Le Conseil de sécurité examine la situation dans la région du lac Tchad sous le triple aspect sécuritaire, humanitaire et du développement
Près d’un an après l’adoption de sa résolution 2349 (2017) concernant la région du bassin du lac Tchad, le Conseil de sécurité a de nouveau examiné aujourd’hui la situation dans la région sous le triple aspect humanitaire, sécuritaire et du développement. En cette Journée mondiale de l’eau, les délégations se sont aussi inquiétées de l’assèchement progressif du lac Tchad et de ses conséquences à maints égards.
À l’image de la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Mme Amina J. Mohammed, qui a parlé de « progrès considérables » dans la lutte contre Boko Haram, les membres du Conseil se sont félicités des succès enregistrés dans la lutte contre cette organisation terroriste, responsable de quelque 15 000 morts dans la région et qui, en empêchant l’accès à la terre et en provoquant des déplacements massifs de population, a créé d’immenses besoins humanitaires dans toute la région.
Les délégations ont en particulier salué les résultats obtenus par la Force multinationale mixte composée des pays de la région, qui ont repris une grande partie des territoires tenus par Boko Haram. L’Éthiopie a toutefois regretté que la Force ne reçoive pas « l’appui international qu’elle mérite ». Les États-Unis ont préféré mettre l’accent sur l’aide bilatérale en matière de sécurité, et la Fédération de Russie, pour laquelle il ne devrait pas y avoir de concurrence en matière de lutte contre le terrorisme, a promis de poursuivre son appui « sans conditions politisées ». La France a elle aussi rappelé la nécessité d’un soutien de la communauté internationale, mais a ajouté que la lutte contre le terrorisme ne saurait en aucun cas s’accompagner de violations des droits de l’homme.
Ces violations restent sources de préoccupation dans toute la région, a rappelé la Vice-Secrétaire générale. Si elle a mentionné en premier lieu les violations imputables à Boko Haram qui a, en quelques années, enlevé plus de 4 000 jeunes filles parfois utilisées pour commettre des attentats, Mme Mohammed a aussi parlé des violences sexuelles et sexistes. Elle a rappelé que de nombreuses filles enlevées rendues à leurs familles faisaient ensuite l’objet de discriminations, avant de plaider pour l’égalité hommes-femmes et pour la participation des femmes au processus de paix dans la région, un appel relayé notamment par la Suède et les Pays-Bas.
L’insurrection de Boko Haram a eu un impact négatif sur pratiquement tous les aspects de l’activité humaine, y compris l’économie, la politique, la vie et les moyens de subsistance des populations de la région du lac Tchad, a rappelé le représentant du Nigéria, qui s’exprimait aussi au nom des autres pays du bassin du lac Tchad - Cameroun, Niger et Tchad. C’est, a-t-il précisé, une des causes de la situation humanitaire de la région, que la Vice-Secrétaire générale a jugée toujours « terrible ». Comme l’a rappelé Mme Mohammed, 10,7 millions de personnes de la région dépendent d’une assistance vitale et on compte environ 2,3 millions de personnes déplacées.
L’assistance humanitaire s’est toutefois beaucoup améliorée, a reconnu la Vice-Secrétaire générale, qui a fait état de plus de 6 millions de personnes assistées en 2017 et rappelé que la mobilisation internationale avait permis d’éviter une famine dans la région. Toutefois, 4,5 millions de personnes sont actuellement en état d’insécurité alimentaire et leur nombre risque de grimper jusqu’à 5,8 millions d’ici au mois de juin, ce qui a fait dire au représentant du Royaume-Uni que la situation humanitaire était « aussi désastreuse qu’il y a un an ». Après la Vice-Secrétaire générale, plusieurs membres du Conseil ont donc appelé à soutenir le Plan d’action humanitaire pour le nord-est du Nigéria lancé le 8 février par l’ONU.
L’Éthiopie a expliqué son soutien au Plan d’action humanitaire par le fait qu’il couvre aussi des questions de consolidation de la paix et des efforts consacrés au développement à long terme. Dans le même sens, la Guinée équatoriale a estimé que l’assistance alimentaire immédiate devait être un point de départ pour mener des activités à moyen et long terme permettant de renforcer la résilience des populations.
C’était d’ailleurs, comme l’ont rappelé certains intervenants, une des caractéristiques innovantes de la résolution 2349 que d’avoir intégré la triple dimension de la sécurité, humanitaire et du développement à plus long terme par une lutte contre les « causes profondes » de la crise que sont la pauvreté, le sous-développement, les inégalités ou encore la détérioration de l’environnement. La France s’en est félicitée et a insisté sur « la nécessité de décloisonner les approches entre les questions de développement durable, de gouvernance, de droits de l’homme et celles de paix et de sécurité ».
En revanche, la Fédération de Russie a contesté cette approche, estimant que le Conseil devrait se concentrer sur la question de la sécurité. Pour la délégation, tant que la menace représentée par Boko Haram n’aura pas été éliminée, il ne sera pas possible de s’attaquer sérieusement à d’autres problèmes, tels que les questions environnementales, qui ont certes une incidence sur la vie des populations, mais qui devraient être traitées dans d’autres instances, sous peine de « diluer » le mandat du Conseil de sécurité.
