Commission de la population: la France, la Norvège et la Suède insistent sur l’accès des femmes et des filles à l’éducation sexuelle complète
La France, la Norvège et la Suède ont insisté aujourd’hui sur l’accès des femmes et des filles aux services de santé sexuelle et reproductive, et à une éducation sexuelle complète. Ces plaidoyers ont été faits devant la Commission de la population et du développement qui poursuivait ses travaux sur le thème « Enrichir les données démographiques à l’appui du programme de développement pour l’après-2015 ».
Les données démographiques révèlent que l’engagement en faveur de l’égalité entre les sexes et la non-discrimination n’est pas encore universel, a tranché la représentante de la France. Nous sommes loin, a-t-elle dit, de l’objectif de garantir aux personnes, et en particulier aux femmes et aux jeunes, le moyen de faire des choix libres et éclairés quant à leur vie sexuelle, affective et reproductive et d’avoir accès à des informations et à des services abordables, adaptés et de qualité.
Si l’on veut, a renchéri son homologue de la Norvège, que les femmes et les filles jouent pleinement leur rôle d’agent du changement, elles doivent avoir accès à une éducation de qualité dans tous les cycles, aux services de santé sexuelle et reproductive, aux méthodes modernes de contraception, à un avortement médicalisé et à une éducation sexuelle complète.
Chaque année, a ajouté le représentant de la Suède, le manque d’accès à la santé sexuelle et reproductive provoque 80 millions de grossesses non désirées et 20 millions d’avortements clandestins dans le monde.
Pour ne « laisser personne sur le côté » comme le dit le Programme de développement durable à l’horizon 2030, il faut combler le fossé des données sur les adolescents, en particulier les filles de 10 à 15 ans, sans oublier, a ajouté la représentante de la Norvège, les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et/ou intersexuels (LGBTI).
Le Programme 2030, a-t-elle argué, a le potentiel d’imprimer un nouvel élan aux objectifs convenus, il y a 22 ans, au Caire. Nous ne devons pas, a-t-elle encouragé, hésiter à aller plus loin que le Programme d’action sur la population et le développement de 1994 et même à dépasser les objectifs de développement durable et leurs 230 indicateurs. La représentante a cité le travail des organisations de l’ONU comme l’UNESCO, ONUSIDA et le FNUAP, championnes de l’éducation sexuelle complète.
L’ONU doit se garder d’imposer des « programmes controversés », a rétorqué le délégué des États fédérés de Micronésie, qui s’exprimait au nom des îles Salomon, de Nauru et de Samoa. Il a fait valoir le droit souverain de chaque État à préserver sa législation nationale et ses valeurs culturelles et religieuses, y compris dans le cadre de la mise en œuvre du Programme 2030.
L’Observateur du Saint-Siège a abondé dans ce sens en rejetant les « idéologies étroites ». Les piliers du développement humain intégral, a-t-il argué, ont un tronc commun qui est le droit à la vie et plus généralement, ce qu’on peut appeler le droit à l’existence de la nature humaine.
Au premier jour des travaux, le Directeur de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales avait déjà épinglé une Commission qui, ces dernières années, a été marquée par des débats amers, la difficulté de dégager un consensus et l’accent mis sur des questions difficiles qui ne font l’objet d’aucun consensus international. Il s’avère, avait-il dit, qu’il faut certes réparer une Commission cassée mais surtout l’adapter aux exigences du Programme 2030. Deux équipes de cofacilitateurs s’y attèlent désormais, avait-il annoncé.
La Commission de la population et du développement poursuivra ses travaux demain, jeudi 14 avril, à partir de 10 heures.
DÉBAT GÉNÉRAL CONSACRÉ À L’EXPÉRIENCE DES PAYS EN MATIÈRE DE POPULATION: ENRICHIR LES DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES À L’APPUI DU PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT POUR L’APRÈS-2015
Déclarations
M. YAROSLAV GOLITSYN (Ukraine) a estimé que l’élaboration de politiques et programmes est un défi encore plus grand pour de nombreux pays en développement où les systèmes sont presque exclusivement voués à la production de données. Les faiblesses de ces « écosystèmes » devraient être corrigées dans un effort collectif de la communauté internationale pour éviter l’élargissement du fossé en matière de technologies de l’information. Ce fossé risque aussi d’être élargi par l’instabilité et l’insécurité croissantes dans le monde. Les défis humanitaires et les déplacements massifs de populations exigent un niveau de souplesse sans précédent et une capacité inédite d’intégrer des données de différentes sources, a dit le représentant. La disponibilité des données en temps réel est essentielle pour identifier et localiser les plus vulnérables.
Depuis l’agression dont elle a fait l’objet, l’Ukraine a enregistré 1,75 million de déplacés dans la péninsule de Crimée et dans l’est. Le nombre des déplacés enregistrés n’a cessé d’augmenter et si la plupart d’entre eux restent dans les zones contrôlées par le Gouvernement, certains traversent régulièrement « la ligne de contact ». Dans ces circonstances, l’enregistrement des déplacés est un défi lequel complique le travail les paiements de la sécurité sociale et la fourniture de l’aide humanitaire. Il faut, a plaidé le représentant, une nouvelle approche pour la collecte des données qui allie rapidité, fiabilité et respect de la vie privée. L’Ukraine, qui y travaille, a mobilisé tous les acteurs publics pertinents et a encouragé la contribution des ONG, des entreprises et autres acteurs de la société civile. Le système traditionnel des données ne suffit plus, a insisté le représentant. Seule une conjugaison des sources traditionnelles, des satellites et des méga données peut fournir la qualité et la diversité d’informations nécessaire à une bonne planification. L’Ukraine appuie donc l’accent que le Secrétaire général de l’ONU place sur la mise en œuvre d’un pool vibrant de professionnels des données dans les bureaux nationaux de statistiques, les universités et la société civile. À cet égard, l’Ukraine appuie la promotion des partenariats public–privé.
Mme LIMIAA ABDELGAFAR KHALFALLA (Soudan) a insisté sur l’importance du lien entre données démographiques, développement et partenariat international. Elle a parlé des progrès importants que son pays a en matière de collecte des données lesquels ont permis la mise en place du Plan de développement. Le Gouvernement ne s’est pas arrêté, il a adopté une nouvelle stratégie pour la collecte de données et décidé de lancer cette année une enquête sur la population active et en âge de travailler. Le Soudan a effectué cinq recensements depuis l’indépendance et prépare le sixième recensement en 2018, le recensement depuis la sécession du Soudan du Sud et l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Mme CRISTINA CARRIÓN (Uruguay) a insisté sur le programme national contre les inégalités sexistes et souligné l’importance du Consensus de Montevideo, adopté en 2013 par la Conférence régionale sur la population et le développement dans la région d’Amérique latine et des Caraïbes, qui comprend des volets sur l’intégration sociale des femmes. Conscient que la collecte et la gestion des données est la clef du succès des objectifs de développement durable, le Gouvernement de l’Uruguay, a assuré la représentante, se concentre sur l’évaluation et le suivi des politiques publiques pour mieux cibler les défis.
