Le Comité de la décolonisation appelle l’Assemblée générale à se saisir de la situation de Porto Rico frappée par les ouragans, « Maria, Irma et Plan d’austérité »
Des infrastructures sociales détruites, un réseau électrique en panne, 4 645 morts, une économie livrée aux « vautours de Wall Street », c’est la situation qu’ont dépeinte aujourd’hui 44 pétitionnaires portoricains, après le passage des ouragans « Maria, Irma et Plan d’austérité ». En présence de l’ancien « prisonnier politique », Oscar Rivera qui a reçu une ovation debout, le Comité spécial de la décolonisation a répondu à leur appel visant à ce que l’Assemblée générale se saisisse de la question de Porto Rico, « la plus vieille des colonies ».*
La réponse « misérablement inadéquate » des Gouvernements fédéral et central après les ouragans Maria et Irma a provoqué un exode massif où les victimes de cette « tragédie américaine » fuient leur « paradis condamné », emportant avec elles l’opprobre de leur statut de citoyen de deuxième classe déjà confronté au fléau de la « Loi Promesa » qui a incité un « gouvernement éclopé » à privatiser l’ensemble des services, à vendre ce qui reste des terres et à décimer le système éducatif.
Décriée par tous, la « Loi Promesa » de 2016 a donné lieu à la création du Conseil de supervision fiscale, « inféodé aux vautours de Wall Street », qui a imposé un Plan d’austérité prévoyant des compressions budgétaires dans les services publics, les retraites et l’éducation dans le but de rembourser une dette, « non auditée », ont souligné les pétitionnaires, de 74 milliards de dollars.
« Les politiciens courbent l’échine devant les capitalistes et lèchent les bottes des envahisseurs opportunistes », ont ironisé les pétitionnaires, fustigeant « l’arrogance et la cupidité des administrateurs coloniaux » qui ont confié la reconstruction de l’île exclusivement à des entreprises américaines. Littéralement « laissée pour morte », l’île n’est rien de plus qu’une opportunité d’affaires pour « les riches hommes d’affaires blancs ».
Mais, ont prévenu les pétitionnaires, « alors que le Président Trump nous jetait des rouleaux de sopalin, se moquait de notre misère et nous insultait », le peuple portoricain s’est uni: partis politiques, étudiants, enseignants, syndicats, environnementalistes, religieux, travailleurs et retraités veulent reconstruire « Porto Rico pour les Portoricains ».
Comme il est difficile d’affronter le « Minotaure du Nord, tant sa force de frappe est grande », le moment est venu de saisir l’Assemblée générale de la situation de Porto Rico, ont plaidé les pétitionnaires. Le Comité spécial les a entendus et a adopté par consensus une résolution qui prie l’Assemblée générale d’examiner la question de Porto Rico sous tous ses aspects et de manière approfondie, et de se prononcer sur le sujet dès que possible.
Le Comité spécial « note avec inquiétude » que la marge de manœuvre déjà limitée dont dispose « le régime de subordination politique et économique » en place à Porto Rico a encore été réduite. Il « demande de nouveau » au Gouvernement américain de permettre au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance et de prendre des décisions « souveraines » afin de répondre d’urgence à ses besoins économiques et sociaux.
Il prend acte du débat en cours à Porto Rico concernant la mise en œuvre d’un mécanisme qui assurera la pleine participation de représentants de tous les courants d’opinion portoricains, notamment une assemblée constitutionnelle sur la question du statut. « Independencia para Puerto Rico », ont crié les pétitionnaires à la fin de la réunion.
Le Comité spécial poursuivra ses travaux demain mardi 19 juin à partir de 10 heures.
A/AC.109/2018/L.7
DÉCISION DU COMITÉ SPÉCIAL EN DATE DU 19 JUIN 2017 CONCERNANT PORTO RICO
Rapport établi par le Rapporteur du Comité spécial (A/C.19/2018/L.13)
Porto Rico bénéficie actuellement du statut d’État libre associé aux États-Unis. Le 11 juin 2017, un nouveau plébiscite a été organisé mais boycotté par 77% des deux millions d’électeurs valablement inscrits, ce qui l’a rendu illégitime. Les options proposées aux électeurs étaient: le statut d’État fédéré, l’indépendance et la libre association et le statut territorial actuel. Quatre-vingt-dix-sept pour cent de votants sont favorables à l’option du statut d’État fédéré.
Les principaux partis politiques de Porto Rico se distinguent essentiellement par leur position au sujet du statut politique définitif, le statu quo ne satisfaisant personne. Le Partido Popular Democrático (PPD) souhaite un élargissement de l’actuel statut d’État libre associé, qui ne serait ni un territoire dépendant, ni une colonie: l’île ne serait plus soumise à la clause territoriale prévue dans la Constitution américaine. Les Portoricains conserveraient la nationalité américaine, mais l’île aurait une autonomie accrue pour la gestion de ses affaires intérieures et une plus grande latitude quant à l’établissement de relations régionales et internationales. Une partie du PPD souhaiterait reconduire l’actuel statut d’État libre associé, qui a été rejeté par la majorité du peuple portoricain à l’occasion du premier volet du plébiscite du 6 novembre 2012.
Le Partido Nuevo Progresista (PNP) souhaite quant à lui que Porto Rico devienne un État des États-Unis à part entière. Il bénéficie d’un appui légèrement inférieur à celui du PPD. Le troisième parti, le Partido Independentista Puertorriqueño, réclame l’indépendance de l’île. Certains groupes indépendantistes ne participent pas aux élections parce qu’ils considèrent qu’elles s’inscrivent dans une logique colonialiste et ne constituent pas un véritable exercice démocratique, tandis que d’autres ont opté pour une stratégie consistant à voter pour le candidat du PPD au poste de gouverneur afin d’empêcher les partisans du statut d’État fédéré d’accéder au pouvoir.
Au cours des réunions du Comité spécial, trois questions bien précises ont été soulevées: la présence militaire des États-Unis à Porto Rico, notamment sur l’île de Vieques; l’emprisonnement aux États-Unis de Portoricains indépendantistes, accusés d’atteinte à la sûreté de l’État et de détention d’armes; et l’application de la peine capitale à des Portoricains reconnus coupables d’un crime fédéral. Depuis quelques années, les persécutions politiques seraient de plus en plus nombreuses.
Audition de pétitionnaires
M. OSCAR LOPEZ RIVERA, Fondation OLR Liberta, a exigé des réponses à plusieurs questions, « car nous nous sentons ignorés par l’Assemblée générale et menacés par ce que le Gouvernement des États-Unis nous a fait et continue de nous faire ». Pourquoi l’Assemblée n’a-t-elle pas examiné la question de l’éradication du colonialisme à Porto Rico conformément à la résolution 43-47 de 1988? Est-ce parce que le Gouvernement des États-Unis exerce trop de pouvoir et d’influence sur les membres de l’Assemblée? M. Rivera a demandé aux membres du Comité spécial d’envisager d’enquêter sur les activités répréhensibles que le Gouvernement des États-Unis mène à Porto Rico depuis 120 ans, comme la dépopulation de l’île et la destruction de son identité nationale.
