Le Comité spécial de la décolonisation ferme les portes de son Séminaire régional avec en main des « idées novatrices »
KINGSTOWN, Saint-Vincent-et-les Grenadines, 18 mai -- Le Comité spécial de la décolonisation a organisé son Séminaire régional des Caraïbes, du 16 au 18 mai, à Kingstown, à Saint-Vincent-et-les Grenadines, à l’issue duquel des « idées novatrices »* ont été avancées sur un large éventail de questions pour assurer les progrès vers l’autodétermination des 17 territoires non autonomes restants.
L’édition 2017 du Séminaire, qui a coïncidé avec la Semaine de solidarité avec les peuples des territoires non autonomes, avait pour thème « La mise en œuvre de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme: l’avenir de la décolonisation des territoires non autonomes, quelles sont les perspectives? »
Les « idées novatrices » auxquelles est parvenu le Séminaire, s’est réjoui le Président du Comité spécial de la décolonisation, M. Rafael Darío Ramírez Carreño du Venezuela, touchent à différents aspects du travail, à savoir les missions de visite, la diffusion de l’information, les programmes d’éducation politique, la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et le rôle des agences, fonds et programmes de l’ONU dans la décolonisation, qui reste « un voyage inachevé », a commenté Mme Nedra Miguel, de Saint-Vincent-et-les Grenadines. Elle s’est d’ailleurs félicitée que le Séminaire ait identifié les causes du retard dans le processus de décolonisation et se soit mis d’accord sur le fait que la négociation demeure la meilleure voie.
« Le travail qui reste à accomplir nous rappelle que nous avons tous une contribution à faire », a dit le Secrétaire général de l’ONU, dans le message qu’il a fait lire à l’ouverture du Séminaire régional, le 16 mai dernier. M. António Guterres y souligne que « la coopération est essentielle » à une mise en œuvre pleine et effective de la « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », adoptée par l’Assemblée générale en 1960. Les choses sont d’autant plus urgentes, a ajouté le Secrétaire général, que nous approchons de la fin de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme (2011-2020).
Nous devons comprendre contre quoi nous nous battons, a dit le Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines, à l’ouverture du Séminaire. M. Ralph Gonsalves a convoqué Jean-Paul Sartre pour affirmer: « la colonisation est un système économique qui n’est possible qu’avec un sous-prolétariat colonial ». Nous devons écouter la voix des peuples non autonomes, a voulu le Premier Ministre, prévenant que « la route sera difficile et semée d’embûches ».
Experts et autres participants ont avancé des « idées novatrices » pour surmonter les obstacles, dont la formation de petits groupes de négociation avec les puissances administrantes ou encore la nomination par le Secrétaire général de l’ONU d’un haut-représentant pour la décolonisation. Sans une restructuration approfondie et drastique du travail du Comité, a prévenu l’experte, Mme Judith Bourne, et une évaluation à la baisse de ses objectifs et idéaux, la troisième Décennie risque tout simplement de se transformer en une quatrième, voire en une cinquième décennie jusqu’à ce que les efforts meurent de négligence et de passivité, « ce qui serait une tragédie pour les territoires non autonomes et une « véritable opprobre jetée sur le Comité », ont commenté plusieurs participants.
Le représentant du Chili a tout de même défendu un Comité « auquel a été imposé des contraintes » et qui n’a d’autres choix que de privilégier une approche « à taille unique » en échec. Son homologue de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a suggéré au Comité de tenir des réunions sur chacun des 17 territoires non autonomes pour identifier leurs défis spécifiques et prendre des mesures, en collaboration avec la puissance administrante, pour les relever. Le rétablissement de la confiance entre ces puissances et le Comité est essentiel, a estimé le représentant de la Sierra Leone. Mais, a mis en garde un expert, un processus de décolonisation qui suivrait les règles du colonisateur n’est plus une décolonisation, mais une « expansion de la colonisation », a taclé M. Michael Lujan Bevacqua. Son homologue, Mme Carlyle Corbin, a d’ailleurs rejeté les références aux « constitutions » faites par le Comité car il ne s’agit ni plus ni moins que d’« un ordre colonial ».
« Le rôle du Comité n’est pas de s’occuper des conflits fonciers entre États mais bien des droits des peuples qui ne jouissent pas d’une pleine autonomie, et de les aider à l’obtenir », s’est impatienté le représentant de Gibraltar dont le territoire fait partie de la liste du Comité, avec Anguilla, les Bermudes, Guam, les Îles Caïman, les îles Falkland/Malvinas, les Îles Turques et Caïques, les Îles Vierges américaines, les Îles Vierges britanniques, Montserrat, la Nouvelle-Calédonie, Pitcairn, la Polynésie française, le Sahara occidental, Sainte-Hélène, les Samoa américaines et les Tokelau.
Le premier jour du Séminaire a été marqué par un débat de procédure sur la présence de « certains individus » tel que l’a dénoncé le représentant de l’Indonésie. Le Président du Comité a reconnu que seules les personnes invitées par son Bureau sont autorisées à participer aux travaux mais il a avoué ne pas être en mesure d’empêcher le pays hôte d’inviter des gens. Le représentant du Maroc a tout de même reproché au Président d’avoir rejeté la demande des « représentants du Sahara », « sans consensus et au mépris du règlement intérieur ». Le Front Polisario, a rectifié le représentant de l’Algérie, est reconnu comme « le seul » représentant du peuple sahraoui. Le Président du Comité « n’a pas le droit de filtrer les entrées dans cette salle », a rétorqué son homologue du Maroc, car « toutes les voix doivent être respectées ». « Je ne tolérerai aucun manque de respect et je voudrais qu’on ne s’abaisse pas aux insultes », a prévenu le Président du Comité qui a aussi, répondant à une remarque du délégué des Grenades sur les représentants des îles Falklands/Malvinas, jugé qu’il s’agit là d’une toute autre question puisque ce territoire fait l’objet d’un conflit de souveraineté.
*CRS/2017/CRP.9 http://www.un.org/fr/decolonization