Les données démographiques sont une source d’informations « fondamentale et stratégique », a d’emblée déclaré M. HE ZHAOHUA (Chine). La Chine a institutionnalisé le recensement périodique et d’autres systèmes de recensement. Le recensement de la population se fait depuis 1990 toutes les années finissant par zéro. En 2006, le pays a établi un « Centre d’information sur l’identité », la base de données de ce type la plus importante au monde, qui a plus de 1,3 milliard d’inscrits. Sur cette base, le Gouvernement a pu créer et améliorer une base de données qui couvre toute la population. Conformément au principe du Programme 2030 consistant à « ne laisser personne sur le côté », un système fondé sur des statistiques sexospécifiques a été mis en place grâce aux enquêtes menées tous les 10 ans sur la condition de la femme. Des données spécifiques sont aussi collectées régulièrement sur les migrants, la pauvreté ou encore les personnes les personnes âgées.
La Chine travaille désormais au partage des plateformes d’informations démographiques, à l’amélioration des normes pour la collecte, la classification et l’intégration des données démocratiques, et la promotion des nouvelles technologies dans la collecte et la méga-analyse des données. La Chine travaille aussi à la mise en place d’un « système de prévision et d’alerte démographique » et au renforcement des liens entre données démographiques et planification pour mieux orienter le travail de l’administration et du service public vers le citoyen.
M. PASCAL BUFFIN (Belgique) a estimé important de disposer de données démographiques fiables en temps opportuns afin de planifier et mettre en œuvre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de développement durable. Pour développer des systèmes de santé et de protection sociale, il faut connaître la taille d’une population et disposer de données ventilées sur l’âge, le sexe, la fécondité, la mortalité et la morbidité. En outre, les politiques de développement doivent reposer sur des critères objectifs. Il a aussi jugé important d’améliorer les systèmes d’enregistrement des données tels que les registres d’état civil ou, à défaut, les systèmes de recensement. L’enregistrement des naissances, a-t-il remarqué, constitue le premier pas sans lequel il n’est pas possible de prétendre à des droits comme citoyen.
Le représentant a plaidé en faveur de la numérisation dans le cadre de la collecte et de la gestion des données. Cela facilite en effet l’enregistrement et le traitement des données désagrégées, d’une part, et facilite l’accès à l’information, d’autre part. Il a aussi fait valoir que la numérisation permet des innovations comme la création de plateformes pour la sensibilisation des jeunes dans le domaine de la santé. Il a indiqué que la coopération au développement de la Belgique intègre systématiquement une composante numérique dans les projets qu’elle finance. Enfin, M. Buffin a assuré que son pays soutient pleinement la réalisation des objectifs de développement durable relatifs à la sexualité et la procréation. Son pays, a-t-il dit, compte parmi les pays qui connaissent un taux extrêmement bas de grossesses chez les adolescentes et d’avortement, du fait de l’investissement continu dans l’éducation sexuelle et la mise à disposition quasi gratuite de toute forme de contraception pour les femmes de moins de 21 ans.
Mme REIKO HAYASHI (Japon) a indiqué que dans son pays, le dernier recensement a eu lieu en 2015. À cette occasion, environ 19 millions de ménages, soit 37% de tous les ménages, ont répondu au questionnaire par Internet, dans ce qui est devenu le recensement en ligne le plus vaste au monde. Depuis janvier de cette année, un numéro d’identité « My Number » est désormais utilisé par la sécurité sociale et les services d’impôt, consolidant ainsi le « e-gouvernement » et « la société de l’information ». La représentante a avoué qu’il est de plus en plus difficile de mener des enquêtes sur les ménages à cause d’une conscience accrue au sein de l’opinion publique du droit à la vie privée, des systèmes automatiques de sécurité dont se munissent les propriétaires et locataires et du vieillissement des recenseurs. Le Gouvernement s’attache donc à améliorer à tous les niveaux les méthodes d’enquêtes en ligne. Comme les données doivent être comparables avec d’autres pays et adaptées aux situations économiques et sociales changeantes, le pays promeut la liberté d’accès aux données en ligne www.e-stat.go.jp, l’utilisation secondaire des micro-données, les données « anonymisées » et les tabulations spécifiques. Les données démographiques sont géo-référencées et accessibles sur Internet, a aussi expliqué la représentante.
Le mois prochain, a-t-elle rappelé, le Japon accueille le Sommet du G7 qui sera le premier après l’adoption du Programme 2030 et conformément à la notion de sécurité humaine, le Japon estime que la couverture santé universelle est l’un des buts les plus importants à atteindre, lequel nécessitera des données démographiques pour calculer les indicateurs sur, entre autres, la mortalité maternelle et infantile ou les maladies non transmissibles. Toutes les naissances et tous les décès doivent être comptés et enregistrés, a insisté la représentante, d’où l’importance des registres et des statistiques de l’état civil. Dans deux semaines, a-t-elle conclu, le Japon accueille la Conférence mondiale des parlementaires sur la population et le développement qui discutera de l’autonomisation des femmes et de l’égalité entre les sexes, des investissements dans la jeunesse, du vieillissement actif, de la sécurité humaine et des partenariats mondiaux.
Mme TONI-SHAE FRECKLETON, Chef de la Division de la population et des politiques sociales à l’Institut de la planification de la Jamaïque, a déclaré que la Commission nationale des statistiques d’état civil a lancé plusieurs initiatives pour moderniser les registres et les systèmes statistiques s’agissant des liens institutionnels et des politiques, de la collecte et de la gestion des données, et du renforcement des capacités humaines. Si des progrès ont été faits dans le registre des naissances, des défis demeurent s’agissant des décès. Le Gouvernement a donc promu plusieurs lois et des changements administratifs au sein de la police, du système judiciaire et de l’entité d’état civil. Le Gouvernement s’efforce d’améliorer la collecte et l’analyse des données, a dit la représentante, en mettant l’accent sur une approche coordonnée dans la production des statistiques nationales, et de garantir ainsi la cohérence, l’efficacité, la transparence et la compatibilité avec les normes internationales.
Les objectifs de développement durable peuvent changer les choses et faire passer les pays « pris au piège du revenu intermédiaire » à la catégorie des pays développés. Il faudra, a prévenu la représentante, une approche multidimensionnelle, multipartite et inclusive pour contrer les effets négatifs. Le développement de la Jamaïque réside dans la mise en œuvre de stratégies pour une croissance économique durable et le renforcement du capital humaine, tout en assurant la viabilité écologique et la résilience au changement climatique. Il faudra des investissements et des ressources énormes et des politiques efficaces de mise en œuvre du Programme d’action du Caire sur la population et le développement et du Programme 2030. Mais la mobilisation des investissements nécessaires, a dénoncé la représentante, se heurtent à la baisse substantielle des ressources due aux vulnérabilités, aux chocs externes et aux manifestations « hydro-météorologiques » qui menaceraient définitivement les acquis si la suppression drastique d’une aide au développement « critique » se faisait. Conformément aux objectifs du Programme d’Addis-Abeba sur le financement du développement, la Jamaïque réitère l’appel à des ressources additionnelles pour les pays « pris au piège du revenu intermédiaire ».
