En cours au Siège de l'ONU

Session de 2025
11e séance plénière – matin
ECOSOC/7193

ECOSOC: le Forum pour la coopération en matière de développement ferme ses portes sur des appels à « se battre » pour cette coopération

Après deux jours d’échanges particulièrement riches, le Forum pour la coopération en matière de développement a achevé ses travaux sur des appels à « se battre » pour sauver cette coopération, celle-ci étant désormais attaquée de toutes parts.  Les orateurs des deux tables rondes de la matinée ont notamment déploré la baisse alarmante de l’aide publique au développement (APD) et les graves conséquences qui en découleront. 

« L’APD est facile à critiquer et un outil aisé à démanteler », a ainsi déclaré la députée française, Mme Éléonore Caroit. En raison des coupes en matière d’APD, 110 millions d’enfants dans le monde pourraient être privés de vaccins contre la poliomyélite.  Les reculs risquent également d’être « monumentaux » en matière des droits des femmes, s’est-elle alarmée.  « Il faut se battre pour la coopération en matière de développement, parce qu’elle en vaut la peine », a-t-elle insisté.  

Cet appel a été relayé par le Président de l’ECOSOC, M. Bob Rae, qui a également repris à son compte une expression employée par la délégation chinoise, selon laquelle « la certitude est une ressource très rare aujourd’hui ».  Le Président a loué le consensus remarquable ayant émergé au cours de ces deux derniers jours en vue de transformer la coopération en matière de développement, afin qu’elle ait un impact réel et durable.  Elle doit par ailleurs être prévisible, répondre sur les besoins de long terme et respecter les aspirations des pays, a-t-il dit. 

L’évolution des priorités des bailleurs de fonds ne doit pas occulter les priorités fondamentales telles que la réduction de la pauvreté notamment, a dit M. Rae, en espérant que la Conférence internationale sur le financement du développement qui se tiendra dans quelques mois à Séville, en Espagne, permettra de restaurer la confiance dans la coopération.  « Nous avons besoin d’un conversation politique entre bailleurs de fonds qui veulent des changements et les pays récipiendaires qui veulent également des changements », a conclu le Président, en espérant que ces aspirations au changement puissent désormais se rencontrer. 

 

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Forum pour la coopération en matière de développement

Table ronde 4: Renforcer la coordination dirigée par les pays

Alors que nombre de pays font face au morcellement des donateurs et ploient sous le fardeau de la rédaction de rapports excessifs, cette table ronde a été l’occasion pour experts et délégations de réfléchir par quel moyen permettre aux États de concevoir et mettre en œuvre des plans et des stratégies de financement nationaux qui s’alignent efficacement avec divers partenaires de développement. 

Pour la Vice-Ministre de la coopération internationale de la République dominicaine, Mme OLAYA DOTEL CARABALLO, les plans de développement et les stratégies de financement doivent répondre aux priorités nationales, et le secteur privé est appelé à jouer un rôle essentiel dans ces processus.  Elle a également insisté sur l’importance d’une coordination basée sur la planification et un dialogue pluripartite, ainsi que du renforcement des capacités institutionnelles.  Nos stratégies sont alignées avec les priorités de nos partenaires de développement, et tiennent comptent des enjeux et des défis en matière de développement. Ce processus est ajusté le cas échéant avec les priorités des partenaires bilatéraux et régionaux. 

Pour ce qui est de la coopération régionale, la Vice-Ministre a indiqué qu’avec l’Union européenne, les consultations régionales ont abouti à l’élaboration du plan pluriannuel 2020-2027 dont le but est de redresser les problématiques structurelles de la région des Caraïbes. L’objectif final est de mettre en œuvre des activités de développement adaptées aux axes mis au point par les gouvernements.  Ce processus facilite la diversification des ressources de financement qui doivent correspondre aux besoins et à la situation de la République dominicaine qui est un petit État insulaire en développement (PEID). 

« Dans un monde interconnecté et interdépendant, les solutions isolées pour des problèmes collectifs ne fonctionnent pas », a souligné le Directeur général des politiques de développement durable de l’Espagne qui a jugé urgent de revitaliser le Programme 2030, l’Accord de Paris et la mobilisation des ressources.  M. SERGIO COLINA MARTÍN a expliqué que la coopération espagnole s’est dotée d’instruments structurés fondés sur le dialogue politique, l’appropriation nationale, la gestion des résultats et le principe de responsabilité réciproque.  Les cadres de partenariats pour le développement durable sont en adéquation avec les priorités, besoins et caractéristiques des pays partenaires.  Les échelons local et régional jouent également un rôle ainsi que le dialogue avec la société civile pour fixer les grandes priorités pour les quatre années à venir.  Cette approche permet une visibilité et de dépasser les alternances gouvernementales.  Selon lui, la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) passe également par l’échelon local qui doit jouer son rôle dans la fourniture des services de base aux populations. 

Le Directeur général de la coopération internationale et du commerce extérieur de Vanuatu, M. NOAH PATRICK KOUBACK, a indiqué que son pays est en phase de relèvement après avoir été ravagé par le séisme de décembre 2024.  Il a insisté sur l’importance de la coordination pour garantir la complémentarité et l’harmonisation avec les priorités nationales.  Pour avoir un développement centré sur l’humain, il faut une aide ciblée. 

