Conférence sur les océans,
matin & après-midi
MER/2049

La Conférence de haut niveau de l’ONU sur les océans s’ouvre sur un appel à protéger la « poule aux œufs d’or » que l’humanité a négligée

Dans un soufflement de conque dont les échos ont retenti dans la salle de l’Assemblée générale, la Conférence de haut niveau des Nations Unies sur les océans a entamé, ce matin, sa semaine de travaux censés aboutir à l’adoption d’un « appel à l’action » à l’heure où « le monde industrialisé, dans sa quête de richesse, a oublié de protéger la poule aux œufs d’or ».  Selon les études, près de 99% des oiseaux de mer auront ingéré du plastique d’ici à 2050.

La Conférence de haut niveau, qui se déroule du 5 au 9 juin 2017 au Siège de l’ONU, à New York, a pour but de soutenir la mise en œuvre de l’objectif 14 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, intitulé « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ».

Dans un silence de rigueur et une Assemblée générale archicomble, la Conférence s’est ouverte par une cérémonie traditionnelle de Fidji, l’un des deux pays à l’initiative de l’évènement, avec la Suède.  Chefs d’État et de gouvernement, ministres et représentants de la société civile, du secteur privé et de la communauté scientifique ont assisté à l’« iTaukei », la cérémonie de bienvenue qui a débuté par une série d’appels lancés par un souffleur de conque, avant de céder la place à des chants et danses traditionnels durant lesquels le Secrétaire général de l’ONU a reçu un collier de fleurs.

« De ma langue, vous pouvez voir la mer », a déclaré M. António Guterres, citant l’écrivain portugais, Vergilio Ferreira, pour souligner la relation particulière qu’ont de nombreuses nationalités comme la sienne avec la mer.  La vérité, a-t-il ajouté, « est que la mer a une relation particulière avec chacun d’entre nous: elle nous garde en vie ».  Les océans ont un impact direct sur l’élimination de la pauvreté, la santé, la croissance économique, la sécurité alimentaire et la création d’emplois décents, a confirmé le Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. Frederick Makamure Shava. 

Or, la relation entre l’homme et la mer est plus que jamais menacée, s’est inquiété le Secrétaire général, en s’attardant sur une donnée édifiante: d’ici à 2050, la quantité de déchets plastiques pourrait dépasser celle des poissons.  Il a aussi mentionné le réchauffement des océans qui cause la montée des eaux, leur acidification qui provoque le blanchissement des coraux et réduit la biodiversité, l’effondrement de la pêche dans certains endroits et la progression des zones mortes, ces déserts sous-marins asphyxiés par le manque d’oxygène.

« Les océans ne sont donc plus éternels », a résumé la Coprésidente de la Conférence et la Ministre du développement international et de la coopération de la Suède, Mme Isabella Lövin, nostalgique de l’époque où l’humanité considérait les océans comme infinis.  Elle a donné l’exemple de l’Ȋle Henderson, une île inhabitée du Pacifique où les chercheurs ont trouvé pas moins de 38 millions de déchets plastiques.  « Les créatures qui vivent dans les océans en souffrent », a acquiescé le Premier Ministre des Fidji et Coprésident de la Conférence, M. Josaia Voreqe Bainimarama, citant les tortues, dauphins, baleines et autres animaux marins dont les estomacs sont « remplis de sacs plastiques ».  « Ces dégradations doivent cesser », s’est-il impatienté, en disant craindre des « conséquences catastrophiques ». 

« Le moment est venu de corriger nos erreurs car il inexcusable que l’humanité déverse chaque minute de chaque jour l’équivalent d’un grand camion poubelle rempli de plastique dans l’océan », s’est alarmé le Président de l’Assemblée, M. Peter Thomson, dénonçant « la peste du plastique ».  « Les problèmes causés par l’homme ont des solutions trouvées par l’homme », a-t-il insisté. 

« Nous ne pourrons y arriver que si nous arrêtons de travailler de façon cloisonnée », a prévenu le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires économiques et sociales et Secrétaire général de la Conférence, M. Wu Hongbo.  Cette Conférence doit être « un tournant » rassemblant gouvernements et secteur privé pour renforcer les partenariats existants et inspirer d’autres partenariats novateurs. 

