En cours au Siège de l'ONU

AG/J/3467

Le Président de la Commission du droit international (CDI) souligne l’importance du Guide de la pratique sur les réserves aux traités

30/10/2013
Assemblée généraleAG/J/3467
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Sixième Commission

19e et 20e séances – matin et après-midi


LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (CDI) SOULIGNE

L’IMPORTANCE DU GUIDE DE LA PRATIQUE SUR LES RÉSERVES AUX TRAITÉS


Fin du débat sur les « accords et pratique liés à l’interprétation des traités »

 et sur l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État  »


En ouverture de son débat sur les réserves aux traités, la Sixième Commission (chargée des questions juridiques) a entendu le Président de la Commission du droit international (CDI), M. Bernd H. Niehaus, qui a présenté les travaux sur les réserves aux traités. 


L’adoption du Guide de la pratique des réserves aux traités par la CDI a été l’aboutissement d’un travail qui a duré 17 années, sous la direction du Rapporteur spécial, M. Alain Pellet, a-t-il souligné.  À la suite de l’ouragan Sandy l’an dernier, a-t-il rappelé, les activités des Nations Unies avaient été suspendues pendant plusieurs jours, empêchant ainsi la Sixième Commission d’examiner le Guide de la pratique sur les réserves aux traités, dont le but est de fournir une aide aux praticiens du droit international qui pourraient être confrontés à des déclarations interprétatives.  M. Pellet, qui avait été invité, aujourd’hui, à prendre la parole, a insisté sur le fait que le Guide de la pratique est un ensemble constitué de 179 directives, assorties de commentaires, qu’il a considérées comme étant indissociables.  « Le Guide de la pratique n’est pas un ensemble de recettes de cuisine, mais plutôt une boîte à outils dans laquelle les praticiens, diplomates, juges ou avocats, peuvent puiser des informations leur indiquant la voie à suivre. » 


De nombreux États, dont les États-Unis et le Portugal, ont insisté sur le fait que le Guide de la pratique ne vise ni à remplacer, ni à amender la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  Les délégations des États-Unis et du Japon, tout en saluant la qualité du travail réalisé dans ce domaine, ont estimé qu’en certains points, le Guide de la pratique sur les réserves aux traités allait au-delà de ce qui pouvait être considéré comme étant la pratique des États.  La plupart des délégations ont salué les propositions visant à créer un observatoire en matière de réserves au sein de la Sixième Commission, qui pourrait également être établi aux niveaux régional et sous-régional en s’inspirant du Comité ad hoc des Conseillers juridiques sur le droit international public du Conseil de l’Europe (CAHDI), et un mécanisme d’assistance. 


« Nous devons veiller à ce que le régime des traités ne soit pas affaibli par les réserves », ont insisté les pays nordiques, qui s’exprimaient par la voix de la Suède.  Sur ce dernier point, plusieurs délégations ont estimé qu’il était nécessaire de s’assurer, au préalable, que de tels mécanismes ne fassent pas double emploi avec d’autres outils.  Celle du Portugal a estimé que les spécificités du mécanisme et sa raison d’être par rapport aux procédures existantes de règlement des différends devraient être précisées.


La Rapporteuse spéciale sur l’immunité de juridiction pénale étrangèredes représentants de l’État, Mme Concepción Escobar Hernandez, dans des remarques de clôture du débat sur ce thème, s’est félicitée des échanges constructifs avec les membres de la Sixième Commission.  Notant que plusieurs délégations avaient proposé de définir plus précisément le terme de « fonctionnaire », elle a assuré que son prochain rapport en tiendra compte.  La définition de cette notion est directement liée à la nature des actes officiels car, a-t-elle précisé, ce sont les seuls à être couverts par l’immunité ratione materiae. 


Si le délégué de la Thaïlande a fait observer que les législations nationales donnaient une définition différente de la notion de « représentant de l’État », son homologue d’Israël a estimé que la notion de juridiction pénale devrait s’entendre comme incluant tout acte d’autorité qui pourrait entraver l’accomplissement des actes officiels d’un représentant de l’État, et toute mesure qui lui impose des restrictions.  Comme l’avait souligné la Cour internationale de Justice (CIJ), cela inclut également des actes qui exposent le représentant de l’État au risque d’être soumis à des procédures judiciaires. 


Le délégué de la Chine a, de son côté, assuré que son pays ne s’opposait pas à ce que soit accordée cette immunité à d’autres fonctionnaires que ceux de la « troïka ».  De l’avis de sa délégation, les arrêts de la CIJ Mandat d’arrêt et Djibouti c. France, ainsi qu’une pratique croissante des États, avaient montré qu’il était possible de ne pas limiter cette immunité aux seuls chefs d’État, chefs de gouvernement et ministres des affaires étrangères.  Pour sa part, le représentant de la République islamique d’Iran a encouragé à envisager la création de mécanismes visant à étendre cette immunité à d’autres représentants de l’État afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs fonctions lors d’un déplacement à l’étranger.


Le Rapporteur spécial pour la question des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, M. Georg Nolte, a salué la qualité du débat sur ce thème au sein de la Sixième Commission.  La représentante de la Fédération de Russie a prôné une approche fondée sur le pragmatisme et la prudence afin de ne pas modifier plus que de mesure l’intention des rédacteurs du traité considéré.  Elle a notamment déclaré qu’il revenait aux États eux-mêmes de déterminer ce qui constitue une pratique ultérieure.  La République islamique d’Iran a estimé que des États pouvaient modifier leur interprétation et l’application qu’ils font d’un traité en raison de pressions ou de l’influence de tels acteurs non étatiques.  Ces répercussions ne peuvent en aucun cas changer le sens d’un traité à l’égard de l’ensemble des États l’ayant ratifié. 


La Sixième Commission a par ailleurs entendu le représentant du Canada, M. Giles Norman, qui a présenté, au nom des coauteurs, le projet de résolution intitulé « Mesures visant à éliminer le terrorisme international ».  Elle se prononcera sur ce texte à une date ultérieure.


Elle poursuivra son examen du rapport annuel de la Commission du droit international, vendredi 1er novembre, à 10 heures.