Il reste que, comme l’a dit l’Éthiopie, les changements climatiques présentent des menaces sérieuses pour le traitement des causes profondes. Plusieurs délégations se sont inquiétées du rétrécissement du lac Tchad, et le Conseil a entendu à cet égard un expert, membre de la Commission du bassin du lac Tchad, qui a expliqué l’impact des changements climatiques sur la vulnérabilité de la région, avant de juger « inadéquat, clairsemé, mal financé et mal exploité » le réseau de suivi des changements environnementaux sur le terrain.
C’est que le lac est la source de subsistance de plus de 45 millions de personnes qui vivent autour, a rappelé le représentant du Nigéria. Il est donc « très cher » aux quatre pays qui le bordent. C’est pourquoi les États membres de la Commission du bassin du lac Tchad ont organisé à Abuja, en février, une conférence internationale pour sauver le lac, qui a adopté des recommandations et une « feuille de route » pour la mise en œuvre de laquelle l’appui de la communauté internationale a été sollicité.
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Déclarations
Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, qui s’exprimait par visioconférence de Monrovia où elle assiste aux cérémonies de clôture de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), a fait état de « progrès considérables » dans la lutte contre Boko Haram et s’est en particulier félicitée que 105 des filles enlevées le 19 février dernier aient été rendues récemment à leurs familles. Pour Mme Mohammed, il faut profiter de la reconquête de territoires sur l’organisation terroriste pour travailler au développement durable de la région du bassin du lac Tchad. L’ONU appuie les pays de la région et une stratégie pour le bassin du lac Tchad qui doit être lancée le mois prochain à N’Djamena, a-t-elle rappelé.
Les violations des droits de l’homme restent sources de préoccupation dans la zone, a rappelé la Vice-Secrétaire générale, qui a insisté non seulement sur la lutte contre le terrorisme mais aussi sur l’importance de l’égalité hommes-femmes et la participation des femmes au processus de paix dans la région. Trop de filles et de femmes continuent, dans cette région, de faire l’objet de violences sexuelles et sexistes et d’autres violations de leurs droits, a poursuivi Mme Mohammed, qui a rappelé que Boko Haram avait enlevé plus de 4 000 jeunes filles ces dernières années et que celles qui étaient rendues à leur famille faisaient souvent l’objet de discriminations. Elle a également rappelé que les filles avaient souvent été utilisées par l’organisation terroriste pour commettre des attentats. De même, 135 attentats-suicides de Boko Haram ont été commis en 2017 en utilisant des enfants, soit cinq fois plus qu’en 2016.
La situation humanitaire dans la région du bassin du lac Tchad reste terrible, a poursuivi la Vice-Secrétaire générale, avec 10,7 millions de personnes ayant besoin d’une assistance vitale. On compte notamment 2,3 millions de personnes déplacées dans toute la région. L’assistance humanitaire s’est beaucoup améliorée, a toutefois ajouté la Vice-Secrétaire générale, qui a rappelé que plus de 6 millions de personnes avaient été assistées en 2017 et que la mobilisation internationale avait permis d’éviter une famine dans la région. Elle a fait état de 4,5 millions de personnes en état d’insécurité alimentaire, tout en avertissant que le chiffre risquait de monter jusqu’à 5,8 millions au mois de juin prochain. Elle a aussi rappelé le contexte difficile et l’insécurité dans lesquels travaillent les acteurs humanitaires.
La Vice-Secrétaire générale a donc appelé les États Membres à contribuer activement au Plan d’action humanitaire pour le nord-est du Nigéria lancé le 8 février par l’ONU, qui vise à recueillir 1,05 milliard de dollars pour venir en aide à 6,1 millions de personnes. Elle a notamment insisté sur la nécessité de renforcer les infrastructures de communication, qui permettent le cas échéant d’alerter et de faire échouer des projets d’attaques, assurant ainsi une meilleure protection de la population.
L’ONU continue en outre d’apporter son soutien aux gouvernements de la région pour renforcer la résilience et lutter contre les causes profondes de la crise, a poursuivi la Vice-Secrétaire générale. Pour Mme Mohammed, la reconstitution de l’écosystème du lac Tchad est ainsi essentielle et la conférence d’Abuja du mois dernier en ce sens a été un succès. La visite du Conseil de sécurité il y a un an et l’adoption de la résolution 2349 (2017) ont créé une véritable dynamique en faveur de la région, a encore affirmé Mme Mohammed, qui a appelé à travailler avec toutes les organisations régionales et sous-régionales. Enfin, il faut également reconnaître que les opérations militaires ont des limites, a affirmé la Vice-Secrétaire générale, qui a conclu en rappelant l’importance d’assurer le développement durable de toute la région du bassin du lac Tchad.
M. MOHAMMED DANASABE BILA, expert en télédétection à la Commission du bassin du lac Tchad, a abordé la question de l’impact des changements climatiques sur la vulnérabilité du bassin du lac Tchad. Il a indiqué que les riverains du lac, du côté de l’État du Borno au Nigéria, avaient dû s’adapter progressivement à la pratique de l’agriculture sur le lit asséché du lac, et ce, depuis la sécheresse intervenue pendant la saison 1983-1984. Il a ainsi expliqué que cette culture du sol du lac est l’une des méthodes d’adaptation à la sécheresse et au manque de ressources auxquelles ont recours les communautés vivant autour du lac Tchad.
