Armes chimiques en Syrie: divisions persistantes au Conseil de sécurité sur les modalités d’établissement des responsabilités
Le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, la question de l’utilisation présumée d’armes chimiques en Syrie, au moment où la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) s’apprête à rendre ses conclusions sur « l’utilisation présumée de produits chimiques toxiques comme arme à Douma, le 7 avril 2018 ».
C’est l’un des éléments annoncés, aujourd’hui, par la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, venue présenter le soixantième rapport mensuel du Directeur général de l’OIAC. Elle a reconnu que, s’agissant « des points en suspens relatifs à la déclaration d’armes chimiques » initiale de Damas, des « lacunes, incohérences et disparités » demeurent.
Le représentant syrien a catégoriquement nié l’utilisation d’armes chimiques par son gouvernement, ou même le fait qu’il continuerait d’en posséder, arguant que le reste de ses stocks a été « détruit en 2014 en Méditerranée, sur le navire américain MV Cape Ray ». « Il n’y a plus de question en suspens », a-t-il tranché.
Le rapport porté aujourd’hui à l’attention du Conseil rappelle que la destruction des 27 installations syriennes de fabrication d’armes chimiques, qui avaient été déclarées, a été vérifiée. La Haute-Représentante s’est aussi félicitée que des inspections soient en cours dans les installations du Centre d’études et de recherches scientifiques de Barzah et Jamarayah, conformément à la décision prise par le Conseil exécutif de l’OIAC.
Lors de sa session spéciale en date de juin dernier, la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques a décidé que le Secrétariat de l’OIAC « devrait mettre en place des arrangements en vue d’identifier les responsables de l’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne (…) dans les cas où la Mission d’établissement des faits détermine ou a déjà déterminé l’utilisation avérée ou probable de ces armes, ainsi que les cas pour lesquels le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU n’a pas pu rendre de rapport public », a rappelé la Haute-Représentante.
Plusieurs membres du Conseil, dont le Koweït, le Royaume-Uni et la Bolivie, ont en effet plaidé en faveur de la création d’un nouveau mécanisme international d’enquête sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie pour prendre la relève du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, qui n’avait pu être reconduit en raison du droit de veto exercé par la Fédération de Russie le 24 octobre 2017.
La décision des États parties à la Convention, adoptée en juin dernier, doit maintenant se traduire en termes de moyens accordés à l’OIAC, a exhorté la France. « Soyons clairs et lucides, ne pas s’investir pour renforcer les institutions existantes mettrait en péril le régime de non-prolifération, qui est au cœur de notre sécurité collective », a mis en garde son représentant.
Là où le Royaume-Uni demandait aux États Membres de se mobiliser pour doter l’OIAC des moyens nécessaires afin qu’elle s’acquitte de son mandat, les Pays-Bas ont déploré les « tentatives d’obstruction » de la Fédération de Russie, qui, en exerçant une « pression » budgétaire sur l’Organisation, tenterait d’empêcher la création d’un « mécanisme d’attribution de responsabilités » dans l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.
La délégation russe ne l’a pas entendu de cette oreille, considérant que la « pression » était davantage exercée sur la Syrie: pour la Russie, le « volet chimique » de la situation en Syrie est « utilisé par certains pays occidentaux » à cette fin. Le défunt Mécanisme d’enquête conjoint était « connu pour son parti pris et son manque de professionnalisme », a considéré le représentant russe, en rappelant qu’aucune des demandes de Moscou pour que ce mécanisme respecte certains principes n’avait été retenue.
Ce n’est pas seulement l’impartialité de l’ex-Mécanisme d’enquête conjoint qui a été mise en cause aujourd’hui, mais aussi celle de la Mission d’établissement des faits de l’OIAC, chargée de déterminer si des attaques chimiques ont été commises sans chercher à établir les responsabilités. Le représentant syrien a ainsi proposé de revoir la composition de l’équipe d’évaluation afin qu’il y ait « plus de scientifiques et moins d’agents de renseignement ». Celle-ci devrait en outre ne pas dévier de son mandat, et s’en tenir à son rôle d’assistance dans les enquêtes qu’elle n’est pas censée conduire selon Damas.