M. MOHAMED KHALED KHIARI (Tunisie) a indiqué que l’Institut national de la statistique de la Tunisie publie mensuellement un bulletin avec des données désagrégées et présentées par gouvernorat. Il a appelé au soutien des pays en développement dans le renforcement de leurs capacités en matière de statistiques, saluant dans ce contexte la collaboration entre son pays et les agences onusiennes. Il a notamment parlé d’un projet avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui vise à renforcer les capacités nationales en matière de statistiques sociales pour la période 2015-2019. Il a aussi mentionné l’installation d’un programme d’analyse des données liées au genre que l’Institut national de la statistique a mis en place avec le soutien d’ONU-Femmes, ainsi que d’un projet sur les projections démographiques en Tunisie pour la période 2014-2044, avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Il s’est également félicité des avancées que la Tunisie a connues depuis la Conférence internationale du Caire sur la population et le développement de 1994.
Mme KITTY SWEEB (Suriname) a indiqué que le Plan national de développement du Suriname tient compte du fait que le pays a besoin de renforcer ses systèmes de données. Elle a ainsi noté que la collecte des données quantitatives à travers les recensements nationaux et les registres d’état civil ne suffit plus. Pour renforcer la fiabilité de ces données, elle a expliqué que son gouvernement a procédé à la numérisation de toutes les bases de données, les présentant ainsi de manière désagrégée par sexe, âge ou encore localisation géographique. Elle a aussi souligné que les bureaux d’état civil ont été multipliés, y compris dans les zones les plus reculées du pays. Elle a néanmoins déploré que les personnels qualifiés pour la collecte et l’analyse des données démographiques fassent défaut.
M. SITI NORLASIAH ISMAIL (Malaisie) a déclaré que le Département des statistiques de la Malaisie organise un recensement de la population tous les 10 ans depuis 1970. Le dernier recensement de 2010 a eu recours aux technologies de l’information et des communications qui ont changé la manière de faire les choses. Les populations ont été appelées à répondre au questionnaire en ligne et les résultats ont été publiés en ligne. En plus de ces recensements, des enquêtes sur les ménages sont menées par d’autres agences gouvernementales. Le représentant a néanmoins reconnu que les données sur les migrations internes ne sont pas encore collectées de manière fiable.
M. SCHWYN (Suisse) a indiqué que l’inclusion sociale se réalise à divers niveaux et notamment à travers le recensement qui contribue à la protection des droits de l’individu recensé en procurant une identité juridique. Il a ainsi appelé au renforcement des capacités pour la collecte des données démographiques et pour la création et le maintien de registres des personnes et de l’état civil. Il a ajouté qu’il s’agit surtout d’analyser ces données et de les prendre en compte pour l’élaboration des politiques publiques. L’efficacité d’un système moderne d’information statistique dépend en grande partie du mode de collecte des données, a—t-il argué. Il a relevé qu’en Suisse, l’ancien système de recensements exhaustifs décennaux a été abandonné en 2010 au profit d’un système intégré de statistiques qui combine l’exploitation de divers registres de personnes et la réalisation d’enquêtes par échantillonnage annuel. Les données démographiques sont également essentielles pour analyser les progrès du développement durable. La stratégie 2016-2019 montre comment la Suisse contribuera à la réalisation du Programme 2030 et de nombreux thèmes sont liés au Programme d’action du Caire, a dit le représentant en énumérant quelques points.
Il a poursuivi en estimant que la Commission peut montrer comment les avancées dans le Programme d’action du Caire contribueraient à atteindre les objectifs de développement durable. Il s’est dit confiant que la résolution sur les méthodes de travail de la Commission permettra de clarifier et de simplifier son programme complexe pour faciliter un dialogue interactif et des échanges substantiels.
Mme SEWA LAMSAL ADHIKARI (Népal) a indiqué que son gouvernement a élaboré sa première Politique nationale de population 2015 en se fondant sur le Programme d’action du Caire. En septembre dernier, le pays a aussi promulgué une Constitution « inclusive et démocratique », après 10 ans de conflit. Elle a dit attendre beaucoup de la manifestation de haut niveau que doit tenir l’Assemblée générale sur les réfugiés et les migrants, en septembre prochain. Mon gouvernement, a poursuivi la représentante, a déjà pris des mesures pour la mise en œuvre du Programme 2030, en se concentrant sur le dividende démographique. Le Népal, a-t-elle conclu, poursuivra ses efforts malgré son statut de pays en développement sans littoral, les séquelles du conflit et les conséquences dévastatrices des tremblements de terre. Les défis du développement exigeront un appui « fort » de la part de toutes les parties prenantes. Le Népal compte donc sur la revitalisation de ses partenariats et l’accès à des moyens prévisibles de mise en œuvre de l’ambitieux Programme 2030.
M. OMAR HILALE (Maroc) a déclaré que son gouvernement, conscient de l’importance des données statistiques dans le suivi et l’évaluation des différents programmes de développement, avait créé, en 2003, le Haut-Commissariat au Plan en tant que principal producteur de l’information statistique, démographique, économique et social. « Depuis sa création, ce mécanisme a procédé à une mise à niveau générale du système marocain d’information statistique tant sur le plan de la collecte, de l’exploitation et de la diffusion des données, que sur les plans conceptuel et méthodologique », a expliqué le représentant. Sur le plan de l’utilisation des enregistrements des évènements démographiques, a-t-il ajouté, un système d’exploitation des données relatives aux taux de natalité et de mortalité a été mis en place, ainsi que les statistiques produites à ce niveau sont publiées mensuellement. De même, a encore relevé M. Hilale, un système d’information sanitaire est actuellement opérationnel. Il se base sur les rapports d’activité qui sont élaborés régulièrement par différentes entités qui agissent dans le domaine de la santé et de la planification familiale.
Si l’on veut que les femmes et les filles jouent pleinement leur rôle d’agent du changement, a prévenu Mme MAY-ELIN STENER (Norvège), elles doivent avoir accès à une éducation de qualité dans tous les cycles et aux services de la santé sexuelle et reproductive, aux méthodes modernes de contraception, à un avortement médicalisé et à une éducation sexuelle complète. Leur droit de faire des choix sur des questions liées à leur sexualité et ce sans coercition, sans discrimination et sans violence doit être garanti. Pour « ne laisser personne sur le côté » comme le dit le Programme 2030, la représentante a prôné à son tour la désagrégation des données démographiques sur les personnes handicapées, les autochtones et les membres du groupe LGBTI-lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et/ou intersexuels. Pour elle, le Programme 2030 a le potentiel d’imprimer un nouvel élan aux objectifs convenus, il y a 22 ans, au Caire. Nous ne devons pas, a encouragé la représentante, hésiter à aller plus que le Programme d’action de 1994. Certains pays voudraient en effet placer la barre plus haut que les objectifs de développement durable ou les indicateurs proposés. Certaines organisations de l’ONU ont d’ailleurs déjà dépassé les engagements du Caire, grâce aux décisions prises par leur Conseil d’administration.
