Conseil de sécurité: Boko Haram poursuit ses opérations dans la région du bassin du lac Tchad, en proie à une crise humanitaire aiguë, préviennent de hauts fonctionnaires de l’ONU
En dépit de plusieurs défaites et de la libération, en octobre dernier, d’écolières nigérianes de l’école de Chibok, Boko Haram poursuit ses offensives et sa politique de terreur dans le bassin du lac Tchad, même si le groupe terroriste semble avoir réorienté ses offensives vers des cibles militaires, a déclaré, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques.
M. Tayé-Brook Zerihoun a toutefois indiqué que la montée en puissance des affrontements de Boko Haram avec les forces armées semblent répondre aux opérations anti-insurrectionnelles conduites par la Force multinationale mixte (FMM) –formée de militaires des pays de la sous-région–, ainsi qu’à un changement de tactique faisant suite à la scission du leadership de Boko Haram, en août dernier, entre Abu Bakr Shekau et son ancien numéro deux, Abu Musab Barnawi.
« La tendance qui se dégage des attaques récentes semble conforme à la ligne défendue par Barnawi, désireux de s’en prendre moins aux civils musulmans qu’aux cibles militaires, occidentales et chrétiennes », a estimé le Sous-Secrétaire général, en faisant état d’attaques meurtrières commises les 3, 7 et 8 janvier.
« Les quatre pays du bassin du lac Tchad –Tchad, Nigéria, Cameroun et Niger– sont indifféremment touchés par le fléau de Boko Haram, dans un contexte de crise financière et de tensions politiques et sociales. Ils ont besoin du soutien du Conseil de sécurité et de l’ensemble de la communauté internationale pour réussir dans leurs efforts en vue de rétablir la stabilité et de renforcer la résilience des communautés touchées », a plaidé M. Tayé-Brook Zerihoun.
Par ailleurs, a-t-il noté, l’échec « manifeste » de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à tenir leur sommet ministériel conjoint sur Boko Haram, « longtemps envisagé », est préoccupant. Du Sénégal au Royaume-Uni, plusieurs membres du Conseil ont secondé cet appel à se réunir dans les meilleurs délais, en vue d’élaborer une « stratégie commune » pour s’attaquer aux causes profondes de la crise suscitée par Boko Haram, qui n’est pas simplement sécuritaire.
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, a dressé un bilan accablant. Selon lui, 10,7 millions de personnes ont actuellement besoin d’une assistance dans le bassin du lac Tchad, contre neuf millions en juillet 2016: 8,5 millions de personnes dans le nord-est du Nigéria et 1,6 million de personnes dans le nord du Cameroun. Il y a, en outre, 2,4 millions de personnes déplacées, dont la plupart des enfants, a poursuivi M. O’Brien, en rappelant qu’au cours de sa dernière mission au Nigéria et au Niger, il avait constaté que 80% des personnes déplacées sont toujours accueillies par des communautés locales, « parmi les plus pauvres au monde ».
Il s’agit d’une des crises humanitaires actuelles les plus graves, a alerté le Secrétaire général adjoint, en révélant que le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire dans le bassin est passé de trois millions il y a un an à 7,1 millions aujourd’hui, en dépit des efforts de l’ONU et de ses partenaires. « La situation dans la région du bassin du lac Tchad est sortie des radars internationaux alors que notre appui n’a jamais été aussi nécessaire », a fait observer le représentant de la France.
Tandis que le Gouvernement de la France a débloqué, en 2016, une aide de 13,5 millions d’euros pour les pays affectés par Boko Haram, le Japon a annoncé, en décembre dernier, le versement de trois millions de dollars au Niger. Également un bailleur de fonds des pays de la région, le Royaume-Uni a rappelé que l’ONU avait estimé à un milliard de dollars les besoins du Nigéria face à la crise et à 310 millions de dollars ceux du Cameroun.
Le représentant du Nigéria s’est, pour sa part, enorgueilli des progrès significatifs accomplis par son pays contre Boko Haram: « avant Noël, l’armée a repris la forêt de Sambisa, l’ancien repaire des combattants du groupe terroriste ». Conscient des défis de développement qui se posent dans la région, y compris le rétrécissement du lac Tchad, son gouvernement a initié des programmes pour restaurer les moyens de subsistance des communautés dans les régions touchées, a-t-il dit.