Il y a un « éléphant dans la salle », a conclu le délégué syrien en pointant la partialité de la Mission d’établissement des faits, ainsi que les Casques blancs qui constituent le visage humanitaire du Front el-Nosra. « L’éléphant, c’est aussi l’incapacité de l’ONU à agir contre les pays qui aident ces terroristes », a encore déclaré le représentant syrien, en accusant des terroristes infiltrés dans son pays d’y avoir introduit des armes chimiques.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2018/971)
Déclarations
Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a déclaré qu’au cours du mois écoulé, de nouveaux développements avaient été observés, tandis que dans d’autres domaines, « il y avait eu peu de changements ». Les efforts pour clarifier les questions en suspens s’agissant de la déclaration initiale de la République arabe syrienne restent « tels que précédemment ». À la suite de l’analyse par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) des informations fournies par Damas le 11 juillet, le Directeur-général de l’Organisation a écrit le 28 septembre une lettre au Ministre syrien des affaires étrangères, dans laquelle il a réitéré la nécessité de résoudre les questions en suspens et invité la Syrie à continuer de clarifier les « lacunes, incohérences et disparités » qui demeurent. La Haute-Représentante a ensuite salué les nouvelles selon lesquelles les inspections sont en cours dans les installations de Barzah et Jamarayah, conformément à la décision du Conseil exécutif de l’OIAC.
S’agissant des travaux de la Mission d’établissement des faits sur l’utilisation présumée d’armes chimiques à Douma, la Haute-Représentante a été informée qu’elle s’apprête à rendre ses conclusions. Celle-ci enquête également sur cinq autres allégations d’incidents: deux à Kharbit Masasnah, respectivement le 7 juillet 2017 et le 4 août 2017; un incident à Al-Salamiyah le 9 août 2017; un incident à Yarmouk, à Damas, perpétré le 22 octobre 2017; et un à Souran le 8 novembre 2017. « Jusqu’à présent, il n’y a aucune indication quant à la date de publication d’un rapport concernant ces incidents », a précisé Mme Nakamitsu.
En outre, lors de sa session spéciale de juin dernier, la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques a décidé que le Secrétariat de l’OIAC « devrait mettre en place des arrangements en vue d’identifier les responsables de l’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne (…) dans les cas où la Mission d’établissement des faits détermine ou a déjà déterminé l’utilisation avérée ou probable de ces armes, ainsi que les cas pour lesquels le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU n’a pas rendu de rapport public ». Des rapports de mi-parcours ont été transmis au Directeur-général de l’OIAC et au Secrétaire général de l’ONU, a-t-elle précisé.
Après avoir rappelé l’importance de mettre en œuvre intégralement la résolution 2118 (2013), la Haute-Représentante a noté que les allégations selon lesquelles des attaques à l’arme chimique auraient été planifiées à Edleb « continuent de faire surface ». Reprenant à son compte les propos du Secrétaire général à cet égard, et au sujet d’une « possible catastrophe humanitaire dans le cas d’une offensive militaire de grande ampleur » dans la province, Mme Nakamitsu a rappelé l’importance vitale de respecter les principes humanitaires et les dispositions de la Convention sur les armes chimiques.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a dit soutenir la trêve à Edleb, car toute reprise des combats mènerait à une catastrophe sans commune mesure. Voulant profiter de ce contexte, l’objectif des États-Unis est d’éviter que le « régime syrien utilise à nouveau des armes chimiques contre son peuple ».
Le représentant a également déclaré que les accusations et autres dénégations concernant l’utilisation des armes chimiques portées par le régime syrien sont « ridicules », puisque les mécanismes de l’ONU établissent que c’est bien le régime syrien qui les a utilisées.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que le volet chimique de la situation en Syrie est « utilisé par certains pays occidentaux comme moyen de pression sur la Syrie », au risque de miner le régime international de non-prolifération et de désarmement chimique. Depuis la déclaration initiale au titre de la Convention sur les armes chimiques, la Syrie, a détruit, sous contrôle international et plus vite que prévu, tous ses stocks d’armes chimique et démantelé 27 installations. Son Gouvernement n’a par ailleurs jamais cessé de coopérer avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et son secrétariat technique. « Elle répond à toutes les questions, à tel point qu’il n’y aura plus de réponses à donner », a affirmé le représentant, déplorant qu’en dépit de cela, on continue de l’accuser.
Or, l’ancien mécanisme OIAC-ONU était « connu pour son parti pris et son manque de professionnalisme », a poursuivi le représentant, ajoutant aussi que toutes les demandes de la Russie visant à ce que ce mécanisme respecte certains principes ont été rejetées, conduisant de fait à la fin de son mandat. Les demandes de la Russie au Secrétariat général de l’ONU, concernant la confidentialité des archives de ce mécanisme sont également ignorées. « Il y a des fuites dans la presse », a en outre accusé le représentant.