La représentante a cité trois exemples et d’abord l’UNESCO dont les 195 États Membres ont accepté d’inclure l’éducation sexuelle complète dans le budget de l’Organisation. À ONUSIDA, la stratégie pour les cinq prochaines années se fonde sur l’éducation sexuelle complète et au FNUAP, la stratégie 2014-2017 comprend un soutien aux pays en matière d’éducation sexuelle complète. En outre, les droits à la santé sexuelle et reproductive figurent en bonne place dans la stratégie d’ONUSIDA. La représentante s’est félicitée de ce que le Consensus de Montevideo de 2014 ait fait une percée sur l’avortement et l’égalité des droits pour tous, quelle que soit l’orientation ou l’identité sexuelle. Le Document de la région d’Asie-Pacifique sur le processus Caire+20 va aussi plus loin que le Programme d’action de 1994. Dans la même veine, la représentante s’est félicitée du Protocole de Maputo de l’Union africaine sur les droits de la femme africaine qui consacre le droit à l’avortement.
M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) a déclaré que les recensements et les enquêtes dans les secteurs de la santé, des droits et de l’égalité des genres sont importants dans la mise en œuvre du Programme d’action du Caire. Pour répondre aux lacunes qui se posent dans les pays en développement, le représentant a indiqué qu’il fallait un engagement national et une coopération internationale pour prioriser les actions et les ressources. Dans ce contexte, des mécanismes financiers sont indispensables pour consentir les investissements nécessaires dans l’élaboration de capacités statistiques nationales à long terme, a-t-il dit. « Le développement de systèmes nationaux de données, y compris la capacité institutionnelle à les utiliser, est le seul moyen d’assurer des innovations à long terme, durable, et d’exercer une véritable appropriation nationale du processus de développement », a assuré M. Shingiro. Pour sa délégation, des approches novatrices et des méthodologies et technologies modernes doivent être privilégiées à cette fin, et des réseaux dynamiques de professionnels établis.
M. TUVAKO N. MANONGI (Tanzanie) a déclaré que son gouvernement s’était lancé dans un programme de renforcement des systèmes statistiques nationaux dans le contexte des cibles 17.18 et 17.19 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, notamment en faisant entrer en vigueur la loi de 2015 qui transforme et consolide le Bureau national des statistiques pour en faire un bureau autonome chargé de fournir des données aux autorités, au secteur privé et au grand public. En outre, a-t-il dit, la loi fait de ce Bureau une agence coordonnatrice au sein du Système national de statistique pour collecter des données fiables. À cette fin, a poursuivi la délégation tanzanienne, la législation a renforcé le système grâce à l’établissement d’unités statistiques dans les ministères, les départements et les agences gouvernementales. Par ailleurs, a souligné le représentant, les autorités de son pays sont en train de mettre en œuvre une nouvelle approche multisectorielle et multidimensionnelle intégrée dans le cadre de laquelle le Gouvernement collabore avec de nombreux partenaires, notamment des ONG, le secteur privé et les communautés locales.
Mme NIKITINA (Fédération de Russie) a affirmé que la question de population est une priorité pour son gouvernement, laquelle est d’ailleurs inscrite dans le Plan national de développement qui s’étale jusqu’en 2025. La Fédération de Russie effectue un recensement général de la population tous les 10 ans et en 2015, des « micro recensements » ont porté spécifiquement sur les questions de la migration, de la santé reproductive ou de l’éducation, en ayant recours à la méthodologie de la désagrégation par âge et par sexe. Le système fédéral des statistiques, créé en 2011, a d’ailleurs plusieurs branches dont les conditions de vie, la planification familiale, les revenus, l’impact des programmes sociaux, l’intégration sociale ou l’accès à l’emploi. En toute chose, la représentante a prôné le libre accès aux données et a insisté sur le fait que son pays est prêt à partager son expérience dans le recours aux technologies de l’information et des communications pour la collecte et l’analyse des données.
M. MICHEL TOMMO MONTHE (Cameroun) a estimé que le passage des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) aux objectifs de développement durable devrait conduire à revisiter les priorités du Programme d’action du Caire. Les questions de croissance économique, d’industrialisation, d’énergie et d’emploi devraient dans ce cadre occuper toute la place qu’elles méritent et le Programme du Caire devrait davantage s’y consacrer, a-t-il insisté. Il a fait remarquer que l’importance des statistiques démographiques n’est plus à démontrer. Au Cameroun, on a très tôt compris le caractère essentiel de la collecte des statistiques, a-t-il dit, en mentionnant les organes chargés de ces questions comme l’Institut national de la statistique. Il a cité le recensement de la population et de l’habitat, les enquêtes sur les ménages, et celles sur les emplois formels et informels. Un nouveau recensement et une nouvelle enquête sur la santé sont en cours de préparation, a-t-il ajouté. Il a cependant parlé de l’insuffisance des moyens pour organiser ces sondages plus régulièrement et a reconnu la non-exhaustivité des données d’état civil. Une évolution positive à ce sujet permettra des économies financières, humaines et matérielles, a-t-il dit.
M. JUAN CARLOS ALFONSO FRAGA (Cuba) a indiqué que Cuba, pays socialiste, planifie intégralement son développement économique et social et dispose d’un système de statistiques démographiques et sociales qui lui permet de formuler au mieux ses politiques. Il a cependant reconnu la nécessité de renforcer les capacités dans ce domaine et a appelé la communauté internationale à travailler en ce sens avec les pays en développement et les agences, fonds et programmes de l’ONU. Cuba a néanmoins réussi à utiliser des indicateurs démographiques, éducationnels et de santé comparables et même supérieurs dans certains cas à ceux de pays développés. Cuba, a-t-il ajouté, est déterminé à préserver l’équité sociale sur la base de l’universalité et de la gratuité des services sociaux de base, dont l’éducation et la santé. Cuba partage son expérience grâce à son programme de coopération.
Les données et les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes. Ils doivent être interprétés et mis en perspective, a déclaré M. INIGO LAMBERTINI (Italie). Dans ce travail difficile, a-t-il prévenu, nous devons éviter les manipulations involontaires et les généralisations, en particulier quand nous parlons des méga données qui, comme elles ne représentent bien souvent pas grand-chose, risquent de perdre de leur utilité heuristique. Ce que nous voulons, a simplifié le représentant, c’est garantir les droits de chaque individu et d’avoir un impact sur la viabilité de l’environnement et la dynamique des populations.
