La Sixième Commission examine le rapport de la CDI en insistant sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État
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Sixième Commission
17e séance – matin
LA SIXIÈME COMMISSION EXAMINE LE RAPPORT DE LA CDI EN INSISTANT SUR L’IMMUNITÉ
DE JURIDICTION PÉNALE ÉTRANGÈRE DES REPRÉSENTANTS DE L’ÉTAT
Les délégations sont mitigées sur la « protection de l’environnement
en rapport avec les conflits armés » et la « protection de l’atmosphère »
Entamant leur examen du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), les délégations de la Sixième Commission (chargée des affaires juridiques) ont commenté, aujourd’hui, les progrès réalisés par la CDI sur les questions de l’« immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État ». Les nouveaux chapitres « la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés » et « la protection de l’atmosphère » ont été appréciés diversement.
Si l’inscription de ce dernier thème à l’ordre du jour de la Commission a été saluée par des délégations comme celles du Portugal, du Japon et de Singapour, le représentant de l’Autriche a estimé que, malgré les limites imposées par la CDI à son examen, il serait cependant impossible d’éviter de traiter, dans ce cadre, de questions telles que la responsabilité et le principe de précaution. Les États-Unis se sont déclarés déçus de l’inclusion dans les travaux futurs de la Commission du thème de la « protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés ».
La Commission devrait abandonner cette idée car il existe déjà depuis longtemps des instruments qui fournissent des orientations juridiques suffisantes aux États. LaCELAC a, quant à elle, souligné qu’elle ne pouvait accepter que la publication des travaux de la Commission du droit international soit compromise par des contraintes budgétaires et invite les États Membres à verser des contributions volontaires supplémentaires afin de résorber le retard dans la publication.
En outre, l’Autriche et les États-Unis se sont félicités de la décision de la CDI d’inclure le thème des « Crimes contre l’humanité » dans son programme de travail. Pour le délégué de la Norvège, qui intervenait au nom des pays nordiques, la question des « Crimes contre l’humanité » devrait incontestablement faire l’objet d’une codification. C’est un thème sur lequel il existe déjà une base ferme, à savoir la résolution de l’Assemblée générale 95 (I), qui avait été adoptée le 11 décembre 1946, à la suite du jugement du Tribunal international militaire de Nuremberg.
Le Statut de Rome de 1998 portant création de la Cour pénale internationale (CPI) a posé clairement, au niveau international, une définition de ces crimes. Comme ces crimes ont été perpétrés dans diverses parties du monde, le représentant des États-Unis a estimé qu’un examen prudent et une discussion approfondi sur un projet d’articles en vue de les intégrer dans une convention sur la prévention et la punition des crimes contre l’humanité serait très utile. Son homologue du Japon a souligné que son pays avait fait des contributions financières en la matière.
Le thème de « L’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », a aussi fait l’objet de nombreux commentaires. Le représentant de la Suisse a pris note de la décision de la Commission du droit international de limiter l’immunité de juridiction pénale ratione personae à la « troïka ou triade » constituée par les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères et s’était demandé si cette limitation permettait vraiment de parvenir à l’équilibre souhaitable entre lutte contre l’impunité et le respect de la souveraineté des États et le maintien de relations internationales harmonieuses. Dans un monde globalisé où les contacts internationaux sont multiples, un ministre de la défense, de l’environnement, des finances, ou autre, peut, selon le contexte, jouer un rôle déterminant.
À cet égard, le Portugal a estimé qu’il faudrait faire une distinction entre les activités menées dans le domaine de la sphère privée et celles effectuées dans le cadre de la représentation. Pour les États-Unis, la difficulté concernant la question de l’immunité ratione personae tient au petit nombre de poursuites pénales entreprises contre les représentants qui composent la troïka. Les États-Unis n’ont jamais pratiqué de poursuites pénales contre des dirigeants au niveau fédéral, a assuré son représentant, en ajoutant que sa délégation n’avait pas non plus connaissance de l’existence de telles poursuites au niveau des États. Singapour a estimé que la CDI pourrait envisager d’élargir l’immunité ratione personae à d’autres hauts fonctionnaires ou éminentes personnalités, au-delà de la « troïka ». Il a été aussi rappelé qu’en ce qui concerne les crimes les plus graves, aucun représentant de l’État ne peut se prévaloir de l’immunité.