Alors que M. Zerihoun s’alarmait des allégations de violations des droits de l’homme commises par la Force multinationale mixte, le représentant du Nigéria a assuré que la stratégie antiterroriste privilégiée par son gouvernement inscrivait les opérations militaires dans le cadre d’une approche fondée sur les droits de l’homme, « pour contribuer à la réalisation de la réhabilitation, de la réinsertion et de la reconstruction ». Il faut noter, a ajouté le représentant, que les écolières kidnappées à Chibok « restent dans la conscience nationale du Nigéria ». Son pays œuvre d’arrache-pied à la remise en liberté de tous les Nigérians détenus par Boko Haram, y compris les filles de Chibok, a-t-il insisté.
S’exprimant par visioconférence depuis Maiduguri, au Nigéria, Mme Fatima Yerima Askira, la Coordonnatrice pour l’initiative de développement pour les femmes de Borno et les programmes de jeunes au sein de Search for Common Ground Nigeria, a plaidé de son côté en faveur de la création d’une architecture de paix régionale, à laquelle les femmes et les filles devront être associées.
« Les femmes ont également leur mot à dire en matière de paix et de sécurité », a rappelé le délégué du Royaume-Uni, rejoint sur ce point par son homologue de la Suède. Conscient de la nécessité d’assurer un suivi de la situation, ce dernier a estimé, à l’instar du Sénégal, de la France ou encore de l’Italie, qu’une visite du Conseil de sécurité dans la région serait une « étape utile »
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Déclarations
M. TAYÉ-BROOK ZERIHOUN, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques de l’ONU, a déclaré que Boko Haram continuait de perpétrer des violences contre des civils dans la région du bassin du lac Tchad, violences qui prennent la forme d’enlèvements et d’attentats-suicides et d’attaques commises contre des localités, sans compter la dissémination d’engins explosifs improvisés. « Depuis octobre 2016, le groupe terroriste a réorienté ses offensives vers des cibles militaires, même s’il reste à déterminer si les militaires sont bel et bien ceux qui sont visés », a précisé le haut fonctionnaire.
Toutefois, a-t-il dit, la montée en puissance des affrontements avec les forces armées semblent être une réponse aux opérations anti-insurrectionnelles conduites par la Force multinationale mixte (FMM), ainsi qu’à un changement de tactique faisant suite à la scission du leadership de Boko Haram, en août dernier, entre Abu Bakr Shekau et son ancien numéro deux, Abu Musab Barnawi.
« La tendance qui se dégage des attaques récentes semble conforme à la ligne défendue par Barnawi, désireux de s’en prendre moins aux civils musulmans qu’aux cibles militaires, occidentales et chrétiennes », a estimé M. Zerihoun. Le 3 janvier, Boko Haram a attaqué un avant-poste militaire à Baroua, dans la région nigérienne de Diffa; le 7, une brigade militaire de Buni Yadi, une ville du nord-est du Nigéria; et le 8, le groupe a perpétré des attaques-suicides à Maiduguri.
Toutefois, a dit M. Zerihoun, la libération de certaines filles kidnappées à Chibok, en particulier celles qui ont été libérées le 13 octobre à la suite de négociations facilitées par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Gouvernement suisse, est encourageante. Selon le Gouvernement nigérian, les négociations pour la libération des autres filles se poursuivent. La violence en cours a eu des effets dévastateurs dans la région. « L’impact économique de la crise est considérable et est estimé à environ à neuf milliards de dollars, rien que dans le nord-est du Nigéria », a prévenu M. Zerihoun.
Seule une approche holistique aidera à réparer les dommages matériels et sociaux infligés aux communautés, a assuré le Sous-Secrétaire général. Ce soutien devrait selon lui également comporter des mesures visant à inverser les effets néfastes des changements climatiques sur les moyens de subsistance des communautés des zones touchées, y compris la réhabilitation du lac Tchad.
Les violations graves des droits de l’homme et les abus ont accompagné les attaques de Boko Haram et les opérations antiterroristes. Femmes et filles restent exposées à la violence sexuelle, y compris l’esclavage sexuel et le mariage forcé. Les opérations contre-insurrectionnelles, tant par des forces nationales que par la FMM, ont été entachées d’accusations de violations du droit international humanitaire, et les suspects d’appartenir à Boko Haram subissent des conditions de détention extrêmes, y compris les enfants.
Si des mesures notables ont été prises par le Nigéria pour faire face aux incidents de violence sexuelle et sexiste dans des camps concernant des femmes déplacées et des enfants, M. Zerihoun a instamment demandé aux autorités de tous les pays de la région de renforcer leur riposte face à ces violations et abus, notamment en aidant les survivants, en traduisant tous les responsables en justice et en fournissant des services de protection ciblés dans les camps et les communautés d’accueil.