Dans ce contexte, les Nations Unies doivent se donner pour tâche de s’occuper des intérêts communs sans perdre de vue l’approche centrée sur l’individu et d’évaluer les besoins de chaque individu, sans oublier de prendre la responsabilité politique d’inspirer les progrès dans le respect des droits de l’homme et l’application des accords internationaux conclus dans les domaines politique, économique et environnemental. Ce dont nous avons besoin et ce de façon urgente, c’est une osmose entre les données et les politiques, à savoir la faculté de transformer la collecte et l’analyse des données en de bonnes politique ciblées pour que les informations démographiques contribuent réellement à la réalisation des objectifs de développement durable.
Mme AL JAZI (Jordanie) a parlé de la Vision 2025 de la Jordanie qui vise à réaliser les objectifs de développement durable dans leurs trois dimensions. Les pays de la région souffrent énormément de la détérioration de la sécurité, a-t-elle rappelé en expliquant que 1,3 million de réfugiés syriens sont hébergés par son pays, dont plus de 600 000 officiellement enregistrés comme tels. Elle a réaffirmé l’importance de l’enrichissement des données démographiques, qui permettront notamment de faire face aux crises humanitaires. Les donateurs doivent allouer des financements supplémentaires pour permettre le développement des systèmes de statistiques efficaces, a-t-elle ajouté, avant de demander également aux organisations internationales une aide à la recherche-développement. Il nous faut aussi que nous devenions à même d’adopter des approches innovantes pour collecter et analyser les données démographiques.
Mme CLAUDE BOUAH-KAMON (Côte d’Ivoire) a déclaré que dans le cadre du Plan national de développement 2016-2020, plusieurs instruments stratégiques ont été élaborés. L’un de ces instruments est l’Office national de la planification créé en février 2012 avec entre autres missions la formulation de la nouvelle politique nationale de la population et l’adoption d’une nouvelle loi sur la statistique afin de faciliter la mise en adéquation des rythmes et volumes de croissance de la population et de l’économie. L’opérationnalisation de ces outils stratégiques repose sur la mutualisation des efforts et l’intégration des questions de population dans les politiques sectorielles et dans les diverses activités liées à la gestion de l’environnement humain. La mise en œuvre de ces outils devra également tenir compte de la demande croissante et de la pression démographique exercée sur les ressources foncières, naturelles et les structures de protection sociale.
Il s’agit pour la Côte d’Ivoire de bien conduire sa transition démographique pour relever le défi du dividende démographique et créer à terme les conditions pour parvenir à une population en bonne santé, bien éduquée et bien formée, productive et engagée, constituant un réel atout pour son développement économique et social durable. La représentante a souligné la nécessité d’un partenariat renforcé et d’un leadership mondial mené par les Nations Unies sur l’ensemble de ces questions liées au capital humain. Avant de conclure, elle a mis l’accent sur la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire qui ont un rôle déterminant à jouer dans l’atteinte des objectifs.
Malgré ses progrès incontestables, la Gambie, a dit son représentant, M. ABDOULIE BAH, se heurte toujours à des difficultés pour renforcer la base de données démographiques nécessaire à la mise en œuvre du Programme 2030. Les problèmes sont de tous ordres: une croissance démographique de 3,1% en 2013, une densité de population de 174 personnes par kilomètre carré, des grossesses non désirées chez les adolescentes, la migration illégale et la prévalence des maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida. La Gambie n’a pas les ressources suffisantes pour mener une enquête sur la migration et l’emploi du temps pour compléter le recensement général sur les questions de migration. Les données d’une enquête sur l’emploi du temps aideraient, entre autres, les décideurs à évaluer la contribution du travail domestique au Produit national brut.
M. WILBERFORCE KISAMBA MUGERWA (Ouganda) a indiqué que son pays vient juste de publier le résultat final du recensement de 2014 qui montre un déclin constant du taux de mortalité infantile désormais de 53 pour 1 000 et la hausse de celui de l’espérance de vie à 63 ans. Toutefois, le pays enregistre toujours des niveaux « inacceptables » de mortalité maternelle avec 435 pour 100 000 et du VIH/sida, avec 7,2% de la population. La Vision 2040 de l’Ouganda vise à transformer une société « paysanne » en un pays prospère, grâce à six plans quinquennaux de développement qui incluent au moins 76% des 169 cibles du Programme 2030. L’Ouganda a mis en place des Comités techniques dont les termes de référence comprennent le lancement de l’Initiative sur la révolution des données et la création d’un vibrant écosystème des données. Le Gouvernement est déterminé à renforcer le Bureau des statistiques, conformément au Programme 2030. Il a aussi une Autorité nationale du registre d’état civil grâce auquel en 16 ans, 17 millions de personnes ont reçu des cartes d’identité biométriques. En la matière, l’Ouganda est prêt à poursuivre sa marche.
M. LENNHART HJELMAKER, Ambassadeur pour la santé au Ministère des affaires étrangères de la Suède, a rappelé que chaque année, le manque d’accès à la santé sexuelle et reproductive provoque 80 millions de grossesses non désirées et 20 millions d’avortements clandestins dans le monde. Chaque année, plus de 300 000 femmes et filles meurent de causes évitables liées à la grossesse et l’accouchement. Ces chiffres sont énormes et révèlent notre échec à tenir les promesses faites aux femmes et filles. La majorité des décès chez les mères auraient pu facilement être évitées par un accès à l’éducation sexuelle complète, aux méthodes modernes de contraception, à l’avortement sûr et légal, aux services de santé sexuelle et reproductive et à l’information, y compris pour les jeunes et les adolescents.
Pour ne « laisser personne sur le côté », il faut combler le fossé des données sur les adolescents, en particulier les filles de 10 à 15 ans, a insisté le représentant qui a prôné la coopération entre les instituts nationaux de statistiques, les agences nationales d’état civil, les agence de la santé et les organisations de la société civile. Le représentant s’est félicité des 230 indicateurs proposés par la Commission des statistiques et a appuyé l’idée de les affiner et de les améliorer. La Suède, a-t-il conclu, a une longue expérience dans la collecte des données démographiques et la production de statistiques-genre. Le pays appuie la collecte des données pour le développement durable en soutenant l’assistance technique du FNUAP dans le monde. La Suède mène également dans ce domaine sa propre coopération bilatérale.
Mme FABIENNE BARTOLI (France) a rappelé l’engagement de son pays pour atteindre les objectifs du Programme d’action du Caire, qui repose sur la non-discrimination, l’égalité entre les femmes et les hommes et les droits des femmes. Au niveau global, Mme Bartoli a remarqué que les données démographiques révèlent que l’engagement en faveur de l’égalité entre les sexes et la non-discrimination n’est pas encore universel. Nous sommes loin, a-t-elle dit, de l’objectif de garantir aux personnes, et en particulier aux femmes et aux jeunes, le moyen de faire des choix libres et éclairés quant à leur vie sexuelle, affective et reproductive et d’avoir accès aux informations et à des services abordables, adaptés et de qualité. Nous devons mettre en œuvre des stratégies efficaces en faveur de l’abandon des pratiques traditionnelles néfastes, comme les mariages précoces et les mutilations sexuelles féminines.
