Réunion de haut niveau sur les disparitions forcées,
Matin & après-midi
AG/11889

« Au nom de la dignité humaine », multiplication des appels à l’universalisation de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Les mânes des personnes disparues après « nuit et brouillard » le décret pris en 1941 par le régime nazi sur la déportation des opposants et après « l’Opération Condor », vaste campagne d’assassinats conduite dans les années 1970 en Amérique latine, ont été invoqués, aujourd’hui, au Siège de l’ONU, pour appeler à une universalisation de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée il y a tout juste 10 ans.

Les intervenants de cette réunion d’anniversaire, convoquée par le Président de l’Assemblée générale, n’ont pas manqué de rendre hommage aux vivants, en particulier les « Mères de la place de mai » de l’Argentine dictatoriale, pour leur lutte visant à faire triompher la vérité et vaincre un fléau qui reste toujours d’actualité.  Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, créé par la Convention, a été saisi de 55 000 cas de disparitions forcées dans 105 États.

« Nous vivons dans une époque où parler du diable semble naïf ou idiot, mais il n’est pas possible de vivre ces disparitions sans sentir en nous un abîme où, inévitablement, l’imagination finit par jeter tous ceux qui ont disparu.  C’est comme si, malgré tout, le diable nous disait: Vous voyez? J’existe et ces disparitions en sont la preuve », a déclaré le délégué de l’Argentine, citant l’écrivain Julio Cortázar.

À l’instar de la vingtaine de délégations qui ont pris la parole, le Président de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson, a insisté sur les apports de la Convention, entrée en vigueur en 2010 et comblant un important vide judiciaire. « La Convention reconnaît les droits fondamentaux de ne pas être soumis à une disparition forcée, de ne pas être détenu au secret, de connaître la vérité et pour tous ceux qui ont subi le dommage direct d’une disparition forcée, d’être reconnus comme victime », a-t-il dit.

Appuyé par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Zeid bin Ra’ad Zeid al-Hussein, le Président de l’Assemblée générale a souligné le rôle central du Comité des disparitions forcées, qui, selon la Convention, peut être saisi en urgence par les proches d’une personne disparue.  « Le nombre de requêtes pour rechercher des personnes est passé de cinq par an en 2012 et 2013 à 52 en 2014, puis 211 en 2015, et 85 en 2016 », a noté le Président du Comité, M. Santiago Corcuera Cabezut, ajoutant qu’au 24 janvier 2017, 347 actions d’urgence étaient à l’étude.

En dépit de ses mérites, la Convention, de l’avis de Mme Maria Luiza Ribeiro Viotti, Chef de cabinet du Secrétaire général de l’ONU, n’a pas atteint le nombre de ratification qu’elle mérite.  « Avec ses 56 États parties, elle est privée du large soutien dont elle a besoin pour répondre à ses objectifs, à l’espoir et aux attentes des familles », a-t-elle dit.  Le Président du Comité des disparitions forcées a précisé que 22 des 56 États parties seulement avaient fait une déclaration de reconnaissance des compétences dudit comité.

Les intervenants ont en conséquence appelé les pays qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention et à atteindre l’objectif affiché par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme mais aussi l’Argentine et la France, lesquels mènent une campagne en vue de doubler le nombre d’États parties d’ici à cinq ans.  « Les valeurs défendues par cette Convention sont universelles et, dès lors, son universalité devrait être réalisée dans un proche avenir », a affirmé le Président du Comité.

Un appel que les délégations des pays d’Amérique latine, dont les « évènements terribles » qui s’y sont déroulés dans les années 1970 et 1980 ont été à l’origine de la Convention, ont appuyé avec ferveur.  « La Convention est une victoire pour les droits de l’homme », a affirmé M. Pedro Villagra Delgado, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Argentine.  À l’échelle du continent sud-américain, les disparitions ont été systématiques et coordonnées entre divers États comme l’a démontré « l’Opération Condor », a rappelé le délégué du Venezuela. 

Des pays d’autres régions du monde ont demandé une universalisation de la Convention, à commencer par le délégué de l’Allemagne qui est revenu sur le décret « nuit et brouillard » ordonnant le transfert en Allemagne nazie des civils accusés de résistance dans les zones occupées.  « Ils étaient alors condamnés et détenus au secret, sans que leurs familles ne soient informées », a-t-il dit.

Mais c’est bien parce que « les disparitions forcées restent une pratique courante sur tous les continents » que la Convention est plus que jamais nécessaire, a affirmé le Secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des français de l’étranger de la France, M. Matthias Fekl.  Tandis que le délégué du Mexique a rappelé la disparition tragique de 43 étudiants de l’École normale de la ville d’Ayotzinapa en 2014, le Secrétaire d’État français a prévenu que cette pratique était très répandue en Syrie depuis 2011.

Appuyé par le délégué du Japon, il a également fait état de 200 000 personnes présumées victimes d’enlèvements et de disparitions forcées en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Une affirmation balayée par le représentant de ce pays qui les a accusés de propager des « poncifs haineux n’ayant rien à voir avec la réalité en RPDC ».

RÉUNION DE HAUT NIVEAU CONSACRÉE À LA CÉLÉBRATION DU DIXIÈME ANNIVERSAIRE DE L’ADOPTION DE LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION DE TOUTES LES PERSONNES CONTRE LES DISPARITIONS FORCÉES.

Déclarations liminaires

M. PETER THOMSON, Président de l’Assemblée générale, a estimé que les disparitions forcées constituaient l’un des crimes contre l’humanité les plus douloureux: les victimes sont enlevées en plein jour ou arrachées de chez elles en pleine nuit.  La perte soudaine d’un être aimé, le déni institutionnel et les tourments de l’incertitude causent un chagrin irréparable à de trop nombreuses personnes, a-t-il dit.  « Aujourd’hui, nous allons à la rencontre de ceux qui n’ont que trop souffert »

Le Président a souligné que cette journée était l’occasion pour la communauté internationale d’honorer les victimes, de reconnaître les souffrances insupportables des familles et leur lutte acharnée pour la justice et la reconnaissance du sort de leurs proches.  La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été une avancée majeure, rendue possible par le combat qu’ont mené pendant plusieurs décennies les proches, en particulier les mères, pour la justice et la vérité, a affirmé le Président.

