AG/EF/3229

DEUXIÈME COMMISSION: LA CRISE FINANCIÈRE MONDIALE ACTUELLE OFFRE UNE CHANCE DE REPENSER LE CAPITALISME, ESTIMENT DES EXPERTS LORS D’UNE TABLE RONDE

11/11/2008
Assemblée généraleAG/EF/3229
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Deuxième Commission

27e séance – après-midi


DEUXIÈME COMMISSION: LA CRISE FINANCIÈRE MONDIALE ACTUELLE OFFRE UNE CHANCE DE REPENSER LE CAPITALISME, ESTIMENT DES EXPERTS LORS D’UNE TABLE RONDE


La crise actuelle n’est plus seulement financière, mais elle a aussi des impacts profonds sur l’économie réelle.  C’est le constat qu’ont fait aujourd’hui les délégations de la Commission économique et financière (Deuxième Commission), à l’occasion d’une table ronde organisée sur le thème « Surmonter les insécurités économiques », et animée par Jomo Kwame Sundaram, Sous-Secrétaire général chargé du développement économique au Département des affaires économiques et sociales.  Dans leurs exposés, les trois panélistes invités ont présenté un certain nombre de pistes qui permettraient de répondre aux conséquences de la crise mondiale, indiquant que cette dernière était aussi une occasion de repenser les idéologies sur lesquelles l’architecture financière internationale était basée depuis un certain nombre de décennies. 


M. Yaga V. Reddy, ancien Gouverneur de la Banque de réserve de l’Inde, a souligné que la crise financière actuelle avait créé un profond sentiment d’insécurité qui était ressenti dans tous les foyers du monde.  Il a estimé que chaque pays en développement serait affecté différemment par cette crise, selon ses propres caractéristiques.  Il a toutefois noté que les institutions financières de ces États seraient moins affectées que celles des économies avancées.  Pour lui, les flux de capitaux sont le problème le plus important à contrôler par les pays en développement.  Tout en notant la perception d’un début de récession dans l’économie réelle à l’échelle mondiale, il a affirmé que l’impact de la crise dépendra du degré d’intégration du pays concerné dans les structures de la finance mondiale.  M. Reddy a ajouté que les pays en développement semblaient donc favorisés, car leur secteur bancaire ne serait pas autant touché, les produits financiers dont ils font usage n’étant pas aussi élaborés que ceux en vigueur dans les économies avancées et les opérations bancaires se faisant de manière plus traditionnelle dans les pays du Sud.  Plaidant pour une approche intégrée de la gestion des politiques macroéconomiques et de développement dans les stratégies, il a mis en avant la nécessité d’une stabilisation budgétaire qui implique l’obtention d’un équilibre raisonnable permettant de répondre aux besoins en matière d’infrastructures, de santé et d’éducation.  Il a constaté que les bénéfices de la mondialisation avaient été réévalués ces derniers mois, alors que les liens de la crise avec l’économie réelle sont subitement apparus.  Une « financisation » excessive de l’économie ne provoque pas une croissance accrue assortie de stabilité, a-t-il déclaré, en estimant que la finance est un moyen et non une fin en soi.


M. Robert Kuttner, cofondateur et corédacteur en chef du magazine « The American Prospect » et membre éminent du groupe de réflexion DEMOS, a rappelé que les marchés n’étaient pas synonymes de distribution équitable des richesses et n’étaient pas une source d’efficacité économique.  Les marchés laissés à eux-mêmes sont une menace pour la stabilité, a-t-il dit.  Toutefois, il a regretté que cette leçon, apprise dans les années 30, n’ait pas été retenue.  Selon le conférencier, l’effondrement des institutions financières constitue aussi l’effondrement d’une idéologie.  Personne ne peut plus penser que les économies s’autorégulent, a-t-il déclaré.  Il a préconisé une « nouvelle forme mixte » de capitalisme au niveau mondial.  Il a estimé que, par certains aspects, cette crise était plus grave que celle des années 30.  En effet, il a souligné que le crash de 1929 avait commencé sur le marché boursier, puis s’était étendu au secteur financier et à l’économie réelle.  Cette fois, la crise a débuté dans le secteur financier et se répand plus rapidement dans l’économie réelle, a-t-il averti.  M. Kuttner a souhaité que l’on s’attache à promouvoir le développement humain durable, à multiplier les chances et les opportunités au Sud, et à lutter contre les inégalités notamment.  Il faut repenser tous les principes sur lesquels l’on s’est appuyé et qui affirmaient que le marché ne pouvait pas avoir tort, a-t-il avancé.  C’est une occasion pour prendre un nouveau départ, mais nous n’avons pas beaucoup de temps, a-t-il conclu.