« Malheureusement, dans cette économie mondiale en expansion, le monde industrialisé, dans sa quête de richesse, a oublié que nous devions protéger la poule aux œufs d’or », a rappelé le Président des Palaos, qui avec d’autres de ses homologues a ouvert, le débat général.

Le Secrétaire général a prescrit cinq remèdes: mettre fin à la dichotomie « artificielle » entre besoins économiques et santé des océans; promouvoir un leadership politique fort et de nouveaux partenariats qui s’appuient sur le cadre juridique existant; traduire la volonté politique du Programme de développement durable à l’horizon 2030, de l’Accord de Paris sur les changements climatiques et du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement en des engagements financiers concrets; approfondir notre base de connaissances, avec de meilleures données, informations et analyses; et partager les pratiques et expériences exemplaires.  Nous avons cinq jours pour réaliser « l’objectif historique » de la conservation et de l’exploitation durable de nos océans, a insisté le Président de l’Assemblée générale, en souhaitant que « chaque jour compte ».

La Conférence se décline en une série de « dialogues de partenariat » dont le premier avait trait aujourd’hui à la lutte contre la pollution marine causée par les activités humaines.  Les participants ont appelé à un changement de comportements et à des partenariats locaux, nationaux, régionaux et internationaux pour une surveillance et une gestion commune des déchets marins et des autres formes de pollution notamment celle liée à la pêche.

Outre son « Appel à l’action », la Conférence de l’ONU commémorera aussi, le 8 juin, la Journée mondiale des océans.  Elle reprend ses travaux demain, mardi 6 juin, à partir de 10 heures.

CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES VISANT À APPUYER LA RÉALISATION DE L’OBJECTIF DE DÉVELOPPEMENT DURABLE NO 14: CONSERVER ET EXPLOITER DE MANIÈRE DURABLE LES OCÉANS LES MERS ET LES RESSOURCES MARINES AUX FINS DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Déclarations liminaires

Mme ISABELLA LÖVIN, Coprésidente de la Conférence et Ministre du développement international et de la coopération de la Suède, a salué le travail des petits États insulaires en développement (PEID) tels que les Fidji qui ont joué un rôle prépondérant dans la préservation des océans.  Régulateurs de température, les océans, a-t-elle souligné, ont toujours été considérés par l’humanité comme « infinis et éternels ».  Or, l’homme les a transformés: ils sont devenus plus acides et servent de dépotoirs.  La Ministre a donné l’exemple de l’île Henderson, inhabitée et inscrite au patrimoine commun de l’humanité, où les chercheurs ont trouvé pas moins de 38 millions de déchets plastiques. 

« Les océans ne sont donc plus éternels », a prévenu la Ministre qui face à ce constat alarmant, a exprimé la détermination de la Suède à continuer de faire fonds sur l’Accord de Paris sur les changements climatiques et sur l’élan imprimé par le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  La Ministre a invité toutes les parties prenantes à exploiter ces opportunités uniques, confiant que les océans sont la raison pour laquelle elle s’est lancée en politique.  « Avec de la volonté politique, nous pouvons agir », a-t-elle encouragé, souhaitant qu’au cours de ces cinq prochains jours, la communauté internationale « dresse la liste de ce qu’il faut faire pour sauver les océans », car, a-t-elle averti, nous n’aurons plus une telle occasion de le faire.

« Les changements climatiques et l’état de nos océans ne peuvent en aucun cas être dissociés », a déclaré M. JOSAIA VOREQUE BAINIMARAMA, Premier Ministre des Fidji et Coprésident de la Conférence, ajoutant qu’une approche collective est nécessaire pour faire face à ces deux défis majeurs.  « Chacun de nous peut faire la différence », a poursuivi le responsable fidjien, qui sera également le Président de la vingt-troisième Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 23).  Pour y parvenir, le Premier Ministre a appelé à la lutte contre la pollution des zones côtières, en particulier la pollution terrestre qui finit invariablement par échouer dans la mer, entraînée par les tempêtes et l’écoulement des rivières. 