Afin de soutenir les efforts déployés par les États Membres pour lutter contre le terrorisme et veiller à ce que les auteurs soient traduits en justice, l’ONU continue de fournir une assistance technique et des formations en matière de lutte contre le terrorisme.
En outre, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT) et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), avec le soutien de l’Union européenne, ont tenu en décembre 2016 une réunion de haut niveau avec les autorités nigérianes pour examiner les approches pertinentes en matière de poursuites, de réhabilitation et de réinsertion des anciens combattants de Boko Haram, a observé le Sous-Secrétaire général.
Des consultations similaires seront proposées au Cameroun, au Tchad et au Niger lors d’une visite du Président du Comité contre le terrorisme prévue pour début 2017.
De plus, a poursuivi M. Zerihoun, la FMM mène actuellement des opérations militaires sur les berges du lac Tchad. L’opération est confrontée à des défis uniques, notamment un terrain difficile, un manque de capacités. « La contribution de 50 millions d’euros promise par la Commission de l’Union européenne à la Commission de l’Union africaine à l’appui de la Force et des fonds fournis par d’autres donateurs bilatéraux doivent être versés en temps opportun à la Commission du bassin du lac Tchad pour permettre à la FMM de relever les défis auxquels elle est confrontée.
Mais une approche militaire n’entraînera pas la fin de Boko Haram, selon le Sous-Secrétaire général. Les pays touchés doivent simultanément s’attaquer aux conséquences humanitaires ainsi qu’aux causes profondes qui ont conduit à l’émergence du groupe, a prévenu le haut fonctionnaire. Les opérations militaires doivent être suivies de mesures de stabilisation, de rétablissement de l’autorité de l’État et de traitement des griefs sociaux, économiques et politiques au sein des communautés marginalisées.
« Les quatre pays du bassin du lac Tchad sont indifféremment touchés par le fléau de Boko Haram, dans un contexte de crise financière et de tensions politiques et sociales. Ils ont besoin du soutien du Conseil de sécurité et de l’ensemble de la communauté internationale pour réussir dans leurs efforts en vue d’assurer la stabilité et renforcer la résilience des communautés touchées. »
Si les Nations Unies restent prêtes à soutenir les efforts régionaux, « l’échec manifeste de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à tenir leur sommet ministériel conjoint sur Boko Haram, longtemps envisagé, est préoccupant », s’est alarmé M. Zerihoun.
L’ONU, a-t-il dit, continue donc d’encourager la région à élaborer une « stratégie commune » pour s’attaquer aux causes profondes de la crise de Boko Haram. L’appui du Conseil de sécurité pour inciter la CEEAC et la CEDEAO à convoquer leur réunion conjointe souligne l’« urgence » de la question.
M. STEPHEN O’BRIEN, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a indiqué que 10,7 millions de personnes avaient actuellement besoin d’une assistance dans le bassin du lac Tchad, contre 9 millions en juillet 2016: 8,5 millions de personnes dans le nord-est du Nigéria et 1,6 million dans l’extrême nord du Cameroun. Il y a, en outre, 2,4 millions de personnes déplacées, dont la plupart sont des enfants. Au cours de sa dernière mission au Nigéria et au Niger, il a constaté que 80% des personnes déplacées étaient toujours accueillies par des communautés qui, a-t-il fait observer, sont parmi les plus pauvres au monde.
Les besoins en termes de protection sont sévères, a-t-il poursuivi, en signalant de graves violations quotidiennes des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qui se traduisent par des pertes en vies humaines, des blessés, des violences sexuelles ou sexistes, des détentions arbitraires, ainsi que des disparitions, des déplacements et des recrutements forcés. Rien qu’au nord-est du Nigéria, plus de 7 000 femmes et filles ont été victimes de violences sexuelles commises par Boko Haram, a-t-il précisé en expliquant qu’après leur libération, elles ont été considérées comme des sympathisantes de Boko Haram. Pour réagir à ce problème, les Nations Unies et leurs partenaires ont fourni des soins et un soutien à 5 900 femmes et enfants qui ont été associés ou victimes de violences sexuelles par des membres de Boko Haram, une aide qu’il faudrait, selon lui, améliorer davantage. Il a recommandé de travailler avec le Gouvernement et les communautés pour lutter contre la stigmatisation de ces femmes.