Le pétitionnaire a souligné le fait que plus de 5 millions de Portoricains sont dans la diaspora alors qu’à peine plus de 3 millions vivent à Porto Rico. Selon lui, ce processus de dépopulation pose des problèmes pour l’avenir car la majorité des Portoricains qui ont été forcés d’émigrer sont de jeunes professionnels. Pourquoi tant de Portoricains émigrent-ils? a lancé M. Rivera. C’est principalement parce que l’économie de Porto Rico est devenue dysfonctionnelle, « à cause des politiques du Gouvernement et de l’industrie bancaire américains ». Il a dénoncé la dette « odieuse et criminelle » de 74 milliards de dollars qui pèse sur Porto Rico et la supervision fiscale imposé à l’île.
Or, a-t-il plaidé, les Portoricains ont le droit de savoir où a été dépensé l’argent qui a été pris de leurs poches. On ne leur dit rien. Ce qu’ils savent, c’est que plus de 500 écoles publiques ont été fermées et que les frais de scolarité de l’Université de Porto Rico ont augmenté. L’avenir de l’éducation publique à Porto Rico est gravement menacé, a prévenu M. Rivera. De plus en plus de Portoricains vont devoir émigrer, remplacés par les fonds spéculatifs, les investisseurs, les promoteurs immobiliers, a-t-il prédit. « Dans quelques années, Porto Rico va devenir un nouvel Hawaï. » Mais peut-être pas, s’est-il repris, parce qu’il y a des Portoricains qui n’abandonneront jamais la lutte.
M. EDGARDO ROMAN-ESPADA, Vice-Président du « Colegio de Abogados y Abogadas de Puerto Rico », a rappelé les nombreuses résolutions adoptées par le Comité spécial et regretté que Porto Rico n’ait toujours pas reçu l’attention qu’elle mérite. Qualifiant de « subordination politique au Congrès américain » la relation entre son île et les États-Unis, le pétitionnaire n’a pas hésité à dire qu’« à ce jour il n’existe pas de processus de décolonisation et la relation coloniale imposée par le Gouvernent américain est à l’origine de la crise du modèle économique qui prévaut à Porto Rico. » L’an dernier, la situation économique difficile a été aggravée par le passage des deux ouragans Irma et Maria qui a noyé l’économie. Le PNB a baissé de 11% entre 2005 et 2016 et les chiffres de l’emploi sont alarmants. Depuis 2017, à peine 37% de la population est employée et les emplois précaires sont en hausse. La dette publique a dépassé 70 milliards de dollars, rendant tout remboursement impossible et mettant en danger les services publiques. Le pétitionnaire a dénoncé la « Loi Promessa » qui a été adoptée l’an dernier et qui a servi à mettre en marche des mesures d’austérité malgré le passage des ouragans qui ont causé la mort de 4 645 morts.
M. ANGEL FUGUEROA, Président de « Union de Trabajadores de la Industria Electrica Y Riego », a dénoncé « le joug colonial » imposé par la « Loi Promessa » qui a entraîné la vente de la société nationale d’électricité. Il a aussi dénoncé l’avis de la Cour suprême américaine selon laquelle la souveraineté de Porto Rico dépend « exclusivement » du Congrès américain et non pas du peuple portoricain. Rappelant, à son tour, l’ampleur de la dévastation économique de l’ile après les ouragans qui ont gravement frappé le réseau électrique, il a souligné que l’accès à l’électricité est un droit « fondamental » du peuple portoricain. Or, la vente de ce « patrimoine social » soumet ce droit aux fluctuations du marché. « L’électricité est un patrimoine social et le peuple portoricain doit y avoir accès et en avoir le plein contrôle », a-t-il conclu.
L’indépendantiste, Mme JOCELYN VELAZQUEZ, Frente Socialista de Puerto Rico, a revendiqué le droit à l’autodétermination du peuple portoricain et rejeté la loi adoptée par le Congrès américain « qui a empêché l’ile de se relever ». Il est indispensable, selon elle, que la communauté internationale entende la voix du peuple portoricain. Elle a dénoncé la répression de plus en plus forte qu’exerce le Gouvernement local depuis la crise économique.
Mme JUDY SHERIDAN-GONZALEZ, Présidente de la New York State Nurses Association (NYSNA), a décrit l’impact du colonialisme sur la santé du peuple portoricain. La situation sanitaire et alimentaire intenable qui prévaut dans l’île s’est transformée « en génocide » compte tenu de la réponse « apathique et incompétente » du Gouvernement américain après les dégâts causés par les ouragans, a dénoncé la pétitionnaire. La désintégration du réseau électrique imposée par l’austérité et la négligence « criminelle » qui a suivi ont directement contribué à la mort de milliers de personnes, a-t-elle poursuivi. Sans les efforts des Portoricains et la solidarité des autres, le nombre de victimes aurait été plus élevé que les cinq milliers annoncés dans une étude récente. Mme Sheridan-Gonzales a ajouté que la perte des maisons et des moyens de subsistance, l’exil, le manque de secours, d’aide et d’efforts de réparation de la part du Gouvernement ont entraîné un nombre important de stress post-traumatique, de dépressions et de suicides. L’austérité imposée par un Comité fiscal non élu pour rembourser les fonds spéculatifs n’a fait qu’empirer les problèmes. La crise sanitaire à Porto Rico ne pourra être résolue que par l’annulation de la dette, le démantèlement de la jungle fiscale, l’abrogation de la « loi Jones » et des efforts, y compris au nom de la communauté internationale, pour l’autonomie et l’autodétermination de Porto Rico.
M. JIHAD ABDULMUMIT, National Jericho, s’est présenté comme un « Black Panther », professant sa foi musulmane. Porto Rico, a-t-il souligné, est « une colonie américaine » soumise au « joug colonialiste ». Il a accusé la « Puissance occupante » de rester sourde aux « cris » des opprimées et fustigé le mépris du Président Donald Trump à l’égard du Porto Rico. Il a exhorté le Comité spécial à honorer la résolution 1514 et à améliorer les conditions de vie des Portoricains. « La répression engendre la résistance », a-t-il prévenu et nous vous demandons de déclarer que Porto Rico doit devenir une nation indépendante, a-t-il conclu, sans oublier d’exiger la libération des prisonniers politiques portoricains.
