Soixante-quinze ans après sa création, l’ONU doit être renforcée pour être à la hauteur des attentes placées en elle, en particulier à l’ère de la COVID-19
Il y a 75 ans, le 24 octobre 1945, « au milieu des décombres et des ruines de la Deuxième Guerre mondiale », les dirigeants ont fait montre d’« audace » en créant l’ONU, a déclaré, aujourd’hui, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion de la cérémonie marquant la Journée des Nations Unies qui a été suivie par la reprise de la réunion de haut niveau sur le soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation.
Après l’appel du Secrétaire général à l’audace, le Président de l’Assemblée générale a rendu hommage au personnel de l’ONU, ces « héros méconnus du système onusien » qui « mettent, littéralement, de la nourriture entre les mains des gens; forment des agents de santé à la lutte contre la COVID-19; fournissent du matériel scolaire aux enfants dans le besoin; mesurent l’élévation du niveau de la mer; contribuent au maintien de la paix dans les zones de conflit. Derrière chaque personne en première ligne, se tient une équipe qui l'habilite et s’assure qu’elle peut s’acquitter de ses tâches », a déclaré M. Volkan Bozkir.
L’ONU a été le « symbole » de l’unité mondiale, elle en est aujourd’hui l’« épicentre », a souligné le Secrétaire général. La coopération internationale, a-t-il argué, reste l’unique moyen de vaincre la pandémie de COVID-19, la crise climatique, l’aggravation des inégalités et la propagation de la haine. Le Chef de l’Organisation a assuré avoir amorcé un « important processus de réflexion », à la demande même de cette assemblée qui l’avait invité à évaluer la manière de mieux promouvoir cet agenda commun.
Il reste encore un long chemin à faire pour que la Charte devienne réalité, a reconnu le Président du Conseil de sécurité pour le mois d’octobre, M. Vassily Nebenzia. Si les principes et valeurs fondamentaux de ce texte fondateur ont permis d’éviter un autre conflit mondial, « jamais nous n’aurions pu imaginer » que 75 ans plus tard, la communauté internationale ferait face à un adversaire invisible qui se jouerait des frontières, a souligné le Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. Collen Vixen Kelapile.
Par conséquent, des appels ont été lancés pour le « décloisonnement » des trois piliers de l’ONU –paix et sécurité, développement et droits de l’homme– du travail de l’ONU pour parvenir à une approche plus cohérente. Ce qu’il faut, c’est « un dialogue inclusif, constructif et égalitaire » visant à une « remise en cause constructive » des institutions communes pour rendre l’ONU « plus proche des peuples » et plus ouverte à l’Afrique, ont plaidé les défenseurs du multilatéralisme. Dans ce cadre, beaucoup ont réclamé la réforme du Conseil de sécurité, chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales. « Un Conseil plus équitable, c’est un Conseil plus efficace. »
CÉRÉMONIE DE COMMÉMORATION DE LA JOURNÉE DES NATIONS UNIES
Déclarations liminaires
M. VOLKAN BOZKIR, Président de l’Assemblée générale, a déclaré qu’aujourd’hui est une journée spéciale, une journée pour reconnaître la valeur « incroyable » de l’ONU et, surtout, de ses membres. Partout dans le monde, à tout moment, des dizaines de milliers de membres du personnel de l’Organisation œuvrent à l’amélioration de l’humanité. Que ce soit dans les camps de réfugiés ou dans les opérations de maintien de la paix, j’ai personnellement été témoin de leur enthousiasme et de leur travail dans des conditions très difficiles, a déclaré le Président. Ils mettent, littéralement, de la nourriture entre les mains des gens; forment des agents de santé à la lutte contre la COVID-19; fournissent du matériel scolaire aux enfants dans le besoin; mesurent l’élévation du niveau de la mer; contribuent au maintien de la paix dans les zones de conflit. Derrière chaque personne en première ligne, se tient une équipe qui les habilite et s’assure qu’elle peut s’acquitter de ses tâches.