M. Thomson a noté que depuis son adoption en 2006, la Convention était venue combler un important vide judiciaire dans le système international, en mettant en place un instrument juridiquement contraignant offrant une approche multisectorielle.  La Convention reconnaît les droits fondamentaux de ne pas être victime d’une disparition forcée, de ne pas être détenu au secret, de connaître la vérité et pour tous ceux qui ont subi le dommage direct d’une disparition forcée, d’être reconnus comme victimes.  Le Président a insisté sur le fait que la Convention garantit une protection à ceux qui risquent une disparition forcée après une expulsion, un refoulement ou une extradition.  La Convention consacre aussi l’obligation des États d’enquêter sur les disparitions forcées, de poursuivre leurs auteurs et de prévoir des dédommagements.

Le Président a rappelé que les évènements terribles en Amérique latine dans les années 1970 et 1980 avaient été l’élément catalyseur de la Convention.  Dans de nombreuses parties du monde, ce fléau est toujours d’actualité, a déploré M. Thomson.  Chaque année, ces crimes odieux sont détaillés dans les rapports soumis à l’Assemblée générale par le Comité des disparitions forcées et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.  Il a indiqué que ces rapports insistaient sur la centralité des droits de l’homme, la redevabilité et la responsabilité de la communauté internationale de tout faire pour prévenir les disparitions forcées.

M. Thomson a souligné l’importance qu’il y a à voir dans la Convention un élément important des efforts visant à réaliser les objectifs de développement durable, en particulier l’objectif 16 sur la promotion de l’état de droit, l’accès de tous à la justice et la lutte contre l’impunité.  Une mise en œuvre fidèle de cet objectif créera les conditions pour que plus personne ne soit victime d’une disparition forcée.

Le Président a félicité les 56 États parties à la Convention et encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à la rejoindre.  Il a également appelé les États Membres à apporter leur soutien aux organes de traité que sont le Comité des disparitions forcées et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.  Nous devons tous redoubler d’efforts pour faire en sorte que le crime odieux des disparitions forcées soit au cours de la prochaine décennie relégué dans les livres d’histoire, a conclu M. Thomson.

Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI, Chef de cabinet du Secrétaire général de l’ONU, a dit qu’alors que la Convention plonge ses racines dans les crimes commis par les dictatures d’Amérique latine, dans les années 60, 70 et 80, elle reste tristement pertinente aujourd’hui.  Dans de nombreux pays, les opposants politiques sont enlevés ou détenus de force avec l’implication directe ou non des États.  Dans les conflits internationaux, les forces en action et les extrémistes violents, enlèvent les civils et les gardent en otage.  Des acteurs non étatiques et des bandes criminelles font aussi disparaître des civils dont des migrants qui fuient conflits et crises humanitaires.

La disparition forcée est une violation des droits de l’homme et du droit international.  C’est pourquoi, il est important que l’on ait un instrument juridique pour surveiller, enquêter et prévenir.  En décembre dernier, à Genève, la Conférence des États parties à la Convention a fait l’évaluation du travail du Comité des disparitions forcées.  Par milliers, des proches de victimes y ont participé.  Grâce au Comité, quelques personnes ont été localisées et quelques personnes tuées ont été identifiées.  Le Comité a aussi contribué à une meilleure compréhension de la dimension genre de ce fléau.  Alors que la majorité des victimes sont des hommes, l’impact sur les femmes n’est pas seulement émotionnel mais il peut conduire à la destitution, à la perte des enfants et à l’aggravation de la vulnérabilité à la violence.

À ces conséquences quantifiables, nous devons ajouter les effets préventifs non quantifiables résultant de la ratification de la Convention.  Nous ne pouvons pas compter combien de violations auraient pu être évitées, combien de personnes ont pu être protégées et combien ont été sauvées des griffes de leurs détenteurs.  

En dépit de ses mérites, il est clair que la Convention n’a pas atteint le nombre de ratification qu’elle mérite.  Avec ses 56 États parties, elle est privée du large soutien dont elle a besoin pour répondre à ses objectifs, à l’espoir et aux attentes des familles comme les mères et les grand-mères qui ont combattu pour son adoption.  Cette convention est le fruit de leur souffrance indicible et leur demande résolue de justice.  Nous avons la responsabilité commune envers elles et envers toutes les victimes qui ont le droit de connaître la vérité.

« Alors que nous célébrons le dixième anniversaire de cette convention, j’exhorte tous les gouvernements à réitérer leur engagement au principe fondamental de la dignité humaine selon lequel nul ne sera soumis à la disparition forcée ou gardé au secret.  Travaillons ensemble pour empêcher les disparitions forcées », a enfin exhorté le Chef de cabinet qui lisait le message du Secrétaire général.

M. ZEID RA’AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, s’exprimant par vidéoconférence, a souligné le caractère historique de cette convention, qui est un instrument puissant pour lutter contre les crimes que constituent les disparitions forcées.  Il a, à son tour, insisté sur le fait que la Convention compte 56 États parties et que 20 États reconnaissent le Comité sur les disparitions forcées.  Ce dernier a d’ailleurs vu une augmentation des demandes qui lui sont adressées et reçu des centaines de proches de personnes disparues, ainsi que des personnes disparues qui ont été retrouvées.  Le Haut-Commissaire a prévenu que ce fléau ne reculait pas et qu’il était toujours d’actualité.  Nous faisons face à de nouvelles disparitions forcées très inquiétantes, a-t-il souligné.  « J’appelle tous les États à reconnaître le principe de la dignité humaine, qui est le fondement de la Convention, et à rejoindre cet instrument essentiel »

M. SANTIAGO CORCUERA CABEZUT, Président du Comité des disparitions forcées, s’est félicité de pouvoir commémorer le dixième anniversaire de la Convention, fruit des efforts conjugués de nombreux acteurs, en particulier les familles des personnes disparues, qui ont exercé une pression pour que cet instrument juridique voit le jour.  À ce stade, notre objectif devrait être le même que celui du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, à savoir doubler le nombre de ratifications de la Convention au cours des cinq prochaines années.  « Chaque pays qui n’est pas encore partie à ce texte ne devrait avoir aucune objection à le ratifier.  Les valeurs défendues par cette convention sont universelles et, dès lors, son universalité devrait être réalisé dans un proche avenir, comme celui de la Convention relative aux droits de l’enfant », a plaidé le Président.