Mme NORMAHIRAM PEREZ, A Call to Action on Puerto Rico, a dénoncé le contrôle budgétaire « colonialiste » à Porto Rico et prévenu que la lutte pour l’indépendance est loin d’être achevée. « Les États-Unis imposent un joug politique et militaire dans notre île », a-t-elle souligné, ajoutant que le « Gouvernement colonial, à la merci des grands intérêts », nie tous les droits constitutionnels. Elle a exhorté le Comité spécial à lutter contre la répression à Porto Rico et à œuvrer à la libération des prisonniers politiques portoricains. « Les États-Unis veulent imposer la peine de mort, pourtant interdite par la Constitution de Porto Rico », a-t-elle rappelé, avant de déplorer le fait que le territoire portoricain soit utilisé à des fins militaires et que, du point de vue économique, « Porto Rico consomme ce qu’elle ne produit pas et produit ce qu’elle ne consomme pas ».
M.RAMON NENADIC, National Sovereign State of Borinken, a dit représenter le Gouvernement provisoire de « l’État souverain national de Borinken », autrefois connu sous le nom de Porto Rico. « Nous ne sommes pas une organisation mais bien un gouvernement provisoire », a-t-il dit, en réclamant le statut « d’État observateur » à l’Assemblée générale des Nations Unies. Certains membres de ce Comité, a-t-il estimé, ne comprennent pas la nature de « l’État souverain national de Borinken. » Il a exhorté le Comité à appuyer son État, sous peine de laisser l’impérialisme de détruire le peuple de Borinken. Le Gouvernement américain, a-t-il insisté, est responsable des catastrophes qui frappent notre île mais il est difficile d’affronter ce véritable « Minotaure du Nord », tant sa force de frappe est grande.
Mme MONIKA PONTON ARRINGTON, Indegenous Women Knowledge, a affirmé qu’il y a un génocide en cours contre son peuple, les Tainos, et souligné la différence entre eux et les Portoricains. Affirmant, à son tour, que c’est la relation coloniale qui empêche l’ile de se relever de sa crise économique et des effets néfastes des deux ouragans, la pétitionnaire a dénoncé le fait que Porto Rico ne soit toujours pas représentée au Congrès américain. Elle a demandé aux Nations Unies de défendre les droits de son peuple.
Mme MIRIAM MONTES-MOCK, Mesa de Trabajo por Ana Belen Montes en Puerto Rico, a souligné le parallèle entre le courage de la « prisonnière de conscience » Ana Belen Montes et l’urgence pour Porto Rico d’exercer son droit à l’autodétermination. « Notre peuple est enchainé et la crise économique a servi de prétexte pour assoir le système économique néo-libéral ». Dans l’esprit de la révolution lancé par Ana Belen à partir d’une prison américaine, la pétitionnaire a lancé à la salle: « allons-nous rester muets face à des mesures qui nous étouffent ou allons-nous passer à la résistance?». Pour la pétitionnaire il est plus qu’alarmant que le pouvoir économique soit devenu l’objectif suprême des nations.
M. WALTER ALOMAR, Organization for Culture of Hispanic Origin (OCHO), a rappelé que lors de son intervention devant le Comité spécial l’an dernier, il avait déclaré que « le colonialisme est une forme d’extermination ». Cela a malheureusement été vérifié, s’est-il alarmé, car les évènements après le passage des ouragans Irma et Maria témoignent d’un manque d’appui « intentionnel » du Gouvernement de États-Unis qui a provoqué le pire désastre de l’histoire du pays. Le dernier bilan fait état de 4 645 morts, mais soyons réalistes, a dit le pétitionnaire, il est sans doute bien plus élevé. Il a accusé les États-Unis d’avoir directement provoqué la mort de milliers de personnes.
Il a pointé le fait que le Gouvernement fédéral avait mis quatre mois pour rétablir 10% de l’électricité. Une situation similaire serait-elle même envisageable si l’État du Connecticut, qui a la même taille que Porto Rico, avait perdu tout son accès à l’électricité? Neuf mois après le passage des ouragans, on attend toujours que l’électricité soit rétablie dans l’ensemble du territoire. Cette situation, a constaté le pétitionnaire, est directement liée au fait que Porto Rico est « une colonie » des États-Unis, une île riche en ressources mais habitée par « un tas de gens à la peau brune dont on a que faire ».
Ceux qui font des demandes de fonds auprès de l’Agence fédérale de la gestion des secours (FEMA) pour reconstruire leur maison se voient leurs dossiers rejetés. L’argent n’est-il disponible que pour relocaliser les gens mais pas pour reconstruire les maisons? a fait mine de s’interroger le pétitionnaire, voyant surtout une politique de gentrification. Pour le Gouvernement des États-Unis, les ouragans ont été une aubaine. La migration, déjà rapide, a été amplifiée et sans fonds pour reconstruire leurs maisons, les gens ne reviendront pas, laissant leur terrain aux « vautours de capitalistes ».
M. Alomar a dit avoir travaillé neuf semaines pour rétablir le réseau électrique de l’île et appris de nombreuses choses « troublantes ». « Saviez-vous que les hôpitaux ont reçu pour directives de ne pas signaler les morts au Département de la santé? Saviez-vous que les ingénieurs de l’Armée américaine et la FEMA ont empêché les services publics d’acheter le matériel nécessaire aux réparations? Saviez-vous que lorsqu’on rétablit l’électricité dans une communauté, les travaux sont mystérieusement modifiés et le courant de nouveau coupé? Cessons de prétendre que tout cela n’est pas intentionnel, s’est impatienté le pétitionnaire qui a appelé l’Assemblée générale et le Congrès américain à admettre que ce qui se passe à Porto Rico est « abusif, intentionnel et scandaleux ». « Pendant que le Président Trump nous jetait des rouleaux de sopalin, se moquait de notre misère et nous insultait, nous nous sommes unis pour surmonter cette épreuve ». Porto Rico, a conclu le pétitionnaire, a été littéralement laissé pour mort car elle n’est rien de plus qu’une opportunité d’affaires pour les riches businessmen blancs. Mais malgré cette négligence intentionnelle, le peuple a su prendre son essor, s’est félicité le pétitionnaire qui a voulu que l’on libère enfin Porto Rico du « joug colonial ».
M. RADHAMES MORALES, de Fuerza de la Revolucion, organisation de Dominicains appuyant la lutte pour l’indépendance de Porto Rico, a dénoncé l’oppression du peuple portoricain « qui est passé des mains d’un colonisateur à un autre ». Il a appelé à des négociations et à un dialogue pour que Porto Rico puisse se joindre au concert des nations. Il y va, a-t-il prévenu, de la crédibilité du Comité spécial et de sa capacité d’imposer le respect du droit international dans le « statut colonial » de Porto Rico, « une question qui doit être soulevée à l’Assemblée générale ».
