Conseil de sécurité: plusieurs délégations rejettent l’appel de la Fédération de Russie à régler les causes profondes du conflit en Ukraine afin de parvenir à la paix
La Fédération de Russie a appelé ce matin, lors d’une réunion du Conseil de sécurité convoquée à sa demande, à régler les causes profondes du conflit en Ukraine afin de parvenir à la paix, se disant prête au dialogue, comme l’atteste sa proposition de tenir de nouveaux pourparlers le 2 juin prochain à Istanbul, en Türkiye. Plusieurs délégations ont rejeté la position russe, affirmant à l’instar de la France, que la Russie ne cherche pas la paix mais la capitulation de l’Ukraine. Cette séance a été marquée par des échanges acrimonieux entre les États-Unis et la Chine, les premiers accusant cette dernière de fournir des biens à double usage à la Russie.
À l’entame de sa longue intervention, le délégué russe est revenu sur la réunion qui s’est tenue hier au Conseil au sujet de l’Ukraine et qui a visé, selon lui, à maintenir artificiellement le dossier ukrainien au centre de l’attention. Il a dit vouloir faire de cette nouvelle séance l’occasion de parler de manière constructive des obstacles à la paix en Ukraine, loin de tout « discours creux ». Le délégué a loué les efforts de paix de certains pays comme les États-Unis et la Türkiye, tout en soulignant la nécessité de remédier aux causes profondes du conflit. « Un cessez-le-feu n’est pas suffisant. »
Le délégué a rappelé la proposition de son pays sur un deuxième cycle de pourparlers qui doit se tenir à Istanbul, le 2 juin prochain, en vue de parvenir à la paix. Il a dénoncé les acteurs qui ne veulent pas de la paix, au premier chef le Président ukrainien. Ce dernier, privé pourtant de toute légitimité, ne veut pas la fin de la guerre car il faudra alors organiser des élections et se justifier des milliards de dollars des contribuables européens et américains engloutis dans cette guerre. Certains pays européens, qui voulaient mettre la Russie à genoux, ne veulent pas non plus de la paix, a-t-il poursuivi. « Mais c’est aujourd’hui l’Ukraine qui est au bord du précipice. »
Les parrains européens de « Zelenskyy et de sa clique » -Londres, Bruxelles, Paris et Berlin- lui ordonnent de combattre jusqu’au dernier Ukrainien, alors que les États-Unis ont changé de position, a poursuivi le délégué. Il a accusé les pays européens de vouloir manipuler le Président des États-Unis afin d’empêcher l’amélioration des relations avec la Russie. Il a en particulier ciblé le nouveau Chancelier allemand qui s’est engagé à aider l’Ukraine à produire des missiles de longue portée.
Il s’agit d’actes hostiles, a déploré le délégué, en évoquant des possibilités de représailles de la part de son pays. « L’histoire montre que l’aventurisme allemand se termine mal », a-t-il averti. Il a également dénoncé le soutien de l’Union européenne à l’Ukraine, encourageant ainsi le « régime néonazi ukrainien » à continuer la guerre. Le délégué a aussi fustigé la part active jouée par les services de renseignement britanniques dans les combats. « En réalité, cette guerre est menée par des acteurs autres que l’Ukraine. »
Le représentant russe a estimé que l’objectif poursuivi est de refaire ce qui a été fait du temps de la signature des accords de Minsk, à savoir permettre au régime de Kiev de reconstituer ses forces pour mieux poursuivre la guerre. « On ne refera pas Minsk », a-t-il averti. Il a indiqué que la Russie est prête à envisager la cessation des hostilités à condition que cela conduise à une paix pérenne et au règlement des causes profondes. Les régimes occidentaux doivent cesser de fournir des armes et l’Ukraine doit cesser sa mobilisation, a-t-il déclaré.
« L’objectif de notre opération spéciale peut être atteint par des moyens pacifiques et militaires. » Au nombre des causes profondes, le délégué a mentionné le renversement inconstitutionnel du régime en Ukraine en 2014 et l’éradication de la culture et de la langue russe. « La population russophone est persécutée en Ukraine. » En conclusion, il a demandé l’abrogation de toutes les lois discriminatoires à l’égard de la population russophone, ajoutant que la Russie ne l’abandonnera pas et se battra jusqu’au bout. Les tentatives d’isoler la Russie sont vouées à l’échec, a tranché le délégué, en ajoutant que son pays est prêt au dialogue.
