9935e séance – matin
CS/16085

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour le Yémen demande la libération des membres de l’ONU détenus arbitrairement par les houthistes

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Hans Grundberg, et l’ensemble des délégations ont, ce matin devant le Conseil de sécurité, réclamé avec force la libération des membres du personnel onusien détenus arbitrairement par les houthistes.  Ces détentions entravent l’action humanitaire alors que la situation demeure critique au Yémen, comme l’a rappelé la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence.  La situation en mer Rouge et les récents échanges de frappes entre les houthistes et Israël ont également été évoqués.

Cela fait un an que des dizaines de membres du personnel de l’ONU sont détenus arbitrairement par les houthistes, a déploré l’Envoyé spécial.  « Certains collègues sont détenus depuis 2021 et il y a eu d’autres détentions en 2025. »  Il a précisé qu’un membre de sa propre équipe est détenu.  M. Grundberg a qualifié ces emprisonnements de « honteux » et appelé à la libération immédiate et inconditionnelle des personnes détenues.  Les membres du Conseil doivent user de leur influence et exercer une pression maximale sur les houthistes à cette fin, a déclaré l’Envoyé spécial.

Les délégations ont été unanimes dans leur condamnation de ces détentions arbitraires d’employés de l’ONU mais aussi de membres du personnel diplomatique et de la communauté humanitaire.  Il s’agit d’une attaque directe contre le droit international, ont tonné le Panama et le Pakistan, tandis que la République de Corée a parlé de « faillite morale » de la part des houthistes.  Le Royaume-Uni a précisé que 23 membres de l’ONU et d’organisations humanitaires sont toujours détenus, certains depuis plus de 1 000 jours. 

Ce pays, appuyé par la Slovénie notamment, a demandé une enquête sur la mort en détention d’un employé du Programme alimentaire mondial plus tôt cette année.  « Nous exigeons que la lumière soit enfin faite sur cette mort inacceptable », a déclaré la France.  Alarmé par les entraves des houthistes au travail vital des organisations humanitaires, le Danemark, à l’instar de la Grèce et de la Chine, s’est félicité que cela ait été clairement reflété dans la déclaration à la presse du Conseil faite la semaine dernière. 

Le Danemark a par ailleurs rappelé que, selon la Banque mondiale, le Yémen est le troisième pays le plus pauvre au monde.  Mon gouvernement exprime sa profonde préoccupation face à la détention du personnel humanitaire et à ses conséquences sur les efforts visant à alléger les souffrances humanitaires du peuple yéménite, a déclaré le représentant du Yémen.  « Les zones sous le contrôle des milices terroristes houthistes sont devenues des lieux d’oppression et de terrorisme, où se commettent les violations les plus odieuses. »

De son côté, la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Joyce Msuya, a rappelé que plus de 17 millions de personnes, soit près de la moitié de la population du Yémen, souffrent de faim aiguë.  La malnutrition demeure un fléau dans tout le pays, touchant 1,3 million de femmes enceintes et allaitantes et 2,3 millions d’enfants de moins de 5 ans.  Sans un soutien humanitaire continu, près de 6 millions de personnes supplémentaires pourraient se retrouver en situation d’insécurité alimentaire d’urgence.  Elle a remercié l’Union européenne qui a promis 80 millions d’euros de financement humanitaire pour soutenir des programmes essentiels au Yémen. 

Malgré un contexte opérationnel marqué par de multiples risques, les acteurs humanitaires restent engagés, a-t-elle indiqué.  Ainsi, au cours des trois premiers mois de cette année, un peu plus de 4 millions de personnes par mois en moyenne ont reçu une aide humanitaire vitale.  Environ 4,7 millions de personnes ont reçu une aide alimentaire d’urgence régulière. 

Mme Msuya a également exhorté le Conseil à prendre des mesures concrètes pour que les collègues de l’ONU et autres détenus soient libérés, la Fédération de Russie plaidant, elle, pour une « diplomatie discrète ».

Se tournant vers la situation en mer Rouge, l’Envoyé spécial a indiqué que celle-ci est demeurée calme à la suite de l’accord de cessation des hostilités entre les houthistes et les États-Unis.  Mais elle peut évoluer rapidement et de manière imprévisible, a-t-il averti.  Les houthistes ont lancé, le mois dernier, plusieurs attaques contre des cibles en Israël, dont l’aéroport Ben Gourion, ce pays ayant répondu par des frappes contre l’aéroport de Sanaa notamment, détruisant un appareil commercial.  « Tous les acteurs doivent protéger les civils et les infrastructures civiles », a tranché l’Envoyé spécial. 