« Les créatures qui vivent dans les océans en souffrent », a poursuivi le Premier Ministre, parlant des tortues, des dauphins, des baleines et autres animaux marins qui ont « l’estomac remplis de sacs plastiques ».  « Ces dégradations doivent cesser », s’est impatienté le Premier Ministre fidjien qui a exigé que des efforts « communs et concrets » soient lancés cette semaine.  Nous devons également lutter contre les changements climatiques », a-t-il ajouté, insistant sur le fait qu’aucun gouvernement ne peut ignorer « la magnitude de cette menace ».

En tant que Premier Ministre d’un petit État insulaire en développement, il a appelé les pays de sa catégorie à saisir l’opportunité offerte par cette Conférence pour s’engager « corps et âme » dans ce combat.  M. Josaia Voreqe Bainimarama a appelé tous les participants à cette Conférence, qu’ils soient du secteur public ou du secteur privé, à faire de cet évènement un succès en prenant des engagements concrets pour améliorer la qualité des océans, sous peine de « conséquences catastrophiques ».

Les océans et les mers couvrant les deux tiers de notre maison, peut-être devrions l’appeler « Planète Eau » plutôt que « Planète Terre », a plaisanté M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.  De nombreuses nationalités comme la mienne, a-t-il rappelé, ont une relation particulière avec la mer mais « la vérité est que la mer a une relation particulière avec chacun d’entre nous: elle nous garde en vie ».  Cette relation étant plus que jamais menacée, le Secrétaire général s’est attardé sur une donnée: la quantité de déchets plastiques pourrait dépasser celle des poissons d’ici à 2050.  La montée des eaux menace des pays entiers, les océans se réchauffent et s’acidifient, provoquant le blanchissement des coraux et réduisant la biodiversité.  Les tempêtes et les sécheresses se multiplient.  La pêche s’effondre dans certains endroits.  Les zones mortes, ces déserts sous-marins asphyxiés par le manque d’oxygène, s’accroissent en superficie et en nombre.  Certaines espèces pourraient disparaître dans quelques décennies.  Les besoins contradictoires de l’industrie, de la pêche, du transport maritime, de l’exploitation minière et du tourisme créent des niveaux non viables de pression sur les écosystèmes côtiers. 

Face à ce diagnostic, le Secrétaire général a constaté que les gouvernements n’utilisent pas les outils à leur disposition dont la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et ONU-Océans.  Nous sommes ici pour aller à contre-courant, a-t-il lancé.  Nous avons créé ces problèmes, et avec une action décisive et coordonnée, nous pouvons les résoudre.  La première chose à faire, selon M. Guterres, est de mettre fin à la dichotomie « artificielle » entre besoins économiques et santé des océans.  La conservation et l’exploitation durable des ressources marines sont les deux côtés d’une même pièce.  En second lieu, le Secrétaire général a préconisé la promotion d’un leadership politique fort et de nouveaux partenariats qui s’appuient sur le cadre juridique existant.  Il a salué les signataires de l’Appel à l’action qui sera formellement adopté cette semaine et prévenu qu’il faut désormais des mesures concrètes, allant de l’expansion des zones marines protégées à la gestion des pêches, en passant par le nettoyage des déchets plastiques et la réduction de la pollution. 

Le Secrétaire général a souligné que le travail en cours sur la mise en place d’un cadre juridique pour la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité dans des zones se situant au-delà des juridictions nationales est particulièrement important pour l’avenir des océans et de leur biodiversité.  Le troisième point, a-t-il poursuivi, est de traduire la volonté politique du Programme de développement durable à l’horizon 2030, de l’Accord de Paris sur les changements climatiques et du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement en des engagements financiers concrets.  Quatrièmement, a-t-il dit, nous devons approfondir notre base de connaissances, avec de meilleures données, informations et analyses parce que « nous ne pouvons améliorer ce que nous ne mesurons pas ».  Enfin, il faut partager les pratiques et expériences exemplaires car même si la plupart des solutions sont locales, elles ont souvent une portée plus large.

L’ONU a un rôle crucial à jouer, a estimé le Secrétaire général.  Pour qu’elle puisse offrir un appui intégré et coordonné à la mise en œuvre des accords historiques de l’année dernière, y compris le quatorzième objectif de développement durable, je suis déterminé, a dit le Secrétaire général, à briser les barrières entre les agences et les programmes et à améliorer ainsi les performances et la redevabilité.  Nous mettons déjà en place, a-t-il affirmé, des partenariats avec les gouvernements, le secteur privé, la société civile et autres parties prenantes, et travaillons avec les institutions financières internationales sur des financements innovants.  Nous exploitons le pouvoir des mégadonnées, a-t-il ajouté, pour améliorer la base des processus de décisions et la redevabilité.  ONU-Océans et l’ensemble du système des Nations Unies continueront à jouer leur rôle de forum pour le partage des informations, le plaidoyer et le développement du droit international, a encore dit le Secrétaire général. 

