LE REGIME DE LA RESPONSABILITE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES EXIGE UNE DEFINITION PREALABLE DE LA NOTION D’«ORGANISATION INTERNATIONALE»
Communiqué de presse AG/J/402 |
Sixième Commission
14e séance - matin
LE REGIME DE LA RESPONSABILITE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES EXIGE UNE DEFINITION PREALABLE DE LA NOTION D’«O RGANISATION INTERNATIONALE »
Réunies pour examiner le rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-cinquième session, les délégations à la Sixième Commission ont centré ce matin leurs débats sur la responsabilité des organisations internationales. Elles avaient été invitées par le Président de la CDI, M. Enrique Candioti, à répondre aux trois questions suivantes, en vue de guider la Commission dans la poursuite de ses travaux: une règle générale relative à l’attribution de comportements aux organisations internationales devrait-elle faire référence aux «règles de l’organisation »; dans l’affirmative, la définition contenue dans la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales serait-elle satisfaisante; et dans quelle mesure le comportement des forces de maintien de la paix devrait-il être attribué à l’Etat fournisseur ou à l’Organisation des Nations Unies ?
Les délégations ont dans l’ensemble salué la définition adoptée dans le projet d’articles, définition large qui englobe, sous le terme « entité », les organisations non gouvernementales. Le Président du Groupe de travail de la CDI chargé de la question, M. Giorgio Gaja, a indiqué que l’abandon de la définition traditionnelle d’organisation intergouvernementale répondait au besoin d’avoir une définition plus fonctionnelle. Adoptant une position restrictive, la Chine a indiqué que les Etats étaient les acteurs principaux du droit international et que la portée de l’étude ne devait pas être étendue aux organisations non gouvernementales qui, de l’avis de la délégation chinoise, rendent la définition encore plus complexe. Plusieurs délégations ont souligné le problème soulevé par les entités qui ne disposaient pas d’une personnalité juridique, telle l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les pays de l’Union européenne insistant pour leur part sur la particularité du statut de l’Union européenne, qui est une organisation bien distincte de la Communauté européenne.
S’agissant de la question de l’attribution de comportement, le Japon a indiqué que de toute évidence, tout acte d’un organe rattaché à une organisation internationale serait considéré comme un acte de ladite Organisation. A cet égard, il a été indiqué qu’une référence aux « règles de l’Organisation » serait utile en tant qu’élément d’un principe général concernant l’attribution d’un comportement à une organisation internationale. Les délégations se sont accordées pour considérer que la Convention de Vienne de 1986 constituerait une base de départ sur la question. Concernant le comportement des forces de maintien de la paix, l’Allemagne a indiqué qu’à ce stade, cette question n’était pas prioritaire.
Outre les délégations mentionnées, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Italie (à titre individuel, puis au nom de l’Union européenne, des pays candidats et pays associés), Finlande (au nom des pays nordiques), Danemark (également au nom des pays nordiques), Pays-Bas et France.
Par ailleurs, la Sixième Commission a entendu le représentant de l’Egypte qui a présenté, au nom de ses coauteurs, le projet de résolution intitulé « Rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation »*. Elle se prononcera mercredi 29 octobre sur ce texte ainsi que sur le projet de résolution intitulé « Mise en oeuvre des dispositions de la Charte des Nations Unies relatives à l’assistance à des Etats tiers touchés par l’application des sanctions », présenté jeudi 23 octobre.
La Sixième Commission poursuivra son examen du rapport de la Commission du droit international, demain mardi 28 octobre à 10 heures.