Mme MARIA DE LOURDES SANTIAGIO, Puerto Rico Independance Party, a souligné le renforcement du contrôle budgétaire de l’île par les États-Unis par le biais d’un Comité de sept personnes « non élues ». Il est insensé de vouloir résoudre les problèmes du colonialisme par plus de colonialisme, a-t-elle dit. Le Président Trump, a-t-elle accusé à son tour, a eu un « comportement indigne » lors de sa récente visite à Porto Rico. La situation actuelle n’est pas tenable, a-t-elle prévenu, l’Assemblée générale doit se prononcer « de toute urgence ».
Mme AURORA MURIENTE, Committee for Puerto Rico at the UN, a, elle aussi, dénoncé le Comité de contrôle budgétaire et la décision de la Cour suprême des États-Unis en faveur du Congrès américain. Elle a exhorté l’Assemblée générale à se prononcer et les États Membres de l’ONU à œuvrer à la décolonisation de Porto Rico. Elle a remercié Cuba, la Fédération de Russie, la Bolivie, le Venezuela et la Syrie pour avoir parrainé les différentes résolutions sur Porto Rico, lesquelles n’ont pas été mises aux voix.
Mme WILMA REVERON, National Hostos Movement for the Independance of Puerto Rico, a dit qu’elle attend toujours une recommandation du Groupe de travail du Comité spécial sur la création d’un comité chargé d’établir des relations avec les États-Unis sur la décolonisation. Notre peuple est plongé dans une profonde crise humanitaire, qui découle de la négligence « criminelle » de l’Administration américaine. Elle a dénoncé l’arrogance et la cupidité des administrateurs coloniaux, qui ont atteint leur paroxysme après le passage des ouragans Irma et Maria. La reconstruction de l’île a été confiée exclusivement aux entreprises américaines, permettant aux fonds vautours de fondre sur Porto Rico.
M. FRANCISCO VELGARA, Coordonnateur du New York Cuba Solidarity Project (NYCSP), a attiré l’attention du Comité sur l’incarcération de Mme Nina Droz Franco et de la « prisonnière de conscience », Mme Ana Belen Montes. Arrêtée le 1er mai 2017 pour avoir protesté contre le contrôle financier, Mme Franco était accusée sans preuve d’avoir essayé d’incendier le bâtiment de la « Banco Popular ». Elle a passé plus d’un an en prison et n’a appris que mardi dernier, qu’elle avait écopé d’une peine de 37 mois de prison et de trois ans de contrôle judiciaire. « Le Gouvernement américain se sert de Nina pour montrer au peuple que toute protestation fera l’objet d’une répression brutale », a dit le pétitionnaire, ajoutant que l’arrestation de Mme Droz témoigne aussi du fait qu’une nouvelle résistance est née contre le dernier plan d’austérité élaboré en vertu de la « Loi Promesa ».
Pour ce qui est de Mme Ana Belen Mondes, incarcérée depuis 16 ans pour avoir donné au Gouvernement cubain des informations qu’elle a collectées pour le Gouvernement américain, le pétitionnaire a fait valoir qu’il s’agissait d’une question de « conscience » face à l’impérialisme américain. Les « amoureux de la justice » dénoncent les privations qui sont imposées à Mme Mondes, dont l’absence de soins médicaux alors qu’elle lutte contre un cancer du sein. Le NYCSP est fier d’appartenir à un mouvement fondé pour réclamer la libération de Mme Franco et Mondes, a souligné le pétitionnaire qui a demandé au Comité spécial d’adopter une résolution appelant les États-Unis à respecter les dispositions du droit international liées à la décolonisation. Il a aussi demandé à l’Assemblée générale de se saisir du cas de Porto Rico.
Pour M. PEDRO CRUZ AYALA, Movimiento Nin Negron de Porto Rico, la doctrine de la décolonisation exige que le pouvoir soit transféré au peuple vivant sous le joug colonial. Cela signifie que l’indépendance est l’exercice de son autodétermination. Par conséquent, toute nouvelle résolution du Comité spécial sur la question de Porto Rico ne devrait faire aucune mention des options d’intégration ou d’annexion. L’Assemblée générale, a-t-il aussi insisté, doit se saisir de la question de Porto Rico et la communauté internationale doit faire pression pour que les États-Unis respectent enfin la résolution 1514 et le droit international.
M. OSVALDO TOLEDO GARCIA, American Association of Jurists, a affirmé que depuis 120 ans, les États-Unis soumettent Porto Rico à leurs pleins pouvoirs. En 2016, le Président Obama a signé la « Loi Promesa » qui impose la supervision fiscale du Gouvernement américain sur l’île pour récupérer une dette « illégale et honteuse ». Il est inacceptable, s’est emporté le pétitionnaire, que les États-Unis se départissent de toute responsabilité s’agissent d’une dette qui « oblige le peuple portoricain à rembourser sans un audit préalable ». C’est cette loi qui a justifié les mesures d’austérité mais c’est aussi cette loi qui rend encore plus palpable l’absence de démocratie. Le pétitionnaire a avancé pour preuve les prisonniers politiques, « une situation qui mérite l’attention de l’Assemblée générale ».
M. EDUARDO VILLANUEVA, Comite Pro Derechos Humanos de Puerto Rico, a rappelé les souffrances infligées au peuple portoricain par les ouragans, dont l’absence de médicaments et d’électricité ou encore les dégâts massifs alors que le peuple est passé sous le joug d’un comité « dictatorial » qui impose des politiques néo-libérales pour assurer le remboursement d’une dette non auditée. Il a qualifié cette dette « d’illégale » et a demandé que les Nations Unies envoient une délégation à Porto Rico pour y documenter la pauvreté et les conditions qui poussent les Portoricains à émigrer. Dénonçant également l’aggravation des abus des droits de l’homme, le pétitionnaire a déclaré qu’on « avait criminalisé la résistance » au Comité du contrôle financier mis en place par la loi « Promesa », ce qui est une situation « inacceptable ».
Mme JAN SUSLER, National Lawyers Guild, a rappelé que les années 2017 et 2018 représentent un record pour Porto Rico qui a été frappé par trois ouragans, Irma, Maria et Junta et qui s’est vue imposer un Conseil de supervision fiscale. Le contrôle « illégal et colonial » sur Porto Rico pointe vers la nécessité urgente d’une action de l’Assemblée générale. Contrairement à la réponse aux ouragans en Floride et au Texas, les efforts à Porto Rico ont été « modestes et lents ». Sept mois après l’ouragan Maria, l’électricité n’est toujours pas rétablie partout, créant la plus longue coupure électrique aux États-Unis, et la seconde au monde. Le nombre des morts n’est pas 16 comme l’a dit le Président Trump en octobre dernier. Une étude de la « Harvard University » parle de 4 645 morts pendant les trois mois qui ont suivi les ouragans, alors que l’ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans, en 2005, avait fait 1 833 morts. La pétitionnaire a aussi parlé des dizaines d’écoles publiques fermées pour forcer la privatisation de l’enseignement. Tous ces facteurs ont conduit au plus grand exode jamais vu dans l’île et face à la dépopulation, l’administration coloniale encourage les riches entrepreneurs à s’installer à coups d’incitations fiscales.
