En cours au Siège de l'ONU

9853e séance – après-midi
CS/15986

RDC: le Conseil de sécurité informé du risque de « troisième guerre au Congo » après la prise de Goma par le M23 et les forces rwandaises

Deux jours seulement après sa séance convoquée en urgence dimanche, le Conseil de sécurité s’est réuni cet après-midi pour faire le point sur la situation en République démocratique du Congo (RDC) alors que Goma, capitale du Nord-Kivu, dans l’est du pays, est désormais contrôlée par le M23 et les Forces de défense rwandaises (FDR).  Convoquée à la demande de la RDC, cette réunion a permis à la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général chargée de la protection et des opérations de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), rejointe par tous les membres de l’organe, d’appeler les parties à cesser les hostilités pour « éviter la menace imminente d’une troisième guerre au Congo ».

Selon Mme Vivian van de Perre, cette escalade des affrontements s’accompagne d’une aggravation de la situation humanitaire déjà désastreuse.  Tout en assurant que la MONUSCO fait tout son possible pour accueillir les personnes en quête de refuge et de protection, elle a reconnu que la Mission ne peut recevoir tous les éléments qui se rendent et les civils en détresse.  Cet afflux met à rude épreuve les ressources de la MONUSCO, d’autant plus que les réservoirs d’eau ont été endommagés pendant les combats, a-t-elle expliqué, non sans rappeler que des bases de la Mission ont été visées par des obus de mortier et des balles ces trois derniers jours. 

Soulignant les mesures que prend la MONUSCO pour sécuriser les armes remises par les Forces armées de la RDC (FARDC), Mme van de Perre a également fait état d’un dispositif d’évacuation des blessés, notamment des soldats de la paix grièvement touchés lors des combats à Sake, qui sont transportés vers l’hôpital de niveau 3 de la Mission à Goma.  Elle a remercié, à cet égard, la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC d’avoir facilité les évacuations médicales depuis Sake, avant de dénoncer le pillage de l’entrepôt de la MONUSCO à l’aéroport de Goma, à présent aux mains du M23 et des FDR. 

Pas de solution militaire au conflit

Dans ce contexte, la Représentante spéciale adjointe a appelé toutes les parties à garantir la protection de la vie et à prévenir les violences sexuelles. Une action immédiate est nécessaire pour alléger les souffrances des civils et pour que les efforts humanitaires puissent se poursuivre et sauver des vies, a-t-elle plaidé, avant d’inviter le Conseil à prendre au sérieux les attaques à motivation ethnique.  Face à la gravité de la crise, elle a aussi exigé la création de couloirs humanitaires entre Goma, Minova et Bukavu afin de permettre le réapprovisionnement en articles essentiels, la rotation du personnel humanitaire et la circulation sécurisée des civils.  Elle a enfin demandé la mise en place de canaux diplomatiques de haut niveau pour garantir la réouverture sans délai des aéroports, des postes frontière et des voies d’accès humanitaires. 

« Une action militaire ne peut pas résoudre ce conflit, il est impératif que toutes les parties cessent les hostilités et s’engagent dans un dialogue politique afin d’éviter de nouvelles souffrances civiles », a-t-elle souligné. À ses yeux, la prise en compte de la feuille de route de Luanda est la seule voie possible pour favoriser la désescalade et « éviter la menace imminente d’une troisième guerre au Congo ».  Un avis partagé par l’ensemble des délégations présentes à l’exception du Rwanda. 

Dialogue de sourds entre le Rwanda et la RDC 

Celui-ci a confirmé la prise de Goma par le M23 tout en condamnant les bombardements de représailles effectués sur son territoire par la RDC.  « Cela n’est pas acceptable, c’est un crime de guerre qui justifie le maintien de la posture défensive du Rwanda », a martelé le représentant rwandais, assurant que son pays « veut la paix » car il a « beaucoup à perdre ».  Selon lui, la coalition anti-rwandaise en RDC constitue une menace existentielle pour Kigali, attisée par les déclarations incendiaires du Président congolais, qui est « obsédé par une solution militaire ». 

Pour restaurer la paix, il importe en premier lieu de neutraliser les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et de contraindre les éléments étrangers à se retirer, a poursuivi le délégué rwandais, exhortant en outre la MONUSCO à « cesser son appui à une armée nationale qui s’est fixé pour objectif un changement de régime au Rwanda ».  Affirmant toutefois que son pays « n’est pas hostile à la MONUSCO », il a concentré ses feux sur les « allégations » formulées sans preuve par la RDC. 

