290e & 291e séances – matin & après-midi
L/3287

Le Comité spécial de la Charte entame sa session de 2019 en abordant les questions des sanctions et du règlement pacifique des différends

Le règlement pacifique des différends et l’encadrement des sanctions ont été au centre du débat général du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation à l’ouverture de la session de 2019, qui se déroulera du 19 au 27 février.

Le Comité spécial est un organe subsidiaire de l’Assemblée générale dont le mandat est de formuler des recommandations visant le développement progressif du droit international et le recours, par les États Membres, à des outils de prévention et de règlement pacifique des différends.

En début de séance, Mme Maria Theofili, de la Grèce, a été élue Présidente du Comité spécial pour la session en cours au nom du Groupe de l’Europe occidentale et autres États.  

S’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, le représentant de la République islamique d’Iran a vanté les réalisations du Comité spécial en matière de règlement pacifique des différends, notamment la Déclaration de Manille, adoptée en 1982.  Il a saisi cette occasion pour rappeler que l’Assemblée générale demeure le principal organe représentatif des Nations Unies et pour dénoncer les tentatives du Conseil de sécurité de s’arroger les prérogatives de l’Assemblée. 

Une position reprise par la Gambie qui, au nom du Groupe des États d’Afrique, a estimé que tout empiètement par le Conseil de sécurité ne pouvait que mener à l’affaiblissement de l’Organisation dans son ensemble, ce qui est précisément contraire aux objectifs de ce Comité.

Le sujet des sanctions a suscité des prises de positions fermes par les intervenants.  La Fédération de Russie a ainsi dénoncé l’introduction de mesures coercitives unilatérales par certains États, qui ont pour effet de saper la compétence du Conseil de sécurité et sont « incompatibles avec les principes de l’égalité souveraine et de non-ingérence dans les affaires internes des États ». 

En écho à cette déclaration, Cuba et le Venezuela se sont inquiétés de la pratique de certains pays qui consiste à « réinterpréter » des principes de la Charte afin d’imposer des politiques « interventionnistes », ce qui a pour effet de mettre en péril le droit international et la souveraineté des États.  Le Venezuela a par ailleurs fustigé le « vol », par les États-Unis, membre permanent du Conseil de sécurité, d’actifs pétroliers nationaux d’une valeur de 30 milliards afin d’installer un gouvernement « fantoche », au mépris des dispositions de la Charte des Nations Unies. 

Face à ce constat, les sanctions ne devraient être imposées qu’en dernier recours, en cas de menace à la paix et à la sécurité internationales ou encore d’agression, ont rappelé tour à tour l’Inde, le Honduras et le Nigéria, pour qui l’objectif des sanctions ne devrait pas être d’exercer des représailles ni d’entraver l’aide humanitaire.  

Les sanctions, a insisté l’Algérie, devraient en outre reposer sur des bases juridiques et temporelles solides, et être levées dès que l’objectif fixé a été atteint.  L’imposition de sanctions ne constitue pas une fin mais plutôt un moyen d’assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a fait valoir la Chine, en appelant au strict respect des décisions du Conseil de sécurité.

Pour sa part, l’Union européenne, a estimé que la mise en place de sanctions « justes et claires » demeure un outil important de la Charte qui permet d’assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, tout en minimisant l’impact sur les populations et les États tiers, dans le respect du droit international humanitaire. 

L’imposition de sanctions « ciblées » par le Conseil de sécurité a en effet permis de réduire considérablement les conséquences de ces mesures sur les populations civiles et les États tiers, s’est félicitée l’Inde.  Plusieurs délégations ont insisté à cet égard sur l’importance de mesurer et d’évaluer l’impact socioéconomique et humanitaire des sanctions sur le pays ciblé et les États tiers. 

Évoquant le sous-thème choisi par le Comité spécial pour la présente session, « Échange d’informations sur les pratiques des États concernant le recours à la médiation », la Gambie y a vu un moyen de renforcer l’action des Nations Unies en ce sens.  Pour la Chine comme pour la Russie, le choix des modalités du règlement des différends, y compris la médiation, relève du consentement et de la souveraineté des États.  

La Cour internationale de Justice (CIJ), ont rappelé l’Inde, le Pérou et l’Afghanistan, a un rôle important à jouer pour assurer le règlement pacifique des différends.  À propos de la CIJ, la proposition de la Russie et du Bélarus de lui demander un avis consultatif sur l’usage de la force sans autorisation préalable du Conseil de sécurité a été vue d’un bon œil par la Chine.  Celle-ci a estimé qu’un tel avis permettrait de clarifier le droit international sur cette question ainsi que les dispositions pertinentes de la Charte.

À toutes ces questions à l’ordre du jour du Comité, le Mexique avait proposé l’an dernier de rajouter un examen de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, mais la Turquie et les États-Unis ont réitéré que le Comité spécial ne constituait pas le cadre approprié pour discuter de cet article qui a trait au « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective », des États Membres.

S’agissant de la proposition du Ghana de renforcer la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales, mentionnée dans la résolution* du 20 décembre 2018 de l’Assemblée générale, l’Union européenne a émis des réserves sur les bases juridiques d’une telle approche et rappelé que cette question relevait en premier lieu des États concernés.  Devant les disparités étatiques et régionales existantes, il est impossible de définir des règles universelles de règlement pacifique des différends entre l’ONU et les organisations et mécanismes régionaux, a tranché le Ghana, qui a présenté une proposition révisée tenant compte de ces remarques.  

Enfin, plusieurs délégations, dont le Pérou, la Chine et les États-Unis, se sont félicitées des progrès réalisés dans la mise à jour des répertoires de la pratique des organes des Nations Unies et du Conseil de sécurité, avant de saluer aussi l’amélioration des méthodes de travail du Comité spécial.

L’Union européenne et les États-Unis ont toutefois relevé que plusieurs propositions font l’objet des mêmes discussions au sein du Comité depuis des années, des questions qui sont en plus examinées par d’autres entités des Nations Unies.  Ils ont regretté ces doublons, alors que les mandats de chaque organe sont clairement définis dans la Charte.

Outre la Présidente, le Comité spécial a également élu M. George Mikeladze (Géorgie) au poste de Vice-Président et M. Die Millogo (Burkina Faso) à celui de Rapporteur.  Le Comité a également adopté son ordre du jour provisoire** pour la présente session.  L’élection des membres du Comité spécial issus du Groupe des États d’Asie et du Pacifique et du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes a été reportée à une date ultérieure.  

La prochaine réunion publique du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation se tiendra le mercredi 27 février, à 10 heures.  Entre-temps, le Comité se réunira en groupes de travail.

 

*A/RES/73/206

**A/AC.182/L.149

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