Les États-Unis ne peuvent plus faire semblant: « Porto Rico est une colonie » et « l’ouragan Maria a ouvert les yeux des Portoricains » qui sont désormais conscients des inégalités et des iniquités dont ils sont victimes. Tous les partis politiques de Porto Rico sont désormais unis contre « la junta », tout comme les étudiants, les enseignants, les syndicats, les environnementalistes, les religieux et les milliers de travailleurs et de retraités qui veulent reconstruire « Porto Rico pour les Portoricains ». Mme Susler a répété l’urgence pour le Comité spécial d’obtenir de l’Assemblée générale qu’elle agisse immédiatement pour que les États-Unis respectent le droit international et le droit du peuple de Porto Rico à l’autodétermination et à l’indépendance.
Mme DARLENE ELIAS, Présidente du Green Party, a consacré 30 secondes pour honorer la mémoire des victimes de l’ouragan María. Trente secondes pour des milliers de vies perdues: est-ce trop demander? Combien de vies de plus devons-nous perdre avant que les Nations Unies et le Gouvernement américain ne se rendent compte que la colonisation est une extermination? Elle a rappelé qu’elle avait dit au Comité, lors de sa dernière déclaration, que Porto Rico était sur le point de s’effondrer. Les mauvaises infrastructures, l’échec économique et les relations coloniales ne pouvaient qu’apporter dévastation au peuple. Porto Rico et ses habitants ne sauraient être traités comme un match de football politique. « Au lieu de marquer des buts, je demande aux Nations Unies d’agir rapidement et d’exiger des États-Unis qu’ils mettent en place un processus permettant aux Portoricains de prendre leurs décisions de manière souveraine et de répondre à leurs besoins économiques et sociaux urgents, notamment le chômage, la marginalisation, la faillite et la pauvreté », comme l’a si éloquemment déclaré le Comité spécial le 29 juin 2016.
Mme Elias a posé une dernière question au Comité: quelle est la différence entre le « 11 septembre » et ce qui s’était passé après l’ouragan María? La duplicité des États-Unis qui n’ont pas agi immédiatement après l’ouragan a eu le même effet voire pire, comme en témoigne le nombre des morts, deux fois plus que celui des victimes du « 11 septembre ». La différence est que les morts après María sont la conséquence directe du colonialisme. La réalité est que les États-Unis ne permettront jamais à Porto Rico de déterminer son propre statut. « C’est la raison pour laquelle, j’implore les Nations Unies d’exiger par tous les moyens nécessaires la décolonisation de Porto Rico et d’imposer des sanctions aux États-Unis s’ils ne s’y conforment pas. »
Mme NINA DIMARIE VALEDON, Alianza patria, a demandé la mise en place d’un processus « officiel » de décolonisation et la création d’un mécanisme obligeant les États-Unis à soumettre des rapports sur la situation à Porto Rico. Elle a dénoncé l’imposition d’un « joug militaire et politique » par les États-Unis depuis 1898 et les « fausses promesses » de ce pays. Aujourd’hui, le contrôle budgétaire menace de remettre en question les retraites et la protection des travailleurs, a-t-elle prévenu, en dénonçant la perte du pouvoir budgétaire du Gouverneur de Porto Rico. L’Assemblée générale doit se saisir de la question de Porto Rico, a-t-elle insisté, à son tour, en accusant les États-Unis de mener une politique de colonisation, y compris lors des catastrophes naturelles.
Mme LOURDES GUZMAN, Movimiento Union Soberanista (MUS), a réclamé justice pour son pays, Porto Rico, qui reste « la colonie du pays le plus puissant du monde ». Rien n’a été fait pour respecter la volonté du peuple portoricain telle qu’exprimée dans les résolutions de l’ONU. Combien de temps devons-nous encore attendre? a-t-elle demandé. Avec l’arrogance impériale qui les caractérise, les États-Unis ont continué de fouler aux pieds la dignité de notre peuple et de violer notre droit à l’autodétermination, s’est indignée Mme Guzman. Elle a dénoncé la supervision fiscale qui a pris d’assaut son pays et qui s’approprie ses richesses, le maltraite et l’humilie dans le simple but de recouvrer une dette exorbitante, avec la complicité du Gouvernement actuel de M. Ricardo Rosello.
Depuis le passage de l’ouragan Maria, Porto Rico fait face à l’une de ses pires crises, a martelé la pétitionnaire. « Le Gouvernement des États-Unis nous a abandonné à notre sort. » Porto Rico attend toujours une aide économique du Gouvernement fédéral, alors que l’indice de la pauvreté a augmenté de 53%. Des milliers de familles sont sans toit, sans électricité et sans travail et des centaines de milliers d’habitants ont quitté le pays, victimes de la négligence « criminelle » des Gouvernements local et fédéral. « Le nombre de morts n’aurait pas été aussi élevé si on nous avait traité avec un minimum de solidarité », a-t-elle accusé.
M. MANUEL ENRIQUE MENENDEZ, Comites de la Resistencia Boricua, a affirmé qu’une véritable guerre est livrée contre Porto Rico. Cette guerre présente plusieurs volets et vise notamment à détruire le droit du travail. Il a fustigé la création du Comité de contrôle budgétaire qui prend ses décisions sans consulter la population. « L’objectif est le démantèlement d’une nation. » Il a dénoncé la révision des manuels scolaires, le pillage des ressources naturelles et la militarisation de l’île à des fins répressives. Les collectifs de femmes en lutte et les syndicats d’enseignants luttant contre la fermeture des écoles publiques sont en première ligne face à cette guerre menée par le ֤États-Unis. Le Comité spécial, a conclu le pétitionnaire, doit militer pour l’indépendance de Porto Rico.
Mme MADELIN COLON PEREZ, Puerto Rican coalition against death penalty, a demandé le rejet de l’imposition à Porto Rico de la peine de mort pour des crimes fédéraux. L’île a aboli la peine de mort en 1929, a-t-elle rappelé, en retraçant la genèse de cette peine aux États-Unis. Les États-Unis se donnent le droit d’ôter la vie, s’est-elle indignée, dénonçant le fait que les procédures introduites devant la Cour suprême de Porto Rico, soient menées en anglais. La peine de mort est un autre exemple du « joug législatif » des États-Unis.