M. Cabezut a ensuite mis en valeur les travaux du Comité qu’il préside, soulignant toutefois que, pour améliorer encore son efficacité, les États parties devraient reconnaître la compétence de cet organe sur les communications soumises par des individus ou des États, en vertu des articles 31 et 32 de la Convention.  « Jusqu’à présent, seuls 22 des 56 États parties ont fait une telle déclaration de reconnaissance des compétences de ce comité », a indiqué le Président.  Une des fonctions « uniques » du Comité, « qui n’existe dans aucune autre convention des droits de l’homme », est celle qui permet d’engager « d’urgence des actions » afin de retrouver des personnes disparues.  Le nombre de requêtes pour des actions de ce type est passé de cinq par an en 2012 et 2013 à 52 en 2014, puis 211 en 2015, et 85 en 2016.  Par conséquent, 347 actions d’urgence étaient à l’étude au 24 janvier 2017, a résumé le Président.  Cette procédure, a-t-il expliqué, a aidé des familles à avoir accès à des informations auxquelles elles n’auraient pas pu accéder autrement.

Déclarations

M. MATTHIAS FEKL (France) s’est félicité des progrès enregistrés depuis 1978 et l’adoption par l’Assemblée générale, « à l’initiative de la France », d’une première résolution sur les personnes disparues, jusqu’à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, signée à Paris le 6 février 2007.  « Car la réalité est là, les disparitions forcées restent dans de nombreux pays une pratique courante sur tous les continents, contre laquelle il faut se mobiliser. »  Depuis sa création, a poursuivi le représentant, le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées a été saisi de 55 000 cas concernant 105 États et le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée a fait état de 200 000 personnes présumées victimes d’enlèvement et de disparitions forcées rien que dans ce pays.  La pratique très répandue des disparitions forcées en Syrie depuis 2011 a, par ailleurs, été dénoncée comme une forme d’attaque contre les civils par la Commission internationale indépendante d’enquête en 2014, a relevé le représentant.

Selon lui, il est à craindre que les cas détectés et traités par les Nations Unies ne constituent probablement qu’une faible partie des cas de disparitions forcées.  « Cela est particulièrement vrai de pays engagés dans la spirale de la répression, qui refusent tout accès aux experts des Nations Unies, et dissimulent les crimes commis à l’encontre de leur propre population », a affirmé le représentant.  La France a proposé, « en lien avec l’Argentine », au Groupe des Amis de la Convention de mener une « campagne internationale en vue d’accroître le nombre de signataires et d’engager les États qui ont signé la Convention à la ratifier ».  La France appellera en outre les États parties à la Convention à reconnaître la compétence du Comité des disparations forcées et à coopérer avec lui, a ajouté le représentant, avant de saluer la société civile, dont l’action est essentielle dans la lutte contre les disparitions forcées. 

M. PEDRO VILLAGRA DELGADO, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Argentine, a rappelé que son pays a bien connu le phénomène des disparitions forcées pendant la dictature militaire.  Il a d’ailleurs lu un texte que l’écrivain Julio Cortazar a écrit en 1981 dans lequel il évoque le tourment des populations.  Dans cet extrait, l’écrivain déclare « Nous vivons dans une époque où parler du diable semble naïf ou idiot, mais, il n’est pas possible de vivre ces disparitions sans sentir en nous un abîme où, inévitablement, l’imagination finit par jeter tous ceux qui ont disparu.  C’est comme si, malgré tout, le diable nous disait: vous voyez? J’existe et ces disparitions en sont la preuve ».  La Convention, a estimé le représentant, est une victoire pour les droits de l’homme.  « On ne pouvait rester sourd à la tragédie qu’a connue l’Argentine et d’autres pays dans le monde », a-t-il déclaré.  M. Delgado a salué le rôle de prévention du Comité des disparitions forcées, notamment par les alertes qu’il lance.  Le représentant en a profité pour annoncer la candidature d’un de ses compatriotes au Comité, un militant des droits de l’homme durant la dictature militaire.  Pour éliminer ce fléau, il faut la coopération de tous, y compris la société civile, a conclu le représentant.   

M. MAHJOU EL HAIBA (MAROC) a déclaré que son pays était parmi les promoteurs de la Convention.  Il a adopté, dans son expérience de justice transitionnelle, l’esprit et la philosophie de la Convention, ainsi qu’une grande partie de son contenu, alors qu’elle n’était encore qu’un projet.  L’Instance Équité et Réconciliation (IER) a ainsi fondé sa méthodologie, ses concepts et ses normes sur les documents pertinents des Nations Unies afférentes à la Convention et s’est inspirée de certaines bonnes pratiques des expériences internationales précédentes. 

Ceci a permis de développer l’approche de l’Instance et ce, en élargissant le concept de disparition forcée, pour y inclure, les personnes au sort inconnu et les décès au cours des premières années d’indépendance, les décès survenus lors d’évènements sociaux et d’exécutions extrajudiciaires, les cas où la peine capitale a été exécutée sur la base d’une décision judiciaire suite à une arrestation arbitraire ou à des procédures judiciaires inéquitables, et les personnes au sort inconnu depuis les affrontements armés dans les provinces du sud du Royaume.

Concernant l’élucidation des cas individuels, l’expérience marocaine a fait appel à des méthodes d’investigation internationalement reconnues et à des techniques modernes utilisées dans la recherche criminelle.  Cela a permis de définir le sort de 802 sur 808 cas.  Six cas seulement demeurent inconnus parce que les investigations les concernant n’ont pas permis d’obtenir des données probantes.  Grâce à sa démarche proactive, a affirmé le représentant, l’Instante a pu dépasser le nombre des cas figurant sur les listes des ONG et les demandes qui lui ont été adressées par les familles des victimes.