M. Bila a déploré le manque de suivi des données météorologiques dans la région, soulignant par exemple qu’il n’existe qu’une seule station de mesure du niveau des eaux, qui est située à Bol au Tchad, alors que la superficie du lac est de 25 000 kilomètres carrés si l’on suit l’ancien rivage. De l’avis de l’expert, le réseau de suivi des changements environnementaux dans le bassin du lac Tchad est « inadéquat, clairsemé, mal financé et exploité ».
M. Bila a également évoqué les conflits entre riverains de la rivière Komadugu-Yobe, qui constitue la frontière naturelle entre le Niger et le Nigéria. La sécheresse prolongée du Sahel et la réduction de la superficie du lac ont fortement entamé le débit du fleuve, créant des tensions entre les communautés des deux rives et parfois même des pertes en vies humaines, provoquant même des tensions entre les jeunes, avant même le début de l’insurrection de 2012. L’expert a salué le fait que la Commission mixte Niger-Nigéria ait établi un mécanisme de consultation pour la gestion de l’eau au niveau national afin d’éviter de nouvelles tensions sur le plan social.
Selon lui, il serait opportun d’établir une telle coopération transfrontalière au niveau local afin d’aider à gérer les conflits et réduire les tensions entre jeunes. Il a aussi remarqué le manque d’attention au niveau national sur ces incidents dans le bassin du lac Tchad, y voyant la conséquence d’un manque de structure dans les mécanismes de gouvernance de l’eau: ils ne sont pas conçus pour détecter ce genre d’information ou pour y répondre. L’expert a fait un parallèle avec ce qui se passe au niveau régional et même mondial: les changements climatiques et leurs répercussions ne sont pas documentés faute de moyens adéquats dans la gestion de l’eau au niveau local.
Une solution à cette mauvaise gestion de l’eau serait de restructurer les mécanismes de gestion de l’eau, a-t-il préconisé, précisant qu’ils se doivent d’être participatifs au niveau local. Au niveau régional, la solution doit tenir compte du lien entre la dégradation de l’environnement local et les sécheresses récurrentes au Sahel. Soulignant aussi que les défis environnementaux du bassin du lac Tchad sont interconnectés à ceux des changements climatiques qui affectent le Sahel et l’Afrique, il a recommandé de mener des évaluations au niveau de toute la région du Sahel concernant les risques locaux des défis inhérents aux changements climatiques.
M. Bila a parlé également de projets de polders, dont 120 pourraient par exemple être installés dans le bassin du lac Tchad pour les besoins de l’agriculture. Dans le même temps, les communautés locales pourraient être créées autour de chaque polder, en étant formées et équipées pour le suivi du niveau des eaux. Il est en effet important de pallier le manque d’informations sur le sujet aux niveaux national et régional, a-t-il expliqué.
Ces données pourraient par exemple être remontées au niveau des équipes de pays de l’ONU pour qu’elles puissent en rendre compte dans les rapports présentés régulièrement devant le Conseil de sécurité par le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel et le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale. Ainsi, le Conseil de sécurité serait en mesure de lancer des alertes précoces en cas de besoin. Ces données serviraient aussi de base pour des mesures relatives à l’adaptation aux changements climatiques, à la coopération en matière de gestion des eaux, à la prévention et la gestion des conflits, à l’amélioration des moyens de subsistance, à la résilience et à la sécurité mondiale.
Mme CHITRA NAGARAJAN, Conseillère sur les conflits, Adelphi, a dit que le défi n’est pas l’assèchement du lac Tchad mais bien une pluviométrie très variable. « La résilience de la région s’affaiblit », a-t-elle mis en garde, en déplorant également le déboisement et la dégradation des sols. Elle a cité un autre facteur de vulnérabilité: la persistance des conflits intercommunautaires et ethniques. Mme Nagarajan a ensuite dénoncé les enlèvements et l’enrôlement par les groupes armés de jeunes filles pour commettre des attentats-suicides. L’exploitation sexuelle, y compris celle commise par les acteurs censés protéger les populations, est un autre défi de taille, a-t-elle dit.
Mme Nagarajan a ensuite rappelé que les communautés de la région avaient accueilli les personnes déplacées bien avant l’intervention de la communauté humanitaire. « Mais cet accueil n’est pas sans créer des tensions », a-t-elle déclaré en soulignant la charge qu’il représente pour des sociétés locales déjà fragiles. Elle a ensuite souhaité que la protection des civils soit intégrée dans la formation dispensée aux militaires, avant de mettre en garde contre la création de milices communautaires. Enfin, Mme Nagarajan a souhaité que la situation dans la région fasse l’objet d’exposés réguliers devant le Conseil de sécurité afin que celui-ci soit informé et puisse agir en conséquence.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a rappelé le caractère unique de la résolution 2349 (2017), qui intégrait des éléments de sécurité, humanitaires et de développement mais s’est dit très préoccupé par la poursuite de l’insécurité dans la région du lac Tchad. Il a jugé la situation humanitaire « aussi désastreuse qu’il y a un an » et a appelé les bailleurs de fonds à respecter leurs engagements et à répondre aux appels humanitaires pour 2018, tout en demandant aux différents acteurs de la région de garantir un accès pour les intervenants humanitaires. Le représentant a rappelé que son pays avait ouvert récemment un bureau diplomatique au Tchad et s’est félicité des progrès réalisés par la Force multinationale mixte. Il a rappelé le partenariat noué entre le Royaume-Uni et le Nigéria.
