BBNJ: la Commission préparatoire entend plusieurs propositions en lien avec le règlement intérieur des organes subsidiaires
La Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (Accord BBNJ) et la tenue de la première réunion de la Conférence des Parties à l’Accord a poursuivi aujourd’hui ses travaux sur les trois organes subsidiaires, débattant individuellement de leurs fonctions, de leurs membres et des interactions avec les autres organes et instruments-cadres pertinents. La session du matin a porté sur le Comité de renforcement des capacités et du transfert des technologies marines et sur le Comité sur l’accès et le partage des avantages. La session de l’après-midi a été consacrée au Comité de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions.
Les délégués étaient saisis d’une note préparée par la Division des affaires maritimes et du droit de la mer du Bureau des affaires juridiques du Secrétariat de l’ONU.
Invitée surprise à la session du matin, l’activiste et actrice américaine Jane Fonda a incité à la ratification urgente de l’Accord BBNJ, soulignant que « le sort de l’humanité est intrinsèquement lié à la santé de la nature ». « Vous avez déjà écrit l’histoire et vous pouvez continuer à le faire. Merci de nous donner espoir! », a-t-elle lancé.
Comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines
S’agissant du Comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, les délégations ont été nombreuses à souligner le rôle clef de cet organe pour la participation active à l’Accord des pays en développement, des petits États insulaires en développement (PEID), des pays en développement sans littoral (PDSL) et des pays les moins avancés (PMA). « Nos ressources techniques et financières sont limitées et le Comité est l’élément essentiel pour remédier à ce problème », ont argué les Palaos, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS). « Nous ne pourrons faire face aux incidences des changements climatiques et gérer les océans durablement que si les PEID peuvent se faire entendre dans ce Comité », ont abondé les Îles Marshall, au nom des PEID du Pacifique.
Pour la composition du Comité, les délégations ont donc avancé diverses propositions, avec au centre des préoccupations une représentativité inclusive et la préservation de la mémoire institutionnelle. Les Îles Marshall, au nom des PEID du Pacifique, ont préconisé un Comité « de taille gérable » avec des mandats de deux à quatre ans, renouvelables consécutivement deux fois maximum, une proposition appuyée par la Türkiye. La Colombie, au nom du Core Latin American Group (CLAM), a recommandé un total de 18 membres, comprenant 3 membres pour chaque groupe régional, un pour les PMA, un pour les PEID et un pour les PDSL, mandatés de manière échelonnée pour quatre ans avec la possibilité d’un renouvellement. Sur la question de l’échelonnement des mandats, le Royaume-Uni, appuyé par l’Australie, a néanmoins mis en garde contre un système qui favoriserait la continuité au détriment de nouvelles idées.
S’agissant de la nomination des membres, qui devront être des « experts dans les domaines pertinents », certaines délégations, comme la Communauté des Caraïbes (CARICOM), par la voix de Sainte-Lucie, ont souhaité que les États parties puissent proposer leurs candidats experts, tandis que d’autres, comme l’Australie, ont estimé que les membres devront de toute façon agir en qualité d’experts indépendants pour éviter « toute politisation ». Oman a insisté sur l’importance des programmes de formation pour les experts des pays en développement, en particulier les jeunes. Les Philippines ont fait valoir une représentation des États archipels en tant que catégorie à part, une idée accueillie favorablement par l’Indonésie. Le représentant de Greenpeace a, quant à lui, réclamé un comité particulier et un siège dans chaque organe subsidiaire pour les peuples autochtones.
L’importance de la représentation des genres a également été soulevée par la plupart des délégations, reconnaissant toutefois la difficulté de parvenir à une parité. À cet égard, la CARICOM a proposé d’ajouter un libellé « une femme pour chaque région de l’ONU » pour parvenir à un total de huit femmes au sein du Comité. Pour veiller à ce que le Comité prenne en compte la question de la parité, l’Union européenne a suggéré de mettre en place un point focal « genre ».
