En cours au Siège de l'ONU

Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord sur la biodiversité marine,
Première session, Matin & après-midi
MER/2211

BBNJ: les règles de gestion financière au menu des débats de la Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord sur la biodiversité marine

Le Groupe de travail III de la Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (Accord BBNJ) a réfléchi aujourd’hui au financement de la Conférence des Parties dès sa première réunion. 

Les délégations ont été saisies ce matin d’un document établi par les Coprésidents de la Commission, M. Adam McCarthy (Australie)et Mme Janine Coye-Felson (Belize), qui, pour faciliter les négociations, reprend de nombreux éléments figurant par exemple dans les règles et procédures financières de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), de la Convention sur la diversité biologique ou encore, plus récemment, de la Convention de Minamata sur le mercure.

De même, cet après-midi, elles ont étudié un projet de mémorandum d’accord entre la Conférence des Parties (COP) à l’Accord BBNJ et le Conseil du Fonds pour l’environnement mondial (FEM).  La Caisse du FEM est mentionnée comme faisant partie d’un mécanisme de financement devant permettre de fournir des ressources financières « adéquates, accessibles, nouvelles et supplémentaires et prévisibles » dans le cadre de l’Accord, notamment pour aider les États parties en développement à le mettre en œuvre. 

Groupe de travail III sur les règles de gestion financière régissant le financement de la Conférence des Parties à l’Accord et le financement du secrétariat et de tout organe subsidiaire

Aux termes du paragraphe 4 de l’article 47 de l’Accord, la Conférence des Parties devra adopter, à sa première réunion, les règles de gestion financière régissant son financement, ainsi que celui du secrétariat et de ses organes subsidiaires.

Les délégations ont été invitées à échanger sur le bien-fondé de chacun de des modèles présentés et à répondre à ces questions: la structure du document des Coprésidents est-elle adaptée?  Y-a-t-il des éléments manquants, ou au contraire redondants?  Quels éléments de fonds font l’objet d’un accord ou d’un désaccord?  Quels éléments de fond sont les plus importants et pourquoi?

Les délégations ont salué le travail des Coprésidents, la Chine s’étonnant même de l’exhaustivité « stupéfiante » du document, et la structure de celui-ci a globalement été jugée adéquate.

Circonspecte, comme nombre de délégations, sur le choix de tel ou tel modèle à ce stade, l’Union européenne a estimé que tout dépendrait des décisions prises sur les arrangements relatifs au secrétariat - notamment sa structure, a ajouté le Royaume-Uni.  La Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) et le Japon pencheraient plutôt pour un modèle de gestion financière inspiré des structures onusiennes existantes telles que la CCNUCC, vu les avantages en matière de coûts, de charges et de gestion.  Un lien avec l’ONU serait utile aux États et au secrétariat, a ainsi estimé le Japon.

La Chine, pour sa part, a appuyé l’idée d’un modèle indépendant, basé sur l’Autorité internationale des fonds marins, tandis que les Philippines ont été inspirées par la Convention sur la diversité biologique, pour sa souplesse, mais aussi parce qu’elle prévoit un fonds d’affectation spéciale tiré du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).

Par la voix de l’Iraq, le Groupe des 77 et la Chine ont réitéré ce matin l’importance de la participation pleine et effective des pays en situation particulière à la mise en œuvre de l’Accord BBNJ sur la biodiversité marine.

Le Groupe considère le « fonds spécial » comme l’une des principales entités opérationnelles de l’architecture financière de l’Accord BBNJ et a rappelé aux pays développés leurs obligations en matière de financement, au titre de l’article 52 de l’Accord.

Les Maldives, au nom de l’AOSIS, ont souhaité apporter quelques amendements au document des coprésidents, comme l’inclusion de mesures appropriées appliquées aux parties en cas de retard de paiement, afin d’inciter au paiement des contributions dans le délai imparti.  De telles mesures pourraient inclure la suspension du droit de vote et la capacité de peser sur les nominations à tout poste au sein de la COP ou de l’un de ses organes subsidiaires.  Enfin, pour l’AOSIS, les États observateurs pourraient contribuer au financement des COP, par souci d’équité.