Tous ces gens sont les héros méconnus du système onusien, a poursuivi le Président, en rappelant que l’ONU, ses institutions spécialisées, fonds, agences et programmes et leurs personnels ont reçu le Prix Nobel de la paix à douze reprises. Ce n’est pas une coïncidence, a-t-il estimé, c’est parce que l’ONU fait la différence sur le terrain. Comme l’a déclaré feu Sergio Vieira de Mello, « vétéran des Nations Unies, défenseur des droits de l’homme et protecteur des réfugiés »: « N’oubliez jamais que les véritables défis et la vraie fierté de servir les Nations Unies, c’est sur le terrain, là où les gens souffrent, là où les gens ont besoin de vous. »
Une fois de plus, alors que la pandémie de COVID-19 se poursuit dans le monde entier, le personnel de l’ONU présente un front uni. Les agences sont en train de soutenir les pays, qu’il s’agisse des soins de santé, des denrées alimentaires, des biens de première nécessité ou de l’aide au relèvement. Après les dernières réformes, les équipes de pays des Nations Unies travaillent de manière plus cohérente dans les pays et les communautés du monde entier. Le monde, a ajouté le Président, en conclusion, attend de l’ONU qu’elle relève les défis auxquels il est confronté et notre personnel s’est montré capable et disposé à le faire.
Il y a 75 ans, au milieu des décombres et des ruines de la Deuxième Guerre mondiale, les dirigeants du monde ont fait montre d’audace, a affirmé, M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU. Après les vaines tentatives de garantir la paix et le progrès grâce à la coopération internationale, « ils ont osé encore essayer ». « Et ils ont réussi! »
Les rédacteurs de la Charte fondatrice ont eu foi dans les valeurs partagées, la sécurité collective et l’état de droit. À sa naissance, l’Organisation des Nations Unies était le symbole de l’unité mondiale et elle en est aujourd’hui l’épicentre. Notre mission est plus importante que jamais, a souligné le Secrétaire général.
Cette mission, s’est-il expliqué, c’est prévenir les conflits et faire avancer un développement inclusif et durable; c’est faire respecter les droits de l’homme et promouvoir la justice; c’est améliorer les conditions de vie, protéger notre planète et garantir l’égalité des droits des femmes et des hommes. C’est en somme ce que les peuples demandent à leurs dirigeants aux quatre coins du globe, a rappelé le Secrétaire général.
« Nous pouvons réaliser ces desseins en travaillant ensemble » et la coopération internationale est l’unique moyen de vaincre la pandémie de COVID-19, l’urgence climatique, l’aggravation des inégalités et la propagation de la haine.
En cette ère de défis « colossaux », le Secrétaire général a salué la Déclaration d’engagement de l’Assemblée générale pour revigorer le multilatéralisme. Il a rappelé que cette même assemblée l’avait invité à évaluer la manière de faire avancer cet agenda commun et j’ai déjà, a-t-il indiqué, amorcé ce qui est appelé à être un important processus de réflexion.
M. Guterres a espéré que cet effort sera inclusif et édifiant pour le renforcement de la gouvernance mondiale et l’amélioration de la façon dont le monde répond aux défis actuels et à venir. Nous partirons de ce que les Nations Unies ont fait tout au long de leur histoire, a dit le Secrétaire général.
Dans cette optique, M. Guterres a estimé qu’il faut s’inspirer des discussions tenues cette année sur l’état de notre monde. Nous jaugeons le succès des Nations Unies par le nombre de vies que nous sauvons, les souffrances que nous allégeons, la paix que nous construisons, les opportunités que nous offrons et les droits que nous protégeons, a-t-il rappelé.
Les femmes et les hommes des Nations Unies s’efforcent d’accomplir ce travail dans le monde 24 heures sur 24. Chaque jour, a avoué le Secrétaire général, je suis inspiré par le talent et le dévouement du personnel de l’ONU que ce soit au Siège ou loin sur le terrain.
Aujourd’hui, nous allons les écouter en direct: ils montrent l’esprit des Nations Unies, l’esprit du service pour l’intérêt général. Cet esprit nous a nourri pendant 75 ans et il nous guidera pendant cette pandémie et au-delà. Nous n’abandonnerons pas et nous ne baisserons jamais les bras devant la tâche de concrétiser la vision « immuable » de la Charte, a conclu le Secrétaire général.
