SG/SM/12374-AG/10846

Le Secrétaire général déclare que le prochain débat sur la " responsabilité de protéger " ne porte pas sur l'histoire, mais sur le sens même de l'ONU et l'avenir de l'humanité

21/07/2009
Secrétaire généralSG/SM/12374
AG/10846
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DÉCLARE QUE LE PROCHAIN DÉBAT SUR LA « RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER » NE PORTE PAS SUR L’HISTOIRE, MAIS SUR LE SENS MÊME DE L’ONU ET L’AVENIR DE L’HUMANITÉ


On trouvera ci-après le texte du discours sur la question de la responsabilité de protéger que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a prononcé le 21 juillet 2009 devant l’Assemblée générale à New York :


Nous nous réunissons aujourd’hui à la veille du débat de l’Assemblée générale sur mon rapport sur « la mise en œuvre de la responsabilité de protéger  ».  J’attends ce débat avec intérêt.  Et, surtout, je me réjouis à l’idée des progrès que nous ferons dans un domaine vital qui a une immense importance pour moi aussi bien que pour les habitants de toute la terre.


En 2006, en qualité de Ministre des affaires étrangères de la République de Corée, et à nouveau l’année dernière, en qualité de Secrétaire général de l’ONU, je me suis rendu à Kigali pour me recueillir devant le mémorial des victimes du génocide rwandais.  Comme tant d’autres visiteurs, j’en suis reparti avec une volonté renouvelée de faire tout ce que je pourrais pour empêcher que ne soient commises à l’avenir de telles offenses à la dignité humaine. 


Cette semaine, nous avons l’occasion de nous préparer pour le jour – un jour, qui viendra indubitablement – où les mêmes horreurs mettront à nouveau à l’épreuve notre volonté et nos moyens collectifs.  Nous pouvons sauver des vies.  Nous pouvons faire respecter les principes qui sont au fondement de notre Organisation.  Nous pouvons apporter la preuve que la souveraineté et la responsabilité se renforcent mutuellement.  Et nous pouvons affirmer l’autorité morale de l’ONU.


Il y a quatre ans, nos chefs d’État et de gouvernement se sont engagés unanimement à prévenir le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité, ainsi que l’incitation à commettre ces crimes.  Cet engagement universel et irrévocable a été fait au niveau le plus élevé, sans opposition ni contradiction.  C’est à nous qu’il appartient aujourd’hui collectivement de tenir cette promesse historique faite aux peuples du monde. 


Mon rapport propose quelques idées de départ sur les moyens d’y parvenir.  C’est sur ces propositions, et non sur l’engagement solennel pris par les dirigeants mondiaux, que devront porter nos délibérations cette semaine.  La question n’est pas de savoir si la responsabilité de protéger doit être mise en œuvre, mais comment.


Dès le premier jour de mon mandat, j’ai placé au rang le plus élevé des priorités de mon administration le patient travail qui consiste à traduire la solennité des mots dans la réalité des faits.  C’est pourquoi je peux dire aujourd’hui qu’il est largement temps d’inscrire dans des actes la promesse de la responsabilité de protéger.  La stratégie décrite dans mon rapport, qui se fonde sur le Document final du Sommet de 2005, repose sur trois piliers : les responsabilités de l’État; l’assistance internationale et le renforcement des capacités; et une réaction résolue en temps voulu.  Permettez-moi d’en mentionner quelques éléments saillants.


Premièrement, mon rapport cherche à placer nettement la responsabilité de protéger sous l’égide de l’ONU et sous l’autorité de la Charte, d’où elle procède.  En effet, en développant pleinement les stratégies, les normes et les procédures de l’ONU visant à mettre en œuvre la responsabilité de protéger, nous pouvons dissuader les États ou certains groupes d’États de détourner vers des fins inappropriées les principes qui sont au fondement de cette responsabilité.


Deuxièmement, mon rapport affirme que, pour des raisons pratiques et morales, priorité doit être donnée à la prévention.  Il propose une approche équilibrée et nuancée de la prévention et de la protection, qui fait intervenir toute la gamme des outils à la disposition de l’ONU et de ses partenaires.  Il cherche à orienter la réflexion et le travail de formulation des politiques vers les moyens par lesquels la communauté internationale pourrait aider les États à remplir leurs obligations dans ce domaine.  Et il souligne l’importance de confier aux accords régionaux et sous-régionaux, comme l’envisage le Chapitre VIII de la Charte, le soin de prendre les premières mesures de prévention. 


Troisièmement, comme le Sommet mondial de 2005 le demandait, nous souhaitons engager les États Membres dans un débat sur les moyens de renforcer les capacités d’alerte rapide et d’évaluation de l’ONU.  En cas d’échec de la prévention, cependant, l’ONU doit aussi pouvoir réagir aux événements avec la rapidité et la souplesse voulues, en adaptant sa réponse aux circonstances.  Les mesures militaires doivent toujours être une solution de dernier recours et ne doivent être décidées qu’en accord avec les dispositions de la Charte.  Il faut aussi que, dans les territoires qu’ils contrôlent, les groupes armés et les acteurs non étatiques soient soumis à la même responsabilité de protéger les populations que les États.