*     A/C.6/68/L.13


RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SES SOIXANTE-TROISIÈME ET SOIXANTE-CINQUIÈME SESSIONS((A/66/10, A/66/10/Add.1 et A/68/10)


Déclarations


M. ANDREA TIRITICCO (Italie) a approuvé les restrictions imposées à l’examen de la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ».  Il s’est félicité des cinq premiers projets de conclusions adoptés par la CDI, en précisant qu’elles répondaient à l’objectif général de proposer une solution plus efficace et précise en la matière.  Il a estimé cependant que l’expression « moyens d’interprétation authentiques », qui recouvre un élément factuel est un complément approprié de l’article 31, paragraphe 3, lettre (a) et (b) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.


En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le délégué de l’Italie s’est félicité du contenu des trois projets d’articles qui ont été adoptés par la CDI.  «°Nous sommes confiants dans le fait que, lorsque le temps approprié sera venu, la Commission se penchera sur la question de l’immunité des forces militaires d’une manière globale et prendra en compte les divers aspects de cette question°».  Le représentant a noté que la portée de l’immunité ratione personae était traitée dans le projet d’article 4.  En vertu de ce texte, a-t-il dit, l’immunité couvre également toutes les activités menées par les représentants de l’État, tant à titre privé ou à titre officiel, non seulement au cours de leur mandat, mais aussi antérieurement.  Nous comprenons que l’immunité ne s’appliquerait que si la juridiction d’un État tiers était exercée pendant l’exercice du mandat des représentants concernés, a-t-il noté.  Le représentant a félicité la «°Rapporteuse spéciale pour son travail remarquable°».


Tout en se félicitant que la CDI ait inscrit à son ordre du jour les questions de la « Protection de l’environnement en cas de conflit armée » et de la « Protection de l’atmosphère », le représentant a estimé que la Commission ne devrait pas s’engager dans l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant mais envisager plutôt l’adoption d’une déclaration sur les articles proposés.


M. RICHARD SARKOWICZ (Pologne) a estimé qu’en matière d’accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, il était regrettable que la Commission du droit international ne prenne en compte les décisions des organisations internationales.  Il a souligné, à ce titre, que la Cour internationale de justice (CIJ) avait passé en revue les décisions nationales dans le jugement de plusieurs affaires liées à l’interprétation de traités internationaux.  Il a cependant soutenu l’approche adoptée par la Commission selon laquelle l’interprétation des traités ne devrait pas différer en fonction de la nature du traité considéré.  Par ailleurs, il a affirmé qu’il pouvait être préjudiciable de qualifier de non contraignants les « accords ultérieurs entre les parties concernant l’interprétation d’un traité ou l’application de ses clauses ».  Une telle qualification serait, selon lui, de nature à vider certains accords ultérieurs de leur substance et de leur valeur.


Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant a estimé que la définition donnée au terme de « juridiction pénale » par le Rapporteur spécial était trop restrictive et trop vague à la fois.  Il a en effet précisé que, dans certains pays, les délits pouvaient être jugés par des institutions autres que des tribunaux.  Il a ainsi appelé la CDI à se pencher davantage sur la définition de juridiction pénale afin de ne pas exclure des procédures susceptibles de concerner les représentants de l’État bénéficiaires de l’immunité de juridiction pénale étrangère.  Il a également abordé la question des personnes pouvant bénéficier de cette immunité.  De l’avis de M. Sarkowicz, une immunité réservée à la « troïka », à savoir les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, pourrait remettre en cause l’immunité des États et constituer un obstacle à la coopération internationale.  Dans ce cadre, il a préconisé de poursuivre l’étude du droit coutumier de manière approfondie afin d’identifier les décisions qui pointeraient vers la nécessité d’élargir cette immunité à d’autres représentants de l’État.


Mme NEERU CHADHA (Inde) a déclaré que sa délégation approuvait les observations sur les dispositions des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités qui soulignent qu’elles établissent le droit international coutumier en ce qui concerne les accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  La pratique qui en découle doit être considérée comme un authentique moyen d’interprétation qui peut être pris en compte en interprétant les termes utilisés par les dispositions des traités, mais ne peut être considéré comme juridiquement contraignant, sauf si les parties tombent d’accord.


En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le délégué a noté qu’en ce qui concerne l’immunité ratione personae, il est universellement accepté que les personnes bénéficiant de l’immunité de juridiction pénale au plus haut niveau de l’État sont celles qui composent la troïka, en vertu de leur fonction de représentation.  « Nous considérons que quelques autres représentants, comme le ministre de la défense ou le ministre du commerce international pourraient être considérés comme bénéficiant aussi de cette immunité ».  « Nous demandons instamment à la Rapporteuse spéciale de collecter les informations sur la pratique des États concernant cette question ».  Il a en outre salué l’inclusion des nouveaux thèmes intitulés « Protection de l’environnement en relation avec les conflits armés » et « Protection de l’atmosphère » dans le programme de travail de la CDI.


M. NORACHIT SINHASENI (Thaïlande), s’exprimant tout d’abord sur le thème des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », a estimé qu’un « accord subséquent » doit être une authentique expression de la volonté des parties.  Le représentant a demandé aussi que la mention « les paragraphes 2 et 3 du projet de conclusion 4 », l’utilisation du mot « conduite » nécessite une clarification.  Il a aussi estimé que dans le projet de conclusion 5 sur l’attribution aux parties subséquentes, le rôle des acteurs non étatiques mérite aussi d’être défini par un critère plus clair.


En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant a indiqué que son pays, qui est partie à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, garantit l’immunité de juridiction pénale aux personnes visées par ces deux Conventions.  Il a également indiqué que les législations nationales donnaient une définition différente de la notion de « représentant de l’État ».  « Ma délégation partage les vues selon lesquelles l’immunité dont jouissent les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, telle que stipulée dans le projet d’article 3, n’est pas un sujet de discussion, car, a-t-il rappelé, cette immunité avait été reconnue par la Cour internationale de Justice, au regard de leur situation particulière ».


Mme ONESIS BOLAÑO PRADA (Cuba) s’est tout d’abord exprimée sur la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ».  Elle a estimé que les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités devraient être examinés conjointement et a insisté sur la nécessité de préserver le régime établi par la Convention de Vienne dans la mesure où les règles énoncées par les articles 31 et 32 sont applicables à titre de droit international coutumier.  L’interprétation doit en outre être évolutive et ne pas privilégier un moyen d’interprétation au détriment d’un autre, a-t-elle prévenu.  Par ailleurs, elle a souligné qu’il était impossible d’étudier l’interprétation des traités sans tenir compte de l’intention des rédacteurs.