Enfin, la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) a demandé une nouvelle fois que les travaux de la Commission puissent se tenir au moins une fois tous les cinq ans à New York. La France a appelé les délégations à une grande vigilance pour ne pas accroître inutilement son programme de travail à long terme.
La Sixième Commission poursuivra l’examen du rapport annuel de la CDI demain, mardi 29 octobre à 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SES SOIXANTE-TROISIÈME ET SOIXANTE-CINQUIÈME SESSIONS((A/66/10, A/66/10/Add.1 et A/68/10)
Présentation du rapport
M. BERND H. NIEHAUS, Président de la Commission du droit international (CDI), présentant le rapport annuel de la Commission, a souligné qu’en raison de l’ouragan Sandy de l’an dernier, la Sixième Commission n’avait pas pu traiter de la question des réserves aux traités. Après avoir présenté succinctement les chapitres introductifs I à III et le chapitre XII relatif aux autres décisions et conclusions de la Commission, il a noté que deux nouveaux chapitres, portant respectivement sur « la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés » et sur « la protection de l’atmosphère », avaient été ajoutés au programme de travail. Il a aussi souligné que la question des « Crimes contre l’humanité » dépendait des informations fournies par la pratique des États.
« Je suis heureux de constater que la Sixième Commission a continué à établir des relations fructueuses avec la Cour internationale de Justice (CIJ) », a-t-il déclaré. Présentant le Chapitre IV intitulé « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », le Président de la CDI a noté qu’après avoir examiné le rapport du Comité de rédaction, la Commission a décidé de reformuler quatre projets de conclusions et d’adopter provisoirement cinq autres projets de conclusions. Le premier projet de conclusion énonce la règle générale et les moyens d’interprétation des traités. Il fait référence à la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités -« Convention de Vienne »-, en tant que « règle générale ». En ce qui concerne le projet de conclusion 2, qui porte sur « les accords ultérieurs et la pratique ultérieure en tant que moyens d’interprétation authentiques », il a noté que l’expression « authentique » recouvrait à la fois un élément factuel et un élément juridique. Le terme « authentique » fait référence au sens à donner au traité. En ce qui concerne le projet de conclusion 3, l’interprétation des termes d’un traité comme étant susceptibles d’évolution dans le temps, il a déclaré que les accords et la pratique antérieure des États pouvaient servir de référence pour la Commission.
S’agissant du chapitre V, intitulé « Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », M. Niehaus a rappelé que la Commission avait nommé Mme Concepción Escobar Hernández, Rapporteuse spéciale en remplacement de M. Kolodkin, qui n’était plus membre de la Commission. Plusieurs questions seront traitées cette année, notamment les notions d’immunité et de juridiction, la distinction entre immunité ratione personae et immunité ratione materiae, et enfin la détermination des éléments normatifs du régime de l’immunité ratione personae.
Pour ce qui est de la distinction entre immunité ratione personae et immunité ratione materiae, M. Niehaus a souligné que cette notion s’appliquait aux personnes ayant un rang élevé au sein de l’État, à savoir les chefs d’État, de gouvernement et ministres des affaires étrangères. « Cela a été confirmé par plusieurs décisions judiciaires ». Lors des visites officielles, ces hauts fonctionnaires bénéficient de cette immunité, exclusivement pendant l’exercice de leur mandat. Le Président de la CDI a demandé aux États de lui donner, avant le 31 janvier 2014, des informations sur la pratique de leurs organes, reflétée en particulier dans des décisions de justice, en ce qui concerne la signification donnée aux expressions « actes officiels » et « actes accomplis à titre officiel » dans le contexte de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.