Enfin, dans mon rapport, j’encourage les principaux organes des Nations Unies à jouer chacun le rôle spécifique qui est le sien aux termes de la Charte dans la formulation et la mise en œuvre de la responsabilité de protéger.  Je me réjouis que l’Assemblée ait déjà commencé la tâche ardue de dégager un consensus sur le plan de mise en œuvre.


J’ai écouté attentivement vos préoccupations et vos attentes.  Mon Conseiller spécial, le professeur Edward Luck, a procédé à de larges consultations.  Mon rapport cherche à établir un terrain d’entente.  Il propose une stratégie cohérente pour aller de l’avant.  Il contient des questions aussi bien que des réponses, parce qu’il vise à élargir et non à resserrer le dialogue en cours.


Aujourd’hui, je vous demande trois choses.  Premièrement, résistez à ceux qui voudraient soit changer le sujet soit réduire à une simple lutte idéologique, géographique ou économique notre volonté commune de prévenir les pires atrocités de l’histoire de l’humanité.  Qu’offrent-ils, ceux-là, aux victimes de la violence collective? De la rancœur au lieu d’une réflexion de fond, de la rhétorique au lieu de véritables politiques, du désespoir au lieu de l’espoir.  Nous pouvons et nous devons faire mieux.


Commençons par admettre qu’il n’y a pas de solutions immédiates ou faciles.  Aucune région, aucun système social n’a été épargné par la barbarie.  Aucune région du monde n’a le monopole de la sagesse ou de la morale.


Reconnaissons aussi que la responsabilité de protéger est née du sol, de l’esprit, de l’expérience et des institutions de l’Afrique.  La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest et l’Union africaine ont donné une vie institutionnelle aux principes de la responsabilité de protéger bien avant le Sommet mondial de 2005.  Aujourd’hui, sur tous les continents, des organisations régionales renforcent, chacune à sa façon, leurs moyens de prévention, d’alerte rapide et de protection des populations.  Partout dans le monde, des réseaux de survivants, de spécialistes, de militants et de professionnels se sont constitués. 


Il y a quatre ans, les dirigeants du monde ont fait corps et surmonté les divergences politiques qui pouvaient les séparer pour adopter la responsabilité de protéger.  Ils ont affronté une menace qui pèse sur leurs sociétés, sur l’état de droit et sur les principes moraux que défend si fièrement l’ONU – et ils l’ont affrontée résolument.  Aujourd’hui, nous devons aux peuples du monde de ne pas faillir dans cette quête commune.


Deuxièmement, je vous demande de laisser l’Assemblée faire ce qu’elle fait le mieux : être le lieu d’une recherche persistante de points d’accord sur une stratégie multilatérale effective.  Je vois des signes de convergence sur les deux premiers piliers de ma stratégie, celui des responsabilités de l’État et celui de l’assistance internationale.  Mais, comme il fallait s’y attendre, des divergences persistent sur certains éléments du troisième pilier, celui de la réaction.


Nous ne pouvons pas espérer résoudre toutes les questions pendantes cette semaine ou la semaine prochaine.  Mais nous pouvons nous accorder sur les moyens de poursuivre le dialogue, de développer l’acquis commun et de poser des jalons pour l’avenir.  Sur ce point précis, je me permets d’appeler votre attention sur le paragraphe 71 de mon rapport.  En 2005, les chefs d’État et de gouvernement réunis au sommet ont souligné que « l’Assemblée générale devait poursuivre l’examen de la responsabilité de protéger ».  Je partage entièrement leur avis.  Mon rapport offre une méthode cohérente pour poursuivre cet examen.


Troisièmement, n’oubliez jamais pourquoi nous nous trouvons ici.  N’oubliez jamais les victimes d’atrocités et de crimes commis dans tant de régions du monde.  Elles se comptent par millions.  Ces forfaits ont laissé une tache indélébile sur l’histoire du XXe siècle.  Mais en agissant ensemble, nous pouvons tracer un chemin différent pour le XXIe siècle.


N’oubliez jamais non plus l’indifférence et le cynisme qui ont souvent empêché notre organisation d’agir aussi rapidement ou aussi efficacement qu’elle aurait dû le faire.  Chaque fois, nos constituants nous ont jugés et nous ont trouvés inférieurs à la tâche.  Ils nous observeront à nouveau cette semaine et ils nous jugeront – à juste titre – sévèrement si nous faisons de ce débat un exercice de politique routinière.


Il y a trois mois, l’Assemblée marquait le quinzième anniversaire du génocide rwandais par des prières, des chants, une exposition de photographies et des discours venus du fond du cœur.  Ce fut une expérience émouvante, informée par les voix des survivants.  Leur douleur ne s’est pas émoussée.  Leurs souvenirs sont toujours aussi cruels. 


Il y a quelques semaines à peine, mon Conseiller spécial a vu passer devant lui un défilé de Rwandais au visage austère qui portaient jusqu’aux cimetières de Kigali les cercueils de victimes découvertes récemment.  Comme l’atteste leur témoignage silencieux, le débat de cette semaine ne porte pas sur l’histoire.  Il porte sur le sens même de l’ONU et sur l’avenir de l’humanité.


Je vous invite à vous joindre à moi dans la recherche d’un monde meilleur.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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