La représentante de Cuba a également insisté sur l’importance de la question de l’immunité de juridiction pénale des représentants de l’État et a appelé, à cet égard, à ne pas remettre en cause la souveraineté de l’État.  La CDI doit codifier les normes existantes afin de ne pas inclure dans le droit international coutumier des exceptions à cette immunité.  Au sujet des représentants de l’État concernés par cette immunité, Cuba estime que la Commission du droit international devrait tenir compte de la liste de représentants bénéficiant d’une immunité en vertu du droit interne des États.  Le droit cubain, a-t-elle précisé, lève cette immunité en cas de violation du droit pénal et c’est pourquoi, sa délégation ne souhaite pas que le régime de l’immunité soit modifié. 


S’agissant de la question de la « Formation et de l’identification du droit international coutumier », la représentante a attiré l’attention sur l’article 38-1 du Statut de la Cour internationale de Justice qui établit les sources du droit international et fait de la coutume une source du droit.  Selon elle, la pratique des États et l’opinion juris cive necessitatis doivent contribuer à la formation et à l’identification du droit international.


Mme SARAH KHLILAH RAHMAN (Malaisie) s’est félicitée du projet de conclusion 1 sur la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », élaboré par la CDI, qui établit les règles générales et moyens d’interprétation des traités.  Elle s’est également félicitée de la formulation du projet de conclusion 2, relatif aux accords ultérieurs et la pratique ultérieure en tant que moyens d’interprétation authentiques, qui vise à mettre en place les aspects généraux du cadre juridique pour l’interprétation des traités, contenues dans la Convention de Vienne de 1969.  En ce qui concerne le projet de conclusion sur l’interprétation des termes d’un traité comme susceptibles d’évolution dans le temps, la Malaisie estime qu’il faudrait faire preuve de prudence pour déterminer l’intention présumée des parties lors de la conclusion d’un traité.


Par ailleurs, la représentante a noté que son pays avait suivi, de près, les travaux de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État depuis l’inscription de ce thème à son programme de travail en 2006.  La CDI, a-t-elle estimé, devrait se concentrer sur les immunités accordées par le droit international, en particulier par le droit international coutumier, et non pas par le droit national.  Elle s’est dite préoccupée par l’utilisation de l’expression « certains représentants de l’État » dans le projet d’article 1 élaboré par la CDI.  « Tous les représentants de l’état devraient être couverts par cette définition », a-t-elle considéré.


Mme RIVKA TOPF-MAZEH (Israël) a déclaré qu’en ce qui concerne la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », son pays soutenait l’approche selon laquelle une conduite peut être attribuée à un État partie lorsqu’elle est suivie ou acceptée par les organes de l’État partie qui sont considérés tant au plan national qu’international comme responsables de l’application du traité.  Par ailleurs, en ce qui concerne la pratique d’autres acteurs, Israël estime que la fiabilité des organisations internationales ou non gouvernementales devrait être évaluée avec prudence avant que leur pratique soit effectivement prise en compte. 


S’agissant de la question de l’« Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », Israël estime que la notion de juridiction pénale doit s’entendre comme incluant tout acte d’autorité qui pourrait entraver l’accomplissement des actes officiels d’un représentant de l’État, et toute mesure qui lui impose des restrictions.  Comme l’avait souligné la Cour internationale de justice (CIJ), ceci inclut des actes qui exposent le représentant de l’État au risque d’être soumis à des procédures judiciaires.  L’arrêt de la CIJ dans l’affaire relative au Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (RDC c. Belgique) est considéré en général comme définissant l’étendue des immunités ratione personae aux termes du droit international coutumier. 


Ainsi, le groupe de hauts représentants de l’État bénéficiant de cette immunité n’est pas limité à la troïka.  L’étude de la CDI ne devrait donc pas être formulée de manière à laisser la voie ouverte à une interprétation limitative de l’immunité ratione personae en vertu du droit international coutumier.  L’approche de la CDI ne reflètera pas seulement le droit international coutumier actuel, mais prendra également en compte l’évolution de la conduite des relations internationales, domaine dans lequel de hauts responsables étatiques autres que ceux de la « troïka » représentent leur pays dans des forums internationaux et ont souvent besoin de voyager à l’étranger pour accomplir leurs fonctions, a souligné la représentante d’Israël.


Mme MARIA V. ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a estimé qu’en matière d’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », la Commission du droit international devrait adopter une approche de codification en ce qui concerne les normes existantes du droit international ainsi qu’une approche progressive en ce qui concerne les aspects demeurant en suspens.  Elle a en outre estimé qu’une distinction devrait être maintenue entre les questions de juridiction internationale et de juridiction pénale étrangère.  Cette dernière est, de l’avis de la délégation russe, liée à la souveraineté de l’État et ne peut être levée qu’avec le consentement de l’État dont le représentant est visé par des poursuites.  La juridiction internationale est, de manière générale, reconnue par les États à travers leur adhésion à un traité international.  Elle a également réaffirmé que l’immunité de juridiction pénale étrangère ne pouvait se traduire par une exemption de la responsabilité des représentants de l’État.


Toutefois, elle a noté que dans l’affaire Immunités juridictionnelles de l’État: Allemagne c. Italie; Grèce (intervenant), arrêt du 3 février 2012, la Cour internationale de Justice avait estimé que l’absence de moyen alternatif de réparation d’un préjudice ne devrait pas faire obstacle à l’exercice de cette immunité.  Elle a par ailleurs fait siennes les approches défendues par la CIJ dans l’affaire relative au « Mandat d’arrêt (RDC c. Belgique) et l’affaire concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France) selon lesquelles cette immunité n’était pas exclusivement réservée aux représentants dits de la « troïka ».  Elle a également mentionné l’immunité accordée, par le Royaume-Uni, à un ministre de la défense étranger. 


En matière d’accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, la représentante a prôné une approche fondée sur le pragmatisme et la prudence afin de ne pas modifier plus que de mesure l’intention des rédacteurs du traité considéré.  Elle a notamment estimé qu’il revenait aux États eux-mêmes de déterminer ce qui constitue une pratique ultérieure.  Sa délégation regrette que la CDI n’ait pas intégré l’article 33 de la Convention de Vienne de 1969 dans ses travaux.  Cet article touchant aux difficultés potentielles d’interprétation naissant de la traduction des traités en plusieurs langues est important dans la mesure où les parties à un traité peuvent lever des ambigüités linguistiques par le biais d’un accord ou d’une pratique ultérieure, tombant ainsi dans le champ de l’article 31 de la même Convention de Vienne sur le droit des traités, a souligné la représentante. 