Pour régler le passé des violations graves des droits de l’homme, il a fallu réparer les dommages subis par les victimes et leurs familles, ainsi que les zones touchées par lesdites violations.  Au 30 juin 2016, 26 998 victimes et ayant droit ont été indemnisés.  Les victimes ont également bénéficié du système de couverture médicale, le nombre de cartes distribuées ayant atteint 7 930 cartes, à la fin de juin 2016, au profit de 17 802 personnes.  En outre, 1 335 personnes ont bénéficié du programme de réinsertion sociale ainsi que la régularisation de la situation financière et administrative de 540 cas.

Par ailleurs, un programme a été spécifiquement dédié à la réparation des dommages collectifs dans les zones touchées par lesdites violations qui visait le développement socioéconomique de 13 régions, avec 149 projets de renforcement des capacités des acteurs locaux, de préservation de la mémoire, d’amélioration des conditions de vie de la population locale et de promotion des droits des femmes et des enfants.  

En plus de la ratification de la Convention le 14 mai 2013, le Royaume a inclus cette question dans les réformes qui ont suivi l’expérience de la justice transitionnelle dont le projet de Plan d’action national dans le domaine de la démocratie et les droits de l’homme, la Constitution de 2011 qui pénalise les violations graves des droits de l’homme y compris les disparitions forcées et la réforme du système pénal grâce à la pénalisation des violations graves et la garantie d’un procès équitable.  

Mme JOANNE ADAMSON, de l’Union européenne, a estimé que l’adoption, il y a 10 ans, de la Convention avait marqué une étape majeure dans la réponse de la communauté internationale à ce fléau et aux violations des droits de l’homme qui en sont indissociables.  Avec 96 signataires et 55 États parties, la Convention s’est attiré un soutien considérable de toutes les régions du monde, ce qui s’explique par la dimension internationale du phénomène des disparitions forcées.  Une mobilisation clairement reflétée, selon la représentante, par l’adoption sans vote par l’Assemblée générale d’une résolution relative à cette question lors de sa soixante-dixième session, un texte qui a en outre rallié 87 coauteurs.  Après avoir apporté son appui au travail du Comité des disparitions forcées, Mme Adamson a encouragé tous les États membres à coopérer avec lui. 

Pour sa part, l’Union européenne s’efforce de promouvoir tous les objectifs de la Convention, avec des dialogues sur les droits de l’homme avec des pays tiers.  La représentante en a voulu pour preuve l’assistance prêtée à l’Institut de médecine légale de Colombie, qui identifie et autopsie les corps de personnes tuées après leur disparition forcée et fournit des soins psychosociaux aux victimes en Libye.  L’Union européenne appuie également en Libye un projet visant à mettre fin aux exécutions extrajudiciaires et aux disparitions forcées dans le cadre d’un programme de l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme.

M. ROLANDO CASTRO CORDOBA (Costa Rica) a exhorté tous les États, qu’ils soient ou non parties à la Convention, à lutter contre les disparitions forcées, qui constituent un crime contre l’humanité.  Aucune justification morale ne peut être invoquée pour les disparitions forcées et aucun motif, que ce soit l’instabilité, la guerre ou une catastrophe naturelle, ne peut servir de justification, a-t-il tranché.  Le délégué a exhorté tous les États qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre la Convention.

M. MEZA-CUADRA VELASQUEZ (Pérou) a indiqué que, partie à la Convention, son pays a adopté une politique claire de protection et de promotion des droits de l’homme.  Les autorités ont mis en place des mesures contre les disparitions forcées, une thématique que la Commission vérité et réconciliation prend dûment en compte.  Une loi a d’ailleurs été adoptée pour faciliter la recherche des personnes disparues entre 1980 et 2000 et depuis lors le Gouvernement n’a de cesse que de promouvoir la culture de la paix afin d’éviter les erreurs du passé.

M. DON CARLOS OLGUIN CIGARROA (Chili) a déploré que 10 ans après l’adoption de la Convention, les disparitions forcées soient toujours une pratique courante dans le monde.  Il a relevé que la Commission vérité et réconciliation a comptabilisé 957 cas de disparus au Chili et 600 cas de disparitions douteuses par manque de preuve.  Le représentant a prôné la prévention, la reddition de comptes et les dédommagements aux victimes.  Il a annoncé la candidature du Chili au Conseil des droits de l’homme pour la période 2018-2020

M. KORO BESSHO (Japon) a relevé que les disparitions forcées sont véritablement une violation grave des droits de l’homme et de la dignité humaine, appelant à renforcer la coopération internationale pour lutter contre ce fléau.  Dans ce cadre, a insisté le représentant, l’universalisation de la Convention est de la plus haute importance.  Il a salué à ce propos le rôle du Comité des disparitions forcées et a proposé la candidature du professeur Koji Teraya au Comité.  Le représentant a indiqué que la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC) a relevé que des crimes contre l’humanité ont été commis contre des ressortissants étrangers qui étaient « systématiquement enlevés par les autorités ».  Les victimes et leur famille attendent de voir leurs proches depuis des décennies, a-t-il plaidé, soulignant que l’examen de ce sujet ne peut plus être reporté.  Il a annoncé la résolution sur la situation des droits de l’homme en RPDC que le Japon et l’Union européenne vont soumettre à la prochaine session du Conseil des droits de l’homme.