Au nom des petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a réclamé que le statut particulier des PEID soit inscrit dans tous les chapitres du document.  La CARICOM s’est rangée derrière cet avis, en ajoutant qu’il manquait au document l’inclusion d’un paragraphe qui offrirait une certaine flexibilité aux PEID et aux pays les moins avancés (PMA) dans le paiement de leurs contributions, au cas où ils seraient frappés par une catastrophe naturelle.  « Attention à ne pas accorder trop de circonstances particulières », cela pourrait créer in fine des tensions entre les États parties, a toutefois mis en garde l’Union européenne.

Il est encore prématuré de se prononcer de manière déterminée sur le choix d’un modèle, sachant que nous n’avons pas toutes les informations sur les règles d’opérationnalisation du fonds spécial ou sur le lien entre la COP et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), a jugé le Core Latin American Group (CLAM).  Ce groupe a aussi insisté sur le rôle crucial du Comité des finances, qui devra se pencher sur la question de la transparence.  Les contributions du secteur privé étant clairement évoquées dans le traité, il serait important selon lui de disposer de règles précises en matière de reddition de comptes, sans quoi le danger de conflits d’intérêts serait bien réel.

La Fédération de Russie a critiqué le caractère volontaire des contributions aux fonds.  De son point de vue, c’est un « problème majeur », qui mine la réalisation de l’Accord BBNJ et laisse planer le risque que personne ne verse de contributions. « Comment parler de règles de gestion financière, alors que nous ne disposons pas d’un mécanisme de financement stable? » s’est impatientée la déléguée russe.  Le mécanisme de financement n’est pas prévu dans l’Accord, a-t-elle souligné, alors que l’Accord vise avant tout à favoriser le transfert de technologies, à renforcer les capacités et à réaliser des projets efficaces pour la biodiversité, notamment pour les pays en développement.  Le fait que les contributions volontaires soient aussi liées au FEM n’a pas non plus rassuré la Russie, qui y a vu un « risque d’ingérence ».

Groupe de travail III sur les mesures à convenir avec le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) pour donner effet aux dispositions relatives au financement de l’Accord

Dans son article 52, l’Accord BBNJ crée un mécanisme de financement devant permettre de fournir des ressources financières adéquates, accessibles, nouvelles et supplémentaires et prévisibles.  Ce mécanisme vise à aider les États parties en développement à mettre en œuvre l’Accord, y compris via le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines.  La Caisse du FEM est mentionnée comme faisant partie de ce mécanisme de financement, de même qu’un fonds spécial et un fonds de contributions volontaires créé par la COP.

S’agissant du projet de mémorandum préparé par les coprésidents de la Commission, la majorité des délégations ont estimé qu’il constitue un « bon point de départ ».  L’Union européenne, appuyée par le Royaume-Uni et la Türkiye, a estimé que le document est « conforme » aux exigences de l’Accord.  Rappelant à ce titre que le mémorandum repose sur d’autres protocoles entre le FEM et des accords environnementaux, tout en étant adapté au contexte de l’Accord, la Norvège a précisé que le mécanisme financier sera « clef » pour la mise en œuvre de l’Accord.  « Le FEM a l’avantage d’exister et d’être immédiatement prêt à passer à l’action », a ajouté l’Union européenne. 

Néanmoins, il s’agit d’inclure des dispositions pour faire émerger des synergies avec d’autres fonds, plutôt que des doublons, a poursuivi l’Union européenne, appuyée par le Brésil, au nom du Core Latin American Group (CLAM).  Elle a souhaité établir un processus de coopération basé sur des échanges réguliers et ainsi éviter d’engranger une microgestion du FEM. 

