En cours au Siège de l'ONU

9859e séance – matin    
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Les membres d’un Conseil de sécurité divisé tirent des leçons bien différentes de l’échec de l’accord de Minsk II, 10 ans après son adoption

Ce matin, le Conseil de sécurité s’est réuni pour marquer le dixième anniversaire de sa résolution 2202 (2015), par laquelle ses membres avaient approuvé l’accord de Minsk II, signé le 12 février 2015 pour mettre fin à la guerre du Donbass, en Ukraine.  Alors que les divergences sur ce dossier persistent, la délégation russe a posé aujourd’hui ses conditions à une paix durable dans le pays qu’elle a envahi « à grande échelle » en 2022, selon le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques.

Cette séance anniversaire, a estimé M. Miroslav Jenča, donne l’occasion de réfléchir aux raisons pour lesquelles les efforts de paix échouent parfois.  Il a encouragé les membres du Conseil à tirer les leçons de la décennie écoulée, en plaidant pour une volonté politique véritable et une compréhension du caractère « complexe et multidimensionnel » du conflit en Ukraine.  L’ONU est prête à user de ses bons offices et à mettre à disposition tous ses outils et son expérience à l’appui de ces efforts, a-t-il assuré.

Ce sont d’autres leçons que la Fédération de Russie a souhaité tirer de l’échec de Minsk II, qu’elle a attribué au « régime de Kiev ». Pour elle, les pays de l’Union européenne, « totalement incapables d’honorer leurs engagements », ne peuvent être parties prenantes à aucun accord futur sur le règlement de la crise en Ukraine, en raison notamment de leur « russophobie caverneuse ». La délégation a également estimé que le cessez-le-feu et le gel du conflit ukrainien le long de la ligne de contact « ne sont pas en soi des garanties de règlement », les Européens ne cachant pas qu’en cas de cessation des combats, « ils entendent s’engager dans la démolition de l’Ukraine et la préparer à une reprise de la guerre », a-t-elle tonné. 

En outre, le représentant russe a estimé qu’établir une paix durable en Ukraine suppose d’éliminer les causes profondes du conflit et, par conséquent, d’offrir à la population russophone les garanties prévues dans les accords de Minsk.  « Tout cela reste d’actualité, à la seule différence que l’Ukraine a désormais perdu irrévocablement, non seulement la Crimée, mais aussi les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, ainsi que les régions de Kherson et de Zaporojie, qui font désormais partie de la Russie », a-t-il tranché, jugeant nécessaire de « corriger la situation dans les régions qui sont encore sous le contrôle de Kiev ».

Des propos avec lesquels contrastaient ceux du musicien Roger Waters, invité une fois de plus par la Russie à s’adresser au Conseil, où le cofondateur de Pink Floyd a parlé « d’amour et de paix » et des lettres envoyées à l’épouse du Président ukrainien ou au Président russe pour promouvoir le dialogue. Il s’est d’ailleurs félicité de la conversation téléphonique de M. Vladimir Putin avec son homologue américain, M. Donald Trump, y voyant une « lueur d’espoir ».

À partir du moment où ce conflit se déroule en Europe, l’Europe à un rôle à jouer, a tempéré la Chine, estimant que toutes les parties devront prendre part aux pourparlers de paix afin de parvenir à un accord « juste, durable, contraignant et acceptable pour tous ».  Regrettant l’échec des accords de Minsk, cette délégation a elle aussi rappelé les propositions de son Président, M. Xi Jinping, dont le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, les efforts de médiation visant le cessez-le-feu et le règlement politique du conflit en coopération avec le Brésil et d’autres pays pour créer un groupe des amis destiné à tirer parti de la sagesse collective du « Sud global ». 

De leur côté, les États-Unis, « engagés à mettre fin au carnage et à rétablir la stabilité en Europe », ont tancé la Fédération de Russie pour n’avoir jamais mis en œuvre les accords de Minsk.  Cependant, rechercher à tout prix à revenir aux frontières d’avant 2014 en Ukraine est irréaliste et ne fera que perpétuer la guerre, a analysé la délégation américaine, en considérant que l’invasion avait constitué une « erreur stratégique » pour la Russie.

En signant les accords de Minsk, celle-ci avait la possibilité d’assurer la paix, a pour sa part estimé le Royaume-Uni.  Or c’est en déclarant qu’ils « n’existaient plus » que le Président Putin a justifié son invasion à grande échelle de l’Ukraine, a soutenu la représentante britannique, appelant à rejeter les tentatives de Moscou de détourner l’attention du Conseil de ses atrocités.  Pour sa délégation, les conditions préalables aux négociations qu’exige Putin sont « inacceptables ».  Si l’on veut créer les conditions d’une paix juste et durable, « l’Ukraine doit être au cœur de toutes les négociations, et en position de force ».

En Ukraine, a apostrophé la France, il y a un agresseur, la Russie, qui viole le droit international et a attaqué un État souverain , et il y a un agressé, l’Ukraine, qui, en vertu de la Charte des Nations Unies, dispose du droit de se défendre.  La Russie, a poursuivi le représentant français, n’a cessé d’attiser les tensions dans le Donbass et s’est employée à déstabiliser l’Ukraine, tout en répétant son engagement à mettre en œuvre les accords de Minsk pendant huit ans.  En déclenchant sa guerre d’agression contre l’Ukraine, elle a, seule, fait voler en éclats les accords de Minsk, mettant ainsi fin au dialogue et à la négociation.  La Russie, a exigé la délégation française, doit respecter l’ordonnance de la Cour internationale de Justice, qui lui a demandé, le 16 mars 2022, de suspendre immédiatement ses opérations militaires.  Pour sa part, Paris est prête à renforcer son soutien à l’Ukraine et le maintiendra aussi longtemps que nécessaire, a-t-elle assuré.