Nous formons l’espoir que la Russie abordera les pourparlers de paix menés par les États-Unis avec plus de sincérité que ce qu’elle a montré aujourd’hui, a réagi la délégation du Royaume-Uni. Alors que Moscou accuse son pays et d’autres pays européens de saboter la paix, le délégué britannique a, de manière factuelle, rappelé que la Russie a envahi l’Ukraine à deux reprises et a violé la Charte des Nations Unies. Elle essaye, a-t-il poursuivi, d’annexer des territoires ukrainiens et de changer le régime de Kyïv, sans compter qu’elle a rejeté un cessez-le-feu inconditionnel, tout en continuant de bombarder des villes ukrainiennes.
L’Ukraine, quant à elle, défend son territoire et les principes de la Charte, et a accepté un cessez-le-feu inconditionnel, a tranché la délégation. « Ce que veut la Russie, c’est que l’Ukraine, désarmée, ne soit pas en mesure d’exercer son droit à la légitime défense, pour qu’elle n’ait d’autre choix que de capituler et d’accepter les annexions territoriales et autres exigences de la Russie », a ajouté la déléguée de la France. Elle a assuré que son pays continuera de fournir à l’Ukraine le soutien militaire indispensable à la défense de son indépendance, de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.
La France, a encore dit la déléguée, continuera d’appeler la Russie à accepter un cessez-le-feu immédiat, complet et inconditionnel. « C’est le premier pas à faire pour qui veut sincèrement s’engager sur le chemin de la paix », a-t-elle martelé, appuyée pleinement par la Grèce, le Danemark et la Slovénie. Cette dernière a rappelé que la Russie vient de mener les plus importantes attaques aériennes depuis le début de la guerre. « Nous pourrions conclure un cessez-le-feu aujourd’hui si le Président russe souhaitait la paix », a déclaré le Danemark, en soulignant le droit de l’Ukraine d’acquérir des armes pour se défendre.
« La Russie dit aujourd’hui que les pays européens sapent les efforts de paix en aidant l’Ukraine, mais ce n’est pas le cas », a rectifié la délégation des États-Unis. Selon elle, l’Ukraine a le droit de se défendre contre l’agression russe et ses alliés ont le droit de l’aider à y parvenir. De fait, l’Ukraine n’est pas l’obstacle à un arrêt des hostilités, a-t-elle constaté, notant que Kyïv s’est dit prêt à plusieurs reprises à accepter un cessez-le-feu sans condition et immédiat. « C’est la Russie qui a refusé cet appel », a ajouté la délégation, se disant également inquiète de la volonté de la Russie de parvenir à une victoire militaire.
Dans ce contexte, le délégué américain a appelé la Chine à cesser de fournir à la Russie des biens à double usage qui ne font que prolonger la guerre. Les États-Unis, a rétorqué le représentant chinois, continuent de nous diffamer et leur comportement montre que ces attaques ne sont pas fondées sur des faits mais sur leur propre programme politique. Il a réitéré que la Chine n’a jamais fourni aucune arme à aucune partie au conflit. Condamnant cette « manipulation politique », le représentant a jugé que les États-Unis ont « la responsabilité principale du déclenchement et de la poursuite de cette guerre ». Ils doivent donc œuvrer en faveur d’une cessation des hostilités.
Enfin, certains pays ont souligné l’importance des prochains pourparlers à Istanbul. « Toute opportunité de paix, aussi brève soit-elle, doit être saisie et exploitée », a ainsi estimé la Somalie, jugeant essentiel le soutien continu du Conseil. La Sierra Leone a souhaité que les négociations prennent pleinement en compte les besoins sécuritaires à long terme des deux parties. « Il est essentiel que les deux pays soient représentés au plus haut niveau politique à ces négociations. » Les deux parties devraient continuer d’explorer la voie des négociations afin de mettre fin à ce conflit, a déclaré le Pakistan.
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