoir, dans ce contexte, « salué  avec  prudence », l’accord politique signé le 21 novembre entre M. Hamdok et le Président du Conseil souverain et commandant des Forces armées soudanaises, le lieutenant-général Abdel Fattah Al-Burhan, conclu après des semaines d’efforts nationaux et internationaux pour trouver une issue à la crise.  « L’accord est loin d’être parfait, mais il peut contribuer à éviter de nouvelles effusions de sang et constituer une étape vers un dialogue global et un retour à l’ordre constitutionnel. »  Par ailleurs, l’Accord fait face à une opposition importante de la part d’un large segment des parties prenantes soudanaises, notamment des partis et des associations au sein des Forces pour la liberté et le changement, des comités de résistance, des organisations de la société civile et des groupes de femmes.  Beaucoup se sentent trahis par le coup d’État et rejettent désormais toute négociation ou partenariat avec l’armée. 

Selon le représentant spécial, la prise de contrôle militaire a révélé et approfondi la méfiance entre les composantes militaire et civile et au sein des composantes civiles elles-mêmes.  Et l’Accord du 21 novembre n’a pas permis de rétablir la confiance perdue.  Les décisions à venir, notamment sur la formation du gouvernement, les nominations de haut niveau et la mise en place d’institutions de transition mettront à l’épreuve la volonté et la capacité des parties à rechercher une sortie commune à la crise. 

Des tentatives sont en cours au sein de certains partis et mouvements politiques pour parvenir à un accord inclusif, a signalé M. Perthes en notant que d’autres sont ouverts au dialogue mais pas sur la base de l’accord du 21 novembre.  Un manque d’inclusivité et de consensus pourrait entraîner une fragmentation supplémentaire, de même que la formation d’un cabinet technocratique pourrait créer un défi constitutionnel si elle n’est pas basée sur des consultations avec les Forces pour la liberté et le changement, a-t-il mis en garde.  Il a aussi prévenu qu’aborder ces questions nécessitera un dialogue et éventuellement un consensus, ajoutant que les dirigeants militaires et politiques devront principalement rétablir la confiance avec leur propre public national et prendre des mesures concrètes pour regagner le soutien financier, économique et politique de la communauté internationale.  La MINUATS est prête à faciliter un dialogue inclusif, a indiqué le représentant spécial. 

S’exprimant sur la situation sécuritaire, M. Perthes l’a qualifiée de « fragile » en dehors de Khartoum.  Il s’est dit « profondément préoccupé » par la résurgence des conflits intercommunautaires et du banditisme au Darfour, au Nil Bleu et au Kordofan.  La Mission a reçu des informations faisant état d’une augmentation « significative » des meurtres de civils, de la destruction de biens et des déplacements, ainsi que des violences sexuelles contre les femmes et les filles.  Au Darfour, environ huit fois plus de personnes ont été déplacées cette année par rapport à l’année dernière.  L’insécurité persistante qui y règne souligne la nécessité de donner la priorité à la protection des civils et de mettre rapidement en œuvre les dispositions de l’Accord de paix de Djouba, a-t-il alerté.  M. Perthes a aussi appelé au déploiement des forces conjointes de maintien de la sécurité et à l’opérationnalisation du plan national de protection des civils, et ce sans délai.  « La situation dans l’Est restera également instable si une solution politique n’est pas trouvée rapidement. » 

