Première Commission: les inquiétudes dues aux risques nucléaires, aux armes légères et aux systèmes d’armes autonomes dominent la suite du débat général
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La troisième journée du débat général de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a vu se succéder aujourd’hui 24 délégations. Si les thématiques abordées ont été nombreuses, les discussions ont été dominées par les questions relatives à la réduction des risques nucléaires, les armes légères et de petit calibre (ALPC) et les systèmes d’armes létaux autonomes (SALA).
L’Autriche aura marqué ces débats avec un sombre bilan sur l’état actuel du régime de désarmement et de non-prolifération, « sismographe de la situation politique ». Le délégué autrichien a fait observer que presque tous les traités et instruments de désarmement font face à de graves difficultés, quand ils ne sont pas sur le point d’être abandonnés, comme l’accord russo-américain de désarmement nucléaire, le Nouveau Traité START . « Notre monde n’est plus celui de Reagan et Gorbatchev », a-t-il déclaré, insistant sur une configuration internationale désormais multipolaire, mais aussi sur le sentiment d’insécurité qu’entraîne l’évolution très rapide des technologies.
Ces mêmes progrès technologiques accroissent le risque nucléaire, a estimé la représentante d’El Salvador. Elle s’est alarmée de l’intégration de l’intelligence artificielle dans les dispositifs de commande, de contrôle et de communication nucléaire, alors même que les principaux pays dotés seraient en pleine modernisation de leurs systèmes balistiques et de leurs armements aériens et sous-marins. Elle a jugé de tels programmes contraires à l’objectif de réduction de la dépendance à la dissuasion nucléaire comme doctrine de sécurité.
Le risque nucléaire figurait également au cœur de la déclaration de la République de Corée qui a appelé sa voisine du nord à abandonner son programme nucléaire et balistique de manière « complète, vérifiable et irréversible, et à choisir la voie du dialogue plutôt que des provocations ». Le délégué a aussi exhorté la Russie et la République populaire démocratique de Corée à cesser immédiatement leur coopération militaire illégale et à se conformer pleinement à toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU. Il a également fait part de sa profonde préoccupation quant aux informations faisant état de six officiers nord-coréens retrouvés morts en Ukraine sur la ligne de front, près de la région de Donetsk.
Toujours sur la question du risque nucléaire, la Suède a évoqué l’Initiative de Stockholm pour le désarmement nucléaire, laquelle vise depuis 2019 à faire progresser le désarmement dans le cadre de l’application du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Pour ce pays, la réduction des risques peut renforcer la confiance et atténuer les tensions, créant de fait les conditions propices à l’atteinte de résultats concrets. Dans le même ordre d’idée, l’Australie a cité l’Initiative sur la non-prolifération et le désarmement pour réaliser la mise en œuvre intégrale, transparente et responsable du TNP. La réduction des risques nucléaires contribuera au progrès du désarmement nucléaire, a souligné la déléguée australienne. « Nous devons œuvrer d’urgence pour trouver des solutions diplomatiques et réduire le risque de prolifération nucléaire », a convenu l’Irlande.
Plusieurs délégations ont souligné le rôle central des zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN) en vue d’un désarmement nucléaire total. Le Pérou a ainsi rappelé le rôle pionnier de l’Amérique latine en la matière, avec la signature, en 1966, du Traité de Tlatelolco qui allait donner naissance à la première ZEAN. Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), la Grenade a rappelé que toute la région caraïbe était couverte par ce traité. Le Honduras a dit soutenir tous les projets de ZEAN, où qu’ils se trouvent.
La Mongolie, seule nation à s’être autoproclamée « pays-zone exempte d’arme nucléaire », a estimé que l’établissement des ZEAN continue de contribuer à la mise en œuvre de la non-prolifération « à l’échelle mondiale » et au renforcement de la confiance interétatique. Depuis 1998, l’Assemblée générale examine la question du statut d’État exempt d’armes nucléaires de la Mongolie et adopte tous les deux ans des résolutions sur ce sujet, a rappelé le représentant mongol qui a donc demandé aux pays de soutenir cette année encore le texte qui sera présenté pour adoption à la Commission dans les semaines à venir. Autre pays de la région très investi dans le désarmement nucléaire, le Kirghizistan a assuré vouloir poursuivre son travail pour débarrasser le monde des armes atomiques, en tant que dépositaire du Traité portant création d'une zone exempte d'armes nucléaires en Asie centrale. Dans ce but, sa représentante a notamment évoqué des coopérations avec d’autres zones exemptes.
Toujours à propos des ZEAN, le Liban a exhorté la communauté internationale à exercer la pression nécessaire pour qu’Israël participe aux sessions de la Conférence sur la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive. Le Koweït a appelé tous les pays concernés à participer à la cinquième session de la Conférence, qui se tiendra au Siège de l’ONU, le mois prochain, sous la présidence de la Mauritanie.
La question des armes légères et de petit calibre (ALPC) a également mobilisé de nombreuses délégations, notamment sud-américaines. Le Pérou a ainsi rappelé que ce type d’armes tue plus que tout autre au monde, en plus d’exacerber les conflits et la criminalité. À ce titre, il a salué la quatrième Réunion du Programme d’action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, laquelle a abouti à l’adoption de documents visant à mettre en œuvre ledit Programme ainsi qu’un instrument international de traçage.
Un tel outil permettra de prévenir le détournement des ALPC par des acteurs non étatiques et non autorisés, a pour sa part estimé le représentant du Honduras. Il a considéré que ce combat doit s’inscrire dans le Programme 2030, le programme « Les femmes et la paix et la sécurité » ainsi que dans le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général.
L’Uruguay a également évoqué le fléau que représente le trafic des armes classiques à destination et en provenance des zones de conflit. À ce titre, il a réitéré son soutien à le Traité sur le commerce des armes (TCA) et souligné l’importance du Cadre mondial pour la gestion des munitions classiques tout au long de leur cycle de vie.
Si elle se réjouit elle aussi des progrès réalisés, la CARICOM estime qu’il reste encore beaucoup à faire. Elle a lancé un appel pour obtenir une aide financière et technique pour les États les plus concernés.
Enfin, plusieurs délégations ont insisté sur le danger que représentent les systèmes d’armes létaux autonomes (SALA), tout particulièrement en regard des derniers progrès de l’intelligence artificielle. Citant le Ministre des affaires étrangères de son pays, le représentant autrichien a qualifié ces défi de « moment Oppenheimer de notre génération ».
Le représentant du Honduras a, quant à lui, privilégié des considérations d’ordre juridique et éthique, soulignant que l’humain, en tant que sujet de droit, doit être seul responsable des décisions relatives à l’usage de la force. Il a émis la crainte que les SALA encouragent la militarisation en la rendant plus efficace, au détriment de la prévention des conflits. La CARICOM s’est faite l’écho des mêmes préoccupations, estimant qu’une mauvaise réglementation de ces armes pourrait aboutir à une escalade des conflits. La CARICOM a adopté une déclaration sur les systèmes d’armes autonomes pour garantir le contrôle humain sur le recours à la force. Appuyant l’importance des débats en cours sur le sujet, l’organisation régionale préconise la mise en place de normes juridiquement contraignantes.
En fin de séance, de nombreux droits de réponse ont été exercés: Israël, l’État de Palestine, le Liban et l’Iran sur la crise au Moyen-Orient; la RPDC et la République de Corée sur les tensions dans la péninsule coréenne; et l’Inde et le Pakistan sur le différend du Jammu-et-Cachemire.
La Première Commission poursuivra son débat général demain, jeudi 10 octobre, à partir de 10 heures.