Troisième Commission: les délégations restent divisées sur la question des droits sexuels et reproductifs
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La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a conclu aujourd’hui, son examen de la question de la promotion des femmes, en s’accordant sur la nécessité de continuer de progresser vers la pleine réalisation de tous les droits socioéconomiques des femmes et des filles partout dans le monde, presque 30 ans après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing.
La question des droits sexuels et reproductifs a en revanche continué de faire débat, certaines délégations estimant que ce ne sont pas des droits humains à part entière au sens du droit international. Ils ne sont contenus ni dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, ni dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a-t-il été fait observer.
Des progrès lents et ralentis qui appellent à une action
S’accordant sur la nécessité de progresser vers plus d’actions en faveur des femmes et des filles, les délégations ont constaté, tout comme hier, que les engagements pris il y a 30 ans ne sont toujours pas réalisés. Cela est « troublant », a estimé la Norvège, déplorant que « certaines forces » s’emploient à faire reculer les droits des femmes.
L’absence de progrès dans divers domaines fait par exemple que la pauvreté se féminise à un rythme effrayant. Si les tendances actuelles se poursuivent, ce sont 340 millions de femmes et de filles qui vivront encore dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030, s’est inquiété le Sénégal. Au rythme actuel, il faudrait 137 ans pour éliminer l’extrême pauvreté parmi les femmes, ont constaté plusieurs délégations, s’appuyant sur différents rapports.
Dans ce contexte, il a été jugé essentiel de profiter de la célébration, l’an prochain, du trentième anniversaire de la Conférence de Beijing, pour renouveler et évaluer les engagements. Ces situations doivent être traitées avec le sérieux qu’elles méritent en tenant compte du contexte national et de la culture de ces pays. Car une solution extérieure, n’est jamais une solution, a tempéré la Cameroun.
La situation des femmes et filles en Afghanistan et à Gaza
Les délégations se sont également inquiétées de la prévalence de la violence à l’encontre des femmes et filles: aujourd’hui 600 millions d’entre elles vivent dans des pays touchés par les conflits armés, entraînant pour elles, une augmentation des violences sexistes, a dénoncé Monaco, le Saint-Siège notant pour sa part qu’elles représentent environ 60% des victimes identifiées de la traite des personnes, majoritairement à des fins d’exploitation sexuelle.
La situation à Gaza a été évoquée à plusieurs reprises, notamment par la Jordanie qui a relevé que la moitié des 41 000 personnes tuées par Israël sont des femmes et des enfants. À cela, il faut ajouter le harcèlement et les violences sexuelles subies par les femmes et les filles palestiniennes de la part de l’armée et des institutions israéliennes, a renchérit l’État de Palestine qui a souligné que les femmes et les filles ne sont pas une cible militaire.
Les délégations ont également été nombreuses à s’inquiéter du sort des femmes et des filles en Afghanistan, victimes de « persécution fondée sur le genre ». Le représentant afghan a dénoncé les plus de 70 décrets du régime de facto qui visent à exclure les femmes de la vie publique et privée, y voyant un « effort calculé et systématique » d’oppression des femmes et de démantèlement de leur autonomie. La loi sur la « moralité » codifie cette persécution, a-t-il souligné. De même, 80% des filles d’âge scolaire, dont 1,1 million de filles du secondaire, ne sont pas scolarisées, ce qui les expose à des risques plus élevés de grossesse précoce et de mortalité maternelle. La délégation a également alerté sur les dommages de cette politique pour la santé mentale des femmes afghanes. « Le confinement, la perte d’emploi et l’isolement poussent nombre d’entre elles à lutter pour survivre dans un monde qui les a effacées », a-t-il dit.
Quoi qu’il en soi, l’égalité entre les genres continuera d’être « un mirage » tant qu’existeront des conditions de sous-développement, de faim et de pauvreté dans les sociétés, a sanctionné Cuba, qui a dénoncé l’impact des mesures coercitives unilatérales sur la vie et les droits des femmes et des filles dans le monde.
Désaccords autour des droits sexuels et reproductif
Disant s’appuyer sur les chiffres de l’Organisation mondiale de la Santé, de l’UNESCO et d’ONU-Femmes, la délégation du Cameroun a fait observer que depuis la Conférence de Beijing, des progrès significatifs ont été réalisés pour les droits des femmes et filles: elles sont mieux éduquées; leur taux de participation au marché du travail, de même que leur représentation en politique, ont augmenté de manière significative. Des progrès ont également été réalisés dans la lutte contre les discriminations et les violences à l’égard des femmes.
Et pourtant, a-t-elle objecté, ces mêmes organismes pointent le recul des droits des femmes en prenant comme « mètre-étalon » les « prétendus » droits sexuels et reproductifs, l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, l’autonomie corporelle ou l’accès à l’avortement. Présenter l’interruption volontaire de grossesse ou l’autonomie corporelle comme des droits de l’homme est tout simplement « spécieux ».
Avec plus de 2 millions de femmes souffrant d’une fistule obstétricale dans le monde, majoritairement en Afrique, aucun progrès dans la réduction du taux de mortalité lié à la fistule obstétricale depuis 2016, et 800 femmes qui meurent chaque jour de causes évitables liées à la grossesse ou l’accouchement, il faut rejeter toute politisation de la question des droits à la santé sexuelle et reproductive, a rétorqué le Royaume-Uni. La santé et les droits sexuels et reproductifs ainsi que le droit de disposer de son propre corps sont une condition préalable à la jouissance d’autres droits, a soutenu la Norvège.
En fin de séance, les délégations d’Israël, de la République populaire démocratique de Corée et du Japon ont exercé leur droit de réponse.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 10 octobre, à partir de 10 heures. Elle se penchera sur la promotion et protection des droits de l’enfant.