M. Nebenzia a ensuite affirmé disposer d’informations abondantes émanant de ses militaires sur place et d’autres sources locales syriennes. Notamment le fait que, le 27 octobre, des combattants kurdes ont pu avoir accès à 10 litres de chlore. Le Centre de conciliation russe a par ailleurs reçu des signalements d’individus, appartenant sans doute à des Casques blancs, qui cherchaient des habitants souhaitant participer à un tournage, en échange de denrées alimentaires. Le fait est que l’on veut absolument accuser la Syrie d’utiliser les armes chimiques et faire dire que la Fédération de Russie soutient « un régime criminel », a encore affirmé le représentant, émettant le souhait, qu’à l’avenir, « on évite cette approche non constructive ».
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé que, sur le terrain, la priorité est la préservation à long terme du cessez-le-feu à Edleb, et ce, afin d’écarter clairement la menace d’une offensive d’ampleur qui aurait des conséquences humanitaires, migratoires et sécuritaires catastrophiques. La feuille de route issue du Sommet d’Istanbul du 27 octobre est claire, a relevé à cet égard le représentant qui a assuré vouloir maintenir son soutien aux efforts en cours pour stabiliser la situation et permettre à la Turquie de mener à bien la séparation des groupes terroristes des autres groupes. « Nous devons également tout faire pour garantir la protection des civils, y compris le personnel humanitaire et médical ainsi qu’un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave sur l’ensemble du territoire syrien, par les routes les plus directes et les moyens les plus efficaces. » Le Communiqué d’Istanbul expose par ailleurs l’exigence commune de bannir tout usage d’armes chimiques, a rappelé M. Delattre.
Face à la réémergence des armes chimiques, en Syrie et ailleurs, le représentant a appelé à rester pleinement mobilisé. La décision des États parties de l’OIAC, adoptée en juin dernier, a permis à la communauté internationale de renforcer ses capacités, a-t-il noté, en invitant à traduire cette décision en termes de moyens donnés à l’organisation, en particulier à l’occasion des prochaines échéances de ce mois à La Haye. « Soyons clairs et lucides, ne pas s’investir pour renforcer les institutions existantes mettrait en péril le régime de non-prolifération, qui est au cœur de notre sécurité collective », a mis en garde le représentant. Il a appelé à appuyer tous les mécanismes d’enquête établis à La Haye, à Genève ou à New York.
Ce renforcement des moyens de contrôle est d’autant plus nécessaire que l’incertitude pèse toujours sur l’état des stocks syriens, a observé M. Delattre; l’usage continu d’armes chimiques en Syrie confirme, selon lui, l’existence de stocks de chlore et de sarin. Il a déploré le manque de progrès depuis de nombreux mois sur le sujet de la déclaration initiale de stocks syriens de 2013, relevant que celle-ci présente toujours des incohérences. « Cette approche à la carte de la part du régime syrien est très inquiétante, et doit appeler à la vigilance collective. » S’agissant du conflit syrien, le représentant français a avancé que la menace de l’emploi d’armes chimiques et l’instabilité chronique du pays ne prendront pas fin tant que le régime refusera de s’engager dans le processus politique porté par M. Staffan de Mistura.
Enfin, évoquant le cap fixé par le Communiqué d’Istanbul- une réunion du comité constitutionnel d’ici à la fin de l’année– il a dit que la France et les membres du Small Group ne ménageraient pas leurs efforts en ce sens. L’ONU a établi une troisième liste qu’elle a revue à différentes reprises en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, a rappelé le représentant pour qui tous les voyants sont au vert pour une réunion du comité. « De nouvelles manœuvres pour retarder ou dévoyer cette étape importante ne sont pas acceptables. » Au-delà, il importe également que l’ensemble de la résolution 2254 (2015) soit mise en œuvre, en particulier la tenue d’élections libres et régulières sous la supervision des Nations Unies et dans un environnement sûr.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a rappelé qu’il y a un an, le Conseil de sécurité disposait encore d’un mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU. Il a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pas pu, à ce jour, en pourvoir un autre. Il a pourtant souligné la nécessité de faire prévaloir la lutte contre l’impunité en identifiant les responsables d’attaques à l’arme chimique. Le représentant a insisté sur l’importance, pour le Conseil de sécurité, de s’exprimer d’une seule voix sur le crime que constitue l’utilisation de ces armes, plaidant pour la création d’un nouveau mécanisme. Après avoir exprimé son appui à la Mission d’établissement des faits, il a partagé les préoccupations du Secrétariat quant aux lacunes de la déclaration initiale de la Syrie.