Nous devons améliorer les lois afin de garantir la santé et les droits reproductifs pour tous, a-t-elle ajouté. Nous devons également concentrer davantage notre action sur les interventions dont le rapport coût-efficacité est le plus élevé comme l’ensemble des informations, produits et services de santé sexuelle et reproductive pour les jeunes. Dans son action en faveur du développement, la France soutient le renforcement des systèmes d’état civil, première étape dans le recueil des données démographiques. La France continuera de défendre l’urgence de reconnaître et de garantir l’accès universel des femmes « -et des hommes- » à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, comme condition de l’autonomie et du développement.
Mme JUDITH MSUSA, Directrice adjointe de la Jeunesse au Ministère du travail, de la jeunesse et du perfectionnement de la main-d’œuvre du Malawi, a relevé l’importance de renforcer les systèmes de statistiques des pays en développement, et particulièrement des pays africains. Elle a souligné l’importance des registres d’état civil, notant aussi qu’il est de la plus grande importance de préciser la cause des décès afin que les autorités puissent prendre des mesures pour combattre les maladies les plus mortelles. Elle a déclaré que le Malawi a besoin d’un soutien international afin de renforcer ses capacités nationales en matière de statistiques, notamment en vue de mener avec succès le recensement démographique prévu en 2020. Elle a aussi estimé que la coopération Sud-Sud et la coopération régionale pourraient aider à renforcer les capacités statistiques des pays qui sont à la traine.
Mme GANDINI (Argentine) a estimé que le suivi des progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable sera essentiel pour mieux orienter les mesures de mise en œuvre. Cela implique de disposer de données démographiques fiables, a-t-elle dit avant d’assurer que son pays s’était engagé à fournir des données valables, opportunes et accessibles, notamment grâce à l’Institut national de statistiques et de recensement. Elle a aussi souligné l’importance de la ventilation des statistiques produites. Nous sommes conscients de l’importance de la technologie pour le recueil et la diffusion des données statistiques, a-t-elle ajouté en appuyant la méthodologie du géo-référencement. Elle a annoncé que le prochain recensement national aurait lieu en 2020. Elle a également souligné l’utilité des statistiques et des registres d’état civil, comme son pays le fait en conformité avec les dispositions de la Convention des droits de l’enfant, sur l’enregistrement des naissances. Les registres administratifs sont une source importante d’informations statistiques, a-t-elle fait remarquer.
M. BOLAÑOS (Pérou) a indiqué avoir participé activement aux deux Conférences régionales sur la population et le développement. Son pays est également membre du Comité d’experts chargé d’aligner les objectifs du Consensus de Montevideo sur ceux du Programme 2030. Il a fait part des progrès accomplis dans la production de statistiques et d’indicateurs fiables et opportuns. Le Pérou dispose d’un système national de statistiques pleinement indépendant qui respecte, depuis 2012, un Code de bonnes pratiques statistiques qui regroupe les principes fondamentaux des statistiques officielles des Nations Unies, du Bureau européen de statistiques et de la Communauté andine.
Le représentant a ensuite énuméré les différents sondages et enquêtes menés sur les ménages, la démographie et la santé des familles, sur le handicap ou encore sur le travail des enfants. En 2017, le Pérou organisera, comme tous les 10 ans, un recensement national de la population, un autre sur les conditions de vie et encore un sur les communautés autochtones. Enfin, le représentant a indiqué que son pays était membre du Comité exécutif de la Conférence des statistiques des Amériques de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes pour 2016-2017.
Mme ELENA DOBRE (Roumanie) a indiqué que les mesures mises en place par le Gouvernement roumain sont destinées à améliorer la qualité de vie de tous les citoyens, en visant en particulier les jeunes et les groupes vulnérables. Elle a expliqué que l’intégration sociale est une nécessité économique, dans un contexte de migration, de population vieillissante et de faible taux de fertilité. En effet, la population roumaine en âge de travailler devrait baisser de 30% d’ici à 2050. Nous devons donc augmenter le taux d’emploi et de productivité, a-t-elle expliqué avant de mentionner la Stratégie nationale de l’intégration sociale et de la réduction de la pauvreté pour 2015-2020. La Roumanie a aussi l’intention de rendre plus efficace son système national d’assistance sociale. Depuis 2006, le pays poursuit un objectif stratégique de développement des services sociaux et continuera à le faire jusqu’en 2020. La représentante a ensuite plaidé pour des partenariats et des échanges d’expériences, afin de trouver des solutions aux problèmes communs et de promouvoir l’innovation dans le domaine social. Elle a aussi parlé de la Stratégie nationale pour la promotion d’un vieillissement actif et la protection des personnes âgées 2015-2020.
M. ROLANDO CASTRO CORDOBA (Costa Rica) a insisté sur l’importance pour les pays en développement d’accéder aux technologies et outils utiles pour renforcer leurs capacités institutionnelles. C’est la seule façon d’améliorer l’efficacité de la collecte, du traitement et de la diffusion de données ventilées, a-t-il expliqué. Il a donc jugé important que le Secrétariat de la Commission continue à donner la priorité aux thèmes qui suivent une perspective-genre et qui soient transversaux. Il a aussi invité le Secrétariat à continuer d’offrir un appui aux pays en développement, pour que les peuples autochtones et les peuples d’ascendance africaine aient une visibilité dans les statistiques. Le FNUAP doit aussi intensifier ses travaux pour élargir la coopération Sud-Sud, la coopération triangulaire et l’échange de bonnes pratiques, a-t-il recommandé.
Mme KHANIM IBRAHIMOVA (Azerbaïdjan) a indiqué que le Gouvernement de son pays a développé un programme de développement à l’horizon 2020 qui entend renforcer les acquis sociaux en s’inspirant des objectifs de développement durable. Elle a indiqué que des mesures ont ainsi été prises afin d’améliorer la qualité des données nationales. Elle a par exemple salué le lancement d’une base de données démographique en ligne. Elle a déploré le manque criant de données sur les déplacements de populations, un phénomène qui est exacerbé par les agressions dont son pays est victime. Elle a dénoncé le « nettoyage ethnique » dont les habitants de l’Azerbaïdjan font l’objet de la part de l’Arménie.
M. JEEM LIPPWE (États fédérés de Micronésie) s’est également exprimé au nom des îles Salomon, de Nauru et de Samoa. Il a invité la communauté internationale à mettre pleinement en œuvre les recommandations des « Orientations de Samoa », rappelant que ce Document est la synthèse des priorités de développement des petits États insulaires en développement (PEID). Il a reconnu que pour mettre en œuvre ce Programme, il faudra des données fiables et soulignant que la collecte et la ventilation des données ne sont pas toujours neutres, il a appelé l’ONU à se garder d’imposer des « programmes controversés ». Le représentant a en effet fait valoir le droit souverain de chaque État à préserver sa législation nationales et ses valeurs culturelles et religieuses, y compris dans le cadre de la mise en œuvre du Programme 2030. Il a en revanche assigné comme tâche à l’ONU de renforcer les systèmes statistiques des PEID et aux pays développés d’assumer leurs responsabilités, en réduisant les déséquilibres mondiaux.