Déclarations
Mme TANIERIS DIÉGUEZ LAO (Cuba), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a assuré que les pays membres de la CELAC étaient fermement attachés au respect du droit international et aux travaux de la Commission du droit international. La CELAC demande une nouvelle fois que les travaux de la Commission puissent se tenir au moins une fois tous les cinq ans à New York. Il est, en effet, indispensable de tenir compte des difficultés que certains pays éprouvent à fournir des informations dans le cadre des études, non par manque d’intérêt mais pas manque de moyens. En outre, une telle pratique permettrait à la Commission du droit international d’avoir des échanges plus fluides avec la Sixième Commission, ce qui pourrait aussi se faire en facilitant la participation des membres de la Sixième Commission aux travaux de la Commission du droit international.
La CELAC est consciente de l’ampleur de la tâche des travaux de la Commission du droit international (CDI) et, notamment, de ses Rapporteurs spéciaux, a déclaré la représentante. Elle a noté que la CDI avait inscrit à son ordre du jour les questions de la « protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés » et de la « protection de l’atmosphère » et envisageait d’y inclure les « crimes contre l’humanité ». La CELAC ne peut accepter que la publication des travaux de la Commission du droit international soit compromise par des contraintes budgétaires et invite les États Membres à verser des contributions volontaires supplémentaires afin de résorber le retard dans la publication.
M. ROLF EINAR FIFE (Norvège), au nom des pays nordiques, a réaffirmé l’intérêt de sa délégation pour une application uniforme des traités en ce qui concerne la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ». Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, il s’est félicité des travaux réalisés par la Rapporteuse spéciale, Mme Concepción Escobar Hernández, et des détails fournis en ce qui concerne la distinction entre immunité ratione personae et immunité ratione materiae. Il a en outre salué la préparation des six projets d’articles. Le Rapport montre bien les liens étroits qui existent entre ces différents thèmes immunité ratione personae et immunité ratione materiae. Le représentant a noté qu’en ce qui concerne les crimes les plus graves, aucun représentant de l’État ne peut se prévaloir de l’immunité.
Abordant la question des « Crimes contre l’humanité », le représentant a noté que ce thème était un thème concret qui devrait faire l’objet d’une codification. C’est un thème sur lequel il existe déjà une base ferme, à savoir la résolution de l’Assemblée générale 95 (I) qui a été adoptée le 11 décembre 1946 qui a suivi le jugement du Tribunal international militaire de Nuremberg. Le Statut de Rome de 1998 portant création de la Cour pénale internationale (CPI) a posé clairement, au niveau international, une définition de ces crimes. Il a cependant regretté que le Statut de Rome n’établisse pas d’obligation pour les États. « Tout libellé défini par l’article 7 du Statut de Rome ne peut être ouvert de nouveau à négociation », a-t-il insisté.
S’exprimant sur le thème de l’expulsion des étrangers, le représentant a émis des réserves sur la nécessité de poursuivre l’examen de cette question. « Nous ne voyons pas l’intérêt de tenter de développer des projets d’articles sur ce sujet. Nous préférerions que les travaux concernant ce thème se fassent sous la forme de directives ou de principes ».
Mme MARY E. McLEOD (États-Unis) a félicité la Commission du droit international (CDI) d’avoir rapidement examiné les projets de conclusions en matière d’accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités. Tout en estimant que la CDI pouvait faire davantage de progrès sur la question, la représentante des États-Unis s’est félicitée des travaux réalisés sur les projets de conclusions concernant les limites apportées aux pratiques ultérieures par rapport à la substance des traités.
La représentante s’est également félicitée de ce que la nouvelle Rapporteuse spéciale pour l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État ait poursuivi son travail sur la base de ce qui avait été fait par son prédécesseur. La difficulté concernant la question de l’immunité ratione personae tient au petit nombre de poursuites pénales entreprises contre des chefs d’État, chefs de gouvernement ou ministres des affaires étrangères en exercice. Les États-Unis n’ont jamais pratiqué de poursuites pénales contre des dirigeants au niveau fédéral, a affirmé la représentante, en ajoutant que sa délégation n’avait pas non plus connaissance de l’existence de telles poursuites au niveau des États. Aux États-Unis, la notion d’immunité est invoquée dans le cadre de poursuites civiles, lesquelles sont le plus souvent le fait des particuliers sans intervention du gouvernement.
