BBNJ: les travaux de la Commission préparatoire se poursuivent activement, à la veille de leur clôture
Ce matin, la Commission préparatoire de l’Accord BBNJ a repris sa réunion au sein du Groupe de travail informel II sur l’examen des modalités de fonctionnement du Centre d’échange. Elle a ensuite repris ses travaux en plénière pour un échange de vues préliminaire sur les questions soumises à l’examen de la seconde Commission préparatoire, qui se tiendra en août, à New York.
Groupe de travail II sur les questions relatives au fonctionnement du Centre d’échange
Ayant pris bonne note des contributions fournies par les délégations sur ce sujet hier après-midi, la Coprésidente de la Commission préparatoire, Mme Janine Elizabeth Coye-Felson (Belize), a donné la parole aux délégations restantes pour qu’elles s’expriment à leur tour sur les questions suivantes: quelles étapes la Commission préparatoire devrait-elle suivre pour faciliter la mise sur pied du Centre? Comment avancer dans l’échange d’informations, étant donné la nature très technique du travail et le niveau d’expertise requis?
Au nom du Core Latin American (CLAM) à l’origine des travaux, le Mexique a répondu aux préoccupations de certaines délégations sur le bien-fondé de la création d’un groupe de travail dédié au Centre. Il a notamment cité la « volonté d’avancer » durant la période d’intersession. Sur le fond, comme prévoit la résolution de l’Assemblée générale votée le 4 mars 2025 au sujet des normes et pratiques de la Commission préparatoire, cette dernière a la possibilité de mettre en place des organes subsidiaires, si nécessaire. Le CLAM recommande de travailler sur un « diagramme de flux » ainsi que sur une feuille de route rendant compte des progrès du Centre d’échanges. Le groupe produira des recommandations qui serviront à la Commission lors de sa prochaine session.
L’Australie, la Malaisie, le Canada ont mis en avant une approche « graduelle » et « progressive » de l’institutionnalisation dudit Centre, une entité qui devra servir de plateforme centralisée pour permettre aux parties d’obtenir, de fournir et de diffuser des informations concernant les évaluations d’impact sur l’environnement.
L’Inde imagine pour le Centre un cadre opérationnel regroupant des informations relatives à des éléments clefs, tels que « les ressources marines critiques ». Elle a préconisé une approche en réseau qui favoriserait les partenariats et la collaboration entre parties, institutions de recherche et autres parties prenantes. Une attention particulière doit aussi être portée sur la protection des données et le respect de la vie privée applicables au Centre d’échange.
Singapour, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a proposé que ce groupe soit créé lors de l’intersession entre la deuxième et la troisième réunion de la Commission préparatoire. Elle a aussi recommandé de s’inspirer de mécanismes d’échange existants pour cartographier les besoins, une approche louée par le Canada.
Le même Canada et la Nouvelle-Zélande se sont rangés derrière la proposition norvégienne de créer un « groupe consultatif à composition non limitée » pour conseiller les coprésidents, sur la base des discussions au sein de la première et de la deuxième commissions préparatoires. Les résultats pourraient être ensuite diffusés à tous les membres durant l’intersession entre la deuxième et la troisième réunions de la Commission préparatoire.
Ce « groupe consultatif officieux » imaginé par la Norvège pourrait être large, non seulement par souci d’inclusion, mais aussi parce que les compétences demandées à ses membres seraient très techniques. Il pourrait se réunir en virtuel ou aussi en présentiel. Néanmoins, s’agissant de cette dernière option, la Norvège tient bien compte de la crise des liquidités en cours aux Nations Unies.
S’agissant de la taille de ce groupe, la Norvège s’est dite en faveur d’une base de six représentants de chaque groupe régional, plus des représentants des parties prenantes, pour un total d’une cinquantaine de personnes, qui se réuniraient environ une fois par mois, pour des exposés, suivis de discussions.
Le caractère informel de la proposition norvégienne a séduit la Suisse. D’ici à la deuxième réunion de la Commission préparatoire, elle a préconisé des groupes de discussions informelles en ligne, « ce qui ne devrait pas être très onéreux ».
Sur ce volet financier, l’Australie a préconisé, pour faire fonctionner le groupe, de faire appel à des contributions financières volontaires. L’Union européenne (UE) a réclamé davantage de clarté à ce sujet avant de pouvoir se prononcer, alors que, s’exprimant à l’estrade pour la première fois ce matin, le Directeur de la Division des affaires maritimes et du droit de la mer, M. Vladimir Jares, a expliqué aux délégations que « pour des raisons évidentes, le groupe de travail ne pourra pas être financé via le budget ordinaire de l’ONU ».
