Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord sur la biodiversité marine
première session, 7e séance, matin & après-midi
MER/2208

La Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord BBNJ sur la biodiversité marine entame ses travaux

Conformément à la résolution (A/RES/78/272) de l’Assemblée générale, la Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et la tenue de la première réunion de la Conférence des Parties à l’Accord, dit « Accord BBNJ », a ouvert, ce matin au Siège de l’ONU à New York, les travaux de sa première session et ses discussions sur un vaste éventail de questions pratiques. 

Cet Accord, le troisième pour la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a pour objectif d’assurer la préservation de la biodiversité et l’utilisation durable des écosystèmes en haute mer.  L’Accord aborde également un certain nombre de questions transversales, établit un mécanisme de financement et met en place un dispositif institutionnel, composé notamment d’une Conférence des Parties, d’un organe scientifique et technique, d’un centre d’échange et d’un secrétariat.

Adopté par consensus le 19 juin 2023 par la Conférence intergouvernementale organisée sous les auspices de l’ONU et ouvert à la signature le 20 septembre 2023, l’Accord compte à ce jour 112 États signataires et 21 États parties. 

Il entrera en vigueur 120 jours après la date de dépôt du soixantième instrument de ratification, d’approbation, d’acceptation ou d’adhésion. Par une résolution (A/RES/79/271) adoptée le 4 mars dernier, l’Assemblée générale invite tous les États et les organisations régionales d’intégration économique qui ne l’ont pas encore fait à envisager de signer et de ratifier l’Accord dans les meilleurs délais, « idéalement » avant la Conférence des Nations Unies sur l’Océan qui se tiendra à Nice, en France, du 9 au 13 juin prochain. 

Faire de l’Accord BBNJ une réalité dans l’intérêt de l’humanité

La Commission préparatoire a déjà tenu une réunion d’organisation du 24 au 26 juin 2024 au cours de laquelle elle a élu en tant que Coprésidents la Représentante permanente adjointe du Belize auprès de l’ONU, Mme Janine Elizabeth Coye-Felson, et le Juriste en chef et premier Secrétaire assistant au Ministère australien des affaires étrangères, M. Adam McCarthy. 

L’Accord BBNJ est « la preuve que les États peuvent coopérer dans l’intérêt de l’humanité et de la planète », s’est félicité le Président, avant de rappeler que la première réunion de la Conférence des Parties devra être organisée au plus tard un an après son entrée en vigueur.  « Si l’élan se poursuit, elle pourrait avoir lieu vers la fin 2026 », a-t-il avancé, estimant que le monde attend de nous qu’on puise dans le potentiel de ce traité pour en faire une « réalité concrète ».

« Il est temps de préparer le navire à reprendre la mer », a abondé Mme Elinor Hammarskjöld, Secrétaire générale adjointe aux affaires juridiques et Conseillère juridique des Nations Unies.  Alors que la santé, la productivité et la résilience des océans sont soumises à des pressions sans précédent, il est « vital » d’agir de manière décisive.  Face à une salle comble, elle a estimé que la présence des délégations envoie un « message fort » sur ce « jalon historique qui a marqué le triomphe du multilatéralisme ».  Elle a, par ailleurs, jugé encourageant l’appui financier apporté à la ratification et au lancement de l’Accord, avec près de 34 millions de dollars. Elle a également rappelé que le fonds de contributions volontaires est crucial pour favoriser une participation inclusive, « essentielle à la réussite des travaux de la Commission ». 

Les délégations ont ensuite adopté leur programme de travail.  Les questions abordées durant les séances seront examinées sur un pied d’égalité et en toute transparence, avec un maximum de deux réunions en parallèle afin de permettre la participation la plus large possible. Le Président a rappelé que le Groupe de travail I se penchera sur les questions de gouvernance, le Groupe de travail II sur les questions relatives à l’opération du mécanisme du Centre d’échange, et le Groupe de travail III sur les ressources et mécanismes financiers.  La Chine a néanmoins suggéré de mener les consultations de manière progressive afin de ne pas prendre de décisions « hâtives » et de dégager un consensus sur les questions prioritaires qui feront l’objet d’une décision lors de la Conférence des Parties. 