C’est pourquoi, la délégation des États-Unis propose de préciser que l’étude n’aura pas d’impact sur les poursuites devant des juridictions civiles. Le facteur déterminant pour établir s’il existe une atteinte contre un chef d’État, chef de gouvernement ou ministres des affaires étrangères en exercice est l’existence d’un acte d’autorité, par lequel un de ces hauts fonctionnaires a été contraint de participer comme témoin. Sur la base des conclusions et commentaires de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire Djibouti contre France, il n’y a pas d’acte d’autorité. La Commission du droit international (CDI) devra donc indiquer clairement que l’immunité dont bénéficient les membres de la Troïka ne se limite pas aux cas où une telle personne est la personne poursuivie ou fait l’objet d’une enquête.
Les États-Unis sont déçus de l’inclusion dans les travaux futurs de la Commission du thème de la « protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés », a indiqué la représentante, qui a estimé que, même en imposant des limites à l’étude de cette question, la Commission devrait abandonner cette idée. Il existe déjà depuis longtemps des instruments qui fournissent des orientations juridiques suffisantes aux États, a-t-elle rappelé. En revanche, les États-Unis se félicitent de la décision de la CDI d’inclure le thème des crimes contre l’humanité dans son programme de travail. Comme de tels crimes ont été perpétrés dans diverses parties du monde, les États-Unis estiment qu’un examen prudent et une discussion sur un projet d’articles en vue de les intégrer dans une convention sur la prévention et la punition des crimes contre l’humanité serait très utile, a assuré la représentante. Tout en reconnaissant que ce sujet soulève des questions juridiques complexes, sa délégation souhaite un examen approfondi qui tienne pleinement compte des vues exprimées par les États Membres de l’ONU.
M. DARIO SILBERSCHMIDT (Suisse) a salué les progrès accomplis sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. La Suisse prend note de la portée du projet d’articles et du fait que la notion de « représentant de l’État » fera l’objet d’un réexamen pour déterminer le cercle de personnes auxquelles s’applique l’immunité. La Suisse soutient la nécessité d’une définition simple, et approuve la décision de la Commission d’étendre la motion de juridiction pénale comme l’ensemble des actes liés à l’activité judiciaire ayant pour but d’établir la responsabilité pénale, y compris les actes coercitifs pouvant être accomplis à l’encontre des bénéficiaires de l’immunité. La Suisse prend également note avec intérêt du projet d’articles 1-2 qui réserve l’immunité de juridiction pénale à une liste de personnes, a indiqué son représentant. Toutefois, elle a estimé que cette liste n’était pas complète et devrait être étendue aux membres des missions permanentes auprès des organisations internationales et des délégations aux conférences internationales. Il faudrait, en outre, clarifier si la liste énumérée dans le projet d’article est exhaustive ou non.
Le représentant a déclaré ensuite que la Suisse avait pris aussi note de la décision de la Commission de limiter l’immunité de juridiction pénale ratione personae à la « triade » constituée par les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères et s’était demandée si cette limitation permettait vraiment de parvenir à l’équilibre souhaitable entre lutte contre l’impunité et maintien de relations internationales harmonieuses. Il a souhaité que la Commission puisse, dans la suite de ses travaux, examiner la question de la portée personnelle de l’immunité ratione materiae en tenant compte de ce principe primordial et en adoptant une approche moins statique. Dans un monde globalisé où les contacts internationaux sont multiples, un ministre de la défense, de l’environnement, des finances, ou autre, peut, selon le contexte, jouer un rôle déterminant. Le représentant de la Suisse a en outre noté que la Commission n’avait pas encore examiné la question des possibles exceptions à l’immunité pénale ratione personae des chefs d’État, chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères. Cette immunité, a-t-il rappelé, trouve son origine dans la position particulière dans laquelle se trouvent les personnes titulaires de ces postes au sein de la structure de l’État. Il a donc estimé que la CDI devrait agir avec prudence et éviter de ne pas vider de son sens l’immunité en établissant de trop nombreuses exceptions. Celles-ci doivent être déterminées de manière claire et précise, a-t-il dit avant de conclure.