Par ailleurs, a relevé M. Perthes, au lendemain du coup d’État, la décision des donateurs de suspendre l’aide internationale au développement a un impact significatif sur les moyens de subsistance du peuple soudanais et risque de faire reculer les réalisations durement acquises au cours des deux dernières années.  Les activités humanitaires se poursuivent, bien que certains services humanitaires fournis par le biais de mécanismes gouvernementaux, tels que les services liés à la santé, soient interrompus.  Les activités de développement menées par les Nations Unies restent fortement affectées, aggravant ainsi la vulnérabilité et les besoins humanitaires, a-t-il aussi signalé, déplorant notamment que l’un des principaux programmes touchés soit le programme de soutien aux familles, qui devait fournir des transferts en espèces à plus de 11 millions de Soudanais vulnérables.  Dans ce contexte, il a exhorté la communauté internationale et le Conseil de sécurité à adopter une approche « équilibrée », à ne pas suspendre « trop longtemps » l’aide et à envisager la reprise rapide du financement dans certains domaines, en particulier le soutien aux services de santé et aux moyens de subsistance, afin de garantir que le peuple soudanais ne continue pas à supporter le poids de la crise politique. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a reconnu que le Représentant spécial et son équipe travaillent dans des conditions difficiles.  Il a condamné, dans les termes les plus forts, le coup d’état du 25 octobre, qui menace les acquis de la révolution civile.  Le représentant a ensuite reconnu que l’accord politique du 21 novembre constitue un jalon important dans la voie de la transition démocratique.  Il a encouragé une formation rapide du gouvernement et la mise en place de la commission constitutionnelle, avant de demander la libération de tous les personnes arrêtées depuis le 25 octobre.  La détérioration des droits de l’homme a également été déplorée par le représentant, en particulier le décès de 44 manifestants pacifiques.  Il a salué la nomination par le Conseil des droits de l’homme de M. Adama Dieng en sa qualité d’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan, exhortant le pays à coopérer avec lui et avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  Le représentant a ensuite enjoint le Soudan de créer une commission nationale des droits de l’homme indépendante pour accompagner le pays dans cette étape.  M. Kariuki a par ailleurs regretté que le coup d’état ait freiné les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix de Djouba, et des activités de la haute commission militaire conjointe, de même que les pertes en vies humaines en appelant à la cessation de la violence.  Les Soudanais peuvent compter sur notre soutien dans leur soif de liberté, de paix et de justice, a-t-il assuré en conclusion. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) s’est rappelé que quand l’Estonie avait rejoint le Conseil de sécurité, il y a 2 ans, la situation au Soudan était bien différente et porteuse d’espoir.    Hélas, a déploré le représentant, « tous les progrès perceptibles à l’époque ont été compromis quand l’armée a pris le pouvoir ».    Il a condamné dans les termes les plus forts le coup d’État du 25 octobre  et a appelé à la restauration de la transition démocratique.   La signature de l’accord politique du 21 novembre est une étape dans la bonne direction, a reconnu M. Jürgenson, qui a appelé à la mise en œuvre de l’accord.  Il a, de plus, regretté le recours à la force excessive contre les manifestants et a appelé à l’ouverture d’enquêtes sur la question.    Demandant la libération des personnes arrêtées de manière arbitraire depuis le 25 octobre, le représentant a également appelé à la formation d’un gouvernement civil et à la publication d’échéanciers crédibles pour les élections.  Enfin, il a noté et s’est dit préoccupé par le nombre croissant d’attaques contre les civils.   M. Jürgenson a enjoint toutes les parties à l’Accord de Djouba pour la paix au Soudan à mettre en œuvre l’Accord et a espéré que le Soudan et la MINUATS allaient renforcer leur collaboration en vue de progrès concrets.  

Au nom des A3+1 (Kenya, Niger, Tunisie et Saint-Vincent-et-les Grenadines), M. TAREK LADEB (Tunisie) a noté que ce débat intervient quelques jours avant le troisième anniversaire de la révolution de décembre 2019 qui a mis fin à des décennies de dictature au Soudan et amorcé une transition démocratique devant conduire à la tenue d’élections libres en 2023.  Le représentant des A3+1 s’est ensuite félicité de l’Accord politique conclu entre le général Abdelfattah al Burhan et le Premier Ministre Abdallah Hamdok, qui représente une étape importante vers la résolution de la crise constitutionnelle et politique au Soudan et le retour à l’ordre constitutionnel tel qu’énoncé dans l’Accord de paix de Djouba. Il s’est félicité de la remise en liberté des détenus politiques et de l’engagement d’enquêter sur les morts et les blessés parmi les manifestants lors des incidents survenus depuis le 25 octobre. 