M. VASSILY NEBENZIA, Président du Conseil de sécurité pour le mois d’octobre, a repris à son compte la Déclaration d’engagement de l’Assemblée générale pour dire qu’aucune autre organisation mondiale n’a la légitimité, le pouvoir fédérateur et l’impact normatif des Nations Unies. Aucune autre organisation ne donne autant d’espoir d’un monde meilleur à autant de personnes. Même dans les périodes de tensions et de défis, notre organisation a donné un élan à la décolonisation, contribué à régler des dizaines de conflits, sauvé des centaines de milliers de vies humaines, promu les droits de l’homme et les libertés fondamentales, façonné les normes du développement international et œuvré à l’éradication des maladies. Nous devons être fiers de tous ceux qui ont contribué aux succès de l’ONU et nous souvenir des membres du personnel qui ont fait le sacrifice ultime.
Tout en admettant qu’il reste encore un long chemin à parcourir avant que la Charte ne devienne réalité, le Président du Conseil de sécurité a voulu qu’ensemble, nous travaillions pour mettre fin aux conflits et à la violence « insensés » qui perturbent le développement, déplacent des millions de personnes et détruisent des milliers de vies. Nous devons nous concentrer sur le développement, en réalisant le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et nous attacher à honorer les engagements pris en matière des droits de l’homme, a-t-il encouragé.
En marquant cet anniversaire historique, a poursuivi le Président du Conseil de sécurité, nous avons toutes les raisons de célébrer tout ce qui a été réalisé au cours des 75 dernières années. Partons de ces réalisations collectives et tirons les enseignements des manquements pour pouvoir tenir les promesses des pères fondateurs de l’ONU.
Le Conseil de sécurité, a souligné son Président, réaffirme son attachement à la Charte des Nations Unies, à ses buts et principes et à un ordre international fondé sur le droit international, socle indispensable pour un monde plus pacifique, prospère et juste, pour une coexistence paisible et pour la coopération entre États. Le Conseil, a-t-il ajouté, réaffirme son engagement en faveur du multilatéralisme et du rôle central des Nations Unies. Le Conseil réaffirme sa responsabilité première dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales et met l’accent sur la nécessité pour tous les États, les organisations régionales et internationales, et autres, de respecter la Charte.
Il est de notre devoir commun de protéger, préserver et améliorer la légitimité de ce texte fondateur et de faire tout notre possible pour nous rapprocher chaque fois plus de la paix, de la justice, des droits de l’homme et de la prospérité envisagés il y a 75 ans, a conclu le Président du Conseil de sécurité.
M. COLLEN VIXEN KELAPILE, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé qu’aujourd’hui, nous commémorons l’entrée en vigueur, le 24 octobre 1945, de l’un des documents les plus importants et les plus salués de l’histoire de l’humanité, « la Charte des Nations Unies ». L’Organisation, a-t-il rappelé, a été créée pour préserver les générations à venir du chaos de la guerre mais également pour promouvoir de meilleures conditions de vie et davantage de libertés individuelles. Si les principes et valeurs fondamentaux de la Charte sur lesquels repose l’ordre mondial depuis 1945 ont permis d’éviter un autre conflit mondial, jamais nous n’aurions pu imaginer que 75 ans après la signature de la Charte, la communauté internationale ferait face à un adversaire invisible qui se jouerait des frontières. Aussi la riposte à la COVID-19 et les mesures de redressement économique devraient-elles faire fond sur la solidarité mondiale, la coopération internationale et le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
La Charte des Nations Unies, a poursuivi le Vice-Président de l’ECOSOC, a non seulement permis de définir des valeurs et principes d’importance, mais aussi de créer des organes intergouvernementaux facilitant débats et prise de décisions. Maintenant que nous entamons la Décennie d’action pour atteindre les objectifs de développement durable, l’ECOSOC est animé d’un sentiment d’urgence et continuera de travailler dans le cadre de son segment consacré à l’intégration des piliers économique, social et environnemental du développement durable, lequel sert de plateforme pour identifier les solutions les plus pertinentes. « Si nous voulons tenir les promesses faites en 2015, il nous faut saisir l’occasion qui nous est donnée et l’ECOSOC, en tant qu’enceinte privilégiée du multilatéralisme, est plus que prêt à jouer son rôle », a assuré le Président en conclusion.