Mme MARIA EMMA MEJIA VELEZ (Colombie) a déclaré que son pays, qui a connu le phénomène des disparitions forcées pendant le conflit, a pris trois mesures: l’interdiction des disparitions forcées dans la Constitution, la ratification de la Convention et la création d’une Commission de recherche des personnes disparues.  Le nombre d’individus inscrits au registre des personnes disparues a baissé de 93% en 10 ans pour atteindre 167 en 2014.  Mais il faut encore redoubler d’efforts pour panser les blessures du passé.  En vertu de l’Accord de paix final signé avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie, des mesures ont été prises pour rechercher les personnes portées disparues.  Le pays a ainsi créé une unité spéciale pour les retrouver

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a rappelé que son pays avait ratifié la Convention en décembre 2008 et salué le rôle essentiel du Comité des disparitions forcées, appuyant l’idée de le rendre permanent.  M. Rosselli a plaidé pour une coopération accrue dans la mise en œuvre de la Convention et a demandé à tous les États qui ne l’ont pas encore fait à la rejoindre et à reconnaître la compétence de son organe de surveillance.

Mme JULIA MACIEL (Paraguay) a déclaré que son pays a mis en place une Commission vérité et justice afin de s’assurer que les disparitions forcées qui ont eu lieu entre 1954 et 1989 ne se répètent pas.  Les politiques et efforts nationaux dans ce domaine s’appuient sur le principe selon lequel « qui oublie répète ».  Le « Plan Condor » visant à lutter contre les disparitions forcées a été mis en place avec d’autres pays de la cordillère des Andes.  Au Paraguay, les autorités ont établi que 423 personnes sont considérées comme disparues, les enquêtes ayant permis de retrouver les restes de 34 personnes.  Leur identification a été engagée avec le soutien de médecins légistes argentins, a-t-elle rappelé. 

M. MOHAMED KHALED KHIARI (Tunisie) a rappelé que son pays a ratifié la Convention en 2011.  Il a aussi cité la loi organique sur la justice transitionnelle adoptée en 2014, et l’Instance vérité et dignité, créée le 30 mai 2014.  Il a souligné que la Tunisie n’a pas encore intégré dans sa législation pénale des dispositions interdisant explicitement la disparition forcée, mais elle s’efforce de rompre avec tous les actes et toutes les pratiques portant atteinte aux droits de l’homme et à la dignité humaine.  En réponse aux recommandations du Comité des disparitions forcées, une commission ad hoc étudie la meilleure option juridique pour ériger en infraction la disparition forcée dans le système pénal.

 « Le 25 mai 2016, Sri Lanka a ratifié la Convention et accepté la compétence du Comité en vertu de l’article 32 », a affirmé M. A.S. KHAN (Sri Lanka).  « Mon pays est le seul État Membre du sud de l’Asie à avoir ratifié la Convention », s’est-il enorgueilli.  Il a détaillé le rôle du Bureau pour les personnes disparues créé dans son pays en août 2016, qui vise à rechercher les personnes disparues, à clarifier les circonstances de leur disparition et à protéger leurs intérêts, ainsi que ceux de leur famille.  « À la différence des précédents mécanismes, le mandat de ce Bureau couvre toutes les personnes disparues, indépendamment de la période pendant laquelle elles ont disparu. »  M. Khan a affirmé que ces avancées avaient été rendues possibles grâce aux conseils prodigués par le Groupe de travail sur les disparitions forcées, lequel s’est rendu au Sri Lanka en novembre 2015.  « En tant que pays revenu d’un long conflit, Sri Lanka est d’avis que la Convention pourrait être d’une aide immense pour les efforts de réconciliation après un conflit. »  En conclusion, le délégué a souligné la détermination de Sri Lanka à mettre en œuvre ladite Convention dans les années à venir.

M. JURGEN SCHULZ (Allemagne) a souligné la signification particulière de la Convention pour son pays.  Les victimes du régime nazi ne jouissaient d’aucune protection contre les disparitions forcées après le décret « nuit et brouillard » de 1941, a-t-il dit.  Élaboré comme un instrument de dissuasion, ce décret ordonnait le transfert en Allemagne des civils accusés de résistance dans les zones occupées.  Ils étaient alors condamnés et emprisonnés en secret, sans que leurs familles n’aient été informées. 

À l’aune de cette histoire, mais aussi à celle des nombreux cas de disparitions forcées actuels, le délégué a souligné le caractère nécessaire de la Convention et appelé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à la ratifier. La Convention contient une définition large du mot « victime », s’est-il félicité, précisant que les proches des personnes disparues  sont aussi reconnues comme victimes.  M. Schulz a souligné l’apport de l’action urgente prévue par l’article 30 qui permet à des proches d’obtenir des informations sur le sort de leurs proches.  « Malheureusement, alors que le nombre de cas devrait probablement augmenter, les actions urgentes risquent de poser un défi majeur en raison des ressources limitées du Comité. »  Le délégué a indiqué que l’indépendance des membres du Comité, ainsi que la transparence des procédures de sélection, étaient des éléments clefs du succès.

Mme MARIE CHATARDOVÁ (République tchèque) a affirmé que la Convention apporte de l’espoir à tous ceux qui ont perdu la trace de leurs proches.  La mise en œuvre de ce texte international permettra de reléguer dans l’histoire les cas de disparitions forcées que la République tchèque a d’ailleurs aussi connus à une certaine époque.  La Convention y entrera en vigueur le 10 mars.

M. GOMEZ CAMACHO (Mexique) a rappelé la disparition tragique de 43 étudiants de l’École normale de la ville d’Ayotzinapa en 2014.  Le Gouvernement mexicain a établi un mécanisme de communication permanent avec les familles des victimes, tout en collaborant avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme.  Des poursuites pénales ont déjà été lancées, y compris contre les forces de police et des groupes criminels.  « Nous sommes engagés à faire toute la lumière sur cette affaire », a promis le délégué.

Il a, par ailleurs, annoncé que la législation nationale est en cours de modification afin de lutter plus efficacement contre les disparitions forcées.  Dans ce contexte, un poste de procureur de la République en charge des disparitions forcées a été créé en octobre dernier.  La lutte contre ce fléau, a-t-il conclu, exige la participation de la société civile et la prise en compte de la criminalité transnationale organisée.