Tout en saluant les avancées, M. Ladeb a reconnu la persistance de nombreux défis politiques, sécuritaires, économiques et humanitaires.  Face à cette réalité, il a exhorté toutes les parties prenantes soudanaises à faire preuve de sagesse et à privilégier l’intérêt national afin de consolider les acquis réalisés depuis 2018.  « Les A3+1 encouragent toutes les parties à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix de Djouba pour consolider la confiance entre les groupes armés non-signataires et éviter le risque de remettre le pays sur la voie de la violence », a insisté le représentant, avant d’encourager la reprise de pourparlers avec la faction du SPLM-Nord Abdelaziz al-Hilu.  Les A3+1 ont salué les efforts du Gouvernement soudanais pour assurer la protection des civils, au travers de la mise en œuvre du Plan national de protection des civils ainsi que de la promotion du dialogue et de la réconciliation entre les différentes communautés ethniques. 

Après avoir noté que la reprise économique reste un élément clef du processus de transition, M. Ladeb a estimé que des élections régulières et libres sont la seule voie pour mettre fin à la « tourmente institutionnelle » et assurer un développement durable.  Il s’est inquiété d’une situation humanitaire désastreuse aggravée par la crise économique, l’insécurité alimentaire, la multiplication des cas de COVID-19, les effets des changements climatiques, les violences intercommunautaires, et les déplacements de populations, ainsi que la récente crise des réfugiés dans les régions orientales et les fortes précipitations.  Il a salué les diverses activités de la MINUATS pour faciliter la transition politique et soutenir les efforts de consolidation de la paix, de protection des civils et d’état de droit menés par les Soudanais.  En conclusion, les A3+1 ont rejeté tout acte susceptible de mettre en péril la stabilité et l’unité du Soudan et réaffirmé leur solidarité avec le peuple soudanais et leur plein soutien à une transition pacifique vers la démocratie. 

Mme MONA JUUL (Norvège) est revenue sur la réunion de haut niveau à l’Assemblée générale coorganisée par la Norvège il y a moins de 3 mois pour soutenir la transition démocratique du Soudan.  À ce moment-là, son pays était convaincu qu’il ne pouvait y avoir de retour en arrière.  C’est donc avec une profonde inquiétude qu’elle a constaté exactement le contraire aujourd’hui, en évoquant la dissolution de la composante civile du gouvernement de transition, les arrestations et détentions arbitraires de dirigeants politiques de l’opposition, de la société civile, d’avocats, de journalistes et de manifestants pacifiques.  Elle a déploré que plus de 40 personnes aient été tuées, rappelant que les forces de sécurité sont responsables de la protection des civils et du respect des droits humains, y compris la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique.  Dans la foulée, la Norvège a exigé la libération des détenus politiques et des enquêtes indépendantes et transparentes sur les cas de décès. 

Alors que le Soudan traverse une période difficile, la Norvège reste fermement convaincue qu’il n’est pas trop tard pour remettre la transition sur la bonne voie.  « Cela devrait être notre objectif commun », a estimé Mme Juul en appelant à tirer les leçons du passé récent: les processus politiques ont plus de chances de réussir lorsque les décideurs présentent des points de vue différents.  Pour la prochaine phase, la Norvège a souhaité voir une participation plus directe des femmes et des jeunes Soudanais aux pourparlers politiques et, à cet égard, a estimé que la MINUATS peut faciliter un dialogue inclusif.  Encouragée par l’arrangement politique conclu entre le Premier Ministre Hamdok et le Président Burhan, la Norvège a appelé à rapidement nommer un nouveau gouvernement pour passer à la phase suivante.  C’est aussi une condition du réengagement avec la communauté internationale, a-t-elle souligné, ajoutant que l’accès humanitaire sans entrave est également nécessaire. 

