Session de 2017,
2e séance – matin
AG/COL/3305

Comité spécial de la décolonisation: Saint-Vincent-et-les Grenadines accueillera, du 16 au 18 mai 2017, le séminaire des Caraïbes

Une mission de terrain aura lieu en Nouvelle-Calédonie en 2017, mais la question d’une éventuelle mission au Sahara occidental divise le Comité

 

Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, appelé aussi « C24 », a, ce matin, fixé les lieu et dates de son prochain séminaire régional des Caraïbes, qui se déroulera du 16 au 18 mai 2017 à Saint-Vincent-et-les Grenadines.

Il a aussi décidé d’envoyer une mission de visite en Nouvelle-Calédonie, dans le courant de l’année, malgré un avis partagé de la France qui a jugé cette visite prématurée au vu du calendrier électoral.

En outre, un long débat a suivi une autre proposition du Président qui envisage l’envoi, toujours en 2017, d’une deuxième mission de visite au Sahara occidental, l’un des 17 territoires non autonomes à l’ordre du jour du Comité.  Les membres du Comité se sont montrés divisés sur cette question qui n’a d’ailleurs pas pu être tranchée aujourd’hui, mais qui reste à l’examen.

Cette deuxième séance de la session de 2017, dont le programme de travail révisé* a été adopté, a aussi été marquée par des remarques de plusieurs membres du Comité en ce qui concerne l’intérêt renouvelé pour son travail.  Les demandes formulées par 17 pays désireux de devenir membres du Comité le prouvent.  Le représentant de l’Équateur a même proposé d’embaucher un expert pour examiner la situation de territoires qui ne sont pas sur la liste du Comité spécial mais qui, pourtant, n’ont pas encore exercé leur autodétermination.

Alors que 2020 marquera la dernière année de la troisième décennie du processus de décolonisation, le Président du Comité, M. Rafael Darío Ramírez Carreño (Venezuela), s’est félicité du renouveau d’intérêt manifesté à l’ONU pour la décolonisation.

Mission de visite en Nouvelle-Calédonie

C’est en raison de l’imminence du référendum en Nouvelle-Calédonie que la prochaine mission de visite du Comité spécial a été programmée dans ce territoire, au cours de l’année 2017.  La dernière mission sur place, qui avait été sollicitée par la France, a eu lieu en 2014 et comprenait quatre membres du Comité ainsi qu’un expert indépendant.  Le représentant de la France sera informé officiellement de ce voyage dont les dates seront annoncées ultérieurement, a précisé le Président.

La délégation de la France avait fourni pour l’occasion le rapport final des experts de l’ONU sur le processus de révision des listes électorales en Nouvelle-Calédonie, ainsi que le détail des mesures prises par l’État français pour donner suite à ce rapport.  « Cela montre que le processus avance bien », en a déduit le Président du Comité spécial avant de préciser qu’une traduction en anglais du rapport est en cours.

Le représentant de la France a indiqué ne pas être en mesure, à ce stade, de prendre un engagement dans un sens comme dans l’autre.  Sur le fond, il a assuré que la France n’avait pas d’opposition de principe à cette mission de visite.  Il a cependant estimé que la Nouvelle-Calédonie ne pouvait pas être le seul territoire que le Comité visite, sachant que la dernière mission en date avait eu lieu précisément sur ce territoire.  Il faut également veiller à ce que le calendrier de la visite soit opportun dans le cadre du processus d’autodétermination, a-t-il ajouté en expliquant qu’une visite « ne serait pas très utile à très court terme », en raison des échéances électorales en France.  Il a aussi signalé qu’une nouvelle mission de l’ONU est actuellement sur place, à Nouméa, dont le rapport sera également transmis au Comité.

Proposition de mission de visite au Sahara occidental

Le Président a rappelé qu’aucune visite n’ayant pu être organisée en 2016, le Comité pourrait en prévoir une deuxième cette année, au Sahara occidental.  La représentante de la Grenade s’y est tout de suite opposée en estimant que cela serait contraire à l’article 12.1 de la Charte des Nations Unies, qui interdit à l’Assemblée générale de se prononcer sur un différend ou une situation quelconque tant que le Conseil de sécurité remplit ses fonctions à son égard, « à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande ».

Le représentant de la Côte d’Ivoire a invoqué le même fondement juridique pour exprimer des réserves quant à cette proposition.  Il a rappelé que le Sahara occidental est la seule question à l’agenda du C24 qui figure aussi à celui du Conseil de sécurité.  En outre, il existe, depuis 2017,  un processus politique visant à parvenir à une solution politique mutuellement acceptable.  Des réserves ont également été exprimées par le représentant d’Antigua-et-Barbuda.