Elle a par ailleurs exprimé les doutes de son pays sur la nécessité d’inclure la question de la « Protection de l’atmosphère » dans les travaux de la Commission dans la mesure où ces travaux feraient d’une part double emploi avec les travaux menés dans un autre cadre et se heurteraient d’autre part à la difficulté de codifier une branche du droit international en pleine évolution et étroitement liée à des considérations techniques.


M. HUANG HUIKANG, Directeur général du département des traités et du droit au sein du Ministère des affaires étrangères de la Chine, a salué les progrès réalisés par la Commission du droit international, tout en espérant qu’elle poursuive la rationalisation engagée de ses travaux.  Il a également encouragé la CDI à traiter de sujets d’une grande technicité avec prudence et à poursuivre son œuvre de codification du droit international.  Il a aussi abordé la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Il a estimé que le Rapporteur spécial chargé de cette question était parvenu à définir le champ d’application en tant qu’immunité des représentants de l’État vis-à-vis de la juridiction d’un autre État, excluant ainsi l’immunité des représentants de l’État devant les tribunaux pénaux internationaux.  Il a en outre affirmé que son pays ne s’opposait pas à ce que soit accordée cette immunité à d’autres fonctionnaires que ceux de la troïka.  De l’avis de sa délégation, les arrêts de la Cour internationale de Justice Mandats d’arrêt et Djibouti c. France, ainsi qu’une pratique croissante des États avaient montré qu’il était possible de ne pas limiter cette immunité aux seuls chefs d’État, chefs de gouvernement et ministres des affaires étrangères.


M. OCTAVINO ALIMUDDIN (Indonésie) a soutenu l’approche de la Commission du droit international selon laquelle l’interprétation des traités constituait une seule opération complexe.  Il a également estimé que les pratiques ultérieures pourraient permettre de modifier le sens à donner à un terme d’un traité, tout en préconisant de faire preuve de prudence en la matière afin de ne pas aller au-delà de l’intention des rédacteurs du traité en question.  À cet égard, il a exprimé l’opposition de son pays à ce que soit modifié l’esprit des rédacteurs du traité.  L’Indonésie, a-t-il réaffirmé, estime qu’il est nécessaire de formaliser toute modification par un accord exprès en cas d’accord ultérieur et par un accord tacite en cas de pratique ultérieure. 


En matière d’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant a soutenu que seuls les représentants de la «°troïka°» devraient en bénéficier.  Pour sa délégation, ni le droit international, ni une pratique suffisante ne peuvent justifier d’étendre cette immunité à d’autres représentants de l’État.  Le représentant a par ailleurs estimé qu’il était préférable de limiter l’immunité des membres de la « troïka » aux actes réalisés pendant leur mandat et d’exclure ainsi les actes réalisés avant leur entrée en fonction.  Il a enfin soutenu l’inclusion de la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés dans le programme de travail de la CDI.


M. HOSSEIN GHARIBI (République islamique d’Iran) a en premier lieu abordé la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ».  Il a estimé que la Commission avait eu tendance à se pencher de plus en plus sur le thème de l’interprétation des traités au détriment de la question fixée initialement.  Pour sa délégation, la CDI devrait examiner les raisons ayant poussé les États parties à un traité à modifier le sens original d’un des termes du traité.  Ces raisons expliquent ce qui constitue la pratique ultérieure à proprement dit.  Le représentant a également abordé la question des acteurs non étatiques et leur influence dans la formation des accords et pratique ultérieurs.  Il a rappelé que des États pouvaient modifier leur interprétation et l’application qu’ils font d’un traité en raison de pressions ou de l’influence de tels acteurs.  Ces répercussions ne peuvent en aucun cas changer le sens d’un traité à l’égard de l’ensemble des États l’ayant ratifié. 


En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Gharibi a rappelé que les membres de la « troïka », à savoir les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, sont de par leurs fonctions amenés à représenter leur État et doivent de ce fait être couverts par cette immunité.  Cependant, de plus en plus fréquemment, des fonctionnaires ne faisant pas partie de cette « troïka » représentent leur pays dans le cadre de réunions internationales.  Le délégué a, à cet égard, encouragé à envisager des mécanismes permettant d’étendre cette immunité à cette catégorie de représentants de l’État afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs fonctions lors d’un déplacement à l’étranger.


M. OCH OD (Mongolie) a salué le travail du Rapporteur spécial sur les « Accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ».  La Mongolie, a-t-il dit, prend note de la souplesse manifestée par les tribunaux et cours internationaux dans l’interprétation des traités à la lumière de la pratique ultérieure.  Sa délégation, a-t-il ajouté, estime que les projets d’articles à venir devraient pouvoir servir de guide utile à l’interprétation de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités et que les projets de conclusions élaborés par la CDI ne devraient pas s’éloigner des règles générales de cette Convention. 


Concernant la question importante et complexe de l’«°immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », le représentant a indiqué que la Mongolie soutenait une approche prudente qui tienne compte de la nécessaire lutte contre l’impunité et du principe de compétence universelle.  Par ailleurs, la Mongolie appuie l’inclusion au titre des travaux futurs de la CDI du thème « crimes contre l’humanité », a-t-il ajouté.


Sa délégation attache une grande importance aux travaux de la Commission du droit international et se félicite du dialogue interactif que la CDI établit avec la Sixième Commission.  Le représentant a salué les efforts de la CDI pour améliorer ses méthodes de travail et sa coopération avec les organes des Nations Unies, les États Membres et les institutions  internationales, régionales et sous-régionales.  Il s’est, en particulier, félicité de sa contribution à la formation des États Membres par le biais du traditionnel séminaire annuel de droit international de Genève et la publication de l’annuaire de la CDI.  La Mongolie est disposée à renforcer sa coopération avec la CDI, notamment sur les points qui sont d’intérêt pour elle, a assuré son représentant.


