En cours au Siège de l'ONU

Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord sur la biodiversité marine,
première session, matin & après-midi
MER/2210

BBNJ: le règlement intérieur de la Conférence des parties à l’Accord sur la biodiversité marine au cœur des travaux de la Commission préparatoire

La Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (Accord BBNJ) et la tenue de la première réunion de la Conférence des Parties à l’Accord a poursuivi aujourd’hui ses travaux de fond sur un éventail de questions. 

Le Groupe de travail I a ainsi continué, ce matin et en début d’après-midi, son débat sur le projet de règlement intérieur de la Conférence des Parties (COP) à l’Accord, entamé lundi. 

Les délégués ont repris ensuite l’examen du mandat, des modalités de fonctionnement et du règlement intérieur des organes subsidiaires créés en application de l’Accord, ainsi que de la procédure à suivre pour la sélection de leurs membres et des membres de l’Organe scientifique et technique.

Groupe de travail I sur le règlement intérieur de la Conférence des Parties à l’Accord

S’agissant de la fréquence des réunions ordinaires, la majorité des délégations se sont entendues sur un format annuel qui serait ensuite réduit au fil de la mise en œuvre de l’Accord BBNJ, probablement à un format biennal.  La pierre d’achoppement s’est située davantage au niveau du degré de précision ou de flexibilité à accorder au libellé du règlement intérieur.  Pour certaines délégations, comme l’Australie et Singapour, l’Accord offre une certaine souplesse d’interprétation « qu’il serait bon de conserver » afin que la COP puisse s’adapter à l’évolution des processus.  Pour d’autres, comme la Suisse, il est nécessaire de fixer les modalités précises des réunions dès à présent. 

À ce titre, la Sierra Leone, au nom du Groupe des États d’Afrique, appuyée par le Canada, a suggéré une échéance de trois à cinq ans pour la tenue de réunions annuelles, tandis que le Bangladesh a estimé que ce délai pourrait s’avérer trop court pour opérationnaliser pleinement l’Accord.  En vue de conserver une certaine flexibilité, l’Islande a recommandé d’inclure dans le projet un processus de révision des modalités après cinq ans, tandis que l’Argentine, au nom du Core Latin American Group (CLAM), a souhaité l’ajout d’un libellé permettant de réduire la fréquence des réunions, comme proposé par l’Union européenne. 

Pour des raisons de « stabilité et de prévisibilité », le Japon a préconisé de fixer directement une base biennale et d’inclure une clause pour l’organisation de réunions extraordinaires.  La Suisse a, elle aussi, estimé que des réunions biennales donneraient davantage de temps pour réaliser de réels progrès dans la mise en œuvre de l’Accord.  Reconnaissant que les deux options comportent des avantages, la Chine a toutefois soulevé la question du nombre de parties « contractantes », qui sera amené à évoluer.  « Si seuls 60 États participent à la première réunion, allons-nous accepter que des décisions importantes soient prises? » a-t-il lancé.  L’Accord entrera en vigueur 120 jours après la date de dépôt du soixantième instrument de ratification, d’approbation, d’acceptation ou d’adhésion.

S’agissant du lieu et du format des réunions, la principale préoccupation reste la participation inclusive de tous les États parties.  Si bon nombre de délégations, dont la Sierra Leone, au nom du Groupe des États d’Afrique, et la Jamaïque, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), favorisent la tenue de réunions au Siège de l’ONU à New York pour des raisons pratiques et financières, d’autres ont estimé qu’un format hybride pourrait tout à fait résoudre la question de la participation. 

Singapour, au nom des petits États insulaires en développement (PEID), a rappelé que la participation des pays en développement serait probablement nécessaire pour atteindre le quorum en cas de prise de décisions.  La CARICOM, a, sur ce point, estimé que le fonds d’affectation spéciale pourrait financer la participation des pays en développement, sans qu’il n’y ait toutefois aucune garantie.  Il ne faut pas perdre de vue que « l’inclusion et la pleine participation doivent être promues tout au long du processus », ont rappelé les Philippines. 