Cette crise humanitaire s’est aggravée par une insécurité alimentaire grave, a alerté le Secrétaire général adjoint: c’est aujourd’hui une des plus grandes crises humanitaires au monde. Le nombre de personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire dans la région est passé de 3 millions il y a un an à 7,1 millions aujourd’hui, et ce, malgré les efforts de l’ONU et de ses partenaires. C’est la libération de personnes aux mains de Boko Haram après l’offensive du Gouvernement qui a révélé le nombre considérable de personnes oppressées, affamées et victimes d’abus, a-t-il dit pour expliquer l’ampleur de ces chiffres.
L’équipe spéciale commune internationale de l’Union africaine a permis de faire fuir beaucoup de terroristes de Boko Haram hors du Cameroun, du Tchad et du Niger, ce qui a permis de concentrer les efforts sur les besoins du nord-est du Nigéria où l’on compte 5,1 millions de personnes en grave situation d’insécurité alimentaire. Tout cela s’ajoute à une malnutrition chronique sévère et modérée qui sévit dans toute la région du Sahel. M. O’Brien a souligné la particulière vulnérabilité des enfants du nord-est du Nigéria et du bassin du lac Tchad où le taux de mortalité des moins de 5 ans parmi les personnes déplacées est quatre fois plus élevé que le seuil d’urgence. Dans l’État du Borno, il y a 300 000 enfants en déficience alimentaire et 150 000 de plus dans les États d’Adamawa et de Yobe.
Malgré ces tendances inquiétantes, le Secrétaire général adjoint a exprimé un espoir pour 2017. Maintenant que le Gouvernement du Nigéria reprend progressivement le contrôle de son territoire au nord-est du pays, il faut étendre l’aide humanitaire et la protection, ainsi que les services de base. Il a indiqué que l’aide de l’ONU et des gouvernements de la région du bassin du lac Tchad avait permis, au cours des six derniers mois, de fournir une aide alimentaire à 2,1 millions de personnes, des soins de santé d’urgence à plus de 4 millions et de l’eau et des services d’assainissement à 1,7 million. Il a aussi donné le détail de l’aide apportée par l’UNICEF en 2016 qui a notamment offert des traitements pour sauver la vie de 160 000 enfants en déficience nutritionnelle, des soins de santé à plus de 4 millions de personnes et des espaces d’enseignement à plus de 100 000 enfants. M. O’Brien a rappelé avoir débloqué 91 millions de dollars du Fonds central pour les interventions d’urgence depuis juillet 2015 pour financer tous ces efforts.
Il a salué la bonne coopération de l’ONU avec les gouvernements des pays touchés, ceux-ci ayant amélioré leur réponse humanitaire. Le Gouvernement du Nigéria, par exemple, a nommé un coordonnateur humanitaire en chef en octobre 2016. Plusieurs gouvernements de la région subissent cependant des contraintes budgétaires dues à la récession économique et aux coûts des opérations militaires contre Boko Haram, a-t-il prévenu en soulignant leurs besoins de financement. Il a aussi insisté sur la nécessité de fournir à ces pays une aide urgente pour traiter les causes profondes de la crise comme la pauvreté, lançant un véritable appel à la solidarité. Cette crise revêt un caractère urgent, a-t-il répété en suggérant par exemple de soutenir le secteur agricole de ces pays.
M. O’Brien a remarqué que la communauté internationale était aujourd’hui plus attentive à la crise sécuritaire et humanitaire de cette région. Au Nigéria, qui est l’épicentre de la crise, les Nations Unies ont un nouveau et fort leadership, ainsi qu’une étroite coordination avec le Gouvernement, a-t-il indiqué en se réjouissant de l’intention du Conseil de sécurité de se rendre sur le terrain prochainement. Il s’est également félicité de l’engagement accru des donateurs qui ont contribué au-delà de 238 millions de dollars pour répondre à la crise humanitaire au deuxième semestre de 2016, triplant ainsi leur contribution par rapport à la première partie de l’année. L’appel humanitaire de 2016 a ainsi été financé à hauteur de 49%, a-t-il dit en souhaitant un engagement encore plus important pour combler les besoins. C’est pourquoi il a doublé les demandes de financement pour 2017: l’appel humanitaire 2017 pour la région est ainsi de 1,5 milliard de dollars.
Avant de conclure, M. O’Brien a appelé le Conseil de sécurité à soutenir les mesures prises aux niveaux national et régional, la Conférence sur le Nigéria et le bassin du lac Tchad organisée en Norvège le 24 février, les stratégies de développement locales, ainsi que les organisations locales, nationales et internationales qui œuvrent dans ce sens.