M. BAUDELAIRE NDONG ELLA (Gabon) a indiqué que le Gabon a ratifié la Convention en janvier 2011 et qu’il attache du prix à sa mise en œuvre, tout en coopérant pleinement avec le Comité des disparitions forcées.  Le représentant a souligné que les crises et les conflits armés constituent un terreau très fertile des pratiques de disparitions forcées.  Il a encouragé les Nations Unies à poursuivre la dynamique d’assistance technique en faveur des États, notamment en matière de collecte d’informations, d’appui aux processus d’identification des personnes disparues, ainsi qu’en matière de formation des autorités judiciaires.  Il a ajouté que cet engagement de l’ONU a permis la mise en place des mécanismes visant à prévenir les disparitions forcées et a plaidé pour la ratification de la Convention par tous les États Membres de l’ONU.

Mme ANAYANSI RODRIGUEZ CAMEJO (Cuba) a déclaré: « éliminons les guerres et les dépenses militaires qui les soutiennent; travaillons pour l’état de droit au niveau national et international; reconnaissons la nécessité d’un nouvel ordre international juste axé sur l’éradication de la pauvreté et des inégalités; luttons contre l’impunité et éliminons les politiques sélectives et discriminatoires ainsi que les politiques de deux poids deux mesures ».  Ainsi, des garanties matérielles et juridiques seront là pour se conformer aux dispositions de l’article premier de la Convention: « Nul ne sera soumis à une disparition forcée. »

Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité a toujours été la pierre angulaire de l’action du Gouvernement cubain, des autorités et de la société en général.  Dans sa politique nationale et étrangère, Cuba a mis en œuvre le respect de l’intégrité physique et morale de l’homme, en particulier en défendant les intérêts légitimes des citoyens, ce qui permet au pays de faire en sorte que sur le territoire national, à l’exception du territoire illégalement occupé par la base navale des États-Unis à Guantanamo, il n’y ait aucun cas de disparition, de torture, de détentions au secret ou d’autres violations graves des droit de l’homme.  En vertu de ce qui précède, il n’existe pas de rapports sur des disparitions forcées, de procédures légales ou des verdicts adoptés en raison de tels actes.

Cuba a des structures de réglementation et de protection des droits des individus.  Notre législation, a affirmé la représentante, établit non seulement les garanties juridiques fondamentales et universellement reconnues sur la protection des droits de l’homme, mais offre également des garanties matérielles pour l’exercice véritable et effectif de tous les droits de l’homme, y compris les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. 

M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) a souligné le caractère innovant de la Convention et l’apport du Comité, dont il a loué l’aide qu’il apporte aux victimes et les conseils qu’il prodigue aux États.  Estimant, à son tour, que le phénomène des disparitions forcées est toujours d’actualité, empirant même dans certaines parties du monde, il a appelé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention et à reconnaitre la compétence du Comité.  Il a souligné que les groupes non étatiques sont responsables de nombreuses disparitions forcées et a rappelé que son pays, qui a ratifié la Convention, compte poursuivre sa participation aux efforts visant à protéger les personnes qui risquent une disparition forcée.

M. JÜRG LAUBER (Suisse) a dit que son pays était préoccupé par les nombreux cas de disparitions forcées qui persistent, touchant dans certains cas des personnes ayant été placées en détention et au sujet desquelles les gouvernements concernés refusent de donner des informations.  La Convention impose en premier lieu aux États parties de tout faire pour prévenir ce crime grave, a rappelé le délégué.  La Suisse partage cette approche, a-t-il ajouté.  « Mon pays avait activement contribué aux négociations qui ont abouti à l’adoption de la Convention lors de la première session du Conseil des droits de l’homme en 2006, ainsi que par l’Assemblée générale plus tard dans l’année.  Après avoir signé la Convention en 2011, la Suisse l’a ratifiée en décembre dernier.  Nous sommes convaincus que nos nouvelles dispositions légales assureront une mise en œuvre efficace de la Convention au niveau national », a indiqué le délégué.

Nous avons en particulier inscrit la « disparition forcée » en tant qu’infraction distincte dans le Code pénal suisse.  Un réseau de services de coordination aux niveaux cantonal et fédéral a été mis en place pour assurer un échange efficace d’informations en utilisant des lignes de communication sécurisées.  Ce réseau permet, en cas de soupçon de disparition, de déterminer dans les plus brefs délais le lieu où se trouve la personne concernée.  Parallèlement, la Suisse a accepté la compétence du Comité, a encore détaillé le représentant helvète.

M. HECTOR ENRIQUE JAIME CALDERÓN (El Salvador) a assuré que son gouvernement accordait du prix à la lutte contre les disparitions forcées.  Elle a salué le travail de l’équipe de légistes argentins qui aide à l’identification des victimes en El Salvador.  Après les conflits des années 1980 qui ont été marqués par de nombreuses disparitions forcées, El Salvador s’est engagé à offrir réparations aux victimes et à promouvoir les droits de l’homme.  Le pays est d’ailleurs entré dans le processus de ratification de la Convention

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a parlé de la Convention comme d’un « engagement éthique et moral pour la défense des droits de l’homme contre l’un des crimes les plus atroces ».  L’Amérique latine a été le théâtre de nombreuses disparitions forcées au cours des décennies passées, a-t-il rappelé, à son tour, en soulignant que cette tendance fut favorisée par la « fameuse école des Amériques ».  Ces disparitions étaient systématiques et coordonnées entre divers États comme le démontre le fameux « Plan Condor », a-t-il précisé.  

Il a salué la Convention qui a donné lieu à une mobilisation internationale sans pareil, lancée d’abord par la fédération des familles des disparus d’Amérique latine.  Le délégué a souligné que la reddition de comptes et la lutte contre l’impunité sont fondamentales pour réparer les terribles dommages causés aux familles des victimes.  Le Venezuela a aussi connu des cas de disparitions forcées, notamment au début des années 1980.  Aujourd’hui le Gouvernement poursuit le processus d’indemnisation des victimes et de leurs familles.

M. RI SONG CHOL (République populaire démocratique de Corée) a réagi aux allégations des délégations de la France et du Japon visant son pays.  Nous sommes contre toute politisation de la question des disparitions forcées, a-t-il dit, en appelant à éviter l’écueil de la sélectivité.  Il a accusé les deux délégations d’avoir propagé des poncifs haineux qui n’ont rien à voir avec la réalité dans son pays mais qui portent préjudice aux efforts visant à régler une question aussi douloureuse que celle des disparitions forcées.  Le représentant a demandé au Japon de s’excuser pour les crimes commis par l’armée impériale contre la population coréenne, parmi lesquels l’enlèvement de 8 millions de personnes.