La solution ne saurait toutefois être uniquement militaire et il faut traiter des causes profondes du conflit, a-t-il dit en citant notamment les inégalités, la pauvreté, les problèmes de sous-développement et de gouvernance ou encore les vulnérabilités climatiques. Les pays de la région doivent faire preuve d’encore plus de détermination, notamment dans le cadre de processus de désarmement, démobilisation et réintégration, a également estimé le représentant avant d’engager la communauté internationale à appuyer ces efforts. Pour le Royaume-Uni, il faut aussi appliquer les leçons tirées de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel dans la région du bassin du lac Tchad.
En cette Journée mondiale de l’eau, M. Allen a rappelé que les facteurs climatiques jouaient un rôle essentiel et a appelé à la mise en place de stratégies d’atténuation des risques, afin de renforcer la résilience des communautés. Les Nations Unies pourraient appuyer les différents efforts en ayant une présence plus cohérente dans la région, a-t-il estimé. Il a en outre souhaité que le Secrétaire général puisse se rendre prochainement dans la région.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a demandé une aide humanitaire accrue pour les pays de la région. Il a rappelé que la superficie du lac Tchad s’était réduite de 95% sur les 60 dernières années, en raison des sécheresses et des changements climatiques. De plus, les jeunes sans emploi de la région sont des proies faciles pour des groupes extrémistes comme Boko Haram, a-t-il observé. Il a encouragé l’ONU à continuer d’évaluer les risques sécuritaires liés au climat et plaidé pour une bonne mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
Le représentant a loué les efforts fructueux de la Force multinationale mixte en vue de réduire les capacités opérationnelles et le rayonnement géographique de Boko Haram, en demandant un solide soutien au profit de ladite Force. Il a ensuite exhorté l’ONU et les organisations régionales, telles que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), à élaborer une stratégie opérationnelle commune pour remédier aux causes profondes de la crise. Une approche régionale efficace est l’un des plus sûrs moyens d’aller de l’avant, a-t-il affirmé.
M. TAREQ M. A. M. ALBANAI (Koweït) a noté la diversité des défis auxquels les pays de la région du bassin du lac Tchad font face. En ce qui concerne les défis de sécurité, le représentant a rappelé les attaques terroristes de Boko Haram, qui a fait allégeance à l’État islamique d’Iraq et du Levant. Il s’est félicité à cet égard des actions menées par la Force multinationale mixte, avant de rappeler les décisions du Conseil de sécurité adoptées l’an dernier, notamment pour souligner la nécessité de renforcer la bonne gouvernance et l’état de droit.
Le représentant a affirmé que la situation humanitaire dans certains des pays de la région était une des pires qu’ils aient jamais connues, comme a pu le constater la mission du Conseil de sécurité qui s’est rendue sur place l’an dernier. Il a estimé que le Conseil devrait effectuer des visites similaires et examiner de manière périodique la situation humanitaire dans ces pays avant qu’elle ne s’aggrave encore. Enfin, M. Albanai a rappelé que la résolution 2349 avait aussi souligné la dégradation environnementale et la nécessité d’y remédier, en citant en particulier la sécheresse, la dégradation des terres, la désertification et l’insécurité alimentaire. Il a, là encore, insisté sur la nécessité d’évaluer régulièrement les risques.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a salué la libération de plus de 100 jeunes filles capturées par Boko Haram dans la ville nigériane de Dapchi. Il a insisté sur les conséquences négatives des changements climatiques pour la stabilité de la région du bassin du lac Tchad, comme l’a d’ailleurs reconnu le Conseil de sécurité dans sa résolution 2349 (2017). Les changements climatiques sont un véritable multiplicateur de menaces, en aggravant les facteurs de vulnérabilité, tels que la rareté des ressources ou bien encore la marginalisation de certaines communautés, a-t-il dit. Le délégué a déclaré que la prévention des conflits ne sera efficace que si le « stress climatique et environnemental » que connaissent les sociétés est bien compris.
Le représentant a ensuite plaidé pour un dialogue inclusif de toutes les parties prenantes au niveau local sur les causes profondes de la fragilité de la région du bassin du lac Tchad. La pleine participation des femmes est cruciale, a-t-il poursuivi, rappelant que celles-ci sont les plus touchées par la crise en cours. Enfin, il a souligné le rôle important de la Commission de consolidation de la paix dans la bonne mise en œuvre de la résolution précitée.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a condamné la « violence terroriste » de Boko Haram et de Daech, soulignant la nécessité de prévenir les conflits de grande ampleur en s’attaquant à leurs causes profondes. Parmi celles-ci, il a relevé l’extrême pauvreté, l’insécurité alimentaire et les changements climatiques. La construction d’une paix durable demande une réponse cohérente et intégrée fondée sur une approche multidimensionnelle, a fait valoir le représentant, estimant que le système des Nations Unies possède les outils nécessaires pour y parvenir.
Le représentant a encouragé le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), l’Union africaine, la Commission du bassin du lac Tchad et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à « redoubler » leurs efforts d’appui aux gouvernements de la région du lac Tchad et à développer une stratégie commune à même de faire face aux défis que pose le terrorisme. Toutefois, au-delà de la réponse militaire, il faut éradiquer la pauvreté et la vulnérabilité des populations aux effets des changements climatiques, a-t-il conclu.