« De ma langue, vous pouvez voir la mer », a dit le Secrétaire général en citant l’écrivain portugais, Vergilio Ferreira.  Il y a 1 300 ans, les Suédois circulaient déjà dans la mer Baltique et autour de ce qu’on appelle aujourd’hui Istanbul.  Les Fidjiens battaient des records de vitesse dans le Pacifique.  Un mythe japonais de la création nous apprend comment l’archipel a été fabriqué par la mer.  Un mythe inuit tourne autour de Sedna, la déesse de la Mer.  « La mer nous appartient tous », en a conclu le Secrétaire général, prévenant qu’améliorer la santé des océans est un test du multilatéralisme que nous ne pouvons rater.  Nous devons résoudre nos problèmes de gouvernance et trouver une nouvelle vision stratégique.  À moins de mettre de côté nos intérêts territoriaux et économiques qui ont bloqué les progrès jusqu’ici, nous n’arrêterons pas la détérioration de nos océans.  « Renonçons à nos intérêts à court terme pour prévenir une catastrophe mondiale à long terme. »  « Conserver les océans et les exploiter de manière durable, c’est préserver la vie elle-même », a conclu le Secrétaire général.

« Bienvenue dans la grande salle de l’humanité, dans l’assemblée des « peuples de la planète Terre », a lancé M. PETER THOMSON, Président de l’Assemblée générale.  « Que nous soyons si nombreux est déjà un message de pouvoir et d’espoir », s’est-il réjoui, en parlant d’« une conférence qui est la meilleure opportunité d’inverser le cycle du déclin que l’activité humaine a infligé à l’océan ». 

Pour que le quatorzième objectif de développement durable reçoive tout l’appui nécessaire à sa réalisation, a poursuivi le Président, nous devons entendre la vérité sur l’état de nos océans, évaluer les problèmes auxquels ils sont confrontés et plus important encore, réunir les solutions requises pour surmonter ces problèmes.  Nous sommes ici, a souligné le Président, « au nom de l’humanité, pour restaurer la viabilité, l’équilibre et le respect dans nos relations avec notre mère première, notre source de vie, l’océan ».

« Le moment est venu de corriger nos erreurs car il inexcusable que l’humanité déverse chaque minute de chaque jour l’équivalent d’un grand camion poubelle rempli de plastique dans l’océan. »  Nous avons infligé « la peste du plastique » à nos océans.  Les pratiques de pêche illégales et destructives, conjuguées aux subventions tout aussi destructives, menacent de mort nos stocks de poissons.  Parallèlement, a poursuivi le Président, les gaz à effet de serre dus à la combustion carbonique des activités humaines ne contribuent pas seulement aux changements climatiques, mais au réchauffement des océans touchés également par l’acidification et la désoxygénation, et en conséquence, à la montée du niveau des eaux.

« Si nous voulons assurer  aux espèces de notre planète un avenir viable, nous devons agir maintenant pour la santé des océans et contre les changements climatiques », a prévenu M. Thomson.  La bonne nouvelle, a-t-il estimé, est que nous avons déjà pris une mesure décisive: nous avons adopté l’objectif de développement durable no 14 et ratifier l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  Nous entrons maintenant dans l’ère de l’action et de la mise en œuvre, a rappelé le Président, une ère où nous devons prouver notre fidélité à ces deux accords vitaux, une ère où nous devons cesser de voler l’avenir de nos petits-enfants. 

« Les problèmes causés par l’homme ont des solutions trouvées par l’homme », a souligné le Président, arguant qu’à la plénière, dans les dialogues sur les partenariats et dans la multitude d’interactions auxquelles donnera lieu cette Conférence, nous devons trouver les solutions aux fléaux que nous avons infligés à nos océans. 