Mme JULIA O’BRIEN (Australie) a déclaré que le premier rapport du Rapporteur spécial sur les«  Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités » était d’une grande utilité, en assurant que sa délégation avait pris note de l’adoption provisoire par la CDI des cinq projets de conclusion et des commentaires qui y sont associés.  L’Australie encourage la Commission du droit international à étudier, dans la suite de ses travaux sur ce thème, les exigences procédurales pour l’adoption de « résolutions interprétatives ».  Un tel examen serait fort utile, compte tenu des positions divergentes sur cette question.


L’Australie insiste par ailleurs sur le caractère procédural de l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État » et souligne que cette question ne doit pas être confondue avec l’impunité, a indiqué sa représentante.  De ce fait, l’Australie est encouragée par les efforts de la CDI pour trouver un juste équilibre pour limiter la portée et la durée de l’immunité personnelle.  Un tel équilibre sera fondamental dans la suite des travaux de la CDI tant sur l’immunité ratione personae que l’immunité ratione materiae.  L’Australie prend note des divergences de points de vue exprimés par les États Membres sur les catégories de représentants de l’État qui doivent bénéficier de l’immunitéjuridiction pénale étrangère et se félicite de la décision de la Commission d’étudier ultérieurement le terme « représentant » et la notion d’actes « effectués dans le cadre d’une fonction officielle ».  Compte tenu de la sensibilité politique du thème étudié, la CDI devrait établir un équilibre entre la protection conférée par l’immunité de juridiction pénale et la lutte contre l’impunité pour les crimes et les violations des droits de l’homme les plus graves ainsi qu’entre responsabilité de l’État et immunité.  La CDI devrait aussi examiner avec soin et, comme un point d’interprétation des traités, la question de la levée explicite ou implicite de l’immunité, notamment à la lumière des interprétations de certaines dispositions des Conventions des droits de l’homme, considérées comme impliquant la levée des immunités, a estimé la représentante avant de conclure.


M. GEORG NOLTE, Rapporteur Spécial sur la question «°des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités°» est venu conclure les débats qui ont eu lieu sur le thème.  Se félicitant de la qualité des interventions faites par les délégations, constructives et positives, il a souligné que la décision de modifier le format des questions abordées avait été une bonne décision.


Il a reconnu que la question n’est pas de changer les règles de la Convention de Vienne, mais de savoir comment les élaborer.  «°Il est aussi vrai que les cinq projets de conclusions sont d’une nature plutôt générale.°»  Des conclusions plus précises devraient suivre, en particulier en ce qui concerne le rôle de la pratique des organisations internationales ainsi que sur la question des conditions sous lesquelles un accord sur l’interprétation des provisions des traités est établi par la pratique.  En conclusion, M. Nolte a estimé que les procédures sur ces débats ne doivent pas être seulement réactives, mais doivent aussi servir de guide pour les délibérations à venir.  «°Ils donnent aux Rapporteurs spéciaux et à la Commission des directions générales qu’ils essaient de traduire ensuite dans des textes.°»  Nos débats sont la base de nos travaux futurs.


Mme CONCEPCIÓN ESCOBAR HERNÁNDEZ, Rapporteuse spécialesur l’immunité de juridiction pénale étrangèredes représentants de l’État, a noté que les débats ont montré à quel point il est important d’être en interréaction permanente entre la CDI et la Sixième Commission.  Elle s’est félicitée que la distinction entre immunité ratione personae et ratione materiae a été accepté par l’ensemble des délégations.  Elle a aussi noté que ces deux notions présentent des similitudes.  «°Ces deux notions doivent bénéficier d’un traitement horizontal°».  Cependant, cela ne doit pas empêcher que les personnes qui occupent les plus hautes fonctions au sein de l’État (chef de l’État, chef de gouvernement et ministre des affaires étrangères) et la position qu’occupent les autres représentants de l’État soit différente eu égard aux relations internationales et qu’en conséquence, ils doivent être soumis à des régimes différents de l’immunité de juridiction pénale étrangère.


La Rapporteuse spéciale a pris note que plusieurs délégations ont proposé de définir plus précisément le thème de fonctionnaire. «°Je partage pleinement cette préoccupation et je me propose d’aborder cette question dans mon prochain rapport°».  La définition de ce concept est directement liée à la question des actes officiels, car ce sont les seuls à être couverts par l’immunité ratione materiae, une question qu’elle abordera aussi dans son prochain rapport.  Elle s’est félicitée que les délégations aient accepté que l’immunité ratione personae soit limitée aux personnes composant la “°troïka”° et que cette proposition n’ait rencontrée aucune objection.  En outre, elle a abordé brièvement sa position sur les limites et les exceptions à l’immunité de juridiction pénale.  La question a été posée par de nombreuses délégations eu égard aux crimes internationaux et la lutte contre l’impunité et la nécessité de tenir compte de l’évolution des grandes tendances du droit international.  «°Je prends bonne note de cette préoccupation que j’aborderai dans le futur°.»


«°Mon prochain rapport portera sur l’analyse de l’immunité ratione materiae et j’attends avec impatience le retour des délégations sur ce thème°», a-t-elle déclaré en conclusion.


M. BERND H. NIEHAUS, Président de la Commission du droit international (CDI), a présenté le chapitre du rapport de la CDI consacré aux réserves aux traités.  L’adoption du Guide de la pratique des réserves aux traités a constitué l’aboutissement d’un travail de longue haleine qui a duré 17 années, sous la direction du Rapporteur spécial, M. Alain Pellet.  L’an dernier, à la suite de l’ouragan Sandy qui avait frappé la côte est des États-Unis, la Sixième Commission n’avait pu examiner le Guide élaboré par la CDI.  Cependant, M. Maurice Kamto, du Cameroun, qui présidait la CDI, avait fourni à la Sixième Commission une présentation des éléments essentiels du Guide, dont l’objectif est de fournir une aide aux praticiens du droit international qui seraient confrontés à des déclarations impératives.


La première partie du document porte sur les définitions, notamment celles de «°réserves°» et de «°déclarations interprétatives conditionnelles°».  La deuxième partie du Guide concerne la forme et la procédure à suivre en matière de réserves et déclarations interprétatives, de retrait ou de modifications de celles ci et de réactions les unes aux autres.  La troisième partie porte sur la validité substantielle des réserves et des déclarations interprétatives et énonce les critères permettant d’apprécier cette validité.  M. Niehaus a attiré l’attention de la Sixième Commission sur la nouvelle formulation de la directives 3.1.5.6 intitulée «°Réserves aux traités contenant de nombreux droits et obligations interdépendants°», ce qui évite toute référence aux traités généraux des droits de l’homme et vise à la détermination de la compatibilité d’une réserve avec l’objet et le but d’un traité, et de l’interdépendance pouvant exister entre de nombreux droits et obligations contenus dans un traité. 