Mme MARIAN KPAKPAH, Directrice exécutive par intérim du Secrétariat du Conseil national de la population du Ghana, a déclaré que son gouvernement entend utiliser des données fiables afin de planifier les actions sociales. Elle a reconnu le manque de fiabilité des données démographiques, notant par exemple que seulement 49,5% des naissances sont enregistrés à l’état civil. Elle a ainsi plaidé pour la multiplication des modes de collectes des données démographiques, appelant les pays développés à apporter leur soutien à cette fin.
M. EDWARD LIBERTY, Directeur général de l’Institut des statistiques et de la géo-information du Libéria, a souligné l’importance des statistiques pour le Libéria, notamment dans le contexte de la crise d’Ebola qui touche le pays et ses voisins. Il a annoncé que le Libéria va mener une enquête sur les ménages, le premier depuis 1964. Le pays entend également organiser un recensement de sa population en 2018, après l’élection présidentielle de l’an prochain. Il a lancé un appel à l’ONU pour qu’elle aide le Libéria dans ce domaine.
Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a estimé que l’amélioration des données et le renforcement des capacités nationales ne suffiront pas. Il faut encore que les politiques nationales et internationales s’écartent des idéologies étroites. Le nonce s’est expliqué en disant que les critères utilisés pour choisir les données à recueillir, la manière de les désagréger et celle de les interpréter ne sont pas des facteurs secondaires. Les données ne sont jamais neutres et elles nous disent beaucoup sur la manière dont on considère l’être humain et dont on établit les priorités. On ne compte plus les efforts faits jusqu’ici pour éliminer la pauvreté et trouver des solutions globales au développement, et malgré toutes les bonnes intentions, l’être humain se perd dans les méandres d’indicateurs complexes et sophistiqués et finit par être perçu comme un obstacle plutôt que comme la raison même du développement.
Paraphrasant le pape François, le nonce a déclaré: l’indicateur le plus simple et le meilleur de la mise en œuvre du nouvel Agenda est l’accès effectif, pratique et immédiat de tous aux biens matériels et spirituels essentiels, à savoir le logement, l’emploi, la nourriture, l’eau potable, la liberté de religion et plus généralement la liberté spirituelle et à l’éducation. Ces piliers du développement humain intégral ont un tronc commun qui est le droit à la vie et plus généralement, ce qu’on peut appeler le droit à l’existence de la nature humaine. Une société stable et juste, a conclu le nonce, ne se construit pas sur l’individualisme. Elle naît d’une culture de la solidarité qui voit dans l’autre non pas un rival ou une statistique mais un frère ou une sœur, non pas un obstacle mais un co-agent du développement collectif.
M. JOHN MACIEK ACUOTH ACOL (Soudan du Sud) a souligné l’importance qu’il y a à contribuer au renforcement des systèmes nationaux de statistiques. Mettre à niveau ces systèmes d’ici à 2020 nécessitera des mécanismes financiers efficaces. En la matière, le développement de systèmes nationaux est le seul moyen d’assurer des innovations viables et adaptées aux situations locales et de consolider l’appropriation nationale des processus de développement. Le représentant a appelé à l’intensification de la coopération régionale et Sud-Sud.
M. KAMAL HASSONH, Observateur de l’État de Palestine, a souligné l’importance de la politique démographique et de son impact sur la réalisation du Programme 2030. Il a appelé à veiller à l’application scientifique sur le terrain des résultats des grandes conférences sur le développement, ce qui passe par le respect de la démocratie, des droits de l’homme et des droits de la femme. La migration forcée de millions de ressortissants arabes a donné lieu à plus de sous-développement, d’ignorance et de maladies, a-t-il souligné, appelant à la recherche commune de solutions pour le développement et la stabilité de la région.
Mme ENAS MOUSTAFA ELFERGANY, Ligue des États arabes, a indiqué que la Ligue a participé à la mise au point du Plan des pays arabes pour le développement durable, les 6 et 7 avril dernier, et a chargé un Groupe de travail d’établir des indicateurs. Rappelant que le flux de réfugiés dans la région constitue un défi pour le développement, elle a souligné l’urgence de développer des instruments statistiques pour recueillir des données sur les réfugiés pour pouvoir leur porter assistance.
M. MILAN, ONU-Femmes, s’exprimant au nom du Groupe mondial sur la migration, a insisté sur l’importance d’améliorer le renforcement des capacités des pays en développement en matière de statistiques. Il a demandé plus de données sur les migrations, soulignant en outre le besoin de mieux protéger les migrants et de respecter leurs droits, y compris le droit au travail. Il a rappelé que le Programme d’Action d’Addis-Abeba sur le financement du développement recommande la baisse du coût des transferts des fonds des migrants vers leur pays d’origine. Il a également appelé à se focaliser sur les catégories de migrants les plus vulnérables, à savoir les enfants et les femmes.
M. CHRISTIAN FRIIS BACH, Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE), a indiqué que son institution dispose d’un large éventail de données démographiques sur la région qu’elle couvre. Il a expliqué que la diffusion et l’utilisation des données se font plus aisément quand celles-ci sont présentées de manière désagrégée. Il a aussi souligné l’importance des partenariats dans la collecte des données et leur diffusion, se félicitant à ce propos que la CEE ait établi des partenariats avec d’autres Commissions économiques régionales de l’ONU et d’autres organismes travaillant en Europe.
Mme GRIET CATTAERT, Organisation internationale du Travail (OIT), a indiqué que la Commission de la statistique des Nations Unies avait adopté en mars dernier une liste globale de 230 indicateurs pour le suivi de la mise en œuvre des Objectifs du développement durable, dont 28 pour le travail décent. Ces indicateurs sont définis par la Conférence internationale sur les statisticiens du travail, qui joue selon la représentante un rôle unique dans l’élaboration des normes professionnelles. « L’information relative au marché du travail est actuellement compilée dans la base de données ILOSTAT de l’OIT, qui est la principale source de statistiques internationales dans le monde du travail », a expliqué Mme Cattaert. Toutefois, des défis persistent dans la collecte des données liées à la protection sociale, à l’emploi des jeunes et au travail des migrants, et d’une manière générale pour réunir des statistiques dans les pays les plus pauvres ou en développement. Sur la protection sociale, le manque de données ventilées par âge, sexe et groupes vulnérables représente un obstacle majeur, a noté l’observatrice. Elle a ensuite observé qu’investir dans la collecte de données relatives à l’emploi était une priorité pour tous les pays, avant de dire que l’OIT est en train d’élaborer une méthodologie pour mesurer les coûts de recrutement des migrants et ventiler les données pertinentes.
La représentante d’International Committee of Nurses a expliqué que l’enregistrement des naissances et des décès entre dans les fonctions des infirmiers, en soulignant la nécessité dans ce cadre de respecter la vie privée des personnes. Elle a donc appelé à stocker les données personnelles dans le respect des lois nationales, à doter le personnel infirmier de méthodes modernes d’enregistrement des données et à respecter les codes de déontologie et le caractère privé des données. Elle s’est en effet inquiétée des risques d’utilisation des données sans le consentement des personnes. Par ailleurs, elle a fait remarquer que les infirmiers sont en première ligne pour les soins de santé dans les contextes de guerre, tout en prévenant qu’il y avait une pénurie de personnel.