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a salué la coopération des autorités syriennes avec l’OIAC qui a permis la destruction de 27 unités de production d’armes chimiques déclarées par Damas. Il a encouragé la Syrie à coopérer davantage en vue d’apporter des réponses aux préoccupations exprimées par l’OIAC dans le rapport du Secrétaire général. Il a pris note de la visite effectuée par la Mission d’établissement des faits, en septembre 2018, en vue de recueillir des informations supplémentaires et mener des entretiens sur les incidents survenus, en 2017, notamment à Kharbit Masasnah, Qalib Al-Thawr, Al-Samaliyah, Yarmouk, Damas, Al-Balil et Souran.
M. Adom, qui a également salué la signature de l’accord sur la création d’une zone démilitarisée à Edleb, a exhorté toutes les parties à s’inscrire résolument dans la mise en œuvre de ses dispositions, notamment celles relatives au retrait des armes lourdes et des combattants de la zone démilitarisée. Il a rappelé la position constante de sa délégation selon laquelle l’emploi des armes chimiques constitue une violation grave des droits de l’homme quels qu’en soient les auteurs. Le Conseil a l’impérieux devoir d’opposer une réponse collective empreinte de fermeté à ces actes répréhensibles, a-t-il estimé. Il a regretté que le vide constitutionnel résultant de l’échec de la reconduction du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, en novembre 2017, n’ait pu permettre l’identification des faits d’utilisation d’armes chimiques en Syrie et la traduction de leurs auteurs devant les juridictions internationales compétentes.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a déclaré que la destruction de 27 installations chimiques par la Syrie montre la volonté de ce pays de respecter la résolution 2118 (2018). La Guinée équatoriale note également que le Gouvernement est engagé avec l’OIAC pour lever les incohérences dans la déclaration initiale. Cela devrait être reconnu par le Conseil de sécurité, a dit le représentant.
Le représentant a rappelé à toutes fins utiles que les armes chimiques dont il est question, notamment celles au chlore sont « les plus dangereuses et les plus faciles à produire et à utiliser ». Il faut donc tout faire pour qu’elles ne soient plus utilisées, notamment à Edleb. Mais l’opposition des membres du Conseil de sécurité sur la question de l’utilisation des armes chimiques en Syrie montre que seule une solution politique au conflit peut éliminer le risque d’utilisation de ces armes, a-t-il encore observé.
Pour Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni), la Syrie et la Fédération de Russie ne semblent pas vouloir comprendre que les armes chimiques sont universellement interdites, ce qui est « absurde » à ses yeux. Elle a accusé ces deux pays d’avoir enfreint cette interdiction. Il existait selon elle la possibilité de créer un nouveau mécanisme destiné à prendre la relève de celui contre lequel Moscou a exercé son droit de veto l’an dernier. Il est dans l’intérêt de tous les pays, a assuré Mme Pierce, de doter l’OIAC du financement nécessaire pour s’acquitter de sa mission. La représentante a salué par ailleurs le travail accompli en Syrie par les Casques blancs, visés, a-t-elle dit, par des allégations mensongères. Sa délégation s’est enfin alarmée contre les tentatives de détourner l’attention des véritables responsabilités pour les crimes commis en Syrie.
M. FRANCISCO TENYA (Pérou) s’est dit préoccupé par la multiplication des accusations concernant l’utilisation d’armes chimiques contre la population civile sur le territoire syrien. Il s’est également dit très inquiet de la « persistance d’incohérences, d’erreurs et d’omissions » au sein de la déclaration initiale de la République arabe syrienne relative aux armes chimiques. Le représentant a estimé que les informations supplémentaires récemment fournies par Damas étaient en réalité « redondantes » par rapport à celles précédemment fournies, les jugeant toujours « insuffisantes ». Cela sape selon lui la crédibilité du Gouvernement syrien, d’autant plus que ce dernier a adhéré il y a maintenant cinq ans à la Convention sur les armes chimiques.