Réflexion avec « les initiés » sur le travail et l’avenir de l’ONU
L’Envoyée du Secrétaire général pour la jeunesse, Mme Jayathma Wickramanayake, a décidé de partager la tribune avec des membres actuels et anciens du personnel de l’ONU pour brosser un tableau de leur travail et de leur dévouement. Comme l’a rappelé un fonctionnaire, ce week-end dans un tweet, « très souvent, l’opinion publique associe le concept de l’ONU à un bâtiment, mais à New York, Genève, Nairobi ou Vienne, l’atout principal de l’Organisation, c’est son personnel ». Pourtant, a fait observer l’Envoyée pour la jeunesse, l’opinion publique ne comprend pas vraiment l’ampleur du travail accompli par ce personnel, les médias ne relayant que « les faux-pas ».
Comment faire pour mieux expliquer le rôle et le travail de l’Organisation à un public mondial et transmettre efficacement ses messages? a demandé l’Envoyée pour la jeunesse au Directeur de la Division de la sensibilisation du Département de la communication globale de l’ONU (DCG), M. Maher Nasser. Nous disons souvent au public de ne pas regarder l’ONU comme un tableau de Picasso, mais plutôt comme un tableau que « nous peignons ensemble », a répondu le Directeur, ajoutant que le « pouvoir fédérateur de l’ONU » est unique pour orienter les efforts collectifs vers les défis du monde. « C’est ça le message à faire passer. » Mais il reste du pain sur la planche. C’est ce qu’a confirmé l’étude récente menée auprès d’un million de personnes dans le monde. Elles disent soutenir le multilatéralisme mais avouent ne pas toujours comprendre ce que l’ONU fait à cet égard, a indiqué la Représentante permanente des Pays-Bas auprès de la « UN Toilet Board Coalition », elle-même, ancienne cadre du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Mme Yoka Brandt a conseillé au DCG de cibler les jeunes.
En l’occurrence, le prix Nobel attribué cette année au Programme alimentaire mondial (PAM) permet de braquer les projecteurs sur le travail qu’effectue l’ONU, avec ses partenaires humanitaires, dans les situations de conflit ou de catastrophe naturelle, s’est réjoui un des responsables des partenariats extérieurs du PAM, M. Moise Ballo. J’ai décidé de rejoindre les rangs de l’ONU, parce qu’elle fait la différence dans la vie des gens au quotidien, a embrayé une des responsables de la Division des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Mme Edem Wosornu, qui a quitté son cabinet d’avocats à Londres après les attentats du 11 septembre 2001, a avoué qu’elle est toujours frappée par la mobilisation des collègues sur le terrain mais aussi par ce que font les communautés locales avant l’arrivée des équipes internationales et par la manière dont les partenariats se mettent en place avec ces communautés, les ONG et les gouvernements.
La clef, c’est de travailler main dans la main avec tous ces acteurs, a acquiescé son collègue du PAM, M. Ballo qui, se projetant dans l’avenir, a souhaité un système onusien plus pertinent encore auprès des gouvernements et de ses partenaires. Ce qui compte vraiment, c’est ce que nous faisons pour créer un monde meilleur pour tous, a souligné le Directeur de la Division de la sensibilisation du public du DCG dont la vocation remonte à l’enfance et au drapeau de l’ONU qui flottait devant son établissement scolaire, une des nombreuses écoles créées par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA). Aujourd’hui, a confié M. Nasser, ma division s’efforce de relayer l’histoire des gens ordinaires qui ont été touchés ou sauvés par l’ONU. C’est ce type d’histoire qui anime le personnel de l’ONU au quotidien, a renchéri l’ancienne cadre de l’UNICEF.
L’Organisation n’est pas parfaite mais elle a le mérite de viser « l’inatteignable » pour éviter la médiocrité au monde, a ajouté M. Nasser en paraphrasant Sergio Vieira de Mello, mort en 2003, dans l’attentat contre le bâtiment de l’ONU en Iraq, et que le Président de l’Assemblée générale a décrit comme « vétéran des Nations Unies, défenseur des droits de l’homme et protecteur des réfugiés ». Défendre des principes universels comme les droits de la personne, et promouvoir l’état de droit, le développement durable pour tous ou encore la réduction des inégalités sont des concepts acceptés par tous et la feuille de route, certes ambitieuse, pour un monde meilleur pour tous.