* A/C.6/58/L.18
RAPPORT DE LA COMMISSION DE DROIT INTERNATIONAL SUR LE TRAVAIL REALISE LORS DE SA 55EME SESSION
Le Rapporteur spécial chargé de la question, M. Giorgio Gaja, fait le bilan des précédents travaux de la Commission consacrés à la responsabilité des organisations internationales, en commençant par ceux touchant aux relations entre les Etats et les organisations intergouvernementales, dans le cadre desquelles la question de la responsabilité des organisations internationales a été identifiée dès 1963. Cette question a été à nouveau évoqué dans le cadre de l’étude sur la responsabilité de l’Etat, mais il a alors été décidé de ne pas l’inclure dans le sujet. Bien que la question de la responsabilité des organisations internationales ait été laissée de côté, certaines des questions les plus controversées avaient été déjà examinées dans le cadre du point intitulé par la suite «La responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite». Les travaux de la Commission sur la responsabilité des Etats ne pouvaient manquer d’avoir une incidence sur l’étude de la nouvelle question, et il était donc logique d’adopter la même approche sur des questions qui étaient parallèles à celles concernant les Etats. Considérant qu’il faudrait suivre le modèle du projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat, même si les conclusions devaient être différentes, le Rapporteur spécial propose trois projets d’articles intitulés respectivement «champ d’application», «définition» et «principes généraux». La Commission a examiné et adopté le rapport du Comité de rédaction sur les projets d’articles 1, 2 et 3 à sa séance du 16 juillet 2003 et adopté les commentaires le 4 août 2003; elle a prié le secrétariat d e transmettre tous les ans pour observation ces travaux à l’ONU, à ses institutions et à d’autres organisations internationales.
L’article premier dispose que le projet d’articles s’applique à la responsabilité internationale d’une organisation internationale pour un fait qui est illicite en vertu du droit international; ainsi qu’à la responsabilité internationale de l’Etat pour le fait internationalement illicite d’une organisation internationale. Le commentaire précise que le terme «responsabilité internationale» se situe uniquement dans la perspective du droit international. Elle porte sur la commission d’un fait illicite, ou la direction ou l’assistance à la commission d’un tel fait. Le projet d’articles pourrait combler une lacune de la Convention sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, en couvrant la responsabilité de l’Etat membre d’une organisation internationale à raison d’un fait illicite dont cette organisation est l’auteur.
Le concept d’organisation internationale est défini par l’article 2: «on entend par «organisation internationale» toute organisation instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international et dotée d’une personnalité juridique internationale propre. Une organisation internationale peut aussi comprendre parmi ses membres des entités autres que des Etats». Cette définition n’est donnée qu’aux fins de la convention considérée. Elle ne vise pas les organisations établies par des instruments qui sont régis par les législations nationales, telles les fondations. La personnalité juridique internationale, selon la CIJ, découle de toutes les obligations que lui imposent les règles générales du droit international, son acte constitutif ou les accords internationaux auxquels elle est partie. C’est une personnalité objective, la reconnaissance par un Etat lésé ne serait donc pas nécessaire préalablement à la recherche de la responsabilité de l’organisation.
Enonçant les principes généraux sur la définition du fait illicite, l’article 3 souligne que tout fait internationalement illicite d’une organisation internationale engage sa responsabilité internationale. Il y a fait internationalement illicite d’une organisation internationale lorsqu’un comportement consiste en une action ou une omission. C’est un article d’introduction et non restrictif dont le contenu sera précisé dans les articles suivants.
Présentant le rapport de la Commission du droit international (CDI) (A/58/10), son Président, M. ENRIQUE CANDIOTI (Argentine), a précisé les relations entre les deux organes, rappelant que la CDI comptait sur la Sixième Commission pour obtenir des conseils de la part des gouvernements et recueillir leurs réactions sur des questions générales de politique, ainsi que des éléments de la pratique des Etats qui n’étaient pas facilement disponibles.