La Fédération de Russie s’est dite sceptique quant à la question de savoir si le contenu de la résolution de l’Assemblée générale suffisait à justifier la création du Centre, tandis que la Chine a de nouveau insisté sur la transparence et sur la nécessité d’informer les États des progrès accomplis, afin que chacun d’entre eux ait la possibilité d’être informé des modalités de travail du groupe.
Après une brève pause, la Coprésidente a repris la parole. Consciente des éléments à équilibrer notamment en vue d’une deuxième session de la Commission, Mme Janine Elizabeth Coye-Felson (Belize) a repris l’idée d’un mandat durant la période d’intersession, de sorte que la création du groupe de travail soit validée lors de la deuxième réunion de la Commission préparatoire. Elle a pointé que les délais étaient très courts et que de nombreuses échéances concernant le droit de la mer allaient survenir avant le mois d’août, et que, de ce fait, la « solution la plus réaliste » devait être privilégiée.
Par conséquent, la Coprésidente a proposé la date butoir du 2 mai pour recueillir les doléances écrites des délégations concernant la création du groupe. C’est en effet « un calendrier très dense », a-t-elle reconnu face aux inquiétudes de la République islamique d’Iran et du CLAM, qui réclamaient une semaine supplémentaire.
La Russie a trouvé la proposition soudaine: on ne sait pas qui sponsoriserait ce groupe, ni comment le financer. Outre les conséquences budgétaires, le Secrétariat doit fournir des précisions, sachant que la résolution concernant les organes subsidiaires préconise de ne pas créer d’organes nécessitant des ressources supplémentaires sans l’approbation de l’Assemblée générale. La Coprésidente a répondu en disant qu’elle se basait sur les recommandations formulées par les délégations toute cette semaine.
Autres questions
Le Coprésident McCarthy a donné la parole au Directeur de la Division des affaires maritimes et du droit de la mer, M. Vladimir Jares, pour une déclaration sur le fonds d’affectation spéciale pour la BBNJ, créé par la résolution 69/292* et élargi par la résolution 78/272, afin d’aider les pays en développement, en particulier les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral (PDSL) et les petits États insulaires en développement (PEID) à participer aux réunions de la Commission préparatoire.
« Le fonctionnement du fonds d’affectation est essentiel pour le succès de l’Accord », a confirmé M. Jares, qui a rappelé qu’il était essentiel d’assurer une aide aux pays en développement pour appuyer les travaux de la Commission préparatoire. Il a indiqué que la Division avait reçu 34 demandes d’aide par le fonds d’affectation spéciale, dont 29 complétées à l’échéance qui avait été fixée (2 mars 2025). « Toutes les contributions comptent » et « les institutions financières internationales, les personnes physiques et morales, les ONG » peuvent aussi participer. Le Directeur a invité les délégations à porter à l’attention du Secrétariat l’existence de contributeurs potentiels.
La Nouvelle-Zélande a annoncé qu’elle contribuerait au fonds d’affectation dans les plus brefs délais, tout comme la Norvège et l’UE. La Colombie, au nom du CLAM, a remercié tous les contributeurs au fonds; sans eux, de nombreux membres du CLAM n’auraient pas pu être présents aujourd’hui ni ne le pourraient lors de la deuxième Commission préparatoire.
En fin de réunion, la France a pris la parole pour rappeler la tenue, à Nice, en France, du 9 au 13 juin 2025, de la troisième Conférence sur l’Océan, où les avancées de l’Accord BBNJ joueront un rôle prépondérant.
Dispositions visant à renforcer la coopération avec les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents
Cet après-midi, les délégations ont procédé à un échange de vues préliminaire sur les questions à examiner lors de la deuxième session.
Cette coopération, que l’Union européenne et le Japon ont estimé « fondamentale » pour la mise en œuvre de l’Accord et éviter toute confusion, se devra d’être complémentaire et transparente, ont avancé la majorité des délégations. La coopération est la « fonction principale de l’Accord » pour permettre une économie d’échelle et l’efficacité plutôt que de « morceler » les outils existants, a insisté la Norvège. « Bien que la synergie soit une question que tout le monde comprend, il faut encore trouver une approche souple pour la réaliser », a espéré la Suisse.
L’Argentine, au nom du CLAM, appuyée par la Malaisie, a rappelé que l’Accord ne doit pas aller contre les cadres juridiques pertinents et les organisations régionales existantes. Il s’agit de ne pas « miner » ces instruments, cadres et organes mais bien de veiller à ce que les dispositions de coopération soient « souples, cohérentes et adaptées » à la réalisation des objectifs, a expliqué l’UE, appuyée par Sri Lanka.