M. KEVIN RIVERA MEDINA, Instituto Puertorriqueno de Relaciones Internacionales, a regretté que malgré les demandes répétées du Comité spécial, l’Assemblée générale ne se soit toujours pas saisie de la question de Porto Rico. Il espère que cette année, qui marque les 120 ans de l’intervention militaire des États-Unis à Porto Rico, l’Assemblée donnera enfin suite à cette demande. Pour expliquer le caractère non autonome de Porto Rico, le pétitionnaire a rappelé que les États-Unis, après le jugement d’un tribunal fédéral, ont affirmé que ce territoire est soumis aux pleins pouvoirs américains. Revenant également sur la « Loi Promesa », adoptée en 2016 grâce au Président Obama, il a expliqué qu’elle impose des mesures d’austérité et facilite le pillage des ressources. Il a également accusé le Gouvernement américain de ne rien faire pour relancer l’économie de l’île après le passage des ouragans Maria et Irma, en empêchant d’une part l’accès à l’aide internationale et en favorisant les entreprises américaines.
M. EDWIN PAGAN, Generacion 51, a expliqué que l’organisation citoyenne qu’il représente croit à la décolonisation et à un statut d’État pour Porto Rico, contrairement à « ceux qui ne veulent pas agir affirmativement pour l’autodétermination du peuple de Porto Rico ». Selon lui, les entités internationales qui s’intéressent à la décolonisation et les entités du système fédéral qui opèrent à Porto Rico perpétuent une situation d’inégalité « honteuse » pour les citoyens américains qui vivent dans l’archipel et qui n’ont pas le droit de vote. Quelle différence y-a-t-il entre l’apartheid en Afrique du Sud et le système d’inégalité qui prévaut à Porto Rico en 2018? a demandé le pétitionnaire. Que pense ce Comité de la volonté démocratique du peuple portoricain exprimée en novembre 2012 et en juin 2017? « L’Ambassadrice des États-Unis, Mme Nikki Haley, a dit publiquement qu’elle ne s’opposerait pas à un débat plénier » sur cette question, a-t-il rappelé. La résolution du Comité spécial, a dit le pétitionnaire, doit mentionner le droit du peuple portoricain à faire du « statut d’État, le moyen de sonner la fin du processus de décolonisation ».
M. MANUEL RIVERA, Puertorriquenos Unidos en Accion, a mentionné les dégâts infligés par les trois ouragans qui ont frappé l’île: Irma, Maria et le Conseil de supervision fiscale. Il a détaillé les conséquences économiques désastreuses des mesures d’austérité décrétées par ce Conseil « inféodé aux vautours de Wall Street ». Les travailleurs portoricains sont désormais à la merci de leurs employeurs, a-t-il dit, pointant aussi l’augmentation du prix de l’électricité et des impôts. La situation sur l’île est en violation du droit international, s’est indigné le pétitionnaire qui a demandé l’indépendance et la souveraineté totales de Porto Rico « maintenant ». Il a rejeté toute solution intermédiaire car « Vive Porto Rico libre ».
Mme LYDAEL VERGA ORTERO, Colegio de Profesionales del Trabajo Social de Puerto Rico, a regretté que la situation de Porto Rico ne soit toujours pas inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale. Elle a, à son tour, attiré l’attention sur l’état de délabrement économique de Porto Rico. Notre pays paye le prix des décennies de colonialisme, a-t-elle dit, insistant sur l’ampleur des inégalités socioéconomiques. « Nous sommes au bord d’un génocide culturel », a-t-elle poursuivi, avant de dénoncer le fait que le Conseil de supervision fiscale prône la fermeture de 286 écoles publiques et l’augmentation des frais d’inscription à l’université. Ce n’est pas un hasard si des milliers de Portoricains ont quitté l’île, provoquer une baisse de 14% de la population entre 2017 et 2019. « Combien de fois devrons-nous encore venir ici pour que l’Assemblée générale se saisisse de la situation à Porto Rico? Combien d’autres souffrances devons-nous encore endurer? ». La pétitionnaire a réclamé aux États-Unis le transfert du pouvoir à Porto Rico, « la plus vielle colonie de la planète », dans le cadre d’un processus de décolonisation fondé sur le droit international.
M. ANTONIO A. CAMACHO, Latin-X Law Student Association, a déclaré que Porto Rico subit une attaque terroriste, engagée qu’elle est dans une « bataille politique et économique épique ». Il a dénoncé, à son tour, la création du Conseil de supervision fiscale, dont la Présidente touche un salaire de plus de 500 000 dollars. C’est de l’argent pris au peuple portoricain pour influencer son Gouvernement. C’est du « terrorisme économique », a-t-il dénoncé. Ce Conseil, s’est-il expliqué, a contraint le Gouvernement portoricain à fermer les écoles, à augmenter les impôts et à manipuler le droit. Il a même intimidé le Gouvernement actuel qui est devenu un instrument de États-Unis et qui ne représente plus le peuple de Porto Rico, s’est-il alarmé, y voyant « un acte terroriste appuyé par un dictateur étranger ».
Brandissant ensuite un rouleau de sopalin, il a appelé le Comité spécial à tenir le « régime Trump » comptable de ses actes dont celui d’avoir jeté des rouleaux de papier absorbant à la face des plus de 4 624 personnes qui ont perdu la vie après le passage de l’ouragan Maria. C’était là, a-t-il accusé, une manière de déposséder le peuple portoricain de sa terre et de sa culture. Il faut, a-t-il insisté, tenir le régime américain responsable, car après 120 ans d’occupation pendant lesquels il a servi dans toutes les « guerres américaines » et a vu la nomination d’une personne à la Cour suprême de justice, Porto Rico et son peuple n’existent pas. Lorsqu’on se voit dépossédé non seulement de ses droits civiques, mais aussi de ses droits de l’homme, doit-on continuer de demander aux Nations Unies et au régime colonial d’admettre ce qui est en train d’être infligé à Porto Rico ou doit-on suivre l’exemple de George Washington et prendre son destin en main?
M. JOHN STUDER, Parti des travailleurs socialistes, a rappelé que depuis sa fondation en 1938, le Parti lutte pour le droit à l’autodétermination et l’indépendance. Il a appelé les travailleurs et les agriculteurs du monde entier à renforcer leur solidarité avec le peuple de Porto Rico qui cherche à sortir de l’oppression coloniale et de l’exploitation capitaliste. L’expérience montre que les travailleurs et les agriculteurs américains peuvent s'identifier à la résistance de Porto Rico et aux coupes brutales de la « junte américaine. » De plus en plus de gens sont convaincus que les travailleurs américains ne seront pas libres tant que Washington maintiendra son « esclavage colonial » à Porto Rico. « Luttons ensemble, nous pouvons gagner », a exhorté M. Studer pour qui la révolution socialiste cubaine est un exemple vivant de ce que les travailleurs et les agriculteurs peuvent faire quand ils prennent le pouvoir et luttent contre la minorité capitaliste. « Nous pouvons utiliser le pouvoir de l’État pour élargir la solidarité à ceux qui luttent pour se libérer de la domination impérialiste et de l’exploitation capitaliste », a estimé M. Studer.
