Conférence sur l’océan: les PEID appellent à enclencher une véritable « révolution océanique »
NICE, FRANCE,10 juin – Au troisième jour du débat général de la troisième Conférence sur l’océan, qui se tient à Nice, en France, jusqu’au 13 juin, c’est un appel à l’action et un sentiment d’urgence qui ont dominé les interventions face à un monde aux prises avec de multiples défis planétaires dont l’océan est à la fois victime et solution.
Comme l’a rappelé la Vice-Ministre de l’environnement de l’Équateur, qui a récemment agrandi l’aire marine protégée des Galapagos, l’océan joue un rôle essentiel dans la régulation du climat, la sécurité alimentaire, l’économie mondiale, la connectivité culturelle et à la vie elle-même. « Mais il est en danger. » La surpêche, la pollution, les changements climatiques et la perte d’habitats et de ressources marines menacent son équilibre et sa générosité, s’est-elle inquiétée.
Aux premières loges des nations frappées par la montée des eaux, l’acidification des mers, l’érosion côtière, la surpêche et la pollution marine figurent bien entendu les petits États insulaires en développement (PEID) pour lesquels la protection des océans représente un enjeu existentiel. Composés à plus de 90% d’océan, les Seychelles et le Royaume de Tonga sont venus témoigner de leur dépendance envers un environnement marin sain et fonctionnel. Dès lors, la protection de l’océan n’est pas un choix, mais une question de survie pour ces pays.
La Barbade a d’ailleurs appelé à prendre conscience de la différence flagrante entre l’espace maritime et l’espace terrestre des PIED, précisant que sa zone économique exclusive (ZEE) est environ 430 fois plus grande que son espace terrestre. On peut légitimement se demander pourquoi aucun instrument multilatéral maritime qui pourrait être pour les PEID ce que le programme REDD+ est pour les pays fortement boisés n’a jamais été mis en place, a estimé son représentant. Dans la perspective de la COP30, il a appelé à la création d’un tel mécanisme qui servirait non seulement à protéger et à promouvoir les économies bleues des PEID, mais qui, compte tenu de l’interconnexion des océans, aurait également un impact bénéfique à l’échelle mondiale.
Financements climatiques et bleus
L’argument avancé par la Barbade est que la taille du territoire maritime de chaque PEID serait indicative de sa contribution nationale en tant que puits de carbone mondial et servirait à déterminer les allocations financières pour le développement et l’action climatique et l’économie bleue.
Ces financements devraient d’ailleurs se mesurer en milliers de milliards, et non en millions de dollars, et leur accessibilité doit être fondée sur la vulnérabilité et non sur des indicateurs de revenus obsolètes et inadéquats qui ne tiennent pas compte des réalités sur le terrain, a abondé Nauru, la Ministre de l’environnement de Saint-Kitts-et-Nevis appelant pour sa part à tenir compte des circonstances spéciales des PIED.
Les appels se sont également multipliés pour un financement bleu adéquat et prévisible en vue d’accroître les investissements dans les entreprises axées sur la nature, telles que le carbone bleu, les obligations bleues et l’écotourisme. Des mesures d’urgence s’imposent, notamment l’intégration d’une action climatique dans les mécanismes financiers mondiaux, ont argué les Fidji. « Aidons les petites nations à se développer durablement », a résumé le Ministre de l’environnement d’El Salvador.
Ce que les PEID attendent concrètement de cette conférence c’est « une véritable révolution océanique » qui se traduise en actions et non en simples déclarations, a tonné Nauru. Pour cela il faut redynamiser le multilatéralisme car il y va de la survie des PEID, a renchéri Saint-Kitts-et-Nevis alors que la Guinée équatoriale a estimé que l’océan ne doit pas être une victime silencieuse mais plutôt un espace de coopération et de durabilité qui doit être conservé et exploité de manière durable au profit de tous.
Ces pays attendent donc du plan d’action de Nice qu’il ne crée pas des obstacles « qui protègent les structures de pouvoir existantes tout en bloquant l’accès à ceux qui en ont le plus besoin ».
Le multilatéralisme au service de l’océan
Notant que les défis auxquels l’océan est confronté ne s’arrêtent pas aux frontières, la Suisse, a rappelé qu’elle allait accueillir cet été à Genève l’un des prochains « temps forts multilatéraux en faveur de l’océan », à savoir les prochaines négociations sur le futur traité international sur la pollution plastique.
Les Tonga et d’autres pays insulaires du Pacifique ont d’ailleurs souligné l’importance de fixer des objectifs ambitieux lors des négociations sur ce nouveau traité faisant remarquer que les PIED, qui ne fabriquent ni matières ni de produits en plastique, sont confrontés à des défis considérables en matière de gestion des plastiques en fin de vie.
Le Kenya, qui avait Coprésidé la deuxième Conférence sur les océans aux côtés du Portugal, a encouragé davantage de pays à ratifier l’Accord BBNJ, un appel entendu par Malte qui a dit avoir déposé son instrument de ratification du traité pour la haute mer durant la conférence, à Nice. L’Accord BBNJ renforcera la coopération multilatérale qui doit être le fondement des efforts de la communauté internationale, a affirmé la représentante selon qui la conservation et l’utilisation durable de l’océan doivent être menées sous l’égide du droit international, en particulier de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Ne pas naviguer à vue
L’importance d’une interface science-politique solide a également été mise en exergue car, ont relevé de nombreuses délégations, sans données scientifiques fiables pour orienter les stratégies océaniques mondiales, régionales et nationales, « on navigue à vue ». Comme l’a rappelé la Suisse, la gouvernance des océans doit être fondée sur des données scientifiques solides afin de comprendre le fonctionnement des écosystèmes, de suivre leur évolution, d’identifier les risques, et d’évaluer l’efficacité des mesures prises. La science constitue la base sur laquelle doivent se reposer les décisions politiques, a insisté la délégation.
La coopération internationale pour la protection des océans doit reposer sur des principes fondamentaux, dont le partage des avancées scientifiques et la recherche de solutions mondiales fondées sur la science et l’innovation pour protéger nos océans, a estimé à son tour le Pakistan.
La Conférence sur l’océan poursuivra ses travaux demain, jeudi 12 juin, à partir de 10 heures.
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