Mme FATIMA YERIMA ASKIRA, Coordonnatrice pour l’initiative de développement pour les femmes de Borno et les programmes de jeunes au sein de Search for Common Ground Nigeria, en vidéoconférence de Maiduguri, s’est également exprimée mais ses propos n’ont pu être traduits par les interprètes de la cabine française en raison de la mauvaise qualité sonore. « Il nous faut une architecture pour la paix dans notre région, à l’élaboration de laquelle les filles doivent être associées », a-t-elle dit en substance.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a affirmé que la famine qui a récemment sévi à Borno n’était pas naturelle, mais bien le fait de l’homme. Elle a demandé au Gouvernement nigérian de coopérer avec les agences humanitaires afin d’améliorer l’acheminement de l’aide, avant d’insister sur la sauvagerie de Boko Haram. Le sort des lycéennes de Chibok est le meilleur exemple de cette sauvagerie, a-t-elle ajouté.
Mme Power a ensuite détaillé la visite qu’elle a effectuée l’année dernière au Cameroun et au Nigéria dans des camps de personnes déplacées par les activités de Boko Haram. « Toutes les personnes que j’ai rencontrées ont décrit le meurtre d’un proche ou l’enlèvement d’un enfant de leurs propres mains », a-t-elle dit. La représentante a souhaité que le Conseil se rende sur place pour constater de lui-même l’ampleur de la crise. « Nous devrions être tous touchés par les souffrances de ces personnes déplacées », a-t-elle insisté, en déplorant l’audience clairsemée de cette séance du Conseil.
Elle a demandé une intensification de la riposte internationale à Boko Haram, avant de louer la bonne coordination des pays de la région dans les opérations militaires qu’ils conduisent. « Ces opérations méritent notre plein appui », a-t-elle dit, ajoutant que son pays leur apportait son concours.
Mme Power a ensuite invité l’ONU à travailler avec les gouvernements de la région afin d’apporter une aide humanitaire, et ce, même à proximité de la ligne de front. Elle a en particulier demandé au Gouvernement nigérian de remédier aux goulots d’étranglement qui empêchent le bon acheminement de l’aide dans le nord-est du pays. La situation dans la région du bassin du lac Tchad est ignorée, a conclu Mme Power, en appelant le Conseil à en faire davantage.
M. PETER WILSON (Royaume-Uni) a déclaré que la situation actuelle dans le bassin du lac Tchad risque de s’aggraver compte tenu des mauvaises récoltes. Il a donc appelé les bailleurs de fonds à se mobiliser pour apporter une réponse adéquate, alors que l’ONU a estimé à un milliard de dollars les besoins au Nigéria et à 310 millions ceux du Cameroun. Mais l’argent ne suffit pas, il faut aussi faire preuve de leadership, a estimé le représentant. La tenue prochaine d’un sommet régional sur Boko Haram sera l’occasion de voir un tel leadership émerger, a fait remarquer le représentant britannique.
Pour lui, un des défis les plus urgents est le retour forcé de populations dans des régions où ces personnes déplacées sont susceptibles d’être exposées à des violences. En outre, a-t-il souligné, les femmes ont également leur mot à dire en matière de paix et de sécurité et il est donc essentiel de les associer aux processus de paix et de les protéger des violences, en particulier les violences sexuelles. La fourniture, par Médecins sans frontières, de 810 tonnes de vivres au cours des derniers mois, est un exemple à suivre, a relevé le représentant britannique. Voilà l’esprit qui doit animer chacun d’entre nous, alors que pourtant, une organisation de santé n'est pas tenue d’apporter une aide matérielle.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a affirmé que Boko Haram, bien qu’affaibli, conservait de fortes capacités de nuisance. La situation dans la région du bassin du lac Tchad est sortie des radars internationaux alors que notre appui n’a jamais été aussi nécessaire, a-t-il fait remarquer. Insistant sur le coût, tant militaire que financier des opérations engagées contre Boko Haram, le délégué a souligné l’appui de la France aux pays de la région, en particulier le Tchad et le Niger. Les opérations militaires, a estimé M. Delattre, ont fait preuve de leur efficacité.
Le délégué a demandé à l’ONU de poursuivre ses efforts pour répondre aux besoins humanitaires immenses dans la région, en espérant que les centres d’approvisionnement par lesquels l’aide humanitaire doit transiter, seront bientôt opérationnels. Il a précisé que la France a fourni, en 2016, une aide de 13,5 millions d’euros pour les pays affectés par Boko Haram. Enfin, M. Delattre a mis l’accent sur l’importance du développement de la région, sous peine de voir les groupes terroristes se renforcer. La région du bassin du lac Tchad doit être au cœur des activités du Conseil, a conclu le délégué, en appuyant l’idée d’une visite prochaine du Conseil dans la région.