M. GERMAN RAMOS SANTIAGO, Consejo Amplio unitario de Solidarid y accion (CAUSA), a expliqué que CAUSA contribue au développement et au renforcement des compétences et des ressources communautaires. Il a dénoncé le génocide et la violation des droits de l’homme fondamentaux du peuple portoricain, les centres de pouvoir des États-Unis « qui font de nous des parias sur notre propre terre ». À travers l’Office de contrôle des produits pharmaceutiques et alimentaires (FDA), les États-Unis nous dictent ce que nous devons manger, les médicaments que nous pouvons prendre, s’est-il plaint. « Ils se sont servis de nous comme d’un laboratoire pour toutes sortes d’expériences, notamment militaires, et comme base d’entrainement pour leurs mercenaires, pour leurs interventions dans d’autres pays, y compris en Amérique latine et dans les Caraïbes. »
Beaucoup de gens ne comprennent pas comment Porto Rico a pu s’endetter à des niveaux intenables, a témoigné le pétitionnaire. Aujourd’hui, ni le Gouvernement des États-Unis, ni ses intermédiaires à Porto Rico ne veulent procéder à un audit transparent de la dette, mais ils ont imposé une supervision fiscale qui domine totalement notre peuple, « de façon arbitraire et dictatoriale ». Ils ont réduit les retraites et l’accès aux services de base, s’est lamenté M. Santiago. Enfin, il a enjoint le Comité spécial à appuyer la pétition de l’État national souverain de Borinken.
« Nous sommes le pion d’un système capitaliste qui est en train de nous tuer », a déclaré d’emblée Mme MYRNA V. PAGÁN GÓMEZ, Vidas Viequenses Valen. Elle a rappelé que l’ouragan Maria avait frappé en premier Vieques, « colonie de la colonie », coupant l’île du reste de Porto Rico et du monde. Elle a expliqué que l’hôpital de l’île a été condamné, privant les malades d’accès de traitements. Neuf mois après le passage de la tempête, a-t-elle dénoncé, seule une tente digne d’une zone de guerre, montée dans le parking d’un quartier défavorisé fait office de services d’urgence, et selon les estimations, 75 habitants de Vieques ont perdu la vie faute de soins. Alors que le bilan dans tout Porto Rico s’est aggravé avec 4 695 morts, la pétitionnaire a engagé l’ONU à mener un audit sur l’augmentation du nombre des morts imputées au passage de l’ouragan Maria.
La pétitionnaire a vivement dénoncé la réponse « misérablement inadéquate » des Gouvernements fédéral et central après la catastrophe qui, s’est-elle alarmée, a provoqué un exode où les victimes de cette « tragédie américaine » fuient leur « paradis condamné », emportant avec elles l’opprobre de leur statut de citoyen de deuxième classe.
Qui plus est, a-t-elle poursuivi, le fléau de la « Loi Promesa », auquel s’ajoute le choc de la tempête, a incité notre « Gouvernement éclopé » à privatiser l’ensemble des services, à vendre ce qui reste de nos terres et à décimer le système éducatif. Nos droits sont bafoués alors que les politiciens courbent l’échine devant les capitalistes et lèchent les bottes des envahisseurs opportunistes pendant que les autochtones luttent pour leur survie.
La pétitionnaire a dénoncé le manque « criminel » de respect des droits des habitants de Vieques par la marine américaine dans le contexte du nettoyage du site « Super Fund ». Elle a parlé de la contamination provoquée par l’incinération et la détonation à ciel ouvert des engins non explosés, alors que la marine utilise des technologies de pointe sur le continent. « Le moment est venu de saisir l’Assemblée générale de la situation de Porto Rico », a-t-elle conclu.
Mme ALEXANDRA LUGARO, Junte de Mujeres, a demandé que le Comité spécial s’exprime « franchement ». Les États-Unis contrôlent-ils l’ONU? Les traités s’appliquent-ils à tous les pays, sauf les États-Unis? Dites-nous la vérité, a demandé la pétitionnaire. Elle a dit ne pas comprendre pourquoi le Comité n’a pas réussi à contraindre les États-Unis à s’engager dans un processus de décolonisation. Elle a dénoncé « la fausse autonomie » de Porto Rico et les mesures d’austérité du Conseil de supervision fiscale, en particulier la fermeture des écoles publiques. « Les peuples ignorants sont faciles à contrôler », a-t-elle asséné, en s’insurgeant contre ce Conseil, composé de sept personnes nommées par le Président américain. Elle a aussi dénoncé l’indifférence sur la question portoricaine, prévenant que les jeunes générations ne veulent plus être vues comme des « mendiants ». Nous devons pouvoir exprimer notre colère et obtenir de l’Assemblée générale qu’elle applique la résolution 1514 à moins qu’elle n’ait pas le courage de s’opposer aux États-Unis.
Mme MARIANA NOGALES MOLINELLI, Partido de Pueblo Trabajador en Puerto Rico (PPT), a jugé contraire au droit international la création du Conseil de supervision fiscale, en vertu de la « Loi Promesa » adoptée en 2016. Elle a dénoncé le caractère oligarchique et despotique de ce Conseil, qui ne fait qu’accentuer la situation coloniale dans laquelle vit Porto Rico depuis 120 ans. « Le Conseil nous enterre ou nous chasse », a tranché Mme Molinelli après avoir déploré les coupes dans le secteur de la santé. Avec la compression des retraites, l’indice de pauvreté augmente, a-t-elle prévenu. Comme beaucoup de grands-parents élèvent leurs petits-enfants, on peut prédire une augmentation de la pauvreté infantile, a-t-elle ajouté. Tout cela pour prétendument rembourser la dette au lieu d’assurer le bien-être minimum des gens.
Les travailleuses et les travailleurs de Porto Rico sont dans une situation d’impuissance totale face aux attaques de l’agenda néolibéral et patronal du Conseil fédéral appuyé par un gouvernement élu par moins de 40% des électeurs et caractérisé par une corruption sans précédent, a continué la pétitionnaire. Au mois de mai dernier, le taux de chômage atteignait 9,6%, soit deux fois plus que dans les 50 États américains. Le Conseil de supervision fiscale viole les préceptes fondamentaux de l’Organisation internationale du Travail (OIT) car l’accès au travail dépend de l’accès à l’éducation et la fermeture massive des écoles et l’étranglement financier de l’Université de Porto Rico affectent le potentiel de développement.