La France a condamné avec la plus grande fermeté les récentes attaques houthistes contre Israël, qui menacent la sécurité régionale.  « Les houthistes, soutenus par l’Iran, doivent cesser leurs actions déstabilisatrices au Yémen, en mer Rouge et au Moyen-Orient », a déclaré la France, en estimant que le Conseil doit pouvoir les condamner d’une seule voix et sans ambiguïté.  « Israël a le droit de se défendre », ont appuyé les États-Unis, en estimant que les attaques sont rendues possibles grâce à l’aide de l’Iran.  Les États-Unis ont également dénoncé la fourniture, par la Chine, de composants à double usage aux houthistes. 

L’instabilité en mer Rouge est exacerbée par les flux d’armes illégaux et le renforcement des capacités des houthistes, en termes d’armement, de technologies de pointe et de formation, en violation du régime d’embargo sur les armes établi par le Conseil, a estimé la Grèce.  La délégation grecque, à l’instar de la République de Corée, a souligné l’importance de nommer sans délai le cinquième membre du Groupe d’experts du Comité 2140, chargé de surveiller et d’évaluer les flux d’armes dans la région.

D’autres délégations ont en revanche estimé que les tensions sont liées à la « catastrophe inédite » qui se joue à Gaza, selon l’expression du délégué chinois.  Ce dernier a dénoncé les « accusations grotesques » proférées par les États-Unis et fustigé l’abus du droit de veto par un membre permanent qui empêche la communauté internationale de voler au secours de la population à Gaza.  « Les A3+ maintiennent fermement que l’instauration d’un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza est essentielle à l’établissement d’une paix durable dans toute la région », a abondé la Somalie, au nom également de l’Algérie, de la Sierra Leone et du Guyana. 

Les attaques des houthistes contre des cibles en Israël constituent assurément un facteur de déstabilisation mais la réaction disproportionnée de Jérusalem, qui s’est traduite par de multiples frappes sur le territoire du Yémen souverain, est tout aussi destructrice, a tranché la Fédération de Russie.  Enfin, le délégué du Yémen a estimé que l’agression israélienne était « prévisible », avant de fustiger « l’aventurisme imprudent » des milices houthistes et leurs ravages pour le peuple yéménite.

 

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La situation au Moyen-Orient

Exposé

M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a rappelé que cela fait un an que des dizaines de membres du personnel de l’ONU sont détenus arbitrairement par les houthistes. « Certains collègues sont détenus depuis 2021 et il y a eu d’autres détentions en 2025. »  Il a qualifié ces emprisonnements de « honteux » et appelé à la libération immédiate et inconditionnelle des personnes détenues.  Il a également demandé aux membres du Conseil d’user de leur influence et d’exercer une pression maximale sur les houthistes à cette fin. 

L’Envoyé spécial a déclaré que la situation en mer Rouge est demeurée calme à la suite de l’accord de cessation des hostilités entre les houthistes et les États-Unis.  Les houthistes ont lancé, le mois dernier, plusieurs attaques contre des cibles en Israël, dont l’aéroport Ben Gourion, ce pays ayant répondu par des frappes contre l’aéroport de Sanaa notamment, détruisant un appareil commercial. « Tous les acteurs doivent protéger les civils et les infrastructures civiles. » 

M. Grundberg a estimé que le soutien de la communauté internationale sera crucial pour parvenir à une solution durable au Yémen.  « Le temps ne joue pas en notre faveur. »  Les circonstances peuvent en effet changer rapidement et de manière imprévisible, tandis que les multiples lignes de front sont fragiles et peuvent se transformer en véritables affrontements.  La situation autour de Mareb est préoccupante, a-t-il dit.  L’Envoyé spécial s’est félicité de la réouverture de la route principale entre Aden et Sanaa et a espéré qu’il y aura d’autres développements positifs de la sorte.  « L’économie yéménite a un besoin désespéré de ce type de mesures de confiance. »  Il a exhorté les parties à renoncer aux jeux à somme nulle et à privilégier le pragmatisme et le sens du compromis afin d’améliorer la situation économique.  Il a mentionné les manifestations de femmes dans plusieurs villes yéménites demandant des réponses à la situation économique critique, avant de souligner la nécessité de protéger la liberté de manifester.  Les houthistes continuent de supprimer les voix de la société civile, a-t-il déploré.  Il a également regretté le manque de progrès sur la question de l’échange de prisonniers entre le Gouvernement yéménite et les houthistes. 

Sur le plan régional, il a appelé à faire fond sur la récente cessation des hostilités en mer Rouge et à garantir la sécurité dans cette zone.  « Ces efforts vont de pair avec notre travail en vue d’élaborer une feuille de route qui aidera le Yémen à surmonter ses divisions actuelles et conduira à un cessez-le-feu complet, à des mesures économiques robustes et à un processus politique inclusif. »  En conclusion, l’Envoyé spécial a estimé que rechercher la paix au Yémen consiste à bien plus que simplement contenir une menace.  « Il s’agit avant tout du peuple yéménite », a conclu M. Grundberg en saluant le soutien unifié du Conseil sur ce dossier. 

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