M. WU HAITO (Chine) s’est alarmé lui aussi de la détérioration des conditions de sécurité et de la situation humanitaire dans le bassin du lac Tchad, qui appelle une mobilisation sans précédent contre les opérations terroristes menées par Boko Haram, afin de permettre à la Force multinationale mixte (FMM) de mener à bien son mandat.
La communauté internationale, dans ce contexte, doit respecter la primauté du rôle joué par les organisations régionales et sous-régionales pertinentes, nommément la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La Chine, a assuré son représentant, est disposée pour sa part à coopérer avec la communauté internationale et les pays de la région pour rétablir la stabilité autour du lac Tchad.
M. IHAB MOUSTAFA AWAD MOUSTAFA (Égypte) a loué les succès engrangés par la Force multinationale mixte contre Boko Haram et demandé que la communauté internationale lui fournisse un appui renforcé. Il a également demandé une aide accrue pour les programmes de réintégration des anciens combattants de Boko Haram.
Le délégué de l’Égypte a défendu une approche globale visant à remédier aux causes profondes de la crise, qui prévoirait notamment le renforcement des capacités des pays de la région et une intensification des efforts de développement. Il a souhaité, en outre, que la Stratégie intégrée de l’ONU pour le Sahel soit pleinement appliquée.
Enfin, le délégué a promis l’appui de l’Égypte aux pays du bassin du lac Tchad en vue de pérenniser la paix.
M. KORO BESSHO (Japon) a déclaré que son gouvernement contribuait aux efforts dans le bassin du lac Tchad à travers l’aide humanitaire sociale. Au niveau bilatéral, il avait annoncé, en décembre dernier, une aide alimentaire de trois millions de dollars au Niger. À la lumière de l’énorme impact de la crise provoquée par Boko Haram sur les femmes, le Japon a aussi contribué financièrement aux activités de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme (ONU-Femmes) l’année dernière.
La portée et la complexité des défis auxquels la région fait face exigent plus que de l’aide humanitaire, a estimé le représentant. Les efforts continus de la Force multinationale mixte et les autres opérations militaires menées par les pays de la région ont contenu de manière significative Boko Haram et l’ont délogé de son ancien bastion. Pour consolider les progrès réalisés par les opérations militaires, il faudrait également accorder une attention continue aux défis économiques et sociaux à long terme.
Le représentant, citant les propos du Président du Nigéria au Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, a souligné que la « réduction du taux de chômage des jeunes favorise la stabilisation et décourage le recrutement par Boko Haram ». Le Conseil de sécurité, a-t-il insisté, doit réfléchir aux moyens de résoudre les questions complexes que connaissent les pays de la région du bassin du lac Tchad, afin d’assurer le maintien de la paix. Il est également vital que les pays de la région prennent en main le développement économique et social de leurs communautés à long terme, a-t-il indiqué.
M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a déclaré que le lac Tchad avait perdu 90% de sa superficie au cours de ces dernières années et 10 millions d’habitants, « soit trois fois la population de mon pays ». La dimension transnationale de la crise découle de causes connues de tous, mais l’avenir, a-t-il déploré, n’incite guère à l’espoir si l’on songe à l’absence d’« instrument » pour sortir de la crise et parvenir à une paix pérenne.
C’est pourquoi l’Uruguay a jugé nécessaire de rendre hommage à la Force multinationale mixte, fruit des efforts régionaux concertés pour répondre à l’aspect sécuritaire de la crise. Mais la délégation a vivement encouragé à rechercher des solutions de long terme à la situation.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a indiqué que son pays allait ouvrir une nouvelle ambassade à Niamey, la capitale du Niger. Il a appuyé les efforts des pays de la région contre Boko Haram, avant de se dire préoccupé par le lien qui existe entre les activités criminelles transnationales dans la région et les activités de Boko Haram. Il a rappelé que la résolution 2195 (2014) demande une coopération internationale renforcée afin de lutter contre le terrorisme associé à la criminalité transnationale organisée. Le délégué a souhaité que les organisations régionales jouent un rôle actif dans les efforts de lutte contre Boko Haram. L’Italie, a-t-il assuré, appuie l’idée d’une visite du Conseil dans la région du bassin du lac Tchad. Avant de conclure, le représentant a insisté sur les conséquences des changements climatiques dans la région, lesquelles, conjuguées avec l’instabilité actuelle, créent un environnement propice aux activités terroristes et criminelles.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a déclaré que la situation sécuritaire dans le bassin du lac Tchad est une source de préoccupation majeure pour son pays, avant de prendre bonne note des avancées réalisées par la Force multinationale mixte (FMM) contre Boko Haram.