Se penchant sur l’insécurité énergétique mondiale, M. Michael Klare, Professeur du Programme commun de cinq Universités pour les études de la paix et de la sécurité mondiale, a fait valoir que sans sources d’énergie fiables et abordables, l’économie mondiale ne peut fonctionner de manière efficace.  Il a expliqué que la crise financière a découragé la demande en énergie, créant une situation temporaire d’abondance.  Cette situation ne va pas durer, a-t-il cependant averti.  Le professeur a précisé que la demande internationale en énergie s’est accrue, et ce, notamment en raison de l’accélération de l’industrialisation des pays en développement d’Asie comme l’Inde et la Chine.  Il a ensuite expliqué que le monde connaît un petit déclin de la progression de l’offre internationale d’énergie, du fait que cette industrie n’arrive pas à faire face à une demande qui elle, reste croissante.  Il s’est même alarmé qu’à ce rythme-là le monde soit bientôt incapable d’étancher sa soif de pétrole.  Citant des chiffres de l’Agence internationale de l’énergie, il a indiqué que l’industrie pétrolière mondiale devrait dépenser 350 milliards de dollars par année jusqu’en 2030 pour augmenter la production de sorte à pouvoir satisfaire la demande. Or, cette somme était déjà difficile à concevoir et à trouver avant la crise financière.  M. Klare a aussi cité la concentration du pétrole dans des zones d’instabilité et vulnérables aux changements climatiques, ainsi que la lenteur du développement de sources d’énergie alternatives, comme éléments contribuant à l’insécurité énergétique.  Il a souligné que l’insécurité énergétique devrait être une des priorités majeures des programmes de stabilisation économique.  L’objectif ultime est de réduire la dépendance mondiale aux énergies fossiles, comme le charbon et le pétrole, et d’investir dans les sources d’énergie renouvelables, comme l’énergie solaire et éolienne, a-t-il répété. 


Dans la discussion interactive qui a suivi ces présentations, le représentant du Pakistan a estimé que la crise n’était plus seulement financière, mais économique, et que les instruments qui pouvaient remettre le monde sur la voie de la croissance, comme le commerce, étaient eux aussi dans une impasse.  Alors que le représentant de l’Inde estimait que l’on ne pouvait dépendre de l’autorégulation du marché, le représentant du Brésil a demandé comment les Nations Unies pouvaient prendre part à la chance qui s’offre de redéfinir certaines idéologies sous-jacentes à la structure de gouvernance économique internationale.  Notant la tendance à une réglementation accrue, le représentant de la Malaisie a aussi souligné les appels à une démocratisation accrue des processus de prise de décisions dans le système économique mondial.


Pour sa part, le représentant de la France a estimé, au nom de l’Union européenne, que la stabilité financière était un bien public mondial qu’il fallait promouvoir.  Plaidant pour des réformes ambitieuses de la gouvernance économique internationale, il a insisté sur les notions de transparence et de supervision des acteurs ainsi que sur le renforcement du secteur financier.  Il a précisé que, pour restaurer la confiance, il fallait soutenir les institutions financières systémiques essentielles.  Par ailleurs, le représentant de l’Algérie s’est interrogé sur les approches pratiques qui permettraient de prévenir ce type de crise, alors que celui d’Israël a demandé si la réforme de l’architecture financière internationale garderait les mêmes structures en place, mais avec un équilibre différent.  Enfin, le représentant de la République-Unie de Tanzanie a mis en avant la nécessité de se concentrer sur une production durable afin de préserver les ressources naturelles de la planète, qui ne sont pas inépuisables.


Répondant à cette série de commentaires et de questions, M. Reddy a affirmé qu’une initiative mondiale s’imposait face à la crise, mais que les pays en développement devaient aussi promouvoir l’efficacité et la résistance de leurs banques.  Il a noté l’importance d’investir dans les infrastructures pour augmenter la productivité des pays et de favoriser la coopération multilatérale.  Tout en notant que les économies en développement devraient jouer un rôle croissant dans les organisations multilatérales, il a rappelé que les organes existants ne pouvaient changer du jour au lendemain.  Il a aussi estimé que la distance entre les régulateurs et les institutions financières devait être maintenue. 


Pour sa part, M. Kuttner a argué qu’il y avait une convergence entre ce qu’il fallait faire pour sauver la planète et ce qu’il fallait faire pour sauver l’économie.  Il a noté qu’on pouvait améliorer le rendement énergétique et ainsi créer des emplois et générer la relance économique.  Insistant sur le rôle des banques, il a affirmé que celles-ci devaient revenir à un système d’opérations plus simples.  Enfin, M. Klare a déclaré que les sources d’énergie renouvelables seraient la base du système énergétique du futur.  Il a mis en garde contre une succession de crises énergétiques, si le monde n’évolue pas vers d’autres sources d’énergie.  Le professeur a répété qu’il était impératif d’entamer cette transition énergétique, une tâche qui pourrait durer une cinquantaine d’années.  Cette tâche est la plus importante à accomplir par l’humanité, a-t-il souligné.  L’avenir de notre planète en dépend, et c’est la seule chance de survie de l’espèce humaine, a-t-il averti.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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