Les Tuvalu, au nom des PEID du Pacifique, ont relevé qu’un grand nombre de pays sont parties à des accords et des organisations qui gèrent déjà une portion des zones au-delà des juridictions nationales, telles que l’Organisation maritime internationale (OMI), nommée par le Viet Nam. Afin de mobiliser des synergies et éviter les doublons, la Chine a proposé d’ajouter le terme « coordination » en sus de « coopération » au libellé.
Si la coopération doit être « au cœur de tous les efforts que nous déployons ici », la Fédération de Russie a exhorté de doter tous les organes et instruments créés en vertu de l’Accord de règlements intérieurs et de codes de conduite qui doivent préciser que leurs actions se font en coopération avec les autres organes et instruments existants. Les modalités d’échanges pourraient être élaborées avec le Secrétariat puisqu’il est familier avec le droit de la mer, a précisé la déléguée.
Afin d’orienter les débats futurs sur ce point, de nombreuses délégations, dont la Nouvelle-Zélande, les Maldives et la Suisse, se sont faits l’écho de la proposition du Royaume-Uni qui viserait à dresser une liste des organisations régionales et des pratiques appliquées par les États lorsqu’ils participent aux travaux desdites organisations. Il est nécessaire de s’inspirer des « échanges passés », a abondé la Norvège.
Quelques suggestions concernant les modalités de coopération ont aussi été insufflées lors de cette séance. Selon la Türkiye, la Commission préparatoire devrait envisager des cadres de coopération entre les organes, notamment via des plateformes de dialogue et le cofinancement d’activités communes. L’Inde a offert d’intégrer des dispositions pour la mise en place de programmes de formation et d’activités de promotion pour informer les autorités nationales. Pour l’Islande, ce sont les consultations d’intersession qui pourront informer la deuxième session de la Commission préparatoire. Néanmoins, l’Argentine a marqué son inquiétude sur ces consultations, notant que les débats sont actuellement préliminaires mais qu’ils figureront à l’ordre du jour lors de la deuxième session.
Quelques organisations ont également tenu à faire part de leur expérience en matière de coopération maritime. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a expliqué fournir au Secrétariat des informations sur la durabilité des écosystèmes et travailler avec les différentes organisations régionales de gestion des pêches, à l’instar de la Commission des pêches de l’Atlantique Nord-Est. Ces organisations régionales sont « fondamentales » dans les zones de juridictions nationale et internationale et le seront également pour la réalisation de l’Accord, a affirmé la représentante. L’Alliance Haute Mer (High Seas Alliance) a, quant à elle, estimé que les ressources génétiques marines et les informations de séquençage numérique exigeront aussi la coopération et la coordination.
Obligation en matière de rapports
L’AOSIS et la CARICOM se sont dites conscientes de l’obligation d’établir des rapports mais ont demandé qu’il soit tenu compte de la charge administrative que de trop nombreux rapports peut représenter pour de petites délégations. La charge doit être proportionnelle et qu’il faut éviter les doublons, a abondé Tuvalu, au nom des PEID du Pacifique, appuyé par le Viet Nam.
À ce titre, l’Union européenne a également appelé au renforcement des capacités pour soutenir les pays en développement dans la charge administrative, même si celle-ci ne doit pas être « trop lourde ». Le délégué a suggéré que le Secrétariat s’informe sur la fréquence et le format de ces rapports dans d’autres organisations et instruments afin de rédiger une note de synthèse.
La Fédération de Russie a rappelé que les États jouissent de la souveraineté dans les accords internationaux et qu’il n’y a pas de mécanismes de redevabilité qui dictent aux États comment les appliquer. Si un comité à cet effet est mis en place, il devra « épauler les États s’ils en font la demande en cas de problème », a insisté la déléguée. « Aucun mécanisme de redevabilité ne peut être imposé ». Si la Commission préparatoire n’a pas de mandat pour traiter de ces obligations, la République islamique d’Iran a, néanmoins, suggéré que ladite Commission pourrait peut-être se pencher sur les éléments dont la première COP pourrait s’emparer.
Mise en œuvre d’autres dispositions relatives au mécanisme de financement.
« L’opérationnalisation est le maître-mot de cette session », a déclaré l’Union européenne, proposant d’opérationnaliser rapidement le fonds via un document qui serait mis à l’adoption dès la première COP. La CARICOM a néanmoins souligné la crise de liquidité des Nations Unies qui limite les capacités de la Division des affaires maritimes et du droit de la mer à répondre aux demandes. Dans le même ordre d’idées, le Brésil, au nom du CLAM, a estimé nécessaire de sortir du manque de financement de beaucoup de fonds gérés par l’Organisation.
Proposant pour sa part la création d’un fonds à la réhabilitation environnementale, l’AOSIS, appuyée par les PEID du Pacifique, s’est demandé comment se dérouleraient les contributions et la répartition du fonds spécial. Elle a également insisté sur un accès facilité pour les États aux ressources limitées.
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