Nous devons faire de cette Conférence un tournant, le moment où nous avons commencé à inverser le cycle du déclin des océans.  Nous avons cinq jours pour réaliser « cet objectif historique », a insisté le Président, en souhaitant que « chaque jour compte ».

M. FREDERICK MAKAMURE SHAVA (Zimbabwe), Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a souhaité que l’enthousiasme qu’il perçoit aille au-delà de cette semaine de conférence.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 nous offre un cadre exhaustif et ce qu’il faut maintenant, c’est le mettre en œuvre.  J’en ai fait ma priorité, a dit le Président de l’ECOSOC, précisant qu’il s’est donné pour axe la construction d’infrastructures résilientes et l’industrialisation durable, « indispensables » pour tous les aspects du développement durable, pour l’élimination de la pauvreté et pour la sécurité alimentaire mais aussi pour toutes les activités liées aux océans. 

Le Président a aussi rappelé que la session annuelle du Forum politique de haut niveau sur le développement durable a adopté une approche intégrée qui souligne l’interdépendance et l’interconnexion des objectifs du Programme 2030.  La question de la conservation et de l’exploitation durables des océans est une question « complexe », a-t-il estimé, parce que les océans ont un impact direct sur l’élimination de la pauvreté, la santé, la croissance économique, la sécurité alimentaire et la création de moyens de subsistance viables et d’un travail décent.  Dans le même temps, il faut protéger la biodiversité et l’environnement marins et traiter des changements climatiques. 

C’est la raison pour laquelle, a plaidé le Président, une plateforme intégrée comme le Forum politique de haut niveau est de la plus haute importance, en ce sens qu’elle offre l’opportunité d’aborder l’objectif 14 de manière holistique et cohérente, en examinant ses liens avec les autres objectifs et cibles.  La prochaine session du Forum, qui se tiendra du 10 u 18 juillet, sera essentielle pour assurer la fin de l’approche en silos et la promotion d’un examen intégré des objectifs de développement durable.  L’Appel à l’action, a conclu le Président, doit être un effort de coopération qui conduise à la mobilisation des ressources, financières et techniques, au partage des technologies et au renforcement des capacités.  Pour sa part, a-t-il promis, l’ECOSOC contribuera à la mise en œuvre des engagements, en offrant une orientation politique et en exploitant les connaissances scientifiques pour prendre des décisions politiques éclairées.

M. WU HONGBO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales et Secrétaire général de la Conférence, a rappelé qu’en septembre 2015, les États Membres s’étaient engagés à conserver et exploiter de façon durable les océans et les ressources marines en adoptant le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Soulignant que les engagements volontaires en faveur de la réalisation de cet objectif ne cessaient de croitre de jour en jour, M. Wu a déclaré que la Conférence offrait l’occasion de stimuler la mobilisation des ressources.  Il faut que cette Conférence soit une « plaque tournante » rassemblant gouvernements et acteurs du secteur privé pour renforcer les partenariats existants et inspirer la création d’autres partenariats novateurs.  Le Secrétaire général adjoint a insisté sur le renforcement des capacités et sur les financements.  « Nous n’y arriverons pas si nous continuons à travailler de façon cloisonnée », a-t-il affirmé, appelant les participants à travailler de concert pour atteindre cet objectif commun.

Après ces déclarations liminaires, le débat général a été ouvert par les Présidents du Togo, de la Bolivie, du Gabon, de la Micronésie, de Nauru, du Zimbabwe et des Palaos, suivis par le Vice-Président des Seychelles puis par les Premiers Ministres de Tuvalu, des Îles Cook, de la Grenade et de Sri Lanka.

Dialogue de partenaires « Lutte contre la pollution marine » (A/CONF.230/4)

M. LUHUT BINSAR PANDJAITAN, Ministre coordonnateur des affaires maritimes de l’Indonésie et Coprésident du Dialogue, a prévenu que les déchets plastiques étaient l’une des plus grandes menaces à la biodiversité marine et côtière.  Ce problème rend nécessaire une prise en charge collective de la communauté internationale, a-t-il asséné.  L’Indonésie, qui fait du développement de son économie maritime une priorité nationale, souffre gravement de ce problème.  Une étude récente à laquelle elle a participé, en coopération avec la Banque mondiale  et les États-Unis, confirme la gravité du problème dans deux villes indonésiennes et deux villes américaines.  « Nous avons repéré dans les villes indonésiennes des déchets en provenance de lieux aussi éloignés que l’Asie du Sud », a indiqué le Ministre dont le pays a adopté un plan de lutte contre l’accumulation des déchets plastiques dans les mers.