M. MA ZHAOXU (Chine) a rappelé que les pays africains se défendaient depuis plusieurs années pour traiter eux-mêmes leurs problèmes, ce que la Chine salue. En même temps, le terrorisme ou la criminalité transnationale mettent à mal le développement de certains États africains, a-t-il relevé. Il est donc impératif, à son avis, que la communauté internationale adopte des mesures concrètes pour aider l’Afrique, en premier lieu dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La Chine se félicite ainsi de la manière dont les pays du bassin du lac Tchad et du Sahel ont su associer leurs efforts pour faire face à ces fléaux. La communauté internationale devrait leur fournir une assistance ciblée, a-t-il demandé.
Il faut aussi aider l’Afrique à faire face aux causes profondes de ses défis, a poursuivi le représentant, qui a ensuite insisté sur le rôle unique des organisations régionales et sous-régionales, comme l’Union africaine, la CEDEAO ou encore la CEEAC et la Commission du bassin du lac Tchad. M. Ma a ensuite insisté sur l’assistance fraternelle de son pays à l’Afrique.
Rappelant que le développement passe d’abord et avant tout par la sécurité, M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a apporté son soutien à l’action des pays de la région du bassin du lac Tchad qui sont unis au sein de la Force multinationale mixte contre Boko Haram. Devant la persistance et les mutations du fléau terroriste, le soutien de la communauté internationale reste plus que jamais nécessaire et doit être poursuivi, a—t-il déclaré. Il a précisé que la lutte contre le terrorisme ne saurait en aucun cas s’accompagner de violations des droits de l’homme. Il a aussi salué les efforts des pays de la région pour traduire en justice et réinsérer les anciens combattants terroristes. « La voie du droit est essentielle pour la réconciliation et la démobilisation de personnes qui, dans de nombreux cas, ont adhéré au groupe terroriste sans de réelles raisons idéologiques. »
M. Delattre a ajouté que la réponse à la crise du bassin du lac Tchad ne peut uniquement être de nature sécuritaire. Ainsi, pour y apporter une solution durable, « nous devons poursuivre nos efforts pour remédier aux causes profondes de la crise », a-t-il suggéré. En cette Journée mondiale de l’eau, le représentant a insisté sur l’importance de la ressource hydrique pour la sécurité et la stabilité dans la région du lac Tchad. Pour la France, « l’eau ne doit en aucun cas être une source de division, mais un facteur de coopération entre les États ». C’est dans cette perspective que la France poursuivra ses efforts pour renforcer les outils de gouvernance locale tels que la Commission du bassin du lac Tchad, et renforcera ses projets d’aide au développement par le biais de l’Agence française de développement notamment.
En outre, M. Delattre a souhaité que les efforts de stabilisation dans la région portent aussi sur les enjeux humanitaires et sur la protection des civils. Il a donc appelé, au vu de la gravité de l’urgence humanitaire de la région, à soutenir les pays qui sont en première ligne dans la lutte contre le terrorisme et qui accueillent un nombre considérable de déplacés et de réfugiés, plaidant pour le soutien du Plan de réponse humanitaire pour la région récemment lancé par les Nations Unies.
S’agissant de la protection des civils, il a appelé à assurer la sécurité pérenne des populations face à Boko Haram et à accompagner le retour volontaire et durable des déplacés et réfugiés quand les conditions sécuritaires le permettent. La France rappelle « la nécessité de décloisonner les approches entre les questions de développement durable, de gouvernance, de droits de l’homme et celles de paix et de sécurité », a-t-il dit. La dégradation environnementale, et en particulier la raréfaction des ressources en eau dans la région du lac Tchad, illustre avec une force particulière cet impératif d’une approche intégrée de la prévention des conflits, laquelle approche est au cœur de la réforme du Secrétaire général, a-t-il rappelé.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a dit vouloir croire que la situation humanitaire et les problèmes économiques de la région du lac Tchad attiraient davantage l’attention depuis la visite du Conseil de sécurité dans la région et l’adoption, il y a un an, de la résolution 2349 (2017). Il a notamment dit apprécier les progrès faits dans la lutte contre Boko Haram et jugé nécessaire de reconnaître le rôle joué par la Force multinationale mixte. Malheureusement, cette Force ne reçoit pas l’appui international qu’elle mérite, a poursuivi le représentant, qui a fait observer la gravité du retrait des forces tchadiennes de la Force, avant de prendre note de la décision prise par l’Union africaine, lors de son dernier sommet, de travailler étroitement avec ses partenaires pour mobiliser des ressources en faveur de la Force. Il est essentiel que les engagements déjà pris par les partenaires soient respectés, a-t-il dit.