« On ne peut être à la fois agresseur et prétendre jouer un rôle dans la promotion de la paix », lui a opposé la Ministre des affaires étrangères de la RDC, avant d’appeler le Conseil à exiger, sans délai, le retrait total et inconditionnel des troupes rwandaises du territoire congolais souverain et la mise en place de sanctions ciblées contre la chaîne de commandement des FDR.  Elle a jugé crucial d’identifier et de sanctionner les responsables de cette agression et de démanteler les structures qui la soutiennent.  Comme demandé dimanche, elle a également réclamé l’imposition d’un embargo sur les ressources naturelles déclarées comme rwandaises et la révocation du Rwanda en tant que contributeur de troupes aux Nations Unies.

En l’absence de sanctions contre cette agression, « l’histoire marquera ce temps comme l’époque de l’impuissance et de l’indifférence du Conseil de sécurité », a encore argué la Ministre congolaise, pour qui le « droit de rachat » de l’organe chargé de la paix et de la sécurité internationales sur cette crise « n’est nulle part ailleurs que dans ses actions immédiates ».  Quant au « mouvement de protestation » observé aujourd’hui à Kinshasa, la capitale de la RDC, la Ministre a assuré que son gouvernement a pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer la protection des missions diplomatiques.  Elle a regretté des « incidents profondément regrettables » qui, selon elle, ne reflètent en rien l’engagement constant de la RDC envers le respect du droit international. 

Appels à la négociation sur la base de la feuille de route de Luanda

Les membres du Conseil ont unanimement appelé à une cessation des hostilités et à une reprise du dialogue, estimant qu’il n’y a pas d’issue militaire au conflit.  « Il faut une solution politique », a plaidé la Sierra Leone, au nom des A3+ (Algérie, Guyana, Sierra Leone et Somalie).  Le Rwanda et la RDC doivent revenir à la table des négociations et s’engager à nouveau en faveur de la feuille de route de Luanda sous les auspices du Président angolais, a-t-elle préconisé, appuyée par la quasi-totalité des participants à cette séance.  Dans le même temps, le Rwanda doit retirer ses troupes du territoire congolais et cesser son appui au M23, a ajouté la délégation sierra-léonaise, enjoignant également à la RDC de cesser son appui aux FDLR. 

La France a, elle aussi, appelé de ses vœux la reprise d’un processus politique, saluant la mobilisation régionale à cet égard et espérant que la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, aujourd’hui, et le Sommet de la Communauté de l’Afrique de l’Est, demain, permettront d’avancer dans la direction d’une paix durable.  Une position reprise par l’Angola, pour qui les gains obtenus grâce à la feuille de route de Luanda doivent être préservés.  Les autres pays africains présents, Burundi en tête, ont exprimé un même attachement à ce processus régional, exigeant le respect des engagements pris par toutes les parties. 

Appui unanime à la MONUSCO et aux Casques bleus

Très alarmés par la situation, les États-Unis et le Royaume-Uni ont pour leur part exhorté le Conseil à prendre les « mesures nécessaires » pour mettre un terme au conflit.  La délégation américaine a déclaré envisager « tous les outils à sa disposition » en vue d’une reddition de comptes pour les actes de déstabilisation commis en RDC. 

De son côté, la Fédération de Russie a fait valoir que, sans règlement du statut du M23, les tentatives de règlement du conflit resteront vaines.  Elle a aussi appelé les pays de la région des Grands Lacs à lutter contre l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC, dénonçant au passage un détournement de ressources servant les intérêts d’acteurs extérieurs.  La Chine a préféré mettre l’accent sur le risque accru de conflit régional, réaffirmant son soutien à la souveraineté de la RDC et son opposition à toute violation de la Charte des Nations Unies et au droit international. 

Si toutes les délégations ont réitéré leur appui aux activités de la MONUSCO, notamment pour la protection des populations civiles, une majorité d’entre elles ont aussi condamné les attaques ciblant des soldats de la paix, en particulier l’Afrique du Sud et l’Uruguay, qui ont déploré la mort récente de plusieurs de leurs ressortissants servant comme Casques bleus au sein du déploiement onusien en RDC.  « Cela montre que le M23 dispose de ressources importantes et qu’il aurait pu les acquérir par des moyens contraires aux sanctions imposées par ce Conseil », a dénoncé la délégation sud-africaine. 

 

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LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Exposé

Mme VIVIAN VAN DE PERRE, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général chargée de la protection et des opérations de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a indiqué que l’escalade des affrontements dans l’est du pays a entraîné des déplacements massifs de population.  Plus de 178 000 personnes ont fui le territoire de Kalehe lorsque le M23 a pris le contrôle de Minova, et plus de 34 000 d’entre elles ont cherché refuge dans des sites de déplacés déjà surpeuplés à Goma et dans ses environs, a-t-elle précisé, faisant état d’une aggravation de la situation humanitaire déjà désastreuse. 

