L’ECOSOC et la CCP examinent les moyens de pérenniser la paix en Haïti
Les participants à la réunion, coprésidée cet après-midi par le Conseil économique et social (ECOSOC) et la Commission de consolidation de la paix (CCP), ont examiné les besoins urgents d’Haïti à un moment où il traverse une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire, marquée par la violence des gangs.
Tous ont conscience qu’il n’existe pas de solution miraculeuse à la situation actuelle mais ils se sont accordés sur l’urgence de s’attaquer aux causes profondes de la crise, « si nous voulons que l’amélioration de la situation ne soit pas de courte durée », ont dit les intervenants.
L’instabilité d’Haïti constitue une préoccupation sécuritaire croissante pour la région, s’est alarmé le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), dont l’inquiétude a été partagée par la République dominicaine. D’autant plus, a averti le Secrétaire général de l’ONU dans son rapport, qu’il reste moins d’un an pour mettre en œuvre la feuille de route pour la restauration des institutions démocratiques et l’organisation des élections qui doivent permettre un transfert du pouvoir aux représentants élus d’ici au 7 février 2026.
De fait, a souscrit, la représentante du Guyana et Présidente du Conseil de sécurité pour le mois de juin, la transition politique facilitée par la Communauté des Caraïbes (CARICOM) est fragilisée et menacée par l’expansion des gangs armés à Port-au-Prince et dans les zones environnantes, notamment dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite.
Les gangs commettent des violences d’une ampleur sans précédent et d’une brutalité extrême, incluant des violences sexuelles, des assassinats, des enlèvements et des déplacements forcés, se sont alarmées plusieurs délégations.
Une nette aggravation de la violence a été signalée pendant la période allant de décembre 2024 à février 2025, a documenté le BINUH, qui a recensé 2 660 victimes d’homicides volontaires dont 323 femmes, 19 filles et 55 garçons. Ce sont là des chiffres qui représentent une hausse de 41,3% par rapport à la période allant de septembre à novembre 2024. Le nombre des victimes d’enlèvement est de 400, dont 118 femmes, 17 filles et 10 garçons.
La violence des gangs armés qui dure depuis environ cinq ans a été confirmée par le Commissaire municipal de la Police nationale d’Haïti (PNH) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), qui a alerté sur le fait que les enfants représentent la moitié des effectifs de ces gangs.
Comment extirper ces enfants de la violence, car « nous ne pouvons pas ignorer que le manque de moyens de subsistance les pousse, eux et les jeunes, à grossir les rangs des gangs, se sont demandé plusieurs intervenants, comme le Brésil. Il faut offrir une protection immédiate, rétablir l’accès à un apprentissage sûr et fournir des soins psychosociaux, a recommandé Mme Maria Isabel De Fatima Salvador Crespo, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe du BINUH.
Les enfants et les jeunes doivent être une priorité dans tous nos efforts, a souligné le Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang, qui a fondé ses espoirs sur la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dirigée par le Kenya. C’est, a-t-il dit, un exemple du rôle important que l’Afrique peut jouer et joue effectivement dans les questions de paix et de sécurité internationales.
Mais la MMAS ne peut assumer seule cette tâche et le temps presse, a-t-il averti, d’autant plus, ont appuyé les représentants des États-Unis et de la République dominicaine, que la Mission manque de personnel et de ressources pour lutter efficacement contre l’insécurité.
Comment aider Haïti efficacement? s’est interrogée la Colombie. La réponse est venue de la Chine qui a exhorté, sans les nommer, les « grands pays de la région » à honorer leurs engagements en faveur de la MMAS, d’autant plus, a relevé le Président de l’ECOSOC, M. Bob Rae, du Canada, qu’au mitan de cette année, seuls 9% des 908,2 millions de dollars demandés pour le Plan de réponse aux besoins humanitaires ont été reçus.
Le Président de l’Assemblée générale a voulu que l’on réfléchisse aux moyens de résoudre les problèmes de financement et d’insuffler une nouvelle dynamique. Aujourd’hui, je vous invite à réfléchir à la manière dont l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social et la Commission de consolidation de la paix peuvent utiliser leurs mandats respectifs pour promouvoir la construction et la paix en Haïti.
Quels sont alors les outils et les ressources à exploiter? C’est la question qui traverse l’ensemble de ces organes et à laquelle tous doivent répondre, ont admis les différents intervenants qui ont soulevé le problème de la circulation des armes légères et de petit calibre. La stratégie du Gouvernement s’articule autour de la police communautaire qui s’attaque aux problèmes en amont, a fait savoir la Police nationale d’Haïti, dont le courage a été salué par la délégation américaine.
L’ECOSOC et la CCP peuvent jouer un rôle déterminant, en soutenant politiquement et financièrement la mise en œuvre de ce modèle. Le coût humain de la crise haïtienne exige non seulement une action immédiate mais aussi une attention collective et durable. « Nous devons traduire le sentiment d’urgence en un soutien concret et coordonné », a préconisé le Président de la CCP.
Sur le plan social, la situation est tout aussi dramatique: 1 million de personnes déplacées et plus de 6 millions de personnes en crise alimentaire aiguë, selon les chiffres dévoilés par la Banque interaméricaine de développement (BID) chargée par le Gouvernement haïtien de la coordination d’un plan de redressement à moyen terme pour 2025-2030, avec le soutien de la Banque mondiale, des Nations Unies et de l’Union européenne.
Il faut donner la priorité à la reprise économique, à la remise en état des infrastructures, à l’accès aux services sociaux de base et au renforcement de l’état de droit, a recommandé la délégation de l’Union européenne, car « nous n’avons pas le luxe d’attendre », s’est impatientée une activiste, pour qui l’avenir d’Haïti repose sur la force de sa société civile. « Donnons-lui les outils nécessaires pour agir efficacement », a-t-elle lancé.
« Ayiti pa kapab tann! » (Haïti ne peut pas attendre!), a repris en créole haïtien, le Président de l’ECOSOC.
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