Groupe de travail I sur les règlements intérieurs de la Conférence des Parties à l’Accord et des organes subsidiaires créés en application de l’Accord

Abordant sur le fond le projet de règlement intérieur de la Conférence des Parties, la majorité des délégations qui se sont exprimées ont estimé que le document constitue « un bon point de départ », sans pour autant omettre de réclamer la clarification ou la modification de certains libellés.  Le règlement intérieur ne doit pas manquer d’apporter « clarté et certitudes juridiques » afin d’éviter toute fragmentation du cadre normatif, a ainsi averti l’Argentine, au nom du Core Latin American Group (CLAM).

Plusieurs groupes de délégations, dont l’Iraq, au nom du G77 et de la Chine, Singapour, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), et la Jamaïque, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), ont insisté sur l’importance d’assurer la représentation de tous, en particulier au moyen de dispositions pour la participation des pays en développement, des pays les moins avancés (PMA) et des petits États insulaires en développement (PEID).  La Sierra Leone, au nom du Groupe des États d’Afrique, s’est dite semblablement préoccupée par la nécessité d’assurer la participation active des parties africaines aux réunions, tout comme la Micronésie, au nom des petits États insulaires du Pacifique, qui a souhaité qu’un siège soit dédié aux PEID.

Concernant la fréquence des réunions ordinaires, des délégations, comme l’Argentine, au nom du CLAM, et l’Union européenne, se sont dites favorables à une base annuelle flexible, tout en plaidant pour une diminution graduelle de la fréquence vers un format biennal pour réduire les coûts financiers.  Des réunions extraordinaires devraient être convoquées uniquement pour « combler des lacunes », ont recommandé le Canada et la Chine. 

Si la plupart des intervenants ont évoqué l’élaboration de modalités exceptionnelles pour la tenue de réunions ordinaires virtuelles ou au format hybride, ils leur ont très largement préféré le mode présentiel.  Outre des considérations de santé publique, il faut également prévoir une exception pour les petites délégations qui ne peuvent se permettre d’envoyer des représentants à chaque réunion en présentiel, a argumenté la Micronésie, au nom des petits États insulaires du Pacifique. 

Concernant les mécanismes décisionnels, plusieurs délégations, comme l’Iraq, au nom du G77 et de la Chine, la Jamaïque, au nom de la CARICOM, et l’Union européenne ont également noté que l’exercice du droit de vote, notamment par procuration ou en cas d’accumulation d’arriérés, qui reste une question en suspens dans l’Accord, doit être précisé dans le règlement intérieur.

Alors que la majorité des délégations se sont montrées enthousiastes sur le projet de règlement intérieur de la Conférence des Parties, la Fédération de Russie l’a, d’emblée, battu en brèche, regrettant une « distorsion » de la vision de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Selon la déléguée russe, il s’agit d’un outil pour « restreindre les actions en mer » puisque la protection de la diversité ne serait mise en œuvre que par les États qui en ont les moyens, sans motif scientifique valable et frappant de plein fouet les États qui dépendent uniquement de ces ressources.  Cet Accord ouvrira la porte à « une politisation des zones de pêche et à des crises économiques d’origine anthropiques dans les PEID », a-t-elle mis en garde.

Les discussions relatives au règlement intérieur de la Conférence des Parties (COP) se sont poursuivies dans l’après-midi, et la Suisse a soulevé un problème pratique.  La présidence d’une COP change au début de chaque conférence et cette temporalité crée un paradoxe: la présidence d’une COP n’est pas associée à sa préparation en amont.  Pour la Suisse, il serait plus ingénieux d’élire la présidence à la toute fin de la COP précédente.  « De cette manière, une présidence sera vraiment impliquée dans la préparation de sa propre COP. »  En cours de séance, le Royaume-Uni s’est rallié à cette idée.