Une représentante du Grand groupe des jeunes, de la société civile kenyane, parlant au nom de 65 organisations de jeunes du monde entier, a attiré l’attention sur l’importance des données en matière de santé sexuelle et procréative. Elle a souligné la nécessité de recueillir les données de manière confidentielle lesquelles doivent être ventilées et recueillies tous les deux ans pour être utilement mises à jour. Cela permettrait de placer les jeunes au cœur des efforts de développement durable, a-t-elle argué. Si nos droits à la santé sexuelle et génésique sont respectés, nous pourrons vivre une vie heureuse et contribuer utilement au développement, a-t-elle dit.
Droits de réponse
La représentante de l’Arménie a condamné l’offensive militaire de grande envergure lancée il y a deux jours par l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabach, ainsi que les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Elle a dénoncé le pilonnage aveugle des civils qui a tué, entre autres, un garçon de 2 ans. Des soldats ont torturé, mutilé et tué trois membres d’une même famille, a-t-elle dit, citant le Comité international de la Croix Rouge. Elle a rappelé que son pays a demandé un médiateur pour enquêter sur ces pratiques, ce que l’Azerbaïdjan refuse, un pays qu’elle a jugé responsable d’une campagne de nettoyage ethnique.
Son homologue de l’Azerbaïdjan a rétorqué que l’Arménie faisait preuve d’irresponsabilité morale et juridique. Le 2 avril 2016, a-t-elle dit, des armes ont été utilisées contre les Forces armées azerbaidjanaises le long de la ligne de contact, causant des morts et des blessés parmi les civils. C’est dans ce contexte, a-t-elle expliqué, que les Forces armées de mon pays ont pris les mesures qui s’imposaient pour assurer la protection de la population civile. La représentante a rappelé la multiplication des actions que l’Arménie a prises ces dernières années, faisant monter la tension et causant le déplacement de milliers de personnes. Le Haut Karabach fait partie intégrante de l’Azerbaïdjan, a affirmé la représentante avant de dénoncer le fait que l’Arménie s’oppose à toutes les propositions contrairement à l’Azerbaïdjan qui souhaite un règlement politique du conflit.
Reprenant brièvement la parole, la représentante de l’Arménie a rappelé avoir demandé un mécanisme d’enquête et a voulu savoir si l’Azerbaïdjan acceptait cette proposition.
Table ronde sur le thème « Utilisation de la base de données démographiques pour l’élaboration de politiques et la planification de programme et la veille »
La table ronde qui a réuni le Directeur en charge des données pour le développement et la stratégie nationale sur le numérique, M. Eduardo Clark, la Présidente-Directrice générale de l’Institut Guttmacher, Mme Ann Starrs et le Chef de la planification des secteurs social et de la population à l’Autorité nationale de planification de l’Ouganda, M. John SSekamatte, a permis d’insister sur l’accès à des données « justes » et fiables.
À ce propos, le Chef du laboratoire de données démographiques de l’Institut Max Planck de recherches démographiques de Rostock, M. Vladimir Shkolnikov, a parlé de la Base de données sur la mortalité (HMD) et de celle sur la fertilité (HFD) qui ont permis de corriger les chiffres dans les pays développés. Faire des estimations et des projections sur la population, la fertilité, la mortalité et la migration dans chaque pays du monde est une « tâche gigantesque » à laquelle s’attèle la Division de la population de l’ONU dont le travail est compliqué par des données démographiques qui ne sont pas toujours disponibles et qui sont bien souvent de mauvaise qualité.
La priorité, a estimé l’expert, est donc de reconstituer une base de données à partir de sources multiples même si la question est de savoir si les processus démographiques mondiaux convergent vers un régime démographique unique. Si à long terme, tout tend vers une convergence, « les surprises démographiques » font que bien souvent les spécialistes sont contraints de faire des estimations et des projections pour le moins incertaines. L’expert a donné pour exemple le fait que l’on s’attendait à ce que la transition démographique conduise partout à des taux de fertilité avoisinant le seuil de remplacement. Or, la réalité est que dans beaucoup de pays développés, le taux de fertilité est tombé en deçà alors qu’en Afrique la baisse de taux a été très minime par rapport aux taux initiaux très élevés.
Ce genre de « surprises démographiques » montre la nécessité de sources plus sophistiquées de données qui permettent des analyses plus fiables et plus détaillées et c’est là qu’interviennent les bases de données sur la mortalité et la fertilité -HDM et HFDD- dans les pays développés. Le caractère détaillé et la cohérence des données qu’offrent ces bases et la large échelle des âges qu’elles couvrent permettent un suivi optimal et une étude approfondie de la longévité, du vieillissement et des processus qui conduisent les pays à aller en-deçà des seuils de remplacement. Les HDM et HFD, s’est réjoui l’expert, apportent une valeur ajoutée aux données brutes collectées jusqu’ici et difficilement comparables au fil du temps. Ces bases de données ont d’ailleurs permis de corriger les chiffres des plus de 80 ans en Europe qui étaient largement surestimés et de savoir avec plus de précisions les maladies qui les affectent.
Pour revenir à la baisse minime des taux de fertilité en Afrique, la Présidente-Directrice générale de l’Institut Guttmacher a par exemple invoqué une étude dans laquelle les femmes évoquent trois obstacles au recours aux méthodes modernes de contraception: la crainte des effets secondaires, la pression familiale et les doutes sur l’efficacité du contraceptif. Le Chef de la planification des secteurs social et de la population à l’Autorité nationale de planification de l’Ouganda a quant à lui parlé d’une étude qui montre que les adolescents sont sexuellement actifs dès l’âge de 15 ans. S’agissant de l’enregistrement des naissances qui ne dépassait pas 10%, il a expliqué qu’avec l’explosion de la téléphonie mobile même dans les zones les plus reculées du pays, le Gouvernement a eu l’idée de créer un logiciel avec lequel les chefs de village enregistrent les naissances sur leurs téléphones et envoient les données dans les districts. En conséquence, le taux d’enregistrement est passé de 10% à 60%. La téléphonie mobile a aussi servis à mettre en place la politique régionale de prévention du VIH/sida.
Il revient maintenant aux instances publiques, principales utilisatrices des données, de les rendre accessibles au public, a commenté le Directeur en charge des données pour le développement et la stratégie nationale sur le numérique. Quant au renforcement des capacités statistiques nationales, le représentant des États-Unis a estimé qu’il faut d’abord que les responsables des pays en développement s’imprègnent de l’importance des données pour l’avancement socioéconomique de leur pays, avant d’accéder à des programmes de renforcement des capacités. La transformation des mentalités doit se faire au niveau local là où on a plus besoin des données, a dit le représentant de Cuba.