La crise politique actuelle au Soudan s’ajoute à une situation déjà dangereusement instable dans la Corne de l’Afrique, a mis en garde la délégation, en encourageant le Soudan et l’Éthiopie à observer la plus grande retenue.  La prévention de nouveaux conflits armés et de la prolifération d’acteurs armés non étatiques doit être la priorité absolue pour tous, selon elle.  À cet égard, la Norvège a salué le travail de l’ONU pour faciliter le dialogue, encourageant l’Union africaine et l’IGAD à intensifier leurs efforts, notamment pour soutenir un processus visant à remettre la transition du Soudan sur les rails. 

M. T. S. TIRUMURTI  (Inde) a estimé que l’accord du 21 novembre entre le Président du Conseil souverain reconstitué et le Premier ministre a « redonné espoir ».  Il est « rassurant », a-t-il dit, que le Document constitutionnel de 2019 continue d’être la base de la période de transition.  Il est à espérer que les dirigeants soudanais consolideront les acquis positifs et progresseront davantage vers la tenue d’élections d’ici à juillet 2023 et qu’ils s’engageront dans un dialogue plus inclusif entre toutes les parties prenantes pour faire avancer la transition.  Tout effort pour saper ce dialogue mettra en péril les progrès réalisés sur les fronts politique et socioéconomique, a prévenu le représentant en appelant, une fois de plus, les dirigeants soudanais à résoudre rapidement les problèmes identifiés. 

S’agissant de la situation économique, le représentant a estimé que puisque le processus de transition est « de nouveau sur les rails », la communauté internationale et les partenaires du Soudan doivent reconsidérer leur décision de suspendre leur appui financier.  Sur le plan sécuritaire, les autorités soudanaises ont également continué de faire des efforts pour garantir une protection des civils au Darfour.  Il s’agit là d’évolutions positives que l’Inde, qui continuera à soutenir le Soudan et son peuple en ces temps critiques, a salué le représentant.  Sa délégation a dit attendre que la MINUATS se concentre sur la mise en œuvre de ses mandats fondamentaux en partenariat étroit avec l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), a conclu le représentant. 

M.  JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a déclaré que les événements ayant marqué le dernier trimestre au Soudan mettaient à nu la fragilité de l’équilibre politique et la nécessité que toutes les parties respectent l’engagement pris et redoublent d’effort en faveur du dialogue.  Il a relevé que la réponse de la population soudanaise au coup d’état d’octobre est sans équivoque : elle appuie massivement un gouvernement de transition dirigé par des civils, qui garantirait la promotion et la protection des droits de l’homme de tous les Soudanais et maintiendrait le pays sur la voie démocratique.  Le Mexique a reconnu l’Accord politique du 21  novembre, d’abord parce qu’il condamne toute décision unilatérale imposée par la force, puis parce que l’Accord rétablit l’ordre constitutionnel et le gouvernement de transition, a expliqué le représentant.  Il a également estimé indispensable que la transition soit guidée par le document constitutionnel et l’Accord de Djouba pour la paix au Soudan. 

Le représentant a d’autre part plaidé pour une mise en œuvre inclusive de l’Accord du 21  novembre, de manière concrète et orientée vers l’instauration d’un climat paisible et d’une réconciliation nationale.  D’un autre côté, les discussions de la Conférence constitutionnelle relatives à la modification du document constitutionnel devraient être transparentes, pacifiques et démocratiques, et avec la pleine participation des femmes, a-t-il ajouté.  Il a également recommandé que le gouvernement civil soit composé d’experts nationaux indépendants aux fins de mieux refléter les voix de toutes les forces vives au Soudan, et d’inclure également des femmes.  « L’association entre le bras civil et militaire doit être vue uniquement comme une source temporaire de stabilité jusqu’au transfert pacifique du pouvoir à un gouvernement dirigé par des civils démocratiquement élus.  À cet égard, M. Gomez Robledo a insisté sur l’organisation des élections. 