Le Président a toutefois estimé qu’on était en face d’une question d’interprétation.  « Si l’on applique une certaine interprétation, le cas de la Palestine ne serait jamais examiné par un organe de l’ONU », a-t-il fait remarquer.  Mais la délégation du Maroc s’est étonnée que le Président donne sa propre interprétation à l’Article 12 de la Charte.  La Charte est très claire, a-t-il estimé avant de rappeler que la Palestine ne faisait pas l’objet d’un seul processus de l’ONU mais de plusieurs.  Il a argué que le processus du Sahara occidental serait bientôt revitalisé « grâce à la nomination d’une personnalité ».

« Le processus de décision reste ouvert » sur cette question, a annoncé le Président en prenant note des réserves exprimées par trois membres du Comité.  Le représentant de l’Algérie a exprimé son soutien au Président et insisté pour que ce projet de visite se concrétise dans les prochains mois.  Il a rappelé que le peuple du Sahara occidental lui-même avait demandé cette visite, soulignant aussi qu’une telle mission avait eu lieu en 1975. 

De même, la délégation du Venezuela a appuyé la proposition de visite au Sahara occidental, arguant qu’elle serait utile au vu des évènements récents comme l’expulsion des effectifs civils de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO).  « Les missions de visite sont des instruments précieux au service du processus de décolonisation », a renchéri son collègue de l’Équateur en soulignant les succès des missions antérieures.  « La visite du Comité spécial pourrait compléter le travail effectué dans le cadre des autres mandats de l’ONU », a estimé pour sa part la déléguée de Cuba, tandis que le représentant du Nicaragua a fait remarquer que « cela fait plus de 40 ans que l’on attend une solution ».

Le représentant du Gabon a proposé de trancher et de renoncer dès à présent à ce projet de visite, un avis partagé par ses homologues de l’Indonésie et du Sénégal.  Ce n’a pas été du goût du délégué algérien qui s’est opposé au rejet de la proposition.  « Nous devrions programmer des visites dans chacun des 17 territoires autonomes », a-t-il proposé pour éviter tout dilemme ou toute accusation de prise de parti de la présidence. 

De son côté, le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a proposé qu’une visite soit organisée dans l’un des neuf territoires autonomes de sa région.  La représentante du Timor-Leste a, quant à elle, souhaité que la discussion se poursuive.  « C’est le denier territoire africain qui doit être décolonisé et le Comité doit s’acquitter de son mandat », a-t-elle argué.  Elle a aussi suggéré au représentant algérien de fournir un calendrier des 17 visites à faire.  « Continuons la discussion », a lui aussi demandé le délégué de l’Inde.

Un État observateur, l’Afrique du Sud, a lancé un appel au Président pour qu’il tienne compte des sensibilités de certains collègues et pour qu’il soit « guidé par la lettre et l’esprit de la résolution 1514 ».  « Je suis assis ici aujourd’hui grâce au travail de ce Comité », a-t-il tenu à souligner.

Si le consensus n’est pas une règle, le Président du C24 a toutefois espéré qu’il serait recherché.  Il a conclu en assurant que le Comité travaillerait à ces questions pour faire des propositions pertinentes.

Séminaire du Comité spécial à Saint-Vincent-et-les Grenadines

Depuis les années 1990, le Comité spécial organise des séminaires régionaux alternativement dans les régions des Caraïbes et du Pacifique afin de prendre note des progrès effectués dans la mise en place du Plan d’action pour la Décennie internationale de l’élimination du colonialisme.

La représentante de Saint-Vincent-et-les Grenadines, qui a déjà accueilli un séminaire à deux reprises, en 2005 et 2011, a espéré que le séminaire, prévu dans son pays au mois de mai, permettrait des discussions approfondies sur les territoires non autonomes, et en particulier sur le cas des petites îles.  En tant que petit État insulaire en développement, son pays a bénéficié de l’appui des Nations Unies dans le processus qui a mené à son indépendance, s’est-elle souvenue.  Elle a reçu les remerciements du Comité et des représentants du Nicaragua, d’Antigua-et-Barbuda, du Venezuela et de Sainte-Lucie

Le Comité spécial a approuvé les Directives et le Règlement intérieur du séminaire**, qui aura l’anglais, l’espagnol et le français comme langues officielles, avec le thème suivant: « les perspectives d’avenir pour les territoires non autonomes ». 

La délégation du Comité à ce séminaire sera composée de 10 personnes: son président, son conseiller, les membres du Bureau, ainsi que des représentants de quatre groupes régionaux (Afrique, Asie-Pacifique, Europe de l’Est et Amérique latine et Caraïbes).  Le Président a exhorté ces groupes régionaux à mener promptement les consultations nécessaires à la nomination de leurs représentants.  Il a précisé que les indemnités de voyage des membres de la délégation et des représentants des territoires non autonomes seraient à la charge des Nations Unies.