M. Alemu a également insisté sur l’importance de la coordination entre l’ONU, l’Union africaine et les organisations régionales et sous-régionales, comme la CEDEAO et la CEEAC. À cet égard, il a jugé encourageantes la visite du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine dans la région l’an dernier, puis la tenue de la première Conférence régionale sur la stabilisation de la région du bassin du lac Tchad, en novembre 2017. Il a souhaité un renforcement des réponses tant de sécurité que de développement en rappelant la nécessité de l’engagement de la communauté internationale dans son ensemble. Il a donc apporté son appui au Plan de réponse humanitaire 2018 pour le nord-est du Nigéria, qui couvre aussi la consolidation de la paix et les efforts qui contribuent au développement à long terme. Il a en même temps rappelé que les effets des changements climatiques présentent des menaces sérieuses pour le traitement des causes profondes du conflit dans la région, soulignant que les populations dépendent beaucoup pour leur subsistance de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. M. Alemu a conclu en exprimant combien est vital le soutien cohérent et constant du système des Nations Unies pour les différents pays de la région.
Mme AMY NOEL TACHCO (États-Unis) a dit que beaucoup reste à faire pour remédier à la crise dans la région. Les groupes terroristes continuent de dévaster des familles entières, a-t-elle déploré. Elle a salué la récente libération de jeunes filles dans la ville de Dapchi, ainsi que le rôle de chef de file joué par le Nigéria dans la région. Nous continuerons d’appuyer les pays de la région, a-t-elle assuré. La représentante a aussi apporté le soutien de son pays au processus de désarmement, démobilisation et réintégration conduit par le Nigéria.
Mme Tachco a indiqué que le règlement de la crise ne se jouera pas seulement sur les champs de bataille mais passera aussi par l’édification d’un avenir meilleur pour les populations de la région. Elle a demandé que justice soit faite pour les crimes commis dans la région, en appelant aussi à une réponse dynamique à la crise humanitaire alarmante que connaît la région. La représentante a ainsi exhorté les pays de la région à garantir l’accès humanitaire et à renforcer la bonne gouvernance. Elle a rappelé combien l’aide bilatérale sécuritaire de son pays demeure cruciale dans la lutte contre Boko Haram. Les États-Unis ont, depuis 2015, débloqué un milliard de dollars pour remédier à la situation humanitaire dans la région, a précisé la déléguée.
M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a estimé que le Conseil, avec la résolution 2349 (2017), avait pris toute la mesure de la situation dans la région. Il a salué les succès des opérations menées par la Force multinationale mixte contre Boko Haram, même si ce groupe terroriste demeure toujours actif et nuisible. Il faut accélérer le processus de mise à disposition du soutien additionnel à cette Force, a-t-il souhaité. Le délégué a souligné la nécessité d’une coopération accrue aux niveaux régional et international en vue de trouver des solutions durables à la crise dans le respect des spécificités des pays concernés. À ce titre, il a appelé à faire progresser la mise en œuvre de la Stratégie intégrée de l’ONU pour le Sahel, avant de plaider pour une coopération accrue entre le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) et le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC). Enfin, au regard de la réduction drastique du niveau et de la taille du lac Tchad, il devient impérieux d’accélérer les recherches de solutions innovantes en vue de sa restauration, a suggéré M. Tanoh-Boutchoué.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a souligné que le thème de la séance portait sur « la paix et la sécurité en Afrique ». Dès lors, le Conseil de sécurité devrait se concentrer sur la situation difficile de la région du bassin du lac Tchad en termes de sécurité. La Fédération de Russie ne sous-estime certes pas les facteurs qui, comme le climat ou l’environnement, ont une incidence sur la vie des populations, a dit le représentant, mais il existe d’autres instances pour en traiter, comme l’ECOSOC ou la Deuxième Commission. Il faut éviter de diluer les compétences du Conseil de sécurité et d’en diminuer ainsi l’efficacité, a plaidé M. Polyanskiy, qui a rappelé que son pays n’avait pas été le seul à faire part de telles préoccupations lors de la négociation l’an dernier de la résolution 2349, tout en regrettant de n’avoir pas été entendu.
Rappelant qu’il n’y avait pas de conflit international dans la région du bassin du lac Tchad mais un problème lié au terrorisme, M. Polyanskiy a salué les efforts menés par le Nigéria pour lutter contre Boko Haram, tout en ajoutant que l’organisation terroriste représentait une menace pour l’ensemble de la région. Tant que cette menace régionale n’aura pas été éliminée, il ne sera pas possible de s’attaquer sérieusement à d’autres problèmes, tels que les questions environnementales, a insisté le représentant.
Le délégué a ensuite rappelé que la situation dans la région avait acquis une ampleur catastrophique « à la suite de l’effondrement de l’État libyen ». Se défendant de vouloir « lancer des piques » à tel ou tel État membre du Conseil, le représentant a dit vouloir simplement mettre en garde contre toute autre aventure comparable à celle de la crise libyenne « provoquée de l’extérieur », et dont il a rappelé les multiples conséquences, ajoutant qu’il faudrait « payer les pots cassés pendant encore de nombreuses années ».
La Fédération de Russie soutient l’assistance aux pays de la région, a-t-il poursuivi. Il n’y a pas de place ici pour la concurrence, a affirmé M. Polyanskiy, qui a plaidé pour une action concertée, avant de rendre hommage à la Force multinationale mixte. Le représentant a par ailleurs salué les travaux de la Commission du bassin du lac Tchad et la première conférence régionale sur le lac, estimant qu’il fallait se réjouir de toute initiative répondant au principe « à problèmes africains, solutions africaines ». La Fédération de Russie continuera d’apporter son appui, et ce, « sans formuler de conditions politisées », a-t-il assuré.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) s’est dit préoccupé par la « menace constante » que représente Boko Haram pour la sécurité des populations civiles du bassin du lac Tchad. Les meurtres, les enlèvements et les violences sexuelles perpétrés par Boko Haram ont pour effet d’aggraver la crise humanitaire dans la région, a dénoncé le représentant. Après avoir salué les efforts du Nigéria, du Niger, du Tchad et du Cameroun qui ont permis de réduire les capacités du groupe terroriste, il a exhorté la communauté internationale et la Force multinationale mixte à poursuivre leur lutte contre le terrorisme qui menace la paix et la sécurité dans toute la région.