En se réengageant aujourd’hui en faveur de la Charte des Nations Unies, les États Membres se réengagent de facto, en tant que concert des nations, à travailler ensemble pour améliorer la vie des gens, a ajouté l’ancienne cadre de l’UNICEF. « C’est là le phare qui doit guider notre travail à l’ONU et le message à faire comprendre à nos contribuables ».
REPRISE DE LA RÉUNION DE HAUT NIVEAU ORGANISÉE À L’OCCASION DU SOIXANTE-QUINZIÈME ANNIVERSAIRE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES
« Bon anniversaire aux Nations Unies », se sont exclamées la Tchéquie, la Slovaquie et la République du Congo au cours d’une séance où la réforme de l’Organisation et le multilatéralisme étaient au centre des déclarations. Dans ses actions concrètes, l’ONU est encore « loin d’avoir tenu les promesses de la Charte », a tranché le Tchad. Ce système, façonné il y a 75 ans, n’est plus en mesure de traduire en actes les objectifs de son texte fondateur, a reconnu à son tour le Japon, avant que le Nicaragua ne s’en prenne à un système « injuste » et « loin d’être parfait », a ajouté le Paraguay. Mais, a estimé la Slovaquie, cette célébration est l’occasion de rapprocher les Nations Unies des citoyens et de trouver des solutions mondiales aux défis mondiaux, comme les guerres, l’urgence climatique ou encore les menaces transfrontalières, a complété le Soudan.
Le multilatéralisme a aussi été fermement défendu par la Côte d’Ivoire. C’est « la meilleure arme », a renchéri El Salvador, pour relever les défis du siècle dont le moindre n’est pas l’accès au futur vaccin contre la COVID-19. Nous devons cependant renoncer à la tentation de recourir aux anciennes formules pour résoudre les nouveaux problèmes. C’est un multilatéralisme « de résultats, plus fort, plus pragmatique et plus ouvert » qu’il nous faut, a martelé le Maroc, en parlant d’une « obligation morale » pour « redorer le blason des Nations Unies » et « restaurer l’entente internationale ». Ce n’est pas un luxe, nous en avons besoin pour bâtir une organisation capable de faire face à l’ère post-COVID. Il faut « décloisonner » les piliers –paix et sécurité, développement et droits de l’homme- du travail de l’ONU pour parvenir à une approche plus cohérente, a conseillé le Guatemala. Il faut en effet « des ajustements », a acquiescé le Panama, pour avoir « une meilleure institution internationale », a plaidé le Brésil.
Le temps est venu de changer de cap, a encouragé, à son tour, l’Iran, après avoir dénoncé « les guerres américaines » qui ont causé le déplacement de plus de 37 millions de personnes depuis 2001. L’ONU, a-t-il dit, doit se réengager contre l’unilatéralisme et contre, a dit Madagascar, « la raison du plus fort », comme en atteste par exemple le différend de souveraineté sur les îles malgaches de Bassas da India, Europa et Juan de Nova. Comme en atteste aussi, a poursuivi l’Équateur, un monde inondé d’armes nucléaires dont le coût représente 30 fois le coût des solutions aux problèmes sociaux du monde. La COVID-19 est une piqûre de rappel qui doit nous conduire à travailler main dans la main dans le cadre de la coopération collective, a prévenu le Timor-Leste.
Ce qu’il faut, c’est « un dialogue inclusif, constructif et égalitaire » visant à une « remise en cause constructive » des institutions communes pour rendre l’ONU « plus proche des peuples », a résumé la Côte d’Ivoire. La réforme de l’Organisation doit viser plus de transparence et plus d’ouverture à l’Afrique, a plaidé le Rwanda. L’accent doit être mis sur la réforme du système des Nations Unies pour le développement, a estimé le Japon, si nous voulons que les plus vulnérables ne soient pas laissés pour compte.