Ceci étant, a-t-il relevé, les menaces posées par Boko Haram doivent être examinées en relation avec l’ensemble de celles qui se posent dans la région, a estimé la délégation, en invitant à mettre au point une « stratégie de lutte globale contre le terrorisme ».
Devant la détérioration de la situation humanitaire dans la région, la délégation a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle se mobilise en vue de mettre fin à une crise multidimensionnelle.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a condamné l’attaque meurtrière qui s’est produite l’année dernière à Maiduguri, avant d’appuyer les efforts des pays de la région du bassin du lac Tchad contre Boko Haram. Il a indiqué que la situation humanitaire dans la région continuait de se dégrader malgré les succès militaires engrangés contre Boko Haram. Plus de 7 millions de personnes sont déplacées au Niger, au Nigéria, au Tchad et au Cameroun en raison des activités de Boko Haram, a poursuivi le délégué. Le Kazakhstan, a-t-il assuré, appuie l’initiative de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) visant à la constitution d’un fonds de solidarité en faveur des victimes de terrorisme. Avant de conclure, le représentant a demandé aux membres du Conseil de se pencher sur les moyens d’augmenter l’aide humanitaire dans la région et de veiller à assurer son acheminement sans entrave.
M. GORGUI CISS (Sénégal) a déclaré que les changements climatiques et la surexploitation des ressources naturelles expliquent en partie la crise dans le bassin du lac Tchad, favorisant ainsi les rivalités et la montée en puissance d’organisations comme Boko Haram. En dépit d’une riposte militaire coordonnée menée par la Force multinationale mixte (FMM), ce groupe terroriste conserve une force de frappe considérable, a constaté le représentant. Outre les déplacements massifs de populations, et la prise en charge des victimes de violences, une aide internationale est nécessaire pour faciliter la réinsertion d’environ 1 500 déserteurs de Boko Haram, a souligné le délégué, en saluant les efforts déployés par les organisations humanitaires.
Appelant les pays de la région à se mobiliser, M. Ciss a souligné l’importance pour la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de tenir leur sommet ministériel conjoint sur Boko Haram. Le représentant a également plaidé en faveur d’un effort de sensibilisation et de communication avec les leaders religieux et communautaires pour contrecarrer l’appel de l’extrémisme violent. Il a enfin demandé au Conseil de sécurité de marquer sa solidarité avec les pays de la région, notamment en dépêchant prochainement une délégation dans la région du bassin du lac Tchad.
M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par l’allégeance prêtée par Boko Haram à l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL/Daech), ainsi que par le changement de stratégie de Boko Haram. Ce groupe évite désormais les affrontements frontaux pour privilégier les attaques contre les civils, a-t-il expliqué.
Soulignant l’urgence qui s’attache à l’élimination de la menace posée par Boko Haram, le délégué a appuyé les efforts de la Commission du bassin du lac Tchad et de la Force multinationale mixte. Il a également salué la décision de l’Union africaine en juillet 2016 de créer un Fonds de lutte contre le terrorisme. Enfin, le délégué de la Fédération de Russie a souligné la nécessité de remédier aux causes profondes de la situation dans la région et promis l’aide de son pays.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a déclaré que la situation dans le bassin du lac Tchad était l’une des plus négligées dans le monde. Jusqu’à présent, la communauté internationale n’a pas beaucoup réussi à résoudre les multiples problèmes complexes de la région, non pas par manque d’efforts mais par manque de compréhension de la manière de les traiter à la fois. Comment le Conseil de sécurité peut réagir efficacement à cette crise, en plus d’exprimer ses profondes inquiétudes et de réclamer une plus grande prise de conscience internationale, s’est interrogé le représentant.
Il faut, a-t-il dit, trouver un rôle approprié pour le Conseil. Tout d’abord, il doit être pleinement conscient qu’une crise humanitaire en perpétuelle détérioration peut se transformer en une véritable menace pour la paix et la sécurité dans la région.
Il a plaidé pour que le Conseil de sécurité s’engage dans une discussion sérieuse sur la façon de renforcer l’utilisation des mécanismes de sanctions existants contre les membres de Boko Haram et ses affiliés. Ainsi, les apports et les initiatives pertinents de la région contribueraient grandement aux travaux du Conseil sur ce sujet.