Plusieurs groupes de délégations, dont Antigua-et-Barbuda, au nom de la CARICOM, les Seychelles, au nom du Groupe des État d’Afrique, et le Brésil, au nom du CLAM, ont tenu à rappeler que les entités du mécanisme de financement doivent être guidées par les besoins des États parties, en particulier les pays en développement, et fonctionner selon les critères établis par l’article 52, paragraphe 9 du traité.

L’utilisation des fonds doit être soumise à un examen régulier via des rapports de conformité annuels, ont souligné ces mêmes groupes, souhaitant que la COP fournisse des orientations pour promouvoir cohérence et complémentarité quant au financement et au rôle du FEM.  Antigua-et-Barbuda, au nom de la CARICOM, a noté que le mandat reste très vague, estimant que l’évaluation devrait porter seulement sur les activités que le FEM finance. Il faut trouver « la bonne manière de faire coopérer le FEM avec l’Accord BBNJ », a tranché la Norvège qui a relevé que le FEM travaille avec de nombreux programmes.

Mais avant toute chose, il est nécessaire de définir précisément les modalités et les critères pour le financement, ont avancé Sri Lanka et le Bangladesh.  Ce dernier a néanmoins attiré l’attention sur la nécessité de conserver de la souplesse, de respecter les priorités nationales et de fournir les financements sous la forme d’une aide, et non de prêts, sans que cette aide ne soit liée à des taux de marché ou qu’elle ne crée de la dette pour des « biens publics ». Pour la Thaïlande, qui a annoncé, sous les applaudissements, avoir signé l’Accord BBNJ cet après-midi, il est crucial de favoriser la transparence. 

Se disant également préoccupée par les intérêts des pays en développement, la Fédération de Russie a battu en brèche le projet de mémorandum, estimant qu’il n’y a « aucune garantie concernant le financement du monde en développement ».  Selon la déléguée, le document comporte des expressions qui sont caractéristiques d’un document juridiquement contraignant, tout en se voulant non contraignant.  En outre, les dispositions actuelles n’offrent pas d’indications claires ou de garanties sur le financement par le FEM des pays en développement, a-t-elle déploré.  « On ne peut pas exclure que la priorité soit donnée aux pays industrialisés ou qu’il y ait ingérence dans les affaires internes des pays en développement. » 

Afin d’éclairer les débats, la Suisse et le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique ont tenu à faire part de leur expérience avec le FEM. Dans le protocole d’accord existant entre le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique et le FEM, des évaluations du financement nécessaire sont réalisées sur la base des orientations de la COP.  La Suisse a, quant à elle, estimé qu’il n’est pas nécessaire d’être trop explicite dans le texte présenté puisque des pratiques normalisées illustrent que « cela fonctionne très bien lorsque tout le monde travaille de bonne foi ». 

S’agissant des critères de sélection des membres qui siégeront au Comité des finances, organe subsidiaire créé en vertu de l’Accord, la Micronésie, au nom des PEID du Pacifique, a jugé nécessaire d’établir une comparaison avec des organes similaires existants.  Cette délégation a été également d’avis, comme l’Union européenne, que l’équilibre entre les genres et la représentation géographique constitueront des critères essentiels et a demandé, à l’instar d’Antigua-et-Barbuda, la sélection d’un membre parmi les PEID. Selon l’Union européenne, le Comité des finances devra également coopérer étroitement avec les autres comités. C’est pourquoi il faudrait préciser leurs mandats respectifs pour éviter tout chevauchement. 

Selon la Fédération de Russie, ces modalités doivent être définies en se référant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Il ne faut pas « nourrir l’idée de l’exploitation des fonds marins » alors que ceux-ci « constituent des biens communs de l’humanité », a asséné la déléguée russe.  Il est selon elle indispensable de prévoir des règles précises pour siéger au sein des organes subsidiaires et participer de façon active à l’élaboration des recommandations par consensus.  Les membres devront faire autorité dans les secteurs pertinents et défendre les priorités des États en développement, a-t-elle conclu.

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