Il a souligné, par ailleurs, que l’engagement tendant à la libération des prisonniers politiques devrait inclure toutes les personnes arrêtées au lendemain du coup d’état du 25  octobre, notamment les journalistes, les militants et défenseurs des droits de l’homme.  Le représentant a également encouragé à mener des enquêtes au sujet de l’usage excessif de la force, des allégations de violations des droits de l’homme et sur les morts et autres incidents durant les manifestions.  S’agissant de la Cour pénale internationale (CPI), il a tenu à rappeler que quatre accusés n’ont toujours pas été remis à la Cour, insistant en particulier sur MM. Al Bashir, Hussein et Haroun, tous les trois arrêtés mais que le Soudan n’a pas livrés à la Haye. 

Mme  GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déclaré que l’avenir de la transition et de la stabilité au Soudan est toujours en jeu et, qu’à cet égard, les prochaines étapes seront cruciales.  Elle a estimé qu’un retour à l’ordre constitutionnel dans les plus brefs délais nécessite de rétablir la confiance et de créer un environnement propice à un véritable règlement politique.  Pour y parvenir, elle a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur les points suivants: l’état d’urgence doit être levé, le Premier Ministre Hamdok devrait être autorisé à exercer librement ses pouvoirs, les détenus politiques doivent être libérés, la liberté de réunion et de manifestation pacifique doit être restaurée et les violences contre les civils doivent cesser, des violences « qui se sont intensifiées dans tout le Soudan depuis le coup d’état », a-t-elle déploré. 

Pour assurer un retour pérenne à l’ordre constitutionnel, la représentante a également préconisé l’élargissement de la consultation politique sur l’avenir de la transition et un règlement politique véritablement inclusif.  « La voix du peuple est au cœur de la transition, il devrait par conséquent être pleinement entendus dans les négociations futures », a-t-elle souligné.  Elle a aussi considéré fondamental que les femmes soient impliquées à tous les niveaux du processus de transition démocratique.  L’Irlande soutient pleinement la MINUATS, et surtout le peuple soudanais, dans la tâche de restaurer la transition démocratique au Soudan, a conclu Mme Byrne Nason. 

M.  HAI ANH PHAM (Viet Nam) a déclaré suivre de près l’évolution de la situation au Soudan.  Notant l’Accord du 21 novembre 2021, qui a rétabli le Premier ministre, le représentant a déploré que la situation dans ce pays continue de se heurter à des défis.  Il est impératif, a-t-il continué, que les parties soudanaises s’abstiennent de commettre des actes violents susceptibles de mettre en péril la population soudanaise.  M.  Pham a en outre réitéré son ferme appui à la participation des femmes au processus de paix et à toute autre forme de participation politique.  Il est essentiel, a encore poursuivi le représentant, de préserver la stabilité du Darfour et d’appliquer le plan national de protection des civils.  Revenant sur les pluies diluviennes qui se sont abattues sur 14 des 18 États du pays, la délégation a dit compter sur le soutien de la communauté internationale pour apporter une aide humanitaire.  Le Viet Nam a réitéré son soutien à la MINUATS, appelant les autorités soudanaises à coopérer avec elle, de même qu’avec les pays voisins.  Enfin, il a réaffirmé sa position selon laquelle les sanctions constituent un moyen provisoire de faciliter la paix et la sécurité et qu’elles ne devraient pas avoir d’impact sur la population civile. 