M. Candioti a procédé à une présentation par chapitres. Les Chapitres I à III et le Chapitre XI (autres décisions et conclusions), portent sur l’introduction, le résumé des travaux de la CDI à sa 56ème session, et les points sur lesquels des observations seraient particulièrement intéressantes pour la Commission. Les travaux ont mis l’accent sur les questions suivantes: responsabilité des organisations internationales ;; protection diplomatique ;; responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international (Responsabilité internationale en cas de perte causée par un dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses) ;; actes unilatéraux ;; réserves aux traités et ressources naturelles partagées. Concernant le Chapitre XI, le Président a attiré l’attention sur la question de la documentation de la CDI, dont la nature s’accordait mal avec la recommandation du Secrétaire général tendant à limiter le nombre de pages des rapports établis par les organes subsidiaires. Il a plaidé pour que cette restriction ne s’applique pas au rapport de la CDI, notamment compte tenu de son obligation de présenter ses travaux antérieurs ainsi que des commentaires. Il a par ailleurs indiqué que la décision concernant les honoraires traditionnellement payés aux membres de la Commission compromettrait la participation effective des rapporteurs spéciaux originaires des pays en développement. M. Candioti a rappelé que la CDI avait, comme par le passé, mené ses travaux en coopération avec de nombreuses organisations en matière de droit international. Il a aussi rappelé l’attachement de la CDI au Séminaire de droit international organisé chaque année à Genève et encouragé les Etats à financer ce programme.
Abordant le thème de la responsabilité des organisations internationales, M. Candioti a replacé ces travaux à la suite de ceux menés sur la responsabilité des Etats, rappelant que les deux régimes pouvaient connaître des divergences. Il a présenté le projet de trois articles sur la question. La référence à la «responsabilité internationale» exprime clairement que le texte vise seulement la responsabilité des organisations internationales dans le cadre du droit international. Il a précisé également que le terme «organisation internationale» ne couvrait pas toute l’étendue et la diversité des entités qui se considéraient comme internationales, mais visait seulement les «organisations intergouvernementales». M. Candioti a indiqué que les trois articles ne portaient pas sur la question de l’attribution, alors que huit articles portent sur la question dans le régime de la responsabilité des Etats. Ce point sera examiné dans le prochain rapport de la CDI et, à cet égard, M. Candioti a appelé les Etats à présenter leur opinion sur la question .
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Déclarations
M. GIUSEPPE NESI (Italie), s’exprimant au nom de l’Union européenne, des pays candidats et pays associés, a reconnu que la question de la responsabilité des organisations internationales était d’une pertinence particulière. Il a rappelé que l’Union européenne n’était pas une organisation internationale classique. L’Union européenne n’est pas un forum pour l’organisation des relations entre Etats européens, mais elle est aussi un acteur de la scène internationale, habilitée à conclure des accords avec ses Etats membres. Elle est aussi partie à des différends, notamment dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le représentant a également rappelé que l’Union européenne avait mis en place un marché commun et organisait les relations communes entre ses membres, leurs entreprises et leurs citoyens. Il a souligné que les législations adoptées par l’Union européenne étaient mises en œuvre par ses Etats membres et étaient appliquées par les institutions et juridictions nationales compétentes. A cet égard, il a invité la Commission du droit international de tenir compte, dans son projet d’articles, de toutes les formes d’organisation internationale, et revendique la qualification d’organisation régionale qui, selon lui, reflète au mieux la pratique actuelle.
Mme IRMA ERTMAN (Finlande), s’exprimant au nom des pays nordiques, a estimé que c’est un moment décisif pour la Commission du droit international de définir ses travaux futurs. Le thème de la responsabilité des Etats, dernier au titre du programme à long terme de 1949, a laissé un vide à l’ordre du jour de la Commission, qui devrait à l’avenir être marqué de plus de souplesse et par des questions plus multiformes. La représentante a déploré la tendance à maintenir toutes les questions étudiées par le passé, sans examiner les progrès réalisés dans les faits, la codification ou la clarification des questions de droit. Elle a toutefois admis qu’une certaine prudence de la part des délégations a parfois empêché la Sixième Commission d’exprimer clairement sa position. Celle-ci déplore que les travaux stagnent parce que les Etats ne fournissent pas d’exemples de leur pratique, a rappelé Mme Ertman, mais en réalité c’est le manque d’attention de la part de la Commission qui empêche les Etats de fournir les informations nécessaires. Elle a suggéré que le thème des actes unilatéraux des Etats soit retiré des travaux de la Commission du droit international. Sur la question de la protection diplomatique, Mme Ertman s’est félicitée des solutions dérivées de l’arrêt de la CIJ Barcelona Traction, rappelant que la codification ne devait pas éliminer les solutions acquises et fiables. La représentante de la Finlande a plaidé pour que la question de la protection des populations vulnérables figure au programme de travail à long terme de la CDI. Les gouvernements des pays nordiques ont souligné à cet égard l’initiative du Comité international de la Croix-Rouge, et proposent que la CDI travaille en étroite consultation avec les acteurs pertinents. Mme Ertman a indiqué qu’il n’était pas souhaitable de codifier les domaines du droit où les règles étaient suffisamment claires, et plaidé pour l’absence de politisation de la CDI.