M. PHILIP SPOERRI, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a insisté sur les nombreux apports de la Convention, parmi lesquels la reconnaissance des disparitions forcées comme violation des droits de l’homme et le statut de victimes pour les proches des personnes disparues ayant subi un dommage direct.  Il a indiqué que le CICR apportait son expertise aux États pour lutter contre les disparitions forcées et a encouragé les États à mettre en œuvre la Convention.  Nous devons en faire plus pour arriver à une ratification universelle de la Convention, a-t-il dit, avant d’espérer que l’objectif affiché d’un doublement des États parties à la Convention d’ici cinq ans sera atteint

M. RENZO POMI, dAmnesty international, a rappelé que le rapport que son organisation avait publié en son temps sur les disparitions forcées en Argentine avait fait tache d’huile.  Le Comité des disparitions forcées joue un grand rôle, a-t-il dit, en rappelant aux États leurs obligations.  Il a plaidé pour un financement adéquat du Comité et a appelé les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention.

Mme RENEE DOPPLICK, de l’American Bar Association, a exigé que l’on mette fin à l’impunité dans les affaires de disparitions forcées.  Nous devons offrir des réparations aux victimes et punir les auteurs de tels actes, a-t-elle insisté, en déplorant les tendances actuelles des disparitions forcées dans le monde et en appelant à une plus grande coopération judiciaire entre États.

Mme JUTTA BERTRAM-NOTHNAGEL, de l’Union internationale des avocats, a affirmé que les disparitions forcées signaient la disparition forcée du concept même de dignité, d’idée même de personne humaine.  C’est la disparition forcée de notre humanité commune, a-t-elle poursuivi.  Elle a indiqué que son organisation apportait son appui aux avocats persécutés parce qu’ils viennent en aide à des personnes persécutées ou ont à traiter de dossiers de personnes disparues.  Elle a appelé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention « parce qu’il serait erroné de penser qu’un État libre ne puisse pas un jour perdre sa liberté et qu’un État non violent ne puisse pas devenir violent ». 

Réunion-débat

M. EMMANUEL DECAUX, modérateur, a dit qu’il faut aller plus loin et répondre à l’appel solennel du Haut-Commissaire aux droits de l’homme visant à accélérer le rythme des ratifications.  Depuis le début de l’année, on compte deux ratifications de plus, celles de la République tchèque et des Seychelles, ce qui est très encourageant.  La ratification est avant tout une mesure de prévention qui pousse à moderniser la législation pour la mise en œuvre du traité « d’une nouvelle génération », le premier traité du XXIe siècle qui articule étroitement droit international et droit pénal.

Il s’agit en effet de prévenir les disparitions forcées par des garanties individuelles, des mesures d’alerte rapide et de protection des victimes, et des dispositions pénales, en tenant compte des expériences passées et des bonnes pratiques.  Depuis six ans, le Comité des disparitions forcées a mis en œuvre tous les mécanismes de la Convention dans un esprit d’indépendance, de professionnalisme et de coopération qui mérite d’être souligné.  Il est à la disposition de tous les États pour renforcer l’efficacité et l’effectivité de la Convention.

Le combat contre les disparitions forcées est une longue histoire, une histoire tragique faite de courage et de résilience, d’abnégation et de solidarité, d’espérance.  La mobilisation des familles des disparus a été cruciale tout comme celle des défenseurs des droits de l’homme et des ONG.  Il est juste de leur rendre hommage aujourd’hui car le rôle de la coalition internationale des ONG contre les disparitions forcées est plus que jamais indispensable pour renforcer le travail d’information et de sensibilisation sur le terrain.  Les institutions nationales des droits de l’homme ont quant à elles un rôle charnière à jouer et dès le départ, le Comité des disparitions forcées a mis au point avec elles une méthodologie pratique favorisant leur contribution indépendante.

Mais au-delà du Groupe des Amis de la Convention, des ONG et des institutions nationales des droits de l’homme, c’est l’ensemble des parties prenantes, y compris les agences internationales et les organisations régionales, qui doivent redoubler de dynamisme pour contribuer à l’émergence d’une stratégie collective, mobilisant tous les acteurs autour de cette noble cause.

M. SANTIAGO CORCUERA CABEZUT, Président du Comité des disparitions forcées, a renouvelé l’appel à la ratification universelle de la Convention, l’objectif étant de doubler le nombre des États parties d’ici cinq ans.Le Président a essayé de comprendre la raison pour laquelle les États se montrent réticents et les obstacles qui les empêchent d’adhérer à la Convention. Le premier obstacle serait, selon lui, le fardeau que constituerait l’établissement des rapports.Mais, a-t-il rectifié, à la différence des autres traités, la Convention n’oblige pas les États à présenter systématiquement des rapports.Le deuxième obstacle dont il a pris note tient à la lourde tâche qui consiste à adapter la législation nationale et le troisième, à la crainte des États de faire l’objet de pétitions ou de plaintes. Il faut comprendre, a rassuré le Président, que les pétitions ne sont pas négatives en elles-mêmes.

M. LUÍS RAÚL GONZÁLEZ PÉREZ, Président de la Commission nationale des droits de l’homme du Mexique et Représentant de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme, a prévenu qu’on ne peut lutter contre les crimes de disparitions forcées, une violation « complexe » des droits de l’homme, sans adapter le droit interne au droit international.  L’impunité pourrait envoyer « un message dangereux », a-t-il insisté, en soulignant l’importance d’établir un registre complet des mesures à prendre, de professionnaliser les capacités humaines, de créer un système approprié de recherche des disparus, dont la mise en place de groupes spécialisés.  Les États parties doivent aussi reconnaître la compétence du Comité et de ses recommandations.  Au nom de l’Alliance globale, a conclu le Président, j’appelle à l’adhésion universelle à la Convention.