Concernant le transfert de technologies en tant que tel, « les pays en développement doivent veiller à ne pas perdre ce qui est déjà acquis par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer », a mis en garde la Fédération de Russie, qui a souligné que « tous les droits et ressources relevant de cet accord appartiennent à l’humanité ». La déléguée a fait valoir que l’Accord, contrairement à la Convention, ne dispose pas de dispositions concrètes quant au renforcement des capacités et au transfert de technologies marines, estimant qu’il faudra tenir compte des droits associés à ces technologies et des normes du droit privé. Pour l’Inde, le Comité doit promouvoir le transfert « équitable et effectif » des technologies entre pays développés et en développement. Sainte-Lucie, au nom de la CARICOM, a suggéré de mesurer les progrès et les difficultés rencontrées pour le transfert de technologies au travers d’indicateurs approuvés par la COP.
Pour la majorité des délégations, il s’agit également de favoriser les interactions entre ce Comité et les autres organes et instruments-cadres pertinents selon une « approche holistique » afin d’éviter les doublons. Elles ne se sont toutefois pas mises d’accord sur le rôle de la COP, l’Union européenne souhaitant que toute interaction se déroule sous le contrôle de la COP alors que la CARICOM a estimé qu’un tel contrôle n’est pas nécessaire. Les Palaos, au nom de l’AOSIS, ont souligné que des interactions avec les organisations régionales seraient également nécessaire.
Concernant l’application mutati mutandis du règlement intérieur de la COP à cet organe, la majorité des délégations s’y sont montrées favorables, préconisant néanmoins d’y ajouter des directives supplétives adaptées au mandat du Comité. La Türkiye a néanmoins mis en garde sur le risque de compromettre la cohérence et de faire double emploi, estimant que le règlement de la COP est pertinent puisque l’idée est, dans tous les cas, de « faciliter la coopération ».
Comité sur l’accès et le partage des avantages
Se penchant dans la foulée sur le Comité sur l’accès et le partage des avantages, les délégations ont souligné son mandat particulièrement « technique et complexe », requérant ainsi davantage de souplesse au niveau des règles.
Afin de favoriser une participation inclusive, les Palaos, au nom de l’AOSIS, et les Îles Cook, au nom des PEID du Pacifique, ont recommandé des réunions hybrides et des travaux d’intersession, avec un « financement adéquat » pour la participation des PEID. Les délégations ont également insisté sur l’importance de la représentation géographique et de genre, ainsi que sur des interactions « transparentes » avec les organes pertinents et les points focaux nationaux. À cet égard, l’Union européenne, appuyée par la Suisse, a rappelé qu’il serait bon de s’inspirer et de collaborer avec des mécanismes existants, tels que le Cali Fund.
Si les délégations ont suggéré diverses options pour la composition du Comité, elles se sont néanmoins entendues sur la nécessité d’élire des professionnels des océans avec des connaissances approfondies et multidisciplinaires, ainsi que sur la possibilité, pour le Comité, de consulter des experts sur une base ad hoc avant de formuler ses recommandations – une proposition appuyée par l’Alliance Haute Mer. « Les diplomates sont intelligents mais ils ne comprennent pas tout aux ressources génétiques », a plaisanté le représentant de la Suisse, souhaitant éviter la création d’une « bulle qui ne sera pas fonctionnelle ».
Comité de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions
Dans l’après-midi, les délégations ont porté leur attention sur le Comité de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions, dont les raisons de la mise en place sont détaillées dans l’article 55 de l’Accord BBNJ.
Ce Comité doit fonctionner « d’une manière transparente, non accusatoire et non punitive », ont rappelé la Colombie, au nom du CLAM, ainsi que la Côte-d’Ivoire, au nom du Groupe des États d’Afrique. Il a aussi pour rôle, entre autres, d’« examiner le respect des dispositions aux niveaux individuel et systémique et rendre compte périodiquement à la COP, à laquelle il fait des recommandations », a poursuivi le CLAM, citant l’Accord.
Le sujet d’un éventuel règlement intérieur spécifique au Comité n’a pas souffert de débats. Nombre de délégations ont semblé se ranger derrière la Barbade qui, au nom du CARICOM, a estimé que, certes, le règlement intérieur de la COP s’appliquerait mutatis mutandis au Comité, mais qu’un règlement intérieur supplémentaire et spécifique serait judicieux, compte tenu que le Comité travaillera « en toute discrétion » et devra traiter de questions telles que la confidentialité et le partage d’informations, entre autres. La Chine a partagé ce point de vue. L’application mutatis mutandis est un « garde-fou important », a concédé la Micronésie, au nom des PEID, qui a surtout insisté sur le fait que les différents comités créés par l’Accord devront pouvoir dialoguer directement les uns avec les autres.