Enfin, pour tout progrès en vue d’atténuer l’immense souffrance des populations du bassin du lac Tchad, l’amélioration des conditions socioéconomiques doit être une priorité.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) s’est dit très préoccupé par les alertes concernant l’insécurité alimentaire, l’asservissement, l’esclavage, les enlèvements, les mariages forcés, la brutalité, la crise extrême, les atrocités, la peur, les attentats-suicides et les déplacements forcés dans la région du bassin du lac Tchad. Il s’est dit également très préoccupé par la situation humanitaire et la crise alimentaire que connaissent les pays de la région depuis de nombreuses années. Il s’est félicité des efforts menés pour affronter les groupes extrémistes, grâce à la collaboration de la Force multinationale mixte et des gouvernements des pays affectés.
Le représentant a condamné les actes menés par le groupe terroriste de Boko Haram et exprimé sa solidarité avec les victimes, notamment celles des attentats du 27 décembre et du 8 janvier derniers. Notant que les médias ne parlent pas beaucoup de cette crise, il a cependant attiré l’attention sur le nombre impressionnant de personnes souffrant de la crise. La Bolivie apportera son soutien à la lutte menée par les pays de la région, ainsi qu’aux efforts de la communauté internationale, a-t-il assuré.
M. OLOF SKOOG (Suède) a noté que la séance d’aujourd’hui est la conséquence d’un échec dû au fait qu’on n’a pas agi assez tôt. Il ne faut pas stigmatiser, a-t-il souligné, tout en appelant à mettre en évidence une crise trop négligée. Notant la complexité de la situation et le niveau élevé des souffrances humaines, il a rappelé que les causes fondamentales de la crise sont très profondes. Il a notamment cité les changements climatiques et la désertification qui contribuent à l’insécurité alimentaire et créent des conditions propices aux conflits.
M. Skoog s’est dit marqué par l’image qu’a évoquée Fatima, l’activiste qui est intervenue en début de séance: celle d’une femme malade, allongée dans le sable, n’ayant pour se couvrir que des haillons et entourée de ses enfants qui n’ont rien à manger. Qu’allons-nous faire? Il faut d’abord renforcer l’aide humanitaire, a-t-il répondu en appelant à accroître l’aide internationale lors de la prochaine conférence à Oslo. Parmi les autres mesures qu’il a préconisées, il a insisté sur l’importance d’entendre la voix des femmes, comme celle de Fatima. Il faut continuer à être vigilant dans le suivi de la situation, a-t-il ajouté en estimant qu’une visite du Conseil de sécurité dans la région serait une étape utile.
M. ANTHONY BOSAH (Nigéria) a déclaré qu’en dépit de la dévastation dans la région du lac Tchad provoquée par Boko Haram, la Force multinationale mixte a enregistré d’importants succès pour affaiblir ce groupe.
Pour sa part, le Gouvernement nigérian a fait des progrès significatifs dans la lutte contre Boko Haram. Avant Noël, l’armée a repris la forêt de Sambisa, l’ancien repaire des combattants de Boko Haram. Le Gouvernement est conscient des autres défis de développement dans la région, y compris le rétrécissement du lac Tchad, source de violence, avec la crise humanitaire qui l’accompagne. Éviter une telle éventualité nécessiterait une intervention internationale pour recharger le lac en eau
Pour relever les défis humanitaires provoqués par les déplacements massifs de populations, le Gouvernement a lancé des programmes pour restaurer les moyens de subsistance des communautés dans les régions touchées. Il a mis en place une stratégie de lutte contre le terrorisme centrée sur les gens et reposant sur la combinaison d’opérations de sécurité modernisées et sur une approche fondée sur les droits de l’homme pour contribuer à la réalisation de la réhabilitation, de la réinsertion et de la reconstruction.
Le Gouvernement est fermement résolu à assurer la protection des civils dans le conflit armé et reconnaît la responsabilité des États à garantir celle des personnes sous sa juridiction. Cette conviction montre la détermination du Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram.
Il faut noter, a ajouté le représentant, que les écolières kidnappées de l’école de Chibok restent dans la conscience nationale du Nigéria. Le Gouvernement travaille d’arrache-pied pour la libération de tous les Nigérians détenus par Boko Haram, y compris les filles de Chibok.
Il est prêt à assurer leur rapide réhabilitation, réintégration et la poursuite de leur scolarité une fois qu’elles seront libres. Les efforts sont menés pour faire en sorte que toutes les victimes retrouvent leur dignité et puissent à nouveau jouir de leurs droits fondamentaux et de la liberté dans les plus brefs délais.