La quatrième partie du Guide a trait aux effets juridiques des réserves, des objections aux réserves et des déclarations interprétatives.  Elle repose sur une distinction fondamentale entre les réserves valides et les réserves invalides, c’est-à-dire, une réserve qui ne respecte pas les conditions de validité formelle et substantielle énoncées.  La cinquième partie concerne la question des réserves, acceptations et objections aux réserves et déclarations interprétatives en cas de succession d’États.  Il convient ici de rappeler, a-t-il dit, que l’article 20 de la Convention de Vienne de 1978 relative à la succession d’États en matière de traités est la seule disposition à aborder la question des réserves en relation avec la succession à un traité, qui vise uniquement les États nouvellement indépendants.


Outre le Guide de la pratique, la Commission a adopté en 2011 une recommandation adressée à l’Assemblée générale concernant les mécanismes d’assistance en matière de réserve aux traités.  La CDI estime que le Guide pourrait être complété par la mise en place de mécanismes souples visant à assister les États dans la mise en œuvre des règles juridiques applicables aux réserves.  Dans sa recommandation, la Commission suggère à l’Assemblée générale d’envisager la création d’un mécanisme en matière de réserves qui pourrait être composé d’un nombre restreint d’experts et de réfléchir à la mise en place d’un « observatoire » en matière de réserves aux traités.


M. ALAIN PELLET, ancien Rapporteur spécial sur « les Réserves aux traités », qui avait été invité à prendre la parole, a insisté sur le fait que le Guide de la pratique des réserves aux traités était un ensemble constitué de 179 directives, assorties de commentaires, qui sont, a-t-il précisé, indissociables.  « C’est du moins ma position personnelle », a-t-il déclaré.  Le Guide n’est pas un ensemble de recettes de cuisine, mais plutôt une boîte à outils dans laquelle les praticiens, diplomates, juges ou avocats, peuvent puiser des informations utiles pour interpréter les réserves aux traités.  Il s’agit d’un Guide qui fait un certain nombre de recommandations générales; ce sont des directives ou « guidelines », et en l’occurrence, le mot anglais traduit plus fidèlement l’idée, a estimé M. Pellet.  Le Guide reflète un consensus de l’ensemble de la Commission, même si un membre a failli faire échouer ce consensus à la dernière minute « de façon tout à fait irresponsable ».


« J’ai entamé ce long travail dans la “°tempête°” politique et idéologique engendrée par l’Observation générale numéro 24, adoptée par le Comité des droits de l’homme sur les réserves au Pacte de 1966 sur les droits civils et politiques.  Il nous a fallu naviguer entre les écueils “°souverainistes°” et des “°défenseurs°” des droits de l’homme dont la Sixième Commission s’est souvent fait l’écho. »  «°Je vous lance un appel pour que vous discutiez notre Guide sans trop d’idées préconçues et en utilisant notre travail pour l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir la recherche de solutions équilibrées et utiles pour répondre aux questions difficiles que pose la mise en œuvre du régime établi par la Convention de Vienne de 1969 sur les réserves aux traités. »


M. ANDERS RÖNQUIST (Suède), au nom des pays nordiques, a salué le travail de la Commission du droit international et de son ancien Rapporteur spécial pour la question des réserves aux traités, M. Alain Pellet, avant de rappeler que les pays nordiques attachaient une importance toute particulière à la question des réserves à un traité qui vont à l’encontre de l’objet même de ce traité.  Il est fondamental, a-t-il rappelé, que tous les États qui deviennent parties à un traité s’engagent pour le moins en faveur des objectifs dudit traité.  C’est à la fois une obligation à l’égard des autres parties au traité, mais c’est également essentiel pour s’assurer que des règles sur lesquelles des États se sont mis d’accord ne soient pas affaiblies par des réserves trop importantes.  Même si ce n’est pas le seul, le domaine des traités relatifs aux droits de l’homme est un de ceux dans lesquels de telles réserves risquent de saper les progrès réalisés en établissant des normes mondiales.  La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant comptent parmi les traités qui ont fait l’objet de ce type de réserves et que les pays nordiques considèrent comme incompatible avec les principes et objectifs de ces instruments.


De telles réserves ne sauraient être acceptées dans quelque domaine que ce soit, et c’est pourquoi, a indiqué M. Ronquist, les pays nordiques considèrent que la pratique croissante du rejet des réserves non valides -qui consiste à considérer que l’État auteur de cette réserve est lié par le traité sans le bénéfice de sa réserve- est conforme à l’article 19 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  Cette interprétation est également développée par les organes des Nations Unies créés en vertu de traités, notamment dans le domaine des droits de l’homme.  De ce fait, les pays nordiques se félicitent de la règle 4.5.1 du Guide de la pratique selon laquelle une réserve qui ne respecte pas les conditions de validité formelle et substantielle « est nulle de plein droit et, en conséquence, dépourvue de tout effet juridique ».  Cette règle est bien ancrée dans la pratique des États et conforme au régime de Vienne.  De même, les pays nordiques sont d’accord pour dire que la nullité d’une réserve non valide ne dépend pas de l’objection ou de l’acceptation d’un État contractant mais qu’un État qui considère la réserve comme invalide devrait toutefois formuler une objection motivée dans les meilleurs délais.


En revanche, M. Rönquist a contesté la règle du Guide de la pratique selon laquelle le statut de l’auteur d’une réserve non valide dépend de l’intention qu’il a exprimée et qu’il peut exprimer à tout moment son intention de ne pas être lié par le traité sans le bénéfice de la réserve.  Ceci ne correspond pas à la pratique des États ni à un développement souhaitable du droit international, a-t-il affirmé.  En effet, l’adhésion à un traité doit refléter un engagement envers des valeurs communes et ne peut être conditionnée par le bénéfice de réserves qui sont incompatibles avec l’objet et le but de ce traité.  Un État peut exprimer son intention de ne pas être lié par un traité sans le bénéfice d’une réserve si cette réserve est valide, mais pas si elle ne l’est pas.  « Nous devons veiller à ce que le régime des traités ne soit pas affaibli par les réserves », a-t-il insisté.  Le respect par les parties à un traité peut constituer un élément essentiel de la coopération entre les États et c’est le cas en tout cas pour les traités sur les droits de l’homme, a estimé le représentant.