M. GREGOR SCHUSTERSCHITZ (Autriche) a déclaré que son pays approuvait la décision de la CDI de délimiter les travaux réalisés sur le thème des « Traités dans le temps » à la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités » et à salué, à cet égard, les travaux du Rapporteur spécial, le professeur Gregor Nolte, et du Comité de rédaction. Les travaux de la Commission ont été très utiles et ont permis de clarifier un certain nombre d’aspects de l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. La pratique judiciaire a déjà mis en évidence ce besoin de clarification afin d’éviter des interprétations divergentes qui pourraient menacer la stabilité des relations conventionnelles.
L’Autriche estime que la conclusion préliminaire 4, paragraphe 1 du Rapporteur spécial devrait être davantage clarifiée et que des accords informels ou des arrangements non contraignants pourraient aussi relever de la notion d’accords ultérieurs, a estimé le représentant. Il en est de même des déclarations interprétatives, comme l’a dit le Tribunal arbitral sur l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) dans l’affaire Methanex corp. contre États-Unis. Le représentant a rappelé par ailleurs que les directives de la Commission des réserves traitent, elles aussi, des déclarations interprétatives et qu’il conviendrait de faire en sorte que les travaux des différents organes concernés soient cohérents.
Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant de l’Autriche a estimé que l’importance de la question était reflétée par la pratique judiciaire déjà riche des tribunaux nationaux et internationaux. Il a noté que la notion de « représentants de l’État » sera définie ultérieurement, tout en souhaitant que celle de « juridiction pénale » devrait être davantage explicitée. Concernant cette notion, il faudrait aussi déterminer si des étapes relevant de l’enquête préliminaire pouvaient être effectuées sans tenir compte d’une possible immunité. Le représentant de l’Autriche a fait remarquer que l’obstacle à l’immunité n’a de sens que lorsque des procédures formelles sont engagées à l’égard d’une personne. Il faudrait également préciser si les tribunaux « dits hybrides » entrent dans le cadre de l’étude des projets d’articles. Il faudrait aussi déterminer si l’immunité peut être opposée à des juridictions nationales agissant sur la base d’un mandat d’un tribunal pénal international: la question s’est posée récemment à propos de mandats de la Cour pénale internationale (CPI). L’Autriche appuie la limitation de l’immunité ratione personae aux trois catégories des personnes mentionnées dans le projet d’articles –les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères- même si d’autres responsables peuvent remplir des fonctions similaires, a indiqué son représentant.
Malgré les limités imposées par la CDI à l’étude de la question de la « protection de l’atmosphère », le représentant a fait remarquer qu’il serait impossible d’éviter de traiter de questions actuellement placées hors du mandat, comme la responsabilité et le principe de précaution. Par ailleurs, sa délégation se félicite de l’inclusion du thème « crimes contre l’humanité » dans les travaux futurs de la Commission, car, a rappelé le représentant autrichien, le Statut de Rome ne peut constituer l’étape finale dans l’entreprise de punition de tels crimes pour combattre l’impunité.
Mme RENA LEE (Singapour) a rappelé que son pays accordait une grande importance au thème de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et s’est félicitée de ce que la Commission ait commencé la rédaction de projets d’articles pour accompagner les commentaires. Pour Singapour, l’immunité en question est procédurale par nature et ne sert donc qu’à empêcher des procédures pénales. La responsabilité pénale sous-jacente demeure et l’absence de juridiction pénale ne doit pas être considérée comme une lacune dans la lutte contre l’immunité. L’immunité doit ainsi être respectée. En cas de conflit entre le projet d’articles et tout régime spécial d’immunité, ce dernier l’emportera.
Singapour estime que la Commission du droit international pourrait envisager d’élargir l’immunité ratione personae à d’autres hauts fonctionnaires ou éminentes personnalités, au-delà de la « troïka » mentionnée dans le rapport, a indiqué sa représentante. Les partisans d’une stricte limitation invoquent la difficulté à identifier les fonctionnaires en question, mais pour sa délégation, a-t-elle dit, le problème n’est pas insurmontable.