Ce plan, a expliqué le Ministre, vise à changer les comportements, réduire les déversements terrestres et marins, renforcer les mécanismes de financement de la gestion des déchets et faire respecter la loi.  L’Indonésie a ainsi lancé des campagnes de sensibilisation et compte, en collaboration avec la Banque mondiale, organiser une conférence sur les déchets plastiques.  Le Ministre a jugé utile que les fabricants d’emballage soient associés aux efforts internationaux contre la pollution marine.  On pourrait, a-t-il suggéré, les convaincre de privilégier le plastique recyclé et les matières biodégradables.

L’autre Coprésident du dialogue, M. VIDAR HELGESEN, Ministre du climat et de l’environnement de la Norvège, a raconté l’anecdote de la baleine qui s’est échouée sur les côtes norvégiennes l’hiver dernier et dont l’autopsie a révélé qu’elle avait avalé 30 sacs en plastique.  Face à « la catastrophe » de la pollution marine, la Norvège a lancé un nouveau programme et décidé de réduire la production de microplastiques. 

L’animateur du dialogue, M. ELLIOTT HARRIS, Directeur du Bureau de New York du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a ouvert le dialogue en soulignant que 20% des mangroves dans le monde sont déjà détruites et que 75% des stocks de poisson sont déjà au stade de la surexploitation.  Mais il y a de l’espoir, a-t-il estimé, en citant le cas des pays qui ont pris les bonnes mesures contre la pollution marine.  Par exemple, le Canada a interdit l’usage des microplastiques pour les produits de consommation alors que d’autres pays ont augmenté les taxes sur les produits en plastique. 

Mme NANCY WALLACE, Directrice du Programme des déchets marins à l’Administration océanique et atmosphérique du Département américain du commerce, a mis l’accent sur la grande diversité des déchets marins, qui peuvent aller des filets de pêches, aux bateaux abandonnés, en passant par les microplastiques.  Ces déchets constituent une grave menace pour la faune et la flore océaniques, mais aussi pour l’homme.

Il faut, a-t-elle conseillé, investir davantage dans la recherche pour connaître avec précision le volume et la composition des déchets marins.  Ces recherches ne devraient pas seulement se focaliser sur les conséquences des déchets mais également sur les solutions propres à empêcher leur déversement dans l’océan.  L’Administration océanique et atmosphérique, a indiqué Mme Wallace, travaille à la promotion de la réutilisation et du recyclage, en collaboration avec des entreprises pilotes à San Francisco. 

La Directrice a insisté sur le rôle des politiques publiques pour changer les comportements vis-à-vis des sacs en plastique à usage unique et des emballages alimentaires.  Selon une enquête réalisée par « The New York Times », a-t-elle poursuivi, la loi sur l’interdiction des sacs en plastique en Irlande a fait chuter leur utilisation de 94%.  Cela démontre l’efficacité des politiques publiques, a fait remarquer la Directrice.

Elle a tout de même reconnu que chaque pays fait face à ses propres défits et qu’il n’y a pas de solution à taille unique.  Les États-Unis travaillent actuellement sur plusieurs solutions, y compris sur des systèmes peu coûteux de barrage pour empêcher le passage des déchets dans les cours d’eau.  Le pays travaille aussi à des solutions visant par exemple à augmenter la valeur marchande des déchets et à encourager leur recyclage.

M. KOSI LATU, Directeur général du Secrétariat du Programme régional pour l’environnement du Pacifique Sud, a rappelé que la région du Pacifique est recouverte de 98% d’eau et de 2% de terres, abritant la plus grande réserve de thon au monde.  Les pays de la région ont donc mis en place une Stratégie à l’horizon 2025 pour des océans propres.  Cette stratégie cible la lutte contre la pollution par les matières plastiques mais également les déchets nucléaires dus aux essais militaires et la pollution par les hydrocarbures causée par les centaines de navires échoués dans les fonds marins du Pacifique depuis la Deuxième Guerre mondiale.  M. Latu a mentionné les risques de pollution que font peser les accidents marins et les navires transportant des espèces étrangères envahissantes.