Le Comité est d’ailleurs « le seul Comité vraiment transversal de l’Accord », a pointé l’Islande, qui a invité à se poser la question de la vaste étendue de l’expertise requise au sein du Comité pour qu’il puisse s’acquitter de ses fonctions (analyse de documents variés, supervision de questions d’ordre général, scientifique, technique, juridique...)
Cependant, « en aucun cas, le Comité ne doit promouvoir la confrontation entre États Membres. Sa fonction est préventive, non contraignante », a appuyé le CLAM. Il ne fonctionnera pas comme un tribunal, mais plutôt pour « aider les États Membres à s’acquitter des obligations de l’Accord ».
Concernant la procédure, la CARICOM a proposé une pré-nomination de ses membres par les États Membres puis une élection par la COP, avec un mandat de quatre ans et une possibilité de réélection, dans la limite de deux mandats. L’Union européenne a proposé que la durée des mandats dépende de la fréquence des COP, tandis que l’AOSIS a recommandé un échelonnement des mandats pour garantir la bonne continuité des travaux.
Concernant la composition du Comité et la nature de l’expertise des membres du bureau, le Groupe des États d’Afrique a relevé que le libellé est encore flou, notant que l’Accord renseigne qu’il sera composé de membres possédant les qualifications et l’expérience appropriées désignés par les parties et élus par la COP, en tenant dûment compte de l’équilibre des genres et d’une répartition géographique équitable.
Une référence générale au domaine d’expertise scientifique, technique ou juridique pourrait être judicieux; par exemple, en s’inspirant du Comité de l’Accord de Paris, a suggéré le CLAM, par la voix de la Colombie.
La seule chose qui compte au fond, c’est que les membres du bureau soient de « haute qualité morale et professionnelle », et agissent « sans répondre à des injonctions de quelque État que ce soit », a estimé de son côté la Fédération de Russie. La Chine a elle aussi suggéré de veiller à ce que les informations obtenues par le Comité soient « impartiales ».
S’agissant de la taille du Comité, la CARICOM a recommandé 16 membres représentant les cinq régions géographiques de l’ONU, plus les pays en situation particulière. L’Australie a proposé 15 membres, tout comme le CLAM, qui tombe sur ce chiffre en s’inspirant d’un comité du même type chargé du contrôle du respect des dispositions du Protocole de Nagoya. Le Groupe des États d’Afrique a souhaité, lui, un Comité composé de 24 membres, afin que tous les critères de genre et de répartition géographique soient bien respectés. « Nous ne surprendrons personne en avançant qu’un siège devrait être réservé aux PEID », ont appuyé ces deniers, en ajoutant qu’une représentation appropriée des peuples autochtones et des populations rurales -souvent mentionnés dans l’Accord- devrait aussi être respectée.
L’AOSIS a par ailleurs recommandé de prendre des mesures préventives contre les éventuels conflits d’intérêts des futurs membres du Comité. Tout candidat devrait remplir une déclaration d’intérêt, ont opiné les PEID - une requête à laquelle l’Union européenne a également souscrit.
Groupe de travail II sur les questions relatives au fonctionnement du Centre d’échange
Sur la base de la note du Secrétariat destinée à faciliter les échanges entre délégations sur la nature d’un Centre d’échange d’informations, dont les nombreuses fonctions sont énoncées au paragraphe 3 de l’article 51 de l’Accord, la Coprésidente, Mme Janine Elizabeth Coye-Felson (Belize), a demandé aux délégations de plancher sur plusieurs questions: quelles étapes la Commission préparatoire devrait-elle suivre pour faciliter l’opérationnalisation du Centre d’échange? Comment avancer dans l’échange d’informations, sachant la nature technique des informations?
Les Samoa, au nom de l’AOSIS, ont recommandé une approche graduée, par étapes ainsi qu’une analyse technique en profondeur. Le Mexique a souhaité donner la priorité au partage d’informations portant sur les ressources génétiques marines ainsi qu’au transfert des technologies marines.
Compte tenu de la nature technique du Centre, le Sénégal, au nom du Groupe des États d’Afrique, ainsi que les Philippines, ont appelé à la création d’un groupe de travail d’experts en informatique et cybersécurité, en s’inspirant du groupe de travail du Centre d’échanges de la Convention sur la diversité biologique.
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