M. HANS KLINGENBERG (Danemark), s’exprimant également au nom des pays nordiques, a indiqué que les principes importants de la responsabilité des organisations ont été élaborés sur le modèle adopté concernant la responsabilité des Etats. Ce parallèle permettra une certaine harmonisation. S’agissant de la définition, il a affirmé que les règles de la responsabilité internationale ne doivent englober que les organisations internationales qui sont véritablement indépendantes. Il faut qualifier de « propre» la personnalité internationale, dans le projet d’articles, a-t-il précisé. Il a affirmé que la référence aux traités antérieurs n’était pas pertinente. Il a invité à prendre en compte la nature juridique de l’organisation, mais également ses fonctions. Le représentant a recommandé à la Commission d’exclure la responsabilité pour faits non interdits internationalement. S’agissant de l’attribution d’une conduite, il a indiqué qu’il fallait définir la relation entre une organisation internationale et ses membres et qu’il ne fallait pas laisser un Etat ou groupe d’Etats se retrancher derrière une organisation internationale pour échapper à leur responsabilité. Concernant les questions posées relativement à l’attribution, il a affirmé que les règles d’organisation doivent être un élément de la définition des organes agissant pour le compte de l’organisation internationale. Il a estimé que les règles de responsabilité des organisations internationales devraient tenir compte des actes commis par les Etats à titre individuel. S’agissant des forces de maintien de la paix, M. Klingenberg a estimé que la réponse était tributaire de celle donnée à des questions subsidiaires, et qu’en conséquence, il fallait la laisser de côté. Il a affirmé que la responsabilité internationale de l’ONU pour les activités de ses forces de maintien de la paix était un corollaire de sa personnalité internationale.
M. HANS WINKLER (Autriche) a rappelé l’initiative lancée par son pays et la Suède en vue de revitaliser le débat au sein de la Sixième Commission sur les travaux de la Commission du droit international. Abordant la question de la définition des organisations internationales, M. Winkler a indiqué qu’il serait intéressant de savoir si les entités créées par un traité international qui sont de nature embryonnaire, tels que les organes ou secrétariats établis en vertu de traités ou conventions, tomberaient dans le champ d’application du projet d’articles. Que se passe-t-il si ces entités concluent des accords de siège et manquent à leurs obligations? Par ailleurs, il est problématique de savoir si l’existence d’une «personnalité juridique internationale propre» entre dans les conditions préalables, alors que l’existence de cette personnalité est une conséquence juridique de la qualité d’organisation internationale. En outre, le cas de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’Union européenne, dans la mesure où elle est distincte de la Communauté européenne, méritent examen. M. Winkler a indiqué que sa délégation a répondu aux questions posées par la CDI concernant le Chapitre III de son rapport. Concernant la nécessité d’établir un principe général sur l’attribution d’un comportement à une organisation internationale, il a estimé que le projet d’articles devrait se référer aussi aux principes et règles régissant les organisations, éventuellement dans un paragraphe séparé, reflétant la procédure suivie pour la responsabilité des Etats. Sur la définition des règles de l’organisation, l’Autriche accepte la définition contenue dans la Convention de Vienne sur le droit des traités entre les Etats et les organisations internationales et entre organisations internationales. Quant à la question spécifique des forces de maintien de la paix, la délégation de l’Autriche considère qu’il n’est pas sage de faire ressortir une question en particulier, les missions de maintien de la paix pouvant revêtir des formes très diverses; certaines de leurs activités pourraient ne pas être attribuables à l’ONU. Il serait préférable que la CDI élabore des critères généraux pour la définition des organes d’une organisation internationale.