Par ailleurs, les pays nordiques saluent la CDI pour les projets de conclusion sur le dialogue réservataire.  Un dialogue de ce type, renforcé ces dernières années entre l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et les organes de traités, a eu pour effet de mettre en valeur l’article 19 de la Convention de Vienne et a amené des États parties à retirer, réduire ou clarifier leurs réserves, une évolution dont les pays nordiques se félicitent.


M. TODD BUCHWALD, Conseiller juridique adjoint au Département d’État des États-Unis, a salué le Guide de la pratique sur les réserves aux traités car, a-t-il dit, il constitue un outil de référence pour les praticiens du droit international.  Il a néanmoins souligné que le Guide de la pratique n’avait pas vocation à remplacer ou à amender la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  Il a également affirmé que le Guide de la pratique avait retenu certaines règles ne reflétant pas un consensus international.  Il a cité, à titre d’exemple, les conséquences d’une réserve non valide qui, selon le délégué, restent diverses et ne devraient pas refléter l’état du droit.  En effet, a-t-il précisé, si un État rejette les réserves émises par un autre État, il a le choix entre accepter de conclure ce traité sans tenir compte de cette réserve et décider de ne pas conclure ce traité.  En tout état de cause, cet État ne peut être engagé sans son consentement.


Le délégué des États-Unis a par ailleurs salué la proposition d’établir un dialogue réservataire car il représente davantage l’ensemble de la pratique recommandée qu’un instrument rigide.  Il a demandé des informations supplémentaires avant de pouvoir présenter la position de sa délégation sur la création d’un observatoire en matière de réserves qui serait chargé de recueillir les observations des États Membres.  Il a cependant émis de sérieux doutes sur la pertinence de créer un mécanisme d’assistance en matière de réserves.  Il est difficile, a-t-il estimé, de justifier qu’un nombre limité d’experts indépendants soient chargés de traiter de questions qui relèvent essentiellement des relations entre États.  De plus, il a dit craindre que ces propositions soient considérées comme contraignantes dans le cas d’une demande d’assistance formulée par un État. 


M.SILBERSCHMIDT (Suisse) a exprimé la gratitude de son pays à M. Alain Pellet pour la « contribution exceptionnelle » qu’il a apportée au thème des réserves au traité, par ses rapports et par le Guide de la pratique auquel ses travaux ont abouti.  La Suisse soutient les recommandations de la Sixième Commission à l’Assemblée générale visant à appeler les États à engager et mener un dialogue sur les réserves.  En effet, il est fondamental d’une part que l’auteur d’une réserve en expose les motifs et d’autre part que les États ne gardent pas le silence face à une telle réserve et que les objections soient elles aussi motivées.  La Suisse estime en outre que la suggestion faite à l’Assemblée générale par la Commission de créer un observatoire des réserves en matière de traité est utile et appuie par ailleurs la recommandation visant à créer des forums du même type au niveau régional.  La Suisse est du reste un membre actif du  Comité des conseillers juridiques sur le droit public international du Conseil de l’Europe qui tient lieu de forum de ce type.  En revanche, la Suisse, tout en saluant la proposition de la Commission de mettre en place un mécanisme d’assistance, estime que le droit international en prévoit déjà certains qui offrent un cadre à même de satisfaire ces exigences.  Par ailleurs, en formulant de nouveaux traités, les États sont libres de constituer des organes de règlement des différends en fonction des besoins.


Le représentant a ensuite estimé qu’une réserve formulée en dépit d’une interdiction est dépourvue de toute validité et, par conséquent, nulle de plein droit.  L’acceptation d’une telle réserve ne permet pas de remédier à cette non-validité substantielle et il ne faut pas encourager la formulation de telles réserves.  C’est pourquoi, a-t-il dit, la Suisse salue la suppression de l’ancienne directive « effet de l’acceptation collective d’une réserve non valide » aux termes de laquelle une réserve non valide était « réputée valide si aucun des États contractants n’y fait objection après en avoir été expressément informé par le dépositaire ».  La Suisse estime par ailleurs que l’absence d’objection de toutes les parties contractantes dans un délai d’un an à une réserve ne doit pas être considérée comme l’acceptation d’une réserve substantiellement non valide: l’absence d’objection saurait équivaloir à un accord unanime pour amender un traité.


Quant au statut de l’auteur d’une réserve non valide, la Suisse estime que la disposition actuelle, ajoutée récemment, qui prévoit que l’auteur peut à tout moment exprimer son intention de ne pas être lié par le traité sans le bénéfice de la réserve, offre l’auteur une protection disproportionnée.  Elle crée en effet une insécurité juridique puisqu’elle semble donner à l’auteur de la réserve non valide, le droit de se retirer à tout moment du traité sans limite et sans être lié par les règles que celui-ci prévoit pour s’y soustraire.  L’auteur d’une réserve non valide prend un risque en la formulant.  Il peut en outre la motiver.  On ne saurait, dès lors, décharger les autres États parties et les intérêts communautaires définis dans le traité du fardeau de l’insécurité juridique, d’autant que l’auteur de la réserve peut, en tout temps, se libérer en recourant aux modalités de retrait prévues dans le traité lui-même.


Mme PENELOPE RIDINGS, Conseiller juridique au sein du Ministère des affaires étrangères et du commerce de la Nouvelle-Zélande, a consacré sa déclaration à la directive 1.1.3 du Guide de la pratique sur les réserves aux traités.  Cette directive affirme en effet qu’une déclaration excluant l’application d’un traité sur un territoire en particulier ne constitue pas une réserve à proprement dit.  Cette déclaration établit une « intention différente » en ce qui concerne l’application territoriale de ce traité, conformément à l’article 29 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  Elle a précisé que cette directive revêtait une importance particulière pour son pays en ce qui concerne le territoire de Tokélaou où les circonstances justifient, selon elle, que les dispositions d’un quelconque traité lui soient appliquées. 