Une étude menée dans quatre pays de la région a révélé que 97% des poissons de la région ont ingéré des matières plastiques contre 67% dans le reste du monde.  Les lois sont là mais elles ne sont pas mises en œuvre, a reconnu le Directeur général qui a, à son tour, plaidé pour l’implication des producteurs de plastique dans la recherche de solutions.  Il a prôné la solution des « trois R »: réduction, recyclage et réutilisation des matières plastiques. 

Quant aux microplastiques, M. PETER KERSHAW, Président du Groupe mixte d’experts chargé d’étudier les aspects scientifiques de la protection de l’environnement marin (GESAMP), a indiqué qu’aujourd’hui, on voit une très forte concentration de ces substances sur les côtes mais également au milieu des océans à cause des courants marins.  La plupart des plastiques ont une forte toxicité et ingérés par des animaux, ils deviennent de véritables perturbateurs endocriniens.  La meilleure manière de gérer la crise des microplastiques est d’identifier leur origine et les procédés par lesquels ils arrivent dans les océans.  Il faut ensuite forger des partenariats pour lutter contre leur déversement et surtout lier la question aux autres formes de pollution marine.

Justement, Mme SYBIL SEITZINGER, Directrice exécutive du Pacific Institute for Climate Solutions de l’École d’études environnementales de l’Université de Victoria, au Canada, a parlé de la présence trop importante d’azote et de phosphore nonorganiques dans les eaux marines, causée par l’industrie agro-alimentaire et l’utilisation d’engrais pour la production agricole et la gestion des eaux usées.  Estimant à plus de 120 les bassins versants transfrontaliers dans le monde, Mme Seitzinger a appelé les pays concernés à renforcer leur coopération pour trouver des solutions communes et ramener les taux d’azote et de phosphore nonorganiques à des niveaux acceptables.

S’agissant des eaux usées, elle a estimé qu’il convient de développer des systèmes capables non seulement de débarrasser les eaux usées du phosphore et de l’azote mais également de recycler le phosphore et l’azote collectés, au lieu de les déverser ailleurs, comme c’est le cas aujourd’hui.

Concernant les engrais, elle a pointé du doigt les milliards de dollars de subventions versées aux paysans pour qu’ils en achètent, notamment en Inde et en Chine.  Les études montrent, a-t-elle déclaré, que les engrais ont peu d’effet sur le niveau global de la production agricole.  Il faut donc réfléchir à des politiques publiques pour réduire l’utilisation d’engrais sans pourtant diminuer la production agricole, notamment grâce aux nouvelles technologies.  

La cible 14.1 de l’objectif 14 dit « d’ici à 2025, prévenir et réduire nettement la pollution marine de tous types, en particulier celle résultant des activités terrestres, y compris les déchets en mer et la pollution par les nutriments ».  La pollution provenant des activités humaines peut être trouvée dans toute la vaste étendue des océans, que ce soit dans les profondeurs, à la surface ou dans les organismes qui y vivent.  Bien que des progrès considérables aient été réalisés dans la limitation de certaines formes de pollution, d’autres persistent.  C’est fort de ce constat que les intervenants ont insisté sur la nécessité d’améliorer la gestion des déchets.

En Roumanie par exemple, a expliqué la Ministre des eaux et forêts, les autorités ont mis en place un plan-cadre de réhabilitation des zones côtières de la mer Noire et participent au Plan de préservation du bassin du Danube.  En Italie, a indiqué la Ministre de l’environnement, des terres et des mers, le Gouvernement s’attache à réduire l’utilisation des sacs en plastique et le Parlement étudie, en ce moment, l’interdiction des microplastiques.  À cheval entre les océans Pacifique et Atlantique, le Panama, a indiqué son Vice-Ministre des affaires multilatérales et de la coopération, a constaté que le canal a contribué non seulement à réduire le coût des transports maritimes mais les émissions de gaz à effet de serre des navires.  En Chine, a expliqué son délégué, le Gouvernement assure un contrôle strict des déversements des navires, en espérant éliminer complétement les points de décharge illicite en mer.  