Le représentant a tenu à rappeler aux autorités syriennes leur obligation de coopérer pleinement pour élucider les incohérences constatées dans leur déclaration initiale. Enfin, il a appuyé les efforts de l’OIAC, notamment en matière d’inspections sur le terrain et dans la mise en œuvre de la décision du 27 juin dernier, prise lors de la quatrième session extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention.
La position de son pays sur les armes chimiques est connue, a déclaré Mme JOANNA WRONECKA (Pologne). La Pologne constate que le rapport de l’OIAC ne permet pas de dire si la déclaration initiale de la Syrie est conforme à la Convention sur les armes chimiques. La représentante a donc appelé la Syrie à répondre à toutes les questions et à lever les doutes en suspens. Elle a été en outre d’avis que ceux qui ont utilisé de telles armes doivent être tenus responsables de leurs actes.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a salué la destruction de 27 installations de fabrication d’armes chimiques déclarées par la République arabe syrienne, ainsi que la coopération du Gouvernement syrien avec le Secrétariat technique de l’OIAC. Il a appelé Damas à coopérer avec cette Organisation dans un esprit de « dialogue » et de « transparence », afin de lever tous les doutes ou incompréhensions soulevés par le Secrétariat technique. Le représentant a en outre rappelé l’importance des inspections menées par le Secrétariat technique sur les sites recensés par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, où des agents et substances chimiques auraient été utilisés, y compris les prochaines inspections de deux installations du Centre d’études et de recherches scientifiques à Barzah et à Jamrayah. Le représentant a enfin insisté pour que le Conseil de sécurité se montre uni sur cette question, afin d’instaurer un mécanisme d’enquête « impartial et fiable » pour traduire en justice les responsables d’utilisation d’armes chimiques.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a estimé que le Conseil de sécurité devrait se concentrer sur trois éléments s’agissant du dossier de l’utilisation présumée d’armes chimiques en Syrie: renforcer la coopération et la collaboration entre l’OIAC et le Gouvernement syrien; faciliter l’enquête sur l’ensemble des allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie; et s’efforcer de rechercher une solution globale aux questions de la responsabilité des crimes commis et des poursuites judiciaires « sans transférer cette prérogative à d’autres structures ». S’agissant de la décision prise lors de la Quatrième Session spéciale de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques, le Kazakhstan a estimé que les « nouvelles fonctions éventuelles » de l’OIAC, ainsi que la possibilité d’étendre son mandat, devraient être dûment examinées et approuvées, avec le soutien de l’ensemble des États parties.
Compte tenu des doutes portant sur la déclaration initiale de la Syrie, M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a dit que le Gouvernement syrien devrait pleinement coopérer avec l’OIAC pour lever tous les doutes et permettre une vérification complète et pertinente. La Suède rappelle en outre à toutes les parties que l’utilisation des armes chimiques est totalement interdite et que les auteurs devront en répondre devant la justice. Enfin, la Suède rejoint les positions du « Small group », à savoir que le comité constitutionnel doit être mis au travail au plus vite pour accélérer le processus politique.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a souligné l’importance de communications et de consultations constructives et orientées vers la recherche de résultats entre l’OIAC et le Gouvernement syrien, avec pour intention claire de résoudre « une bonne fois pour toutes » l’ensemble des questions en suspens. Par ailleurs, toutes les parties devraient coopérer avec la Mission d’établissement des faits dans le cadre de son enquête, a recommandé la représentante, qui a déclaré attendre avec impatience le rapport définitif sur l’incident présumé à Douma qui date d’avril dernier. Elle a en conclusion rappelé que l’utilisation, par quel qu’acteur que ce soit, d’armes chimiques en Syrie est totalement inacceptable.
M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a jugé « inacceptable » que la déclaration initiale de la Syrie ne puisse pas être vérifiée et certifiée. La délégation déplore par ailleurs les « tentatives d’obstruction » de la Fédération de Russie, qui, en faisant pression sur le budget de l’OIAC, tente d’empêcher la création d’un mécanisme d’attribution de responsabilités dans l’utilisation des armes chimiques en Syrie, a affirmé le représentant.
Il a également déclaré qu’il ne faut pas rater l’opportunité qu’offre la trêve à Edleb pour lancer le processus politique et mettre sur pied le comité constitutionnel, « avant la fin de l’année et le départ de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura ».