Il a expliqué que son gouvernement dispose de mécanismes de coopération bilatérale qui permettent d’associer le secteur privé, favorisant ainsi la création d’emplois et la génération de revenus.  La coopération régionale est également un élément important. Le Forum des leaders d’Asie a permis de créer le mécanisme de financement pour la résilience du Pacifique, et Vanuatu a par ailleurs reçu 1,2 million de dollars d’une compagnie d’assurance régionale après le séisme.  S’agissant de la coopération Sud-Sud, le Timor-Leste, les Fidji, la Papouasie Nouvelle-Guinée et d’autres pays nous ont offert 2 millions de dollars pour la reconstruction.  Le Directeur général a aussi souligné l’importance du commerce international, avant d’appeler les partenaires à tenir compte de la stratégie nationale de Vanuatu et à respecter les mécanismes gouvernementaux.  L’objectif est que les ressources arrivent et soient bien utilisées, a-t-il dit. 

Au cours du débat interactif qui a suivi, l’Indonésie a insisté sur l’importance pour les pays en développement de disposer de données afin d’élaborer des stratégies en matière de coopération.  Elles aident à créer un tableau de bord de financement, réduire le gaspillage et le morcellement. 

Le Burundi a appelé à respecter l’autonome politique des pays récipiendaires de l’aide au développement, le Botswana insistant pour sa part sur la cohérence entre l’aide internationale et les priorités nationales, grâce à une coordination de l’aide pilotée par le Gouvernement.  Soroptimist International a demandé à tenir compte de la voix des femmes tandis que l’ONG Children and Youth International a appelé à financer les entreprises créées par les jeunes y compris par l’aide publique au développement (APD).  Les jeunes sont essentiels dans le secteur de l’économie des soins et de la politique des genres, a fait observer l’Espagne

Table ronde 5: Renforcer la cohérence de la coopération internationale en matière de développement pour l’adapter davantage aux objectifs

Les réformes institutionnelles à consentir pour renforcer la cohérence de la coopération en matière de développement dans un contexte de diminution de l’Aide publique au développement (APD) ont été au cœur de cette table ronde, marquée par « un débat franc », comme l’avait souhaité le Président du Conseil économique et social (ECOSOC), en présentation de cette table ronde. 

Mme ÉLÉONORE CAROIT, députée française, a planté le décor des discussions, en s’inquiétant du fait que les pays se consacrent davantage aux dépenses militaires qu’à la coopération en matière de développement.  C’est un nouveau paradigme préoccupant des relations internationales, a-t-elle dit, avant de dénoncer les attaques et la désinformation visant la coopération en matière de développement, y compris en France où certains partis répandent de fausses informations sur ce que finance la France par le biais de ses agences.  « L’APD est quelque chose de facile à critiquer et un outil aisé à démanteler ». Elle a averti qu’en raison des coupes en matière d’APD, 110 millions d’enfants pourraient être privés de vaccins contre la poliomyélite dans le monde.  Les reculs risquent en outre d’être « monumentaux » en matière des droits des femmes.  « Il faut se battre pour la coopération en matière de développement, parce qu’elle en vaut la peine. » 

Les perspectives de développement de nombreux pays sont désormais compromises, s’est inquiétée la Directrice exécutive d’IBON International, pour qui il demeure nécessaire de corriger les injustices historiques en matière de développement.  La coopération Sud-Sud, en complément de la coopération Nord-Sud, mériterait d’être davantage institutionnalisée.  Mme JENNIFER DEL ROSARIO-MALONZO a également avancé l’idée d’une convention juridiquement contraignante sur la coopération en matière de développement.  Il faut répondre aux aspirations financières des pays du Sud et honorer les engagements pris, a-t-elle dit. 

Mme SUSANNA GABLE, de la Gates Foundation, a elle aussi appelé à changer les manières de procéder, en rappelant que les différentes ressources de financement ne sont pas égales et interchangeables.  Le rendement d’un dollar d’APD n’est pas le même que celui d’un dollar généré par une exemption fiscale pour une action philanthropique.  Chaque dollar doit être utilisé à son plein potentiel.  « Tout est dilué, l’APD est diluée, comme les financements mixtes.  Ce ne sont pas les instruments qui posent un problème mais la manière dont ils sont utilisés. »  Elle a plaidé pour un nouveau cadre de financement de développement intégrant tous les sources de financement, ce qui permettrait de mieux souligner les spécificités de l’APD.  Chaque dollar doit être utilisé le mieux possible, a-t-elle insisté. 

M. BAYO OYEWOLE, Conseiller principal au sein de l’African Center for Economic Transformation (ACET), a apporté un point de vue africain, en rappelant l’incompatibilité de l’architecture financière internationale avec la nouvelle réalité mondiale et les besoins des pays africains.  Les baisses d’APD entraîneront des conséquences graves, a-t-il dit, en estimant à 19 millions le nombre d’Africains risquant de tomber dans l’extrême pauvreté.  Les programmes de développement doivent plutôt être conformes aux priorités des pays africains plutôt qu’à celles des bailleurs de fonds. « Nous avons besoin de financements innovants », a insisté ce panéliste.  Et l’Afrique doit guider la réforme de ladite architecture.

Dans le court débat interactif qui a suivi, le Portugal a appelé à renforcer l’efficacité de l’aide, afin d’optimiser une aide qui est par essence limitée.  Pour El Salvador, le critère du PIB n’est pas suffisant pour déterminer l’accès des pays à revenus intermédiaires aux financements.  Ce pays a plaidé pour une réforme tandis que la République de Corée a espéré que la conférence de Séville permettra d’aller de l’avant.  Les spécificités des pays doivent être prises en compte, a insisté le Bélarus, en demandant l’élimination des sanctions. Enfin, Oxfam a souhaité que le pouvoir informationnel et décisionnel des pays développés soit partagé avec les pays en développement. 

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