La réunion d’aujourd’hui, a indiqué l’Allemagne, renvoie aux efforts diplomatiques conjoints de Paris et Berlin pour soutenir les négociations de paix après l’agression de la Russie en 2014 notamment dans le cadre du « format Normandie ».  Après leur approbation par le Conseil en 2015, les accords de Minsk ont permis de réduire considérablement la violence déclenchée par la Russie, esquissant une solution politique fondée sur l’ordre constitutionnel en Ukraine.  Après de premiers progrès, la Russie a commencé à saper systématiquement le processus et à violer les accords de Minsk, a déploré la délégation allemande.

L’Ukraine a souligné que la résolution 2202 (2015) reste un message important du Conseil aux parties, dont la Fédération de Russie, pour qu’elles mettent en œuvre les accords de Minsk.  Elle a accusé cette dernière d’avoir violé le paragraphe 4 du Protocole de Minsk du 5 septembre 2014, qui envisageait l’établissement d’une zone de sécurité à la frontière commune entre leurs deux pays.  Selon l’Ukraine, tout engagement de paix impliquant le Kremlin doit inclure des mécanismes de mise en œuvre et des mesures préventives.  Des accords faibles ne peuvent conduire à une paix réelle, a mis en garde la délégation, pour qui la paix ne peut s’acheter, « surtout pas en foulant au pied le droit international. »


MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Exposés

M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a dit que dans une semaine, cela fera trois ans qu’a débuté l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, en violation de la Charte des Nations Unies et du droit international.  Cette invasion a en réalité commencé en 2014, avec la tentative d’annexion illégale par la Fédération de Russie de la Crimée et de la ville de Sébastopol, suivie du déclenchement des combats dans les régions de Donetsk et de Luhansk, dans l’est de l’Ukraine.  Le nombre de victimes civiles ne cesse d’augmenter et l’impact mondial de la guerre de se faire ressentir bien au-delà de ce pays, a noté le haut fonctionnaire. 

Le dixième anniversaire de la résolution 2202 (2015), a estimé M. Jenča, est l’occasion de rappeler les efforts diplomatiques passés en faveur d’une désescalade et d’un règlement pacifique du conflit et de réfléchir lorsque les efforts de rétablissement de la paix échouent.  Depuis le début du conflit, l’ONU est restée attachée à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  L’ONU a constamment soutenu les différents processus et mécanismes diplomatiques visant à rétablir la paix et la sécurité en Ukraine comme dans le format Normandie de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) au sein du Groupe de contact trilatéral, en mettant l’accent sur la mise en œuvre des accords de Minsk de 2014 et 2015.

Conformément au Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, l’ONU a mis son expertise et son expérience internationale à la disposition de l’OSCE et de sa Mission spéciale d’observation en matière de surveillance du cessez-le-feu et le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, a rappelé le Sous-Secrétaire général.  L’ONU a contribué à maintenir le dialogue pour tenter de réduire les tensions et prévenir l’escalade, a-t-il poursuivi.  Se référant au Pacte pour l’avenir, le haut fonctionnaire a dit que le rôle des organisations régionales et sous-régionales dans la diplomatie, la médiation et le règlement pacifique des différends reste essentiel, y compris en Europe. 

Poursuivant, M. Jenča a encouragé à tirer les leçons des 10 dernières années de conflit et de rétablissement de la paix afin de réussir une paix juste, durable et globale en Ukraine.  Le Secrétaire général a souligné, à plusieurs reprises, que tout règlement pacifique doit respecter la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, conformément à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux résolutions de l’Assemblée générale, a-t-il martelé.  Dans le Pacte pour l’avenir, les États Membres se sont engagés à promouvoir la coopération et la compréhension entre les États afin de désamorcer les tensions, de régler les différends de manière pacifique et de résoudre les conflits. Cette approche doit également s’appliquer pour mettre fin à la guerre en Ukraine. 

Les accords de Minsk ont démontré que l’accord sur un cessez-le-feu ou la signature d’un accord ne garantissent pas à eux seuls une fin de la violence à long terme, a souligné M. Jenča.  Pour veiller à ce que le conflit ne s’intensifie pas, il faudra une véritable volonté politique et comprendre son caractère complexe et multidimensionnel pour l’Ukraine et pour la région.  M. Jenča a donc appelé les parties prenantes à redoubler d’efforts pour mettre fin aux combats.  Il faut préparer le terrain à une paix juste.  « L’ONU est prête à user de ses bons offices et à mettre à disposition tous ses outils et son expérience à l’appui de ces efforts », a-t-il précisé en conclusion.

M. ROGER WATERS, musicien anglais et militant de la paix, a pris la parole par visioconférence pour préciser qu’il est certes musicien, mais qu’il prend la parole pour parler d’amour et de paix.  Il a évoqué la division pro et antirusse dans la société ukrainienne, soulignant les affrontements à la place Maïdan en novembre 2014 et la réhabilitation par certains de Stepan Bandera, figure controversée de l’extrême droite ukrainienne.  M. Waters a fait un bref aperçu de la chronologie des événements en Ukraine depuis 2014, évoquant les accords de Minsk et les péripéties et tensions ayant mené à la guerre en février 2022.  L’activiste a parlé de ses propres initiatives en faveur de la paix, comme des lettres envoyées à l’épouse du Président ukrainien ou au dirigeant russe. Il a indiqué leur avoir dit que la paix n’est possible qu’avec le dialogue.  Il a salué le fait que les Présidents Trump et Putin se soient parlé au téléphone. Même si c’est un peu tard, c’est tout de même une lueur d’espoir, a conclu le militant de la paix.

 

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