On ne saurait justifier le fait que la Convention ne soit pas universelle, a tranché d’emblée M. BERNARD DUHAIME, Vice-Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.  Il a plaidé pour que son Groupe de travail et le Comité continuent de joindre leurs forces pour aider les victimes dans leur quête de vérité, de justice et de réparations.  Le combat est loin d’être gagné, a-t-il convenu, invitant les États à soutenir, « de bonne foi », la Convention et le Comité.  L’année dernière, a-t-il indiqué, le Groupe de travail a transmis à 20 États 483 rapports sur les disparitions forcées, « et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg ».  Depuis sa création en 1980, le Groupe de travail a été saisi de 55 000 cas, a-t-il souligné, jugeant qu’il est temps que la lutte contre ce « crime intolérable » soit parmi les questions majeures de l’agenda international.

Mme STÉPHANIE DAVID, Chef de la liaison newyorkaise de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), a expliqué que son organisation est engagée dans des actions contentieuses stratégiques pour établir les responsabilités et lutter contre l’impunité.  La FIDH soutient par exemple les familles des disparus dans la procédure judiciaire sur le massacre du 28 septembre 2009 à Conakry en Guinée.  Elle a également initié des procédures au Mali dans des affaires d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées liées à l’affaire des bérets rouges et à la mutinerie de Kati.  Face aux blocages et pressions politiques rencontrées dans plusieurs affaires, la FIDH a appelé à plusieurs reprises le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à ouvrir des enquêtes.  La FIDH et plus généralement les organisations de la société civile font un plaidoyer auprès des États pour qu’ils ratifient la Convention.  « La participation de la société civile est la clef de voûte du bon fonctionnement du Comité des disparitions forcées », a-t-elle argué.  Elle a souhaité que la procédure des communications du Comité soit facilitée et connue pour que les victimes puissent obtenir justice. 

M.HORACIO RAVENNA, membre de l’Assemblée parlementaire pour les droits de l’homme de l’Argentine, a rappelé l’ambiance qui régnait avant l’accouchement de la Convention.  Le consensus a finalement prévalu, entre autres sur la qualification des disparitions forcées comme « crime contre l’humanité ».  En Argentine, l’entrée en vigueur de la Convention a été une grande étape de la vérité et de la justice.  Mais aujourd’hui, a regretté l’orateur, seuls 24 États reconnaissent la compétence du Comité et 97 États n’ont toujours pas ratifié la Convention.  Il est fondamental de mobiliser plus d’adhésion et de convaincre les États de l’importance de la Convention qui permet, a plaidé, par exemple, M. Ravenna, de saisir l’Assemblée générale d’un cas de disparition forcée.  La ratification universelle est non seulement un objectif à atteindre mais elle est surtout « un devoir moral ».  Pour en convaincre les États, le Comité doit s’appuyer sur la société civile.  

« Ce que la Convention a changé et pourquoi il importe d’aboutir à une ratification universelle. »  C’est sur cette question que M. LOUIS JOINET s’est attardé.  L’expert indépendant du Comité des droits de l’homme de l’ONU a rappelé qu’il y a 10 ans, il s’agissait de définir le concept de « disparition forcée » mais en définitive, lutter contre les disparitions c’est surtout « lutter contre le temps qui passe ».  À l’époque, les « États violateurs » avaient un seul et unique souci: tourner la page.  Mais, s’est-il réjoui, nous avons réussi à les convaincre que dès lors que les disparitions étaient systématiques, ils devaient rendre le crime imprescriptible et élargir les poursuites judiciaires aux acteurs non étatiques comme les bandes criminelles.  Ce dixième anniversaire doit être l’occasion d’une campagne de sensibilisation pour arriver à terme à plus de 100 ratifications. 

Table ronde

Quel est le moyen le plus convaincant pour amener les États à ratifier la Convention? se sont demandé les représentants de l’Argentine et du Japon.  La société civile, a répondu le Président du Comité des disparitions forcées.  Elle doit s’impliquer, s’est-il expliqué, auprès des autorités publiques.  Les États peuvent aussi interagir même au-delà des cercles.  En résumé, il faut faire preuve d’imagination et de créativité, y compris au sein du Comité.  La société civile peut obtenir des résultats, a renchéri la représentante de la Fédération internationale des droits de l’homme, citant le succès obtenu avec le Statut de la Cour pénale internationale (CPI).  Elle a aussi jugé utile de mobiliser les parlementaires, les organisations régionales et sous régionales. 

Il faut surtout demander aux États pourquoi ils refusent d’adhérer à la Convention, a estimé le représentant de l’Assemblée parlementaire des droits de l’homme, reconnaissant que dans certains États, il existe des obstacles internes qu’il faut lever avec des solutions collectives.  Il convient donc, à cet égard, de répartir les responsabilités entre le Comité et la société civile.         

La représentante du Canada a posé une autre question, celle de la protection des migrants contre les disparitions forcées.  Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires se penche précisément sur le rôle des acteurs non étatiques, a répondu son vice-président, demandant que l’on se penche sur l’efficacité de la lutte contre le terrorisme et l’impact des politiques anti-migratoires et du manque de coopération entre États.  Ces derniers, a-t-il estimé, doivent rendre visibles les migrants en leur garantissant un meilleur accès à la justice mais aussi en coopérant mieux dans les domaines judiciaire et technologique, s’agissant entre autres de la technologie de l’ADN.  Les pays d’accueil des migrants doivent respecter les deux alinéas de l’article 19 de la Convention en tenant un registre fiable et permanent.  L’essentiel est de ne pas perdre leur trace, a souligné le représentant de l’Assemblée parlementaire des droits de l’homme.

Les États ne peuvent pas agir seuls, a conclu le modérateur.  Il faut une volonté politique de tous, pour, par exemple, doubler le nombre des ratifications, identifier les bonnes pratiques, mieux communiquer sur ce qui se fait et sur ce qui est à faire.  La coopération internationale doit être renforcée à tous les niveaux et le Comité doit travailler avec tous les partenaires. 

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