M. TOMOYUKI HANAMI (Japon) a estimé que le Guide de la pratique sur les réserves aux traités dépassait parfois la pratique générale des États.  Il a notamment tenu à faire une distinction entre les déclarations interprétatives qui n’emportent pas d’effets sur l’adhésion à un traité par l’autre État partie à ce traité et des réserves à proprement parler.  Il arrive parfois cependant que des réserves soient formulées par le biais d’une déclaration interprétative.  Le délégué a souligné que la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités ne prévoyait pas de tels cas de figure et s’est interrogé, ainsi, sur la pertinence de ces directives contenues dans le Guide de la pratique.  Le délégué a par ailleurs exprimé l’opposition de son pays à la formulation tardive de réserves allant au-delà de la définition retenue par la Convention de Vienne.  Il a émis des doutes sur le fait que la condition d’acceptation unanime de ces réserves tardives dans une période de 12 mois, telle qu’elle a été posée par le Guide de la pratique, puisse protéger les États contre les actes d’un autre État souhaitant modifier la portée de ses obligations après avoir accepté de conclure un traité. 


M. GREGOR SCHUSTERSCHITZ (Autriche) a noté que le Guide de la pratique sur les réserves aux traités peut être un instrument très utile pour encourager le maximum d’adhésions à des traités multilatéraux, mais cela risque aussi de poser des problèmes dans la pratique.  Bien que le Guide de la pratique puisse devenir un outil important pour les États, il ne peut lever toutes les ambiguïtés et déficiences liées au régime des réserves.  Concernant l’utilisation du terme « réserve », le représentant a noté que cela pouvait englober à la fois les réserves valides et les réserves non valides.  Parfois, cela ne vise que les réserves valides, comme c’est le cas, par exemple, en ce qui concerne les directives 2.6.12 pour la période de temps pour la formulation les objections.  En ce qui concerne les réserves 2.1.3 sur la formulation des réserves, le représentant de l’Autriche a estimé qu’il n’était nécessaire pour la CDI d’entrer dans les détails qui, a—il dit, pourraient engendrer de nouvelles difficultés.  En vertu des alinéas 2 b, c et d, ce sont les chefs des délégations et de mission qui sont autorisés à formuler des réserves.  « Nous avons de sérieux doutes que ce soit vraiment le cas, a-t-il estimé, en se disant convaincu qu’un texte plus court serait plus approprié. »


Le représentant a souligné que sa délégation s’était toujours opposée aux réserves tardives.  Même s’il y a des cas où cela s’est produit, cela devrait être uniquement une exception.  « C’est pourquoi nous pensons que la directive 2.3 devrait être reformulée ou réduite. »  Les directives 2.3.1 et 2.3.4 devraient, selon lui, être supprimées.  La directive 4.3 sur les effets d’une objection à une réserve valide soulève de nombreuses questions, a-t-il ajouté.  La première concerne le sens du terme « réserve valide ».  On ne peut définir ce terme qu’en opposition qu’au terme « invalide » utilisé dans la directive 4.5.1.  « Quant à la directive 4.5.2 sur la réserve aux traités considéré comme invalide, nous ne pouvons pas accepter la plus grande partie de sa substance, bien qu’il y ait des difficultés à établir l’intention de la réserve aux traités. »  Sa délégation propose que l’intention de ne pas être contraint par un Traité soit exprimée en rapport immédiat avec la réserve.  Si ce n’est pas le cas, l’État ou l’organisation réservataire devrait être lié par la réserve sans pouvoir se prévaloir le bénéfice de la réserve.


Enfin, le représentant a émis des doutes sur l’intérêt de la question de la déclaration interprétative en cas de succession des États.  La Convention sur la succession des États, qui n’est contraignante que pour un petit nombre d’États, ne reflète pas, de l’avis de sa délégation, le droit international coutumier.


Mme RITA FADEN (Portugal) a soutenu la proposition d’établir un dialogue réservataire tout en encourageant à faire en sorte qu’il soit le plus inclusif possible et fondé sur une large participation des États.  Elle a également estimé que l’observatoire en matière de réserves, proposé par le Guide de la pratique sur les réserves aux traités, jouera un rôle déterminant au niveau régional en matière de contrôle des réserves aux traités clefs.  Elle a néanmoins estimé que le fonctionnement d’un tel observatoire devrait être précisé afin qu’il ne constitue pas un organe remplissant des missions pouvant être assumées par d’autres biais.  La représentante a estimé, à cet égard, qu’il serait judicieux de publier sur le site Internet des Nations Unies la liste des réserves aux traités formulées par les États Membres.  Enfin, elle a déclaré que le mécanisme d’assistance proposé devrait encore justifier sa raison d’être par rapport aux procédures actuelles de règlement des différends et établir des méthodes de travail permettant une assistance flexible et rapide.


M. ANDREI N.POPKOV (Bélarus) a estimé que le Guide de la pratique sur les réserves aux traités est un instrument complexe qui sera utile aux praticiens du droit international.  Sa délégation, a-t-il déclaré, approuve le format du document tel qu’il a été présenté par la Commission du droit international.  Il a cependant déclaré que le Guide de la pratique devrait être canalisé pour ne pas être en conflit avec d’autres projets de traités ou accords internationaux.  Il a estimé que la directive 1.7.1 créait une confusion entre certaines directives et les traités multilatéraux en cas de différends entre les États Membres.


Mme RUTH TOMLINSON (Royaume-Uni) s’est dite heureuse que le Guide de la pratique sur les réserves aux traités comprenne une introduction qui appelle le statut juridique des règles qu’il contient -et qui varie-, ainsi que le lien entre ces règles et la Convention de Vienne.  Le Royaume-Uni note que la Commission du droit international n’entend pas voir le guide remplacer, modifier, ou de quelque manière que ce soit se départir des Conventions de Vienne.  Les recherches et l’analyse de la pratique contenues dans les commentaires sont d’un intérêt inestimable.


Le Royaume-Uni, dont la position est semblable à celle d’autres États qui ont des territoires outre mer, rappelle qu’une déclaration relative à la portée territoriale des obligations contractées dans le cadre d’un traité ne constituait pas une réserve.  Concernant la possibilité pour un organe de traité d’évaluer la validité d’une réserve, le Royaume-Uni estime que cette possibilité devrait dériver directement des dispositions du traité en cause et qu’elles étaient donc le produit de négociations libres entre États et autres sujets du droit international.  En l’absence de disposition expresse dans un traité, le Royaume-Uni n’accepte pas l’idée selon laquelle l’organe créé en vertu de ce traité est compétent pour évaluer la validité d’une réserve.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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