La représentante de Singapour s’est ensuite félicitée de l’inclusion dans le programme de travail de la Commission des thèmes de la protection de l’environnement en période de conflits armés et la protection de l’atmosphère. Singapour, a-t-elle assuré, soutient également la position de la Commission du droit international selon laquelle ces travaux doivent être menés de manière à ne pas entraver les négociations politiques en cours ailleurs, notamment si on considère que les travaux dont destinés à prendre la forme finale de directives.
M. TOMOYUKI HANAMI (Japon) a noté que l’état de droit était un des thèmes du droit international les plus importants de ces dernières années pour la communauté internationale et que c’est pour cette raison que son pays travaille activement à sa promotion. De ce point de vue, le travail de la Commission du droit internationale (CDI) est particulièrement crucial et lui donne une position primordiale au sein de l’Organisation des Nations Unies.
En ce qui concerne le travail de la CDI, le représentant a noté que le Japon avait un intérêt à son renforcement à une collaboration fructueuse avec la Sixième Commission. Le choix des sujets tel que cela a été fait, cette année, est fondamental, a-t-il souligné. Il a reconnu l’importance de la décision de la CDI d’inclure « la protection de l’environnement atmosphérique » dans son programme. Cette question requiert une action conjointe de l’ensemble de la communauté internationale. « Nous espérons, a-t-il dit, que les délibérations seront fructueuses ». Le représentant a aussi noté l’inclusion du thème des « Crimes contre l’humanité » dans le programme de travail de la CDI. Le Japon, qui œuvre en faveur de la promotion de la lutte contre l’impunité, a fait des contributions financières, non seulement à la Cour pénale internationale (CPI), mais aussi à d’autres juridictions internationales, a-t-il souligné.
S’agissant de la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », le représentant a constaté que la Commission a décidé de changer le format de son travail sur ce sujet lors de sa dernière session. « Il est nouveau de reformuler ce qui a été établi par un groupe de travail », a-t-il fait remarquer en soulignant que le sujet avait ainsi bien plus d’influence sur le développement du droit international que par le passé. « Nous avons constaté que le nouveau Rapporteur spécial, M. Nolte, a fourni tous les efforts nécessaires pour développer les débats de la Commission.
En ce qui concerne les cinq projets de conclusion, le représentant a souligné que de nombreuses questions restaient en suspens. Ainsi, sa délégation ne comprend toujours pas à quoi servent ces projets de « conclusion », a-t-il déclaré. Quelle est la différence avec un commentaire? Est-ce que cela constitue un instrument contraignant? « C’est pourquoi, ma délégation, a-t-il dit, souhaite obtenir des précisions. »
Le représentant a rappelé que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État était fondée d’un point de vue historique sur le droit souverain des États. Au cours de ces dernières décennies, cette souveraineté a été limitée Il est essentiel pour la CDI d’établir un équilibre entre la lutte et la souveraineté et la lutte contre l’impunité est absolument indispensable, a-t-il souligné avant de conclure.
Mme RITAFADEN (Portugal) s’est félicitée que la Commission du droit international continue d’identifier de nouveaux thèmes dans son programme de travail et de l’inclusion de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés et protection de l’atmosphère. Le travail de la Commission ne devrait pas être uniquement descriptif mais contribuer aussi au développement du droit international, a-t-elle rappelé. C’est pourquoi, il est important d’étudier les différentes approches de la codification du droit international. De même, la Commission devrait étudier le contenu du jus cogens et ses relations avec d’autres branches du droit international, a estimé la représentante.
Le Portugal félicite le Rapporteur spécial sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, et la Commission pour sa souplesse dans l’examen du contenu normatif et la flexibilité inhérente à ce thème, a assuré sa représentante. Toutefois, la CDI devrait aussi considérer que la pratique ultérieure peut se trouver aussi dans la pratique des organisations internationales parties à un traité. Les cinq projets de conclusions reflètent le droit international coutumier et peuvent constituer un excellent guide pour l’interprétation des traités, a considéré la représentante, tout en rappelant que la Commission du droit international ne devrait pas essayer de développer le droit international en la matière en allant au-delà des Conventions de Vienne sur le droit des traités.
Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la représentante du Portugal a estimé que la CDI devrait adopter une approche très restrictive. Sa délégation, a-t-elle dit, ne partage pas l’idée selon laquelle l’immunité ratione personae doit être absolue et sans exception, ni que l’on puisse se limiter à une sorte de responsabilité pénale purement morale. Il y a deux types de cas dans lesquels les représentants ne doivent pas bénéficier d’immunité: certains actes non officiels, ainsi que des actes constituant des crimes graves comme les crimes contre l’humanité. Il existe une tendance à limiter les immunités des États, que laCour internationale de Justice (CIJ) a reconnue avec une certaine prudence et il n’y a pas de raison de ne pas adopter la même approche en matière d’immunité des personnes.
C’est pourquoi, il faudrait faire une distinction entre les activités menées dans le domaine de la sphère privée et celles effectuées dans le cadre de la représentation, a souligné la représentante. Par ailleurs, si les crimes internationaux les plus graves sont commis dans l’exercice de fonctions officielles, la position officielle de l’auteur ne doit, dans ce cas, lui conférer aucune immunité. Au-delà d’un certain degré de non-respect du droit, le critère de l’immunité au motif de la position spécifique de la personne qui commet l’acte ne peut être accepté. Cet élément devrait être précisé dès le départ dans le projet d’articles. « Nous ne devons pas craindre de faire ici œuvre de développement progressif du droit international », a estimé la représentante. Pour ces raisons, le Portugal ne peut donc accepter le projet actuel d’article 4-2 qui fait de l’immunité ratione materiae une immunité absolue, y compris dans les actes non officiels.
Mme EDWIGE BELLIARD (France) a déclaré que la France était soucieuse de la charge de travail de la Commission et a appelé les délégations à une grande vigilance pour ne pas accroître inutilement son programme de travail à long terme. Elle a passé en revue les différents sujets présentés dans le rapport de la CDI. En ce qui concerne la « Clause de la nation la plus favorisée », la représentante a déclaré partager les préoccupations exprimées par les délégations concernant la nature trop prescriptive du document proposé par la Commission ou, selon certaines, se limitant à établir des clauses types. Pour ce qui est de « l’obligation d’extrader ou de poursuivre », elle a rappelé que la notion de norme impérative doit être utilisée avec beaucoup de prudence et que cette notion était distincte de celle de compétence universelle.
S’agissant de la question de la « protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés », la représentante a confirmé les doutes sur la faisabilité de travaux sur un tel sujet. « L’élaboration de directives ou de conclusions sur le sujet ne paraît, à ce stade, ni souhaitable ni réalisable ». S’agissant de l’inscription de nouveaux projets, à son programme de travail, elle s’est interrogée sur l’inscription des « crimes contre l’humanité » dans le programme de travail à long terme. La représentante s’est aussi interrogée sur la véritable nécessité d’élaborer une convention sur ce point. « Il serait préférable d’encourager l’universalisation du Statut de Rome et l’effectivité des mesures existantes », a-t-elle estimé. Avant de conclure, elle a considéré que la décision de la Commission de limiter ses travaux sur le thème de la « protection de l’atmosphère » était sage.
Passant à la question de la formation du droit international coutumier, Mme Belliard a partagé les réserves exprimées par le Rapporteur spécial quant à la place qui pourrait être accordée au jus cogens dans ledocument élaboré par la Commission. « Une prise en compte trop importante de cette notion risquerait d’emporter les travaux sur des chemins bien longs », a-t-elle prévenu. S’il est nécessaire de faire évoluer les notions pour les adapter aux besoins d’une société et de sa régulation, le poids à accorder à la jurisprudence des juridictions nationales en la matière doit tenir compte du fait que les exigences constitutionnelles accordent une place plus ou moins élevée à la norme coutumière dans la hiérarchie des normes imposées au juge interne.