Mme  ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) s’est dite convaincue que les dissensions actuelles ne peuvent être réglées que par un dialogue inclusif avec la participation de toutes les parties influentes.  La représentante a salué les évolutions positives depuis l’Accord politique intervenu le 21 novembre 2021 suite à des négociations intenses entre les différentes forces militaires et les représentants des communautés civiles et sous la médiation de plusieurs pays arabes.  Elle s’est dite persuadée que les accords trouvés permettront de régler la crise interne dans le pays et de créer les conditions propices à de nouvelles avancées.  Elle a salué la déclaration du Président du conseil souverain confirmant sa volonté d’organiser des élections générales en juillet  2023.  La représentante russe a dit attendre avec impatience les résultats des consultations en cours pour la constitution d’un gouvernement.  Elle a invité la MINUATS à poursuivre son appui au Soudan notamment pour le règlement de la question du Darfour, la mise en œuvre des réformes économiques, le maintien de la paix et la recherche de bailleurs de fonds pour que le pays obtienne de manière durable les fonds dont il aura besoin. 

Par ailleurs, la représentante a appelé les partenaires du Soudan à éviter de politiser leurs relations avec les différents groupes de la population et à s’abstenir de toutes formes d’ingérence qui pourraient saper la confiance entre les autorités soudanaises et les institutions onusiennes.  Dans la même veine, elle a appelé à s’abstenir de toute forme de pression politique et de chantage économique contre le Soudan, estimant que les tentatives d’encourager les Soudanais d’aller dans la rue risquent de déstabiliser encore plus le pays.  La représentante a appelé à éviter d’imposer des solutions toutes faites depuis l’étranger.  À cet égard, elle s’est opposée à la nomination, le 5  novembre dernier, d’un rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme pour le Soudan.  Enfin, elle a dit attendre la définition de paramètres clairs qui permettront de se prononcer sur la levée des sanctions contre le Soudan, avant de rappeler qu’il appartient aux Soudanais de décider de leur modèle de développement dans le respect de leur intégrité territoriale. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé que le récent coup de force militaire avait mis à mal les acquis de la transition, une nouvelle étape devant désormais s’ouvrir avec la formation rapide d’un gouvernement civil.  Les efforts doivent reprendre pour la mise en œuvre des dispositions du Document constitutionnel d’août 2019 et la préparation d’élections libres et transparentes, a-t-elle ajouté.  La France réitère son appel à la libération immédiate de l’ensemble des détenus politiques arrêtés depuis le 25 octobre 2021, a poursuivi la représentante, pour qui le respect du droit des Soudanais à exprimer pacifiquement leurs opinions et de la liberté de la presse sont primordiaux.  Pour faire la lumière sur les incidents survenus lors des manifestations récentes, elle a encouragé une enquête rigoureuse, transparente et indépendante, comme prévu dans l’Accord politique du 21 novembre 2021. 

Après avoir appelé à la participation active des femmes dans la pleine mise en œuvre des Accords de Djouba, la représentante s’est dite préoccupée par la situation au Darfour, « où les conflits intercommunautaires ont repris ces dernières semaines ».  La protection des civils doit être la priorité avec la mise en œuvre rapide du plan national dédié et l’accélération du déploiement de la force conjointe, a-t-elle insisté, notant que pour répondre aux besoins des populations, l’accès humanitaire complet, sûr et sans entrave doit être garanti.  « La France réitère son appel à l’aboutissement des négociations de paix entre les autorités soudanaises et les mouvements d’Abdelaziz al-Hilu et Abdelwahid Nour. »  Mme Broadhurst a également souligné que le déploiement de la MINUATS au Darfour doit s’accélérer. 

M.  BING DAI (Chine) a souligné l’importance de la stabilité du Soudan pour toute la région.  Notant que la transition politique a continué d’avancer, il s’est félicité de l’accord politique signé entre le Premier Ministre, Abdalla Hamdok, et le Président du Conseil souverain, Abdel Fattah Al-Burhan.  Pour la Chine, c’est la preuve que si les parties concernées placent les intérêts du pays au premier plan, une solution peut être trouvée.  Le représentant a appelé toutes les parties à éviter la violence et a demandé à la communauté internationale d’adopter une position neutre en respectant les choix du Soudan.  La trajectoire démocratique que choisit chaque pays doit être conforme à sa réalité de développement économique et social et c’est au pays de la choisir, a souligné le représentant selon lequel l’histoire a montré qu’imposer une plateforme démocratique de l’extérieur ne fonctionne pas. 