Alors que plus de 10 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, M. Inchauste Jordán a appelé les gouvernements et les organisations régionales à adopter une approche à court terme afin de répondre aux besoins les plus urgents, tels que l’insécurité alimentaire et l’aide aux réfugiés et aux personnes déplacées. Pour ce faire, il a encouragé les pays donateurs à respecter les engagements pris lors de la Conférence humanitaire d’Oslo sur le Nigéria et la région du lac Tchad. Il est temps de s’attaquer aux causes structurelles de la crise, a conclu le représentant, pour qui il ne peut y avoir de stabilité dans la région sans une réduction de la pauvreté et des inégalités.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a rappelé que 11 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire dans la région. Elle a demandé la pleine mise en œuvre de la résolution 2349 (2017) et salué les succès engrangés par la Force multinationale mixte contre Boko Haram, même si ce dernier est toujours actif. Elle a plaidé pour des « mesures économiques et sociales » et une « autonomisation des communautés marginalisées » pour remédier aux causes profondes de la crise. Les changements climatiques sont une menace pressante, affectant la stabilité de la région, a-t-elle poursuivi. Elle a, en conséquence, plaidé pour un engagement international accru pour remédier aux conséquences des changements climatiques. Enfin, la déléguée a noté les nombreuses crises liées à la question de l’eau et indiqué que les mesures d’atténuation des conséquences des changements climatiques permettent de prévenir les conflits.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a mis en avant les conséquences désastreuses des activités terroristes de Boko Haram sur la sécurité alimentaire d’une population déjà frappée par la pauvreté et la dégradation de son environnement. En empêchant l’accès à la terre et en provoquant des déplacements massifs de population, l’organisation terroriste a créé d’immenses besoins humanitaires dans toute la région du bassin du lac Tchad, a remarqué le représentant. M. Ndong Mba a rappelé que les participants à la conférence sur le lac Tchad, tenue du 16 au 28 février dernier à Abuja, au Nigéria, avaient estimé que le lac appartient au patrimoine de l’humanité. Il a constaté l’aggravation apportée par les changements climatiques quant à la réduction considérable de la surface et du volume en eau du lac, déjà menacé par une mauvaise gestion des ressources hydriques.
Face aux multiples défis auxquels la région est confrontée, M. Ndong Mba a salué les efforts de la Commission du bassin du lac Tchad et les succès de la Force multinationale mixte, y voyant une démonstration de la capacité des organisations régionales et sous-régionales africaines à être des acteurs de plein droit. Quant à la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), elle apporte elle aussi un soutien décisif aux efforts visant à éradiquer la violence dans la région, a-t-il estimé. Le représentant a toutefois rappelé que les efforts en matière de sécurité devaient s’accompagner d’une aide au développement. L’assistance alimentaire immédiate doit être un point de départ pour mener des activités à moyen et long terme permettant de renforcer la résilience des populations, a-t-il dit. Il a conclu en demandant que les prochains rapports du Secrétaire général concernant la mise en œuvre de la résolution 2349 fassent référence au lien entre changements climatiques et sécurité.
Pour M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas), la crise actuelle dans le bassin du lac Tchad est le résultat d’une inaction face à ses causes profondes. La première cause est l’eau et le climat, a-t-il dit en prônant le renforcement de la résilience pour éviter de nouvelles tensions, ce qui nécessite des investissements dans la gestion intégrée et durable de l’eau tout en tenant compte des effets des changements climatiques. Il a indiqué que le Groupe de haut niveau sur l’eau avait proposé des recommandations portant notamment sur les évaluations adéquates des risques, la gestion de solutions et la poursuite des actions préemptives.
Comme deuxième cause, il a cité le manque d’opportunités socioéconomiques. Pour en créer davantage, il a estimé que la dernière mission conjointe de l’ONU était une bonne première étape dans l’élaboration de programmes sensibles aux conflits à travers le système des Nations Unies. Il a appelé l’ONU à renforcer cette approche et à améliorer les rapports portant sur ces efforts.
En ce qui concerne la troisième cause -l’inclusion et l’autonomisation des femmes-, il a plaidé pour une réponse intégrée qui assure la pleine inclusion et la participation des femmes et des filles en tant que responsables de leur propre avenir. Pour assurer une approche plus intégrée et à long terme du maintien de la paix dans la région du lac Tchad, il a demandé à l’ONU une évaluation intégrée des risques, une analyse des conflits et un système d’alerte précoce.