L’accent doit aussi être mis sur la réforme du Conseil de sécurité qui est après tout chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales. La République du Congo a rappelé la position africaine: deux sièges permanents pour l’Afrique, et cinq sièges non permanents, a renchéri l’Angola. Les États qui veulent assumer plus de responsabilités devraient pouvoir le faire, a souligné le Japon, impatient devant la lenteur des négociations intergouvernementales sur cette réforme. Un Conseil plus équitable, c’est un Conseil plus efficace, a lancé le Timor-Leste, appuyé par le Soudan, car le choix qui nous est posé est clair: solidarité et action collective. Nous voulons, a ajouté l’Estonie, un Conseil qui puisse préserver la vitalité de l’Organisation et qui défende le droit international. Face aux nouveaux défis, a dit le Burkina Faso, l’ONU doit se montrée proactive et faire preuve de bonne gouvernance. « Bonne célébration à tous ».
La célébration aurait sans doute été plus réjouissante sans la COVID-19, ses mesures de distanciation sociale et ses répercussions socioéconomiques. Les délégations, souvent par la voix de leur ministre des affaires étrangères, ont repris à leur compte l’appel que le Secrétaire général a lancé, au mois de mars dernier, pour un cessez-le-feu mondial pendant la pandémie. La Libye a résumé le sentiment général, en déclarant que la situation du monde exige une « mobilisation et une solidarité agissante » pour venir à bout de la pandémie qui rend encore plus complexe les problèmes auxquels est déjà confronté le monde. La pandémie est un « défi sérieux pour les Nations Unies » lequel mettra en évidence si oui ou non les États peuvent œuvrer ensemble pour en sortir vainqueurs, a souligné la Libye.
Dans ce cadre, a estimé le Mali, il faut attendre de l’ONU qu’elle soit « l’incarnation parfaite » de la solidarité internationale face à une pandémie qui est « un véritable danger et une menace » pour les objectifs de développement durable, a prévenu le Turkménistan, avant que les Bahamas n’évoquent les effets particulièrement dévastateurs dans les petits États insulaires en développement.
C’est « un désastre » qui a fait s’écrouler des économies entières, a confirmé la Mongolie, arguant que la compassion, la coopération et la solidarité sont « nos seules options ». Solidarité, oui mais aussi la mobilisation de la société civile et du secteur privé, a ajouté le Koweït. En effet, ce qu’il faut, a précisé le Bénin, c’est revitaliser les partenariats pour collecter les ressources financières nécessaires. L’Arabie saoudite a d’ailleurs annoncé l’octroi de 500 millions de dollars au Plan stratégique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Premier pays arabe à présider le G20 cette année, elle a aussi rappelé qu’elle a convoqué, à Riyad, à une réunion de deux jours, les Ministres des finances et les Gouverneurs des banques centrales du G20 sur les retombées économiques de la pandémie.
Retombées économiques et aussi sociales, a estimé la République démocratique du Congo pour laquelle la pandémie à mis à nu la « vulnérabilité du système sanitaire international » et « les faiblesses opérationnelles de l’ONU ». Nous devons beaucoup à cette organisation et à son personnel, mais, a embrayé la Syrie, nous devons nous préparer à des années « déterminantes et terribles ». L’Histoire nous jugera à notre faculté à placer « Nous les peuples » avant « Nous les pays donateurs qui avons suffisamment de puissance politique et militaire ». Il faut aider l’ONU à changer, a pressé la Hongrie, arguant que la diplomatie multilatérale, c’est comme le jardinage, « vous semez, soignez et attendez que ça pousse ». « Prenons le taureau par les cornes parce que nous sommes tous dans la même galère », a renchéri l’Érythrée. « Envoyons à nos peuples un message d’espoir sur “l’avenir que nous voulons” et sur “l’ONU dont nous avons besoin”. »
Cette ONU-là est peut-être celle qui reconnaîtra la valeur des peuples autochtones. La Présidente du Conseil exécutif du Fonds pour le développement des peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes (FILAC), Mme Myrna Cunningham, a affirmé que les pratiques de la médecine traditionnelle des 826 peuples autochtones de la région ont été reprises par plusieurs gouvernements dans leur riposte contre la COVID-19. L’Argentine a plaidé pour que les découvertes, vaccins et traitements à venir soient proclamés « bien public mondial ».
Dans sa résolution « Action globale et coordonnée face à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) », du 11 septembre dernier, l’Assemblée générale exhorte en effet les États Membres à donner à tous les pays un accès libre et rapide à des produits de diagnostic, à des traitements, à des médicaments et à des vaccins de qualité, sûrs, efficaces et abordables, à des technologies de santé essentielles et aux éléments qui les constituent ainsi qu’au matériel, dans le cadre de la lutte contre la COVID-19.