Constatant que la situation économique au Soudan reste difficile, et notamment le taux d’inflation élevé, le représentant a fait valoir que cela alimente le mécontentement populaire.  Dans ce contexte, il a regretté que la suspension de l’aide financière et des mesures d’allégement de la dette par certains pays n’aient fait qu’exacerber les difficultés du peuple soudanais.  Pour sa part, la Chine s’est engagée à fournir 1 milliard de doses de vaccins à l’Afrique sur trois ans et à investir dans le développement du continent.  Estimant que les forces de sécurité soudanaises doivent être renforcées pour pouvoir notamment assurer une meilleure protection des civils, la délégation a demandé au Conseil de sécurité de se pencher sur les répercussions des sanctions et de débattre de paramètres ciblés pour lesdites sanctions. 

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a appuyé le mandat de la MINUATS, avant de se dire encouragé par l’accord du 21 novembre dernier rétablissant le Premier Ministre Abdallah Hamdok dans ses fonctions.  « Cet accord n’est qu’une première étape », a dit le délégué, en appelant toutes les parties prenantes à le respecter.  Les militaires doivent lever l’état d’urgence et respecter le droit de manifester pacifiquement, a-t-il poursuivi.  Le représentant des États-Unis a souhaité un processus de transition inclusif et démocratique, avant de plaider pour un accès humanitaire sans entraves pour les populations ayant besoin d’une assistance.  Il a déploré la violence communautaire persistante au Darfour et souligné l’importance de consolider la paix.  Enfin, rappelant qu’il n’a pas été possible de débattre des critères des sanctions frappant le Soudan, le délégué des États-Unis a fait part de son intention « de se pencher sur cette question ». 

M. MOHAMED IBRAHIM MOHAMED ELBAHI (Soudan) a déclaré que cette séance du Conseil coïncide avec une étape délicate pour le devenir de son pays, tentant de justifier la prise du pouvoir par les militaires.  Nous devons garantir la stabilité de l’État tout en préservant notre souveraineté nationale, a-t-il déclaré.  Une décision qui a été prise en tenant compte de défis internes hérités de longue date qui menacent le processus de transition politique et les acquis de la révolution, et dans le contexte des événements préoccupants survenus dans certains pays de la région et leurs répercussions potentielles sur le nôtre, a poursuivi le représentant.  Il a souligné que l’Accord du 21 novembre est le fruit des efforts conjugués de plusieurs responsables et composantes civiles et militaires soucieux afin de remettre le pays sur le chemin de la stabilité, de la transition politique et du processus électoral.  Il a fait référence, à cet égard, à la lettre adressée au Président du conseil (S/2021/832), qui transmet les raisons ayant dicté la déclaration politique en 14 points, signée par le président du Conseil souverain et le Premier Ministre. 

Le préambule de l’Accord politique du 21 novembre présentait certaines difficultés et soulignait que la crise était essentiellement politique et que les parties prenaient en compte l’intérêt supérieur du pays.  La délégation soudanaise a mis l’accent sur la représentativité de toutes les composantes de la société pour réussir la transition démocratique.  Le représentant a assuré que les accords sécuritaires seront dûment mis en œuvre, surtout pour renforcer la stabilité au Darfour, où des difficultés persistent.  Il a demandé l’aide constructive des amis du Soudan et des institutions financières internationales pour améliorer la situation sociale et humanitaire, notamment des centaines de milliers de réfugiés provenant de pays voisins et accueillis par le Soudan.  M. Elbahi a enfin sollicité le soutien du Conseil en cette étape délicate que traverse le Soudan pour qu’il puisse organiser le processus électoral.  La région n’a pas besoin d’un autre conflit, a-t-il commenté en conclusion.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.