M. KEIICHI HAYASHI (Japon) a indiqué que la question des règles de l’organisation ne pouvait être calquée sur les normes en matière de responsabilité de l’Etat, qui établissent une distinction entre le droit interne et le droit international. Les «règles de l’organisation» comprennent une large variété de normes, dont les processus internes de décision et la structure de l’organisation, qui sont des règles concernant l’organisation seule, mais aussi des normes concernant les relations entre Etats membres qui, à ce titre, font partie du droit international. Il est évident, a-t-il indiqué, que tout acte d’un organe d’une organisation internationale sera considéré comme un acte de l’organisation. En conséquence, une référence à ces «règles de l’organisation» serait utile en tant qu’élément d’un principe général concernant l’attribution d’un comportement aux organisations internationales. Il est important toutefois de s’assurer que la définition de ces règles soit appliquée de façon générale à la diversité des organisations internationales. A cet égard, a rappelé M. Hayashi, la personnalité juridique de nombreuses organisations est remise en cause, du fait qu’elle n’est pas clairement stipulée dans les règles de l’organisation. Un point de départ pour la définition des règles de l’organisation pourrait être utilement puisé dans la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales et entre organisations internationales, mais elle devrait être adaptée au contexte particulier.
M. JOHAN G. LAMMERS (Pays-Bas) a indiqué que la définition utilisée pour l’organisation internationale est une définition générale et de vaste portée, et qu’il n’est pas exclu qu’elle soit utilisée à d’autres fins. La définition proposée se contente de répéter le terme «organisation», a-t-il indiqué. Il a alors invité à utiliser le texte du commentaire de la CDI qui se réfère au terme «coopération internationale». Il a estimé d’autre part que la définition proposée ne se limitait pas aux organisations internationales établies par un traité, mais s’adresse aussi aux organisations internationales créées par d’autres instruments de droit international. Le représentant a affirmé qu’une organisation internationale ne pouvait pas être créée par une résolution des Nations Unies et a estimé que dans une telle hypothèse, il doit être établi que la décision d’instituer l’organisation doit lier l’organisation qui est à l’origine et doit rester conforme aux pouvoirs de cette organisation originaire. Par ailleurs, il a noté qu’au paragraphe 9 du projet d’article 2, la CDI se référait à l’avis consultatif de la CIJ sur la réparation des dommages, qui est relatif à la personnalité juridique objective. La CDI note alors qu’une organisation internationale qui n’existe que sur papier ne saurait être dotée d’une personnalité objective, a-t-il précisé. Il a conclu en invitant à définir ce qu’on entend par membre de l’organisation, en conséquence du fait que le paragraphe 13 des commentaires fait référence à des entités autres que les Etats.
M. IVO M. BRAGUGLIA (Italie) a salué l’adoption des trois articles sur la responsabilité des organisations internationales qui s’inscrivent dans la ligne du projet d’articles que la Commission du droit international a adopté en matière de responsabilité internationale de l’Etat. S’agissant de la définition de l’organisation internationale, il a souligné qu’il était particulièrement important que la Commission limite son étude aux organisations internationales dont les Etats sont membres. Il a estimé que la Commission devrait, dans la continuité du projet sur la responsabilité de l’Etat, adopter une règle générale d’attribution parallèle à l’article 4 dudit projet, indiquant qui doit être considéré comme un organe de l’organisation. Une telle règle permettrait de déterminer qui a la qualité d’organe aux fins de l’attribution d’un fait illicite. M. Braguglia a suggéré pour cela que la Commission reproduise la définition de l’article 2, alinéa J de la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisation internationale et entre organisations internationales, et qu’elle mette au clair dans quelle mesure la pratique établie par l’organisation peut être décisive. Quant à la question des forces de maintien de la paix, le représentant a considéré que leur responsabilité pour fait internationalement illicite relevait de l’ONU sauf pour les matières dans lesquelles le contingent resterait soumis au contrôle de l’Etat fournisseur. A cet égard, il a suggéré d’envisager un concours de responsabilité.