Mme van de Perre a constaté qu’en dépit des appels des États Membres lors de la réunion d’urgence du Conseil du 26 janvier, le M23 et les Forces de défense rwandaises (FDR) ont lancé une attaque contre Goma, continuant de ravager la ville, « tuant, blessant, traumatisant et déplaçant des civils, et aggravant la crise ».  Dans ce contexte, la MONUSCO a accueilli ces derniers jours un grand nombre de personnes en quête de refuge, notamment des responsables et divers éléments qui ont rendu leurs armes, a-t-elle rapporté, soulignant le rôle crucial du maintien de la paix dans cet environnement instable.  Elle a ajouté que la composante droits humains de la Mission continue également de recevoir des demandes de mesures de protection individuelle de la part de défenseurs des droits de l’homme et d’organisations de la société civile, dont elle s’emploie à assurer la sécurité. 

Cependant, a-t-elle relevé, les bases de la MONUSCO ne sont pas en mesure d’accueillir le grand nombre d’éléments qui se rendent et de civils en quête de refuge.  Par exemple, le bataillon uruguayen s’est retrouvé avec environ 1 200 soldats congolais et leur équipement à l’intérieur de son camp, et plus d’un millier devant sa porte.  Selon la Représentante spéciale adjointe, cet afflux met à rude épreuve les ressources de la MONUSCO, d’autant plus que les réservoirs d’eau ont été endommagés pendant les combats.  De plus, les bases de la Mission ne sont pas sécurisées puisque plusieurs ont été visées par des obus de mortier et des balles ces trois derniers jours. 

Après avoir énuméré les mesures que prend la MONUSCO pour sécuriser les armes remises par les Forces armées de la RDC (FARDC) afin d’éviter tout scénario possible où la Mission serait mise sous pression pour remettre ces armes, Mme van de Perre a mis l’accent sur les efforts d’évacuation des blessés. Rappelant que des soldats de la paix ont été grièvement blessés au cours des combats à Sake qui ont commencé il y a quatre jours, elle a expliqué que la MONUSCO fait tout son possible pour évacuer les blessés vers son hôpital de niveau 3 à Goma.  À cet égard, elle a remercié la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC d’avoir facilité les évacuations médicales depuis Sake. 

Les combats de la semaine dernière ont également gravement entravé les convois d’approvisionnement et consommé de nombreuses ressources détenues par les unités de la MONUSCO, a-t-elle poursuivi, indiquant que de nombreux soldats sont désormais à court d’équipements essentiels, en particulier d’eau, de nourriture, de fournitures médicales et de sang.  Dans certains camps, les pénuries de carburant ont rendu les générateurs inutilisables, affectant le matériel de communication.  En outre, un nombre important de non-combattants ont cherché refuge dans les camps de la MONUSCO, en manque de nourriture, d’eau et de soins médicaux, a précisé l’intervenante.  L’entrepôt de la MONUSCO à l’aéroport a été pillé, de même que le palais de justice de Goma, a-t-elle ajouté, confirmant que le M23 et les FDR ont pris le contrôle de l’aéroport international de la ville. 

En écho à l’appel de l’évêque de Goma, Mme van de Perre a appelé toutes les parties et la population à garantir la protection de la vie et l’accès aux services de base pour tous, et à prévenir les violences sexuelles.  Une action immédiate est nécessaire pour alléger les souffrances des civils et poursuivre les efforts humanitaires pour sauver des vies, a-t-elle plaidé, avant d’inviter le Conseil à prendre au sérieux les attaques à motivation ethnique dans une région à l’histoire très sensible.  Compte tenu de la gravité de la crise, elle a exigé de toute urgence la création de couloirs humanitaires entre Goma, Minova et Bukavu afin de permettre le réapprovisionnement en articles essentiels, la rotation du personnel humanitaire et la circulation sécurisée des civils.  Elle a également demandé la mise en place de canaux diplomatiques de haut niveau pour garantir la réouverture sans délai des aéroports, des postes frontière et des voies d’accès humanitaire. 

« Une action militaire ne peut pas résoudre ce conflit, il est impératif que toutes les parties cessent les hostilités et s’engagent dans un dialogue politique afin d’éviter de nouvelles souffrances civiles », a argué la Représentante spéciale adjointe.  Selon elle, la reprise de la feuille de route de Luanda est de la plus haute urgence pour garantir une voie vers la désescalade et « éviter la menace imminente d’une troisième guerre au Congo ».  Rappelant aux parties leur obligation de respecter le droit international humanitaire, elle a qualifié d’« inimaginables » les souffrances que subit la population à Goma et dans ses environs.  « Faisons appel à notre humanité et faisons tout notre possible pour mettre un terme immédiat à de tels niveaux de violence », a-t-elle lancé, préconisant en conclusion une action internationale urgente et coordonnée. 

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