Quoiqu’il en soit, ont insisté la République islamique d'Iran et l’Indonésie, l’Accord doit bénéficier en priorité aux pays en développement et aux groupes de pays qui connaissent une situation particulière.  Ces derniers doivent être au cœur des réflexions, notamment s’agissant de leur bonne représentation.  Mais le plus important, ont poursuivi ces deux délégations, demeure le renforcement des capacités.  La raison d’être de l’Accord, ont-ils fait valoir, est de fournir les conditions d’un véritable transfert de technologies marines, afin que tous les États, surtout les pays en développement et les PEID, puissent tirer profit de l’Accord.

S’agissant de la participation des observateurs aux COP, leur présence a été bien accueillie par les délégations, dont les Philippines, mais certaines, comme l’Argentine, ont appelé à ce que le règlement intérieur apporte des précisions quant à leur sélection.

Pour la Chine, si un secrétariat indépendant, dont la création est prévue par l’Accord, est mis sur pied, les réunions devraient se dérouler sur le lieu où siège ce secrétariat.  « Car si les COP ont lieu ailleurs, alors les coûts d’organisation et de déplacement seront faramineux.  Qui paiera la facture?  Le pays hôte? »  La Chine a souhaité attirer l’attention des délégations sur ce sujet.

Trois courants ont émergé concernant la fréquence de ces COP.  Le premier, incarné par la Türkiye et la CARICOM, privilégie un modèle annuel par défaut.  Le second plaide plutôt pour une COP biennale, afin de réduire le fardeau administratif pour les pays en développement: c’est l’avis de la Thaïlande, qui a d’ailleurs annoncé qu’elle s’apprêtait à signer l’Accord BBNJ.  Entre ces deux pôles, un troisième courant, majoritaire, a semblé se dégager en faveur de l’organisation de COP annuelles dans un premier temps, ce qui permettrait de se décider vite et de mettre en œuvre l’Accord de façon tangible – « d’imprimer un élan », a formulé le Bangladesh. 

Une fois que la COP aura une meilleure idée de ses propres dimensions et de ses propres contours, alors là, seulement, elle pourrait décider de se réunir moins fréquemment, a tranché Singapour.

La règle de la présence aux réunions a encore fait l’objet de discussions et de remarques nombreuses.  Au sujet des modalités présentielles ou virtuelles, la Thaïlande a recommandé d’accepter des modalités virtuelles, ce qui bénéficierait aux petites délégations aux moyens défaillants.  Au contraire, pour Sri Lanka, la COP devrait avoir lieu en présentiel.  Des réunions hybrides pourraient être envisagées, mais seulement dans des « circonstances exceptionnelles », compte tenu des problèmes de décalage horaire pour de nombreuses parties.  Si assister aux réunions en personne doit demeurer la règle pour l’Argentine, des exceptions pourraient peut-être advenir, mais ces dernières devraient alors être précisées dans le règlement.

Concernant le processus de décisions, les Philippines ont appelé à privilégier le consensus, mais reconnu qu’un seuil de majorité devrait être défini pour privilégier l’efficacité de la mise en œuvre de l’Accord.  La CARICOM a dit pouvoir envisager « d’abaisser le seuil de majorité aux deux tiers » mentionné dans l’article 47 de l’Accord, « si des décisions cruciales sont prises ».  Les parties votantes doivent en tout cas être présentes pour voter, et, à ce moment-là, il serait préférable que les réunions importantes se tiennent à New York, « afin d’éviter des problèmes de quorum ». 

À l’ONU, la règle est simple: « un membre, une voix, et on ne peut pas voter par procuration », a asséné la Fédération de Russie.

La Commission préparatoire poursuivra ses travaux demain, mardi 15 avril, à partir 10 heures.

 

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