M. LIU ZHENMIN (Chine) a indiqué que la question de la responsabilité des organisations internationales était fondamentale. La Chine considère que la définition devrait porter essentiellement sur l’élément « intergouvernemental » ou «interétatique». Ce sont les Etats qui sont les acteurs principaux du droit international. Les travaux précédents de la Commission du droit international, notamment la Convention de Vienne sur les traités entre les Etats et les organisations internationales et entre organisations internationales, considèrent toute s les organisations intergouvernementales comme des organisations internationales. C’est un fait largement admis. Le statut de «sujet de droit international» a été créé seulement pour les organisations intergouvernementales. Par ailleurs, le commentaire du projet d’article 2 du projet de texte élaboré par la CDI indique que la personnalité juridique internationale d’une organisation est une personnalité «objective». Cet argument ne peut être accepté que dans le cas où un différend entre un Etat et une organisation est réglé par une tierce partie. Que se passe-t-il si l’Etat victime d’une violation invoque directement la responsabilité de l’organisation? La question de la reconnaissance, et donc de la personnalité subjective, se posera dans ce cas. Les Etats ont un droit fondamental de déterminer si une organisation possède la personnalité juridique internationale. La mention «d’autres entités» dans le projet d’article 2, a fait observer le représentant, n’expose pas suffisamment la suprématie absolue des Etats. La portée de l’étude ne doit pas être étendue aux organisations non gouvernementales, qui rendent la définition encore plus complexe.
M. ABRAHAM (France) a indiqué que s’agissant de la responsabilité des organisations internationales, le projet d’articles adopté par la Commission du droit international n’appelle pas de longs commentaires. Il a affirmé que la définition retenue lui semble adéquate et a estimé qu’un équilibre judicieux entre organisations internationales et organisations intergouvernementales permettait d’harmoniser la définition. Dès lors que sont énoncés les deux critères essentiels de définition, à savoir la jouissance de personnalité internationale et la participation d’Etats en tant que membres, la définition était complète. Le représentant a invité à adopter un alinéa distinct pour préciser que les organisations internationales peuvent contenir des entités autres que les Etats. La délégation française approuve la définition voulant que le projet d’articles s’applique à la responsabilité de l’organisation internationale du fait des Etats mais aussi à la responsabilité de l’Etat du fait de l’organisation internationale. Il faudra envisager les cas de responsabilité conjointe, concurrente et solidaire, a-t-il indiqué. S’agissant des principes d’attribution, la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales et entre organisations internationales comporte une définition acceptable, a fait remarquer le représentant, souhaitant que la CDI prenne acte des développements de l’Institut de droit international. Il a précisé que la CDI a noté l’existence de conflits entre le droit international et le droit interne des organisations internationales et a rappelé à cet égard l’application de la «lex specialis».
M. THOMAS LÄUFER (Allemagne) a déclaré, concernant la question de la responsabilité des organisations internationales, que la Commission du droit international devait clarifier les conditions de l’attribution des actes des organes d’une organisation internationale à ses Etats membres, en particulier lorsque les Etats membres ont transféré une partie de leurs compétences à cette organisation. Cela est particulièrement pertinent pour les membres de l’Union européenne. L’Allemagne considère que la question générale de la responsabilité des organisations internationales devrait être prioritaire. Les situations spécifiques, telles que les opérations de maintien de la paix, devraient être étudiées plus tard. Abordant la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit internationale, M. Läufer a noté que la volonté des Etats d’adopter des normes internationales en la matière n’était pas encore reflétée dans un régime de responsabilité, bien que la pratique des Etats en matière d’environnement en porte la trace. Il était donc tout à fait opportun que les travaux de la CDI portant sur la responsabilité internationale en cas de perte causée par un dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses aient repris en 2002. La délégation de l’Allemagne a par ailleurs abordé la question de la protection diplomatique, des actes unilatéraux, des réserves aux traités, des ressources naturelles partagées et de la fragmentation du droit international.
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