M. MA ZHAOXU (Chine) s’est félicité de la poursuite des communications entre l’OIAC et le Gouvernement syrien, plaidant pour la résolution des questions en suspens et pour l’aboutissement des enquêtes en cours. Il a rappelé l’opposition de son pays à l’utilisation d’armes chimiques, quels qu’en soient les auteurs ou les circonstances. Le représentant a souhaité que les parties surmontent leurs différends et s’engagent dans un dialogue constructif. Il les a aussi appelées à faire preuve d’unité.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a dit vouloir partager une information avec le Conseil de sécurité: selon lui, un grand nombre de prisonniers détenus par les États-Unis à Guantanamo ont été relâchés et se sont miraculeusement retrouvés aux côtés des terroristes, en Syrie. Ces prisonniers sont passés en 2014 par l’Uruguay, profitant d’un accord passé entre les deux pays, et visant à transférer des prisonniers de Guantanamo en Uruguay pour des raisons humanitaires, a affirmé M. Ja’afari. Parmi ces anciens prisonniers, il a dit qu’il y avait un terroriste syrien du nom de Jihad Diab, également connu sous le nom d’Abou El-Diab. Ce dernier vit actuellement en Turquie, a-t-il ajouté en précisant qu’il rend visite à sa mère malade dans un hôpital et circule librement entre la Turquie et la Syrie, où il combat auprès du Front el-Nosra.
Par ailleurs, le 31 mai 2018, les autorités turques ont arrêté puis relâché un terroriste du nom de Hayssam Al Khassab, a poursuivi le délégué syrien : le terroriste a transféré du matériel chimique dans la région d’Edleb après s’être approvisionné auprès de son fournisseur turc en phosphore blanc, rouge, jaune et en méthanol, entre autres. « Nous pouvons vous donner le nom et l’adresse de son fournisseur et même la couleur de sa devanture », a affirmé le représentant, assurant aussi que toutes ces informations ont été données aux différents comités des sanctions du Conseil de sécurité.
En dépit de cela, et « jour après jour, les pratiques d’un certain nombre de pays montrent qu’ils ont pris goût à se jouer des organes du Conseil de sécurité. Ils les utilisent pour couvrir les crimes qu’ils commettent contre le peuple syrien et pour protéger les terroristes dont ils se servent en Syrie, en fournissant à ces derniers toute l’aide voulue, y compris en matériels chimiques », a-t-il affirmé.
Or, a-t-il assuré, le Gouvernement syrien a montré sa volonté d’éliminer les armes chimiques, avant même son adhésion, en 2013, à la Convention sur les armes chimiques. En 2003, a-t-il rappelé, la Syrie avait proposé une initiative visant à créer au Moyen-Orient une zone exempte d’armes chimiques, mais les États-Unis avaient annoncé qu’ils opposeraient leur véto à cette initiative. Le représentant a aussi indiqué que depuis 2013, la Syrie a procédé à la destruction de ses stocks d’armes chimiques, à bord de navires américains et dans des délais très courts.
Par conséquent, « le show auquel on assiste ici montre qu’il y a un éléphant dans la salle », a analysé le représentant. Il a avancé que les pays qui ont convoqué cette réunion sont les mêmes qui ont permis aux groupes terroristes de posséder des armes chimiques, car ils soutiennent ces groupes, selon lui. « Certains pays poussent à ce que ces terroristes utilisent ces armes chimiques pour pouvoir accuser le Gouvernement syrien et puis, grâce à leurs capacités politiques et médiatiques, faire ici des show », a encore déclaré le représentant.
De son point de vue, « l’éléphant dans la salle ce sont les Casques blancs, le visage humanitaire du Front el-Nosra. L’éléphant, c’est la partialité de la Mission d’établissement des faits. L’éléphant, c’est l’incapacité des Nations Unies à agir contre les pays qui aident ces terroristes. »
Concernant la déclaration initiale de la Syrie, M. Ja’afari a affirmé que son gouvernement avait fourni toutes les réponses voulues. Le Gouvernement syrien propose cependant que l’on revoit la composition de l’équipe d’évaluation afin qu’il y ait « plus de scientifiques et moins d’agents de renseignement ». En outre, a-t-il exigé, l’équipe ne doit pas dévier de son mandat, c’est-à-dire qu’elle doit se cantonner à son rôle d’assistance et non mener des enquêtes.
« Du haut ce cette tribune, nous affirmons que l’armée syrienne n’a pas utilisé d’armes chimiques. Tous les stocks syriens ont été détruits, en 2014, en Méditerranée, sur le navire américain MV Cape Ray. Il n’y a plus de question en suspens », a déclaré le représentant.