Concernant la « protection des personnes en cas de catastrophe », la déléguée de la France a relevé que la nouvelle rédaction intègre plusieurs commentaires des délégations, tout en notant que dans les projets d’articles 7 et 10, la distinction entre les organisations nationales et les organisations non-gouvernementales est souhaitable. Elle a aussi souhaité que le terme « pertinent » soit remplacé par « appropriées ». Le projet d’articles 16 pourrait être modifié pour éviter de généraliser et porter atteinte à la souveraineté des États. C’est pourquoi, la France propose de retenir simplement « protection des catastrophes », a-t-elle déclaré. Sur le sujet de « l’’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », Mme Belliard s’est interrogée sur l’identification plutôt restrictive proposée de ceux des représentants, au delà de la troïka qui seraient susceptibles de bénéficier de l’immunité ratione personae.
Passant ensuite au thème des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », elle a noté que si la pratique est précieuse, c’est le texte lui-même qui permet d’identifier l’intention des parties. Le projet de conclusion 1er laisse entendre que les règles énoncées aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités ont une valeur coutumière, alors qu’une telle affirmation n’est peut être pas aussi évidente. La définition de la pratique est discutable et reste à définir, a-t-elle estimé.
Enfin, concernant « L’application provisoire des traités », la déléguée de la France a noté que l’ambition première de ces travaux devrait être l’examen des effets juridiques de l’application provisoire tant cette question n’est pas évidente. La richesse des travaux sur ce sujet sera nécessairement fonction des éléments fournis pas les États sur leur pratique en la matière, a-t-elle conclu.
M. MAX ALBERTO DEINER SALA (Mexique) a salué les progrès réalisés par la Commission du droit international sur la question des « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ». Le paragraphe 4 du projet de conclusion pertinent est particulièrement important, a-t-il estimé. Les moyens d’interprétations prévus à l’article 31 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités ont un caractère authentique mais pas contraignant. Le Mexique apprécie le fait que la Commission du droit international n’ait pas défini une méthode d’interprétation préférable à une autre.
Par ailleurs, le représentant du Mexique s’est félicité de l’état d’avancement des travaux sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. Il a estimé que la pratique de l’immunité ratione personae était un peu diluée et que les idées sur l’immunité pénale telles que présentées sont positives pour le développement du droit international positif en la matière.
M. JOSÉ MARTIN Y PEREZ DE NANCLARES (Espagne) a souligné qu’en ce qui concerne le chapitre 4 du rapport de la CDI relatif aux « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », les formulations concrètes ne sont pas à la hauteur de la qualité du rapport. Les observations devraient être plus précises, a-t-il estimé. C’est pourquoi, il faudrait établir une distinction plus claire entre les traités bilatéraux et multilatéraux, a-t-il dit. En ce qui concerne la nouvelle formulation des cinq projets de conclusions présentés par la CDI, le représentant espagnol a souligné que dans la conclusion 1, les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités reflètent sans aucun doute le droit coutumier. Il nous semble pourtant important que la CDI clarifie si l’inclusion de l’article 33 pourrait signifier a contrario que ce principe de la Convention de Vienne ne reflète pas le droit coutumier. Sa délégation, a-t-il dit, appuie le projet de conclusion 2.
En ce qui concerne le chapitre sur « l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », le représentant a félicité sa compatriote Mme Concepción Escobar Hernández, la Rapporteuse spéciale pour le travail accompli dans ce domaine. Il subsiste cependant une controverse sur le délicat équilibre établi entre la protection de la souveraineté et l’inviolabilité de la fonction étatique d’une part, et la nécessité de sanctionner les crimes internationaux, d’autre part. « N’oublions pas qu’au fond, c’est la nature même des crimes qui sont en cause ». La CDI devrait préciser si les crimes les plus graves sont aussi couverts par l’immunité, a souhaité le représentant. L’utilisation du terme « fonctionnaire » pose problème dans la formulation du projet d’article 1er, a fait remarquer le représentant, en se félicitant par ailleurs de la décision d’inclure les forces armées au deuxième paragraphe relatif aux règles spéciales du droit international.
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