Il a fait part en outre du besoin de plus de capacités pour l’évaluation et la gestion conjointes des risques, qui doivent être faites par toutes les agences des Nations Unies. Il faut aussi prendre mieux en compte les changements climatiques. Il a aussi recommandé d’assurer une planification et une programmation sensibles aux conflits, au genre et au climat, tels que les plans de stabilisation qui prennent en compte la disponibilité des ressources autour du lac Tchad. Finalement, « nous avons besoin d’évaluations et de rapports complets pour analyser en profondeur les nombreux risques pour la paix et la sécurité, et leurs effets sur les autres programmes dans la région », a-t-il conclu.
Au nom du Cameroun, du Niger, du Nigéria et du Tchad, M. TIJJANI MUHAMMAD BANDE (Nigéria) a déclaré qu’il attendait avec impatience la visite de haut niveau du Secrétaire général, du Président de la Commission de l’Union africaine, du Président du Groupe de la Banque mondiale et du Président de la Banque africaine de développement afin d’attirer l’attention de la communauté internationale et de renforcer son engagement dans la région comme cela est recommandé par la résolution 2349 (2017) du Conseil de sécurité.
L’insurrection de Boko Haram qui a eu un impact négatif sur pratiquement tous les aspects de l’activité humaine, y compris l’économie, la politique, la vie et les moyens de subsistance des populations de la région du lac Tchad, a rencontré la détermination et la résilience de la Force multinationale mixte, a-t-il fait remarquer. Par conséquent, a-t-il ajouté, « nous avons continué à assister au retour des rescapés et des victimes qui vivaient jusque-là sous l’oppression brutale de Boko Haram ». Il a aussi relevé que les communautés s’étaient en conséquence rapprochées pour porter secours aux personnes touchées.
M. Muhammad Bande a réitéré l’engagement des gouvernements respectifs des quatre pays à protéger les civils dans les conflits armés, car ils reconnaissent la responsabilité première de l’État en ce qui concerne la protection des civils placés sous leur compétence juridictionnelle. « Cette conviction, a-t-il insisté, explique la détermination de nos gouvernements à prendre les mesures nécessaires pour protéger les civils dans la lutte contre Boko Haram et ses semblables. » Le représentant a précisé que toutes ces mesures sont prises dans un cadre conçu pour répondre simultanément aux besoins de développement de la région à court et à moyen terme. « Nos gouvernements sont engagés dans des programmes pour soutenir la réintégration des victimes dans leurs communautés », a-t-il aussi indiqué.
Nonobstant ces progrès, il a dit être conscient d’autres défis dans la région, y compris les changements climatiques, écologiques et environnementaux, en particulier le rétrécissement du lac Tchad. Il a expliqué qu’il faudrait une intervention internationale spécifique pour la remise en eau du lac. « Le lac Tchad nous est très cher », a-t-il dit en soulignant qu’il est la source de subsistance pour plus de 45 millions de personnes vivant dans la région. L’un des plus anciens lacs d’Afrique, il est partagé par le Cameroun, le Niger, le Nigéria, la République centrafricaine et le Tchad, a-t-il précisé avant de détailler tout ce que la population en retire pour son bien-être économique.
« Nous renouvelons donc l’appel à une action internationale redoublée, à une attention mondiale accrue et à un engagement actif avec les pays de la région du lac Tchad pour accélérer les efforts de redressement et s’attaquer aux causes profondes du terrorisme, conformément à la résolution 2349 et à la déclaration présidentielle du 30 janvier 2018 adoptées par le Conseil de sécurité », a déclaré le représentant.
M. Muhammad Bande a averti que cela nécessitera une forte coopération en matière de prévention et de gestion de conflits, entre l’ONU et les organisations régionales telles que la CEDEAO et la Commission du bassin du lac Tchad. L’ONU, a-t-il estimé, devrait continuer à prendre le leadership du maintien de la paix et de la sécurité internationales en fournissant, de manière prévisible et durable, un financement adéquat et d’autres moyens aux initiatives régionales et aux opérations de maintien de la paix autorisées par le Conseil de sécurité. « À cet égard, nous appelons au décaissement rapide des 458 millions de dollars annoncés à la Conférence d’Oslo 2017 à des fins humanitaires. »
Il a rappelé que, de leur côté, les gouvernements de la Commission du bassin du lac Tchad, avec le soutien de leurs partenaires internationaux, avaient organisé une conférence internationale pour sauver le lac Tchad, une conférence qui s’est tenue à Abuja, au Nigéria, du 26 au 28 février dernier. La Conférence a adopté une feuille de route pour la mise en œuvre de ses recommandations qui devrait conduire à la restauration du lac, de la pêche et de l’agriculture irriguée, comme moyens pour atténuer la pauvreté, renforcer la résilience climatique dans le bassin, créer de l’emploi, réduire les activités terroristes et accroître le revenu de la population et des pays du bassin du lac Tchad. « Nous attendons le soutien de la communauté internationale dans la mise en œuvre de cette feuille de route bien pensée », a-t-il dit.
M. Muhammad Bande a ensuite cité les programmes développés par les gouvernements de la région pour combattre les causes profondes des crises, de manière holistique, affirmant vouloir continuer à renforcer la coopération pour la mise en œuvre effective de ces plans. Le représentant a aussi indiqué que l’attention spéciale et le soutien de la communauté internationale étaient nécessaires pour alléger le sort des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de la région, en particulier les femmes et les enfants. Avant de conclure, il a appelé à traiter les questions relatives au lac Tchad avec l’urgence qu’elles méritent et à faire preuve de volonté politique pour faire revitaliser le lac.