C’est pour cette même raison que le format virtuel a divisé les délégations. Dans l’ensemble, les délégations ont appuyé des réunions en présentiel, avec la possibilité d’un format hybride, voire virtuel, pour les organes subsidiaires et en cas de circonstances exceptionnelles, comme ce fut le cas pendant la pandémie de COVID-19, sans que des décisions de fonds ne soient alors prises et sur seule initiative de la COP. 

Si l’Union européenne a souhaité réfléchir plus avant au format virtuel, la Suisse a rappelé la « contradiction environnementale » que représente l’organisation de réunions en présentiel, même si celles-ci comportent certains avantages non négligeables.  Le Royaume-Uni a rappelé que les réunions hybrides peuvent réduire les coûts, tandis que la Norvège a estimé que les réunions virtuelles peuvent encourager une plus grande participation.  Les États fédérés de Micronésie ont abondé dans ce sens, expliquant que des réunions virtuelles permettraient d’accroître la participation des petites délégations qui ne peuvent envoyer de représentants à chaque session à l’étranger. « Si des décisions par consensus peuvent alors êtes prises à distance, il ne peut néanmoins être question de vote », a précisé le délégué. 

À l’inverse, la République islamique d’Iran et Cuba ont rappelé que certains pays font face à des difficultés techniques, notamment en raison de mesures coercitives unilatérales qui ne permettent pas l’accès à certains logiciels. Pour la Fédération de Russie, la question ne se pose simplement pas.  « Il y a des pratiques établies à l’ONU et le Règlement intérieur de l’Assemblée générale devrait prévaloir », a tranché la déléguée, estimant que New York est donc le lieu approprié et que toutes les réunions devraient se tenir en présentiel. 

Concernant la possibilité de l’alternance du lieu, le délégué chinois a noté que ce type de disposition a tendance à exercer une pression sur les groupes régionaux concernés.  Appuyé notamment par l’Australie, il s’est dit favorable au libellé « à moins qu’elle n’en décide autrement » afin de conserver une flexibilité si la tenue de réunions au Siège de l’ONU s’avérait impossible.  Si alternance il y avait, l’Iran a soulevé le problème des privilèges et immunités qui s’appliquent dans l’État hôte, rappelant de veiller à aborder cette question dans le règlement intérieur. 

Les délégations se sont ensuite penchées sur le seuil de prise de décisions et le statut d’observateur, sans que de réels consensus n’aient émergé.  Plusieurs d’entre elles se sont dites favorables à la participation des observateurs, « sans réinventer la roue ».  Il s’agit de se baser sur la pratique existante, a résumé la Sierra Leone.  L’Argentine, au nom du CLAM, la Chine et El Salvador ont toutefois estimé que le rôle et les catégories des observateurs doivent être clarifiés en se basant sur d’autres instruments existants. 

À l’inverse de l’Union européenne qui a vu d’un œil bienveillant la participation des observateurs à toutes les séances, la Fédération de Russie a réitéré que le règlement intérieur doit s’inscrire dans la droite ligne du Règlement intérieur de l’Assemblée générale.  Selon la déléguée, le nombre d’observateurs doit donc être limité et toutes les informations sur leur financement, l’aide fournie par les États et leurs contributions aux objectifs onusiens doivent être communiquées de manière transparente. 

Groupe de travail I sur le mandat, les modalités de fonctionnement et le règlement intérieur des organes subsidiaires créés en application de l’Accord; et sur les procédures à suivre pour la sélection de leurs membres et des membres de l’Organe scientifique et technique

La séance de l’après-midi a été largement consacrée aux procédures à suivre pour la sélection des experts de l’Organe scientifique et technique.  Les autres organes subsidiaires sont: le Comité sur l’accès et le partage des avantages, le Comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, le Comité des finances, et le Comité de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions.  Les délégations ont débattu à partir d’une note élaborée par le Secrétariat de l’ONU.