Il est temps, a estimé le Ministre des pêches et de l’agriculture des Maldives, de réfléchir à des produits de substitution du plastique et il faut évidemment pour cela une coopération internationale efficace et le strict respect des accords internationaux.  Parmi ces accords, on peut citer la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui est complétée par toute une série d’instruments contraignants et non contraignants.  Le représentant d’Israël a insisté sur le respect des obligations internationales.  Celle de la Commission pour la protection du milieu marin de la mer Baltique, une mer « semi-fermée » qui est devenue le déversoir des déchets venant d’autres mers, a salué le fait que la coopération a déjà permis de réduire de manière significative la pollution causée par les navires.

En plus de la coopération, les intervenants ont aussi souligné l’importance des mécanismes financiers pour la gestion des déchets.  Le Ministre de l’emploi et des petites et moyennes entreprises de l’Irlande a indiqué qu’un fonds pour l’environnement a été créé dans son pays.  Aux Îles Marshall, a témoigné le Ministre des affaires étrangères, 3% des frais pour l’obtention des licences de pêche sont affectés à la protection marine.  Le pays entend également mobiliser des fonds pour venir à bout de l’épineux problème de la pollution causée par les épaves des navires de la Deuxième Guerre mondiale.

En Algérie, a dit son représentant, un Plan national de gestion intégrée des déchets ménagers a été adopté et le Gouvernement entend tirer parti des fonds collectés grâce aux 11 « taxes écologiques » que le pays a adoptées.  L’Union européenne (UE), a annoncé son représentant, va engager 35 millions d’euros pour la recherche sur la pollution marine.  L’UE a dépensé 120 millions d’euros, entre 2007 et 2014, pour des projets d’assainissement et de gestion des bassins versants.  Elle entend promouvoir des partenariats pour la protection des océans et des mers.

La question des partenariats a marqué ce dialogue multipartite.  La Ministre des affaires étrangères et du commerce international de la Jamaïque a salué le partenariat de son pays avec le Japon et l’UE pour l’amélioration du cadre législatif national en matière de protection des mers.  Chypre, Israël et la Grèce ont mis en place un Plan de préparation d’urgence aux risques de catastrophe pour prévenir tout déversement d’hydrocarbures en Méditerranée, a annoncé le Ministre chypriote de l’agriculture, du développement rural et de l’environnement.  Dans cette même lancée, les Pays-Bas soutiennent les efforts de dépollution des côtes indonésiennes, a affirmé le représentant du Royaume.  

Celle du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) a aussi présenté des initiatives couronnées de succès à Sri Lanka où l’UNOPS a travaillé à la gestion des déchets solides.  Aux Maldives, l’UNOPS aide en ce moment à la mise en place d’une stratégie de gestion des eaux usées avant qu’elles ne se jettent dans la mer.  Le World Animal Protection a de son côté mis en place un partenariat avec les fabricants de matériel de pêche afin de promouvoir l’utilisation de matériaux durables et moins dangereux pour la faune marine.  Sa représentante a expliqué que 6 à 8% des matériels actuellement utilisés sont parfois abandonnés dans les océans et sont responsables de la perte de 10% des stocks de poissons qui sont pris au piège. 

À « The Ocean cleanup », une entreprise privée des États-Unis, on cherche des partenaires pour financer la recherche sur les technologies de dépollution des mers.  Le premier grand programme du genre pour récupérer et recycler des matières plastiques des océans sera lancé dans 12 mois.  Le représentant de l’entreprise a invité les gouvernements et les autres parties prenantes à participer à ce partenariat et plaidé pour que des solutions technologiques soient mises en place afin d’intercepter les plastiques avant qu’ils n’arrivent à la mer. 

Le Vice-Ministre belge des affaires étrangères et européennes a expliqué qu’en Belgique, les petites et moyennes entreprises essayent de tirer parti de la pollution marine en mettant également en avant l’innovation.  Ainsi, une start-up récupère des déchets marins pour fabriquer des montures de lunettes bon marché.  C’est dans cette même lancée que le représentant du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a insisté sur le transfert des technologies vers les pays en développement.  Le PNUE coordonne déjà certains mécanismes intergouvernementaux liés à la gestion marine.  Le Coprésident du dialogue s’est félicité des idées lancées.  « Passons à l’action », a-t-il encouragé.

 

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