Borinquén est le nom d’origine de Porto Rico et nous ne reconnaissons aucun droit aux envahisseurs espagnols et américains qui ont volé nos terres, a asséné M. JAVIER TORRES, Brigada Guarionex. « Le colonialisme est interdit », a-t-il insisté. Comment, au XXIe siècle, peut-on commettre un crime contre notre nation boricua? On nous impose un Conseil de supervision, un Président étranger et un Congrès que nous ne pouvons pas élire. « C’est une dictature. » Aujourd’hui, s’est indigné M. Torres, tout à Porto Rico est contrôlé par les États-Unis. Pour payer une dette qui ne nous correspond pas, on ferme des écoles, on congédie des instituteurs et on détruit notre pays.
« Nous avons enduré une catastrophe naturelle et nous n’arrivons pas à croire que les navires et les avions qui ont servi à envoyer nos fils à la mort dans tant de guerres, ne servent pas à transporter ce qui est nécessaire pour redresser notre pays », a accusé le pétitionnaire. Face à ce désastre, les États-Unis ont refusé que des pays nous aident: « c’est un crime contre l’humanité », a-t-il jugé. Avec une telle aide, on aurait pu éviter bien des morts. En conclusion, il a prié le Comité spécial d’écarter le gouvernement colonial et illégal de l’État libre associé.
Déclarations
Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. SUAREZ (Venezuela) a réaffirmé le droit du peuple portoricain à l’autodétermination et appelé de ses vœux l’adoption d’une résolution par consensus, comme les années précédentes. Il a souhaité que l’Assemblée générale se saisisse de cette question et insisté sur l’état de « subordination politique » dans lequel se trouve le peuple de Porto Rico et sur les graves dégâts causés par les deux ouragans. Le délégué a aussi dénoncé la création du Conseil de supervision fiscale et exhorté les États-Unis à accélérer le processus de décolonisation de Porto Rico.
Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador), indiqué que l’appartenance de Porto Rico à l’Amérique latine et aux Caraïbes a été mise en lumière par les États de la CELAC lors du Sommet de Punta Cana, le 25 janvier 2017. La situation à Porto Rico est une question d’importance pour la CELAC, a insisté le représentant qui a souligné l’engagement de la CELAC à faire de l’Amérique latine et aux Caraïbes une zone débarrassée du colonialisme.
Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO (Cuba) a commencé par saluer la présence ici d’Oscar Lopez Ribera et par lui rendre hommage: « M. Ribera est un symbole de la résistance portoricaine, qui a été incarcéré pendant plus de 35 ans dans les prisons américaines ». La représentante a rappelé qu’après les ouragans Irma et Maria, son pays a dûment offert sa solidarité. Mais, a-t-elle affirmé, notre aide a été rejetée par les États-Unis. La représentante a donc dénoncé « l’autorité totale » qu’exercent les États-Unis sur Porto Rico, « un territoire qui n’a rien d’un État libre ». Elle en a voulu pour preuve le fait que la Cour suprême américaine ait jugé en 2006, que l’île est soumise aux pleins pouvoirs américains. « Il s’agit donc bien d’un territoire colonial » et depuis rien n’a changé si ce n’est une « nouvelle manœuvre américaine » en juin 2017, à savoir, un plébiscite auquel n’ont participé que 23% des électeurs. Face à l’aggravation alarmante de la situation économique et humanitaire de Porto Rico, qui a une dette de plus de 74 milliards de dollars, Cuba ne peut que dénoncer les mesures « draconiennes d’austérité » imposées par le Conseil de supervision fiscale.
C’est la « soumission politique » qui empêche Porto Rico de prendre ses propres décisions sur la crise et qui entraîne une émigration massive, sapant toute perspective de développement durable de l’île. La représentante a réaffirmé que les principes fondamentaux de la résolution 1514 s’appliquent à Porto Rico qui est une question latino-américaine.
Le caractère latino-américain de Porto Rico, a renchéri M. LUIS MAURICIO ARANCIBIA FERNÁNDEZ (Bolivie), ne fait pas de doute. Le fait que l’île soit toujours « soumise au joug colonial » justifie les appels répétés du Comité spécial, sur la base de la résolution 1514 de l’Assemblée générale, pour que le peuple portoricain puisse exercer son droit à l’autodétermination. Le représentant a aussi plaidé pour ce peuple puisse reprendre en main les problèmes liés à la dette, à la santé et à l’éducation. Le Gouvernement américain doit immédiatement rétrocéder au peuple portoricain toutes les terres qu’il occupe illégalement, a exigé le représentant, qui a ajouté que la puissance coloniale doit aussi les dépolluer, en particulier les zones militaires. Après les ouragans Irma et maria, l’île n’est pas aujourd’hui en mesure d’assurer sa reconstruction. Elle a besoin du soutien de la communauté internationale.
M. ZAMBRANO (Équateur) a souligné le caractère inaliénable du droit à l’autodétermination du peuple portoricain et dénoncé le Conseil de supervision fiscale mis en place par les États-Unis. Les ouragans qui ont frappé l’île ont aggravé les graves défis sociaux que Porto Rico doit relever, a-t-il poursuivi, en pointant notamment l’augmentation du taux de pauvreté. Il a insisté sur l’identité latino-américaine et caribéenne de Porto Rico et exhorté la Puissance occupante à s’acquitter de ses obligations. Enfin, le délégué a souhaité l’adoption par consensus de la résolution relative à Porto Rico.
M. ESCOTO GONZALEZ (Nicaragua) a parlé de l’état « lamentable » dans lequel se trouve l’économie de Porto Rico et expliqué cette situation par la persistance du colonialisme. Plus de 4 000 morts ont été enregistrées sur l’île en raison du manque de services essentiels, après le passage des deux derniers ouragans. L’électricité n’est toujours rétablie sur tout le territoire, a-t-il souligné, jugeant que la décolonisation de Porto Rico est une affaire urgente. Ce Comité doit faire plus pour que cette question soit débattue au sein de l’Assemblée générale, a estimé le représentant qui a, à son tour, souhaité l’adoption par consensus de la résolution relative à Porto Rico.
M. MOUNZER MOUNZER (Syrie) a milité pour le droit à l’autodétermination du peuple portoricain, soulignant que cette année marque le cent-vingtième anniversaire de l’intervention militaire américaine à Porto Rico. « Ce droit inaliénable a pourtant été réaffirmé par une série de résolutions du Comité spécial de la décolonisation » a fait observer le représentant qui a espéré que le projet de résolution soumis par Cuba sera adopté par consensus cette année.
M. SONG LI (Chine) a également appuyé le projet de résolution présenté par Cuba et espéré qu’elle sera adoptée par consensus.