La Colombie, au nom du Core Latin American Group (CLAM), a rappelé le rôle central de l’Organe scientifique et technique dans le fonctionnement de l’Accord, puisqu’il devra s’acquitter de pas moins de 49 fonctions.  « D’où l’importance de la séance de cet après-midi », a souligné le Coprésident, M. Adam McCarthy. 

Les délégations ont échangé sur le futur aspect de l’Organe scientifique et technique, c’est-à-dire sur sa taille, sa composition, ses mandats, des données qui n’ont pas été définies avec précision.  Qui pourrait prétendre à devenir membre de l’Organe, et en vertu de quelle expertise?  L’Accord BBNJ, a rappelé la Communauté des Caraïbes (CARICOM), stipule qu’il sera composé de membres siégeant en qualité d’experts, désignés par les parties, et élus par la Conférence des Parties.  Ces experts posséderaient les « qualifications appropriées », et notamment une expertise multidisciplinaire. Il a été question de réunir à la fois des experts scientifiques et techniques, et des experts en « connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales ».

Les délégations ont pointé que posséder les « qualifications appropriées » conformément au libellé de l’Accord BBNJ, manquait de précision. À ce titre, elles ont souvent repris à leur compte la note de cadrage mentionnant que lesdites qualifications pouvaient comprendre une expérience professionnelle dans les domaines de la biologie marine, de l’océanographie et des sciences de l’environnement; des connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales et autres domaines pertinents; et une expérience professionnelle en rapport avec les outils de gestion par zone, y compris les zones marines protégées.

L’équilibre entre les genres doit être pris en compte dans la composition de l’Organe scientifique et technique, ont aussi reconnu les participants.  En outre, l’Accord ne fixe pas non plus la taille exacte du futur organe.  Si l’Union européenne a argué que celui-ci devrait rester « souple, agile », elle n’est pas allée jusqu’à donner un chiffre.  Alors qu’une fourchette comprise entre 15 et 25 membres était évoquée depuis le début de la réunion de la Commission préparatoire, la CARICOM, elle, a livré aux délégations un chiffre précis et circonstancié de « 27 membres »: cinq sièges qui reviendraient à chaque groupe régional, plus un siège revenant à un spécialiste en matière de connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, et un siège pour les petits États insulaires en développement (PEID).

En parallèle, l’Union européenne a proposé de mettre sur pied un « registre d’experts », sous la forme d’un annuaire de chercheurs et de scientifiques qui pourrait être consulté au cas par cas, en fonction des besoins, ainsi que des ateliers de formation en ligne pour « renforcer la coopération ». Dans cette même veine, la Nouvelle-Zélande a proposé une liste, non pas d’experts, mais de différents sujets scientifiques, à actualiser régulièrement, et sur lesquels un « vivier d’experts » pourrait être interrogé.

« On ne va pas réinventer la roue », a de nouveau lancé le délégué de la Micronésie, au nom des PEID.  Selon lui, la composition de l’Organe devrait être « pluridisciplinaire par essence », sa palette ample.  « Je ne vais pas me lancer dans une énumération trop longue, mais il nous faudrait des chercheurs, des techniciens, des titulaires de connaissances traditionnelles », qui devraient être désignés par les parties, mais qui siègeraient à titre personnel, en tant qu’experts.

S’agissant de la durée et du renouvellement des mandats des membres de l’Organe scientifique et technique, l’Union européenne a fait remarquer que la fréquence des sessions de la Conférence des Parties exercerait une influence évidente. Elle a préconisé, quoi qu’il en soit, de se limiter à deux mandats consécutifs par expert.

À contre-courant du flux de la réunion, la Fédération de Russie a critiqué la nature même de l’Accord BBNJ.  « On ne peut pas perdre de vue son déséquilibre », a lancé la déléguée, selon qui l’Accord tue dans l’œuf le mandat des organes subsidiaires qu’il a créés. Elle aussi affirmé que chaque État avait le droit de désigner ses propres experts pour travailler au sein de l’Organe scientifique et technique, et insisté sur son refus de déroger au consensus, « qui ne saurait souffrir d’aucune exception ».

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