Certains experts et représentants d’organisations non gouvernementales seront spécialement invités à participer au séminaire, outre les puissances administrantes, les États Membres et les agences spécialisées qui souhaitent venir.  La déléguée de Cuba a souligné à cet égard la nécessité de bien communiquer avec les fonds et programmes des Nations Unies pour les inciter à participer au séminaire.  Elle a aussi demandé que le programme du séminaire prévoie un créneau pour discuter de l’allongement potentiel de la liste des territoires non autonomes.

Intérêt renouvelé pour les travaux du Comité

En début de séance, le représentant de l’Équateur s’est félicité de constater une certaine « renaissance à l’ONU des questions relatives à la décolonisation ».  Cet objectif central, qui a été une question prioritaire pendant les premières années de l’ONU mais était resté en marge plus récemment, connait un intérêt renouvelé, a-t-il noté avec satisfaction.  Il a rappelé à cet égard que, cette année, plusieurs pays avaient exprimé leur intérêt à assumer la présidence du Comité, ce qui a conduit à tenir une élection démocratique ayant abouti à l’élection du Représentant permanent du Venezuela.  En outre, il a signalé que 17 États Membres ont demandé à devenir membre du Comité spécial.

Le Président du Comité a aussi rappelé que lors de la première séance de la session 2017, le 22 février 2017, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a prononcé une allocution très importante, en présentant une vision d’avenir dans le domaine de la décolonisation.

Sur le fond, le représentant de l’Équateur a souligné trois catégories de problèmes.  La première a trait aux « cas problématiques », qui sont prioritaires à son avis, comme Porto Rico, les Îles Falkland (Malvinas), Gibraltar et le Sahara occidental.

Ensuite, le représentant équatorien a souligné les cas de 14 petits territoires coloniaux qui, à son avis, « méritent toute notre attention ».  Il a rappelé que l’an dernier, l’Assemblée générale a pris des décisions sur chacun de ces territoires, notant par ailleurs que plusieurs de ces territoires sont des paradis fiscaux, une « pratique des puissances coloniales qu’il faut condamner ».

En ce qui concerne les missions de visite du Comité, qui sont toujours très appréciées par les peuples visités, il a demandé de réexaminer cette question et de ne pas avoir peur de s’opposer aux puissances administrantes lorsqu’elles ne collaborent pas, comme cela a été le cas par le passé avec Cabo Verde et la Guinée-Bissau.

Le représentant de l’Équateur a aussi fait remarquer qu’il y a des peuples et des territoires qui ne figurent pas sur la liste du Comité spécial mais qui, pourtant, n’ont pas encore exercé leur autodétermination, en Amérique latine et dans les Caraïbes comme dans d’autres régions du monde.  Le Comité spécial doit donc commencer à examiner cette question en appliquant pleinement les résolutions 1514 (XV) et 1541 (XV) de l’Assemblée générale.  Il a également proposé que le Comité embauche un expert pour élaborer une première étude sur ces territoires.

Le représentant de l’Indonésie a estimé que le Comité devrait déjà continuer à procéder à une évaluation réaliste des 17 territoires qui demeurent sur sa liste, préconisant de trouver des solutions au cas par cas.  Comme son homologue du Nicaragua, il a souhaité renforcer la communication avec les puissances administrantes.  Il a lui aussi noté que 17 pays ont demandé à devenir membre, ce qui est un bon signe à son avis, comme l’a confirmé le représentant de la Bolivie. Ce dernier a dit vouloir examiner minutieusement les méthodes de travail et les pratiques du Comité spécial à cet égard.

À son tour, la représentante de Cuba a exprimé son soutien au Président et aux travaux du Comité spécial.  « Nous ne pouvons cependant pas nous leurrer », a-t-elle lancé en demandant de prendre conscience que la tâche reste inachevée.  Elle s’est préoccupée en effet que, près de 60 ans après l’adoption de la résolution historique 1514 (XV) de l’Assemblée générale sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux, il y ait encore 17 territoires inscrits sur la liste et même d’autres territoires.

Le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a souhaité que le Comité puisse œuvrer en faveur des peuples qui souhaitent exercer leur autodétermination, en particulier pour les trois peuples du Pacifique concernés.  À son tour, le représentant de la République islamique d’Iran a renouvelé son soutien aux travaux et à la présidence du Comité spécial.  De même pour ses homologues du Timor-Leste, de la République-Unie de Tanzanie et du Chili, ce dernier soulignant que « la décolonisation a été le processus historique le plus important du XXe siècle pour les pays du Sud ».

*  A/AC.109/2017/L.2
** A/AC.109/2017/19

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