La pandémie a fait remonter à la surface la profonde fragilité des systèmes sur lesquels repose notre développement, a constaté le Secrétaire général de l’Institut pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA). Parmi ces systèmes, il a cité les infrastructures de base, les services de santé et d’éducation, les plateformes de protection sociale, les mécanismes de création d’emplois ou l’état de préparation aux urgences. La pandémie, a-t-il alerté, a ébranlé la confiance dans les institutions publiques. « La sortie de crise, c’est de ne pas retourner au statu quo ante », mais d’aller de l’avant, avec un espace multilatéral plus efficace et plus démocratique, a prescrit M. Kevin Casas-Zamora. Aller de l’avant, c’est aussi reconnaître une fois pour toutes les injustices et les inégalités que subissent trop de personnes dans tous les pays du monde, a ajouté la Directrice générale de l’Organisation du droit du développement international, Mme Jan Beagle.
Lorsque la Charte fut signée en 1945, l’air de San Francisco était pur, s’est rappelée l’Organisation internationale de droit du développement. « Aujourd’hui, le ciel rouge » des incendies de forêts, signes des changements climatiques en cours et à venir. Si le Secrétaire général a appelé les États Membres à « reconstruire le monde en mieux », la feuille de route du Programme de développement durable à l’horizon 2030 « représente les aspirations les plus élevées de l’humanité », a-t-elle ajouté. Particulièrement attentive aux questions de droit de la mer et des vulnérabilités des petits États insulaires en développement (PEID), la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a qualifié ce phénomène de « menace existentielle », et voulu que ces questions soient abordées davantage et sans relâche à l’ONU.
La tâche semble immense. Mais la Ligue des États arabes a loué la capacité de l’ONU à relever les défis transnationaux, tout comme le Togo, pour qui, au regard des succès qu’elle a su engranger, l’Organisation demeure la seule organisation mondiale dotée de la légitimité nécessaire pour régir les affaires du monde. L’ONU doit se « projeter vers l’avenir » armée de plans, « dont le plus “ambitieux” est, sans conteste, le Programme 2030, adopté il y a cinq ans ». Qualifiant les objectifs de développement durable de « seul programme politique permettant au monde de se sortir de la crise dans laquelle il est plongé sans faire de laissés-pour-compte », l’Union interparlementaire (UIP) a demandé que l’on travaille « étroitement dans la collaboration »: « nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer », a insisté l’UIP. L’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) a rappelé que la lutte contre la criminalité fait partie intégrante de la feuille de route pour les générations futures, tandis que l’Organisation internationale du droit au développement a voulu que l’on fasse de l’objectif 16 du Programme 2030, une priorité.
Les peuples autochtones doivent aussi devenir une priorité, a une nouvelle fois plaidé le Fonds de développement pour les peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes. Il a appelé à une meilleure représentation de ces peuples à l’ONU soit garantie. « Ainsi, le monde se trouvera en bien meilleur état qu’il ne l’est actuellement. » Si le Zimbabwe a lui aussi appelé en faire davantage dans le domaine du développement durable, il a fortement critiqué, avec la République-Unie de Tanzanie, les mesures coercitives unilatérales qui entravent sa faculté à réaliser le Programme 2030.
Droits de réponse
L’Inde, a accusé le Pakistan, pratique un « double jeu », convoite un siège au Conseil de sécurité et « concocte des lois de discrimination religieuse ». Son discours sur le Cachemire embellit la réalité, alors que ce territoire n’a jamais fait partie du sien.
Répondant pour sa part au « régime israélien » qui cache ses mesures sionistes pour détourner le regard de ses pratiques inhumaines, l’Iran a accusé le même « régime » de refuser d’adhérer au Traité sur la non-prolifération et de faire du Moyen-Orient une région exempte d’armes nucléaires. La paix et la sécurité régionales sont menacées par ce « régime » qui doit se rappeler les dizaines de résolutions que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité adoptent depuis trois décennies sur l’occupation du territoire palestinien et du Golan syrien et sur les violations du droit international. « Le régime israélien » ne peut condamner qui que ce soit de ne pas respecter le droit international, a tranché l’Iran.