Conseil de sécurité: le Coordonnateur des secours d’urgence demande 4,07 milliards de dollars pour venir en aide aux enfants de Gaza en 2025
M. Tom Fletcher, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, a souligné cet après-midi devant le Conseil de sécurité une « rare occasion » de mettre en lumière des développements positifs à Gaza: le cessez-le-feu a permis un afflux massif d’aide humanitaire. Alors qu’il est le Coordonnateur des secours d’urgence, il a appelé à répondre au besoin de financement de 4,07 milliards de dollars pour venir en aide aux enfants de Gaza en 2025.
En introduction, M. Fletcher a dressé le bilan effroyable des 15 derniers mois durant lesquels des enfants ont été tués, affamés ou sont morts de froid. Plus de 17 000 enfants sont séparés de leurs familles et quelque 150 000 femmes enceintes et jeunes mères ont un besoin désespéré de services de santé. De plus, les enfants ont perdu leurs écoles et leur système d’éducation. Ils souffrent de maladies chroniques et sont nombreux à avoir subi des violences sexuelles.
Citant une étude du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Secrétaire général adjoint a estimé qu’un million d’enfants ont besoin d’un soutien en santé mentale et d’une aide psychosociale pour traiter des dépressions, de l’anxiété et des pensées suicidaires.
Deux millions de nécessiteux
C’est grâce au cessez-le-feu, a expliqué M. Fletcher, que l’ONU et ses partenaires ont pu intensifier leur réponse à travers la bande de Gaza. Il s’est félicité d’un accès humanitaire désormais sûr et sans entrave, de l’absence d’hostilités et de la quasi-disparition des pillages. Pour maintenir un afflux élevé d’aide humanitaire à Gaza, où plus de 2 millions de personnes en dépendent, il a demandé un soutien collectif. Pour ce qui est de la situation en Cisjordanie, il s’est inquiété des niveaux records de victimes, de déplacements et de restrictions d’accès humanitaire depuis octobre 2023. Et l’opération militaire israélienne à Jénine a entraîné des pertes humaines et d’importantes destructions d’infrastructures.
Après avoir dressé ce bilan, M. Fletcher a supplié de maintenir le cessez-le-feu coûte que coûte, de veiller au respect du droit international dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé et, enfin, de répondre à l’appel humanitaire éclair de 4,07 milliards de dollars pour 2025. D’autant que tous les lieux à Gaza sont devenus invivables, a appuyé Mme Bisan Nateel, du Tamer Institute for Community Education, venue donner un témoignage de première main au Conseil de sécurité.
« Essayez d’imaginer les souffrances endurées par nos enfants, qui ont oublié ce qu’est une vie normale, ce qu’est être humain », a demandé l’oratrice espérant que les enfants puissent profiter du cessez-le-feu pour retourner à l’école et renouer avec une vie normale. Le premier de leurs droits, celui qui a été violé, c’est le droit à la vie, a-t-elle dénoncé, ajoutant avoir elle-même perdu la notion du temps pendant cette guerre. Après plus de 470 jours de pilonnage, elle a espéré que ce droit à la vie sera restauré et que les enfants pourront vivre leur enfance, sans être entourés de soldats. « Nous avons tant perdu dans cette guerre. »
Traiter les enfants blessés et reconstruire le système éducatif
Face à l’immensité des besoins des enfants de Gaza, le Royaume-Uni a demandé de veiller à ce qu’ils soient au premier plan des efforts de reconstruction. Le refus de soins aux enfants est une violation du droit international humanitaire (DIH), ont rappelé de leur côté la Sierra Leone et la Somalie en encourageant les efforts pour assurer leur traitement. « Nous nous mobilisons pour venir en aide aux populations dans la bande de Gaza », a réagi la France qui a dit avoir participé à plusieurs opérations d’évacuation médicale dont la dernière en coordination avec l’Union européenne (UE) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Depuis le début de l’année, les hôpitaux français accueillent ainsi 23 enfants palestiniens. La Grèce a annoncé avoir également pris cette voie, ayant recueilli cette semaine un enfant blessé de Gaza et se préparant à en recevoir d’autres dans les semaines à venir dans les hôpitaux de l’île.
Les membres du Conseil ont également insisté sur la reconstruction du système éducatif et pour que les enfants aient accès à des espaces sûrs pour apprendre, se développer et jouer. Demain sera célébrée la Journée internationale de l’éducation, a rappelé la Fédération de Russie soulignant la gravité de la destruction du système éducatif dans la bande de Gaza. Il faut éviter que les enfants de Gaza ne perdent une deuxième année scolaire, a noté la Slovénie. L’Algérie a demandé de veiller à ce que les 660 000 élèves retrouvent le chemin de l’école, dans des établissements scolaires reconstruits.
L’UNRWA, l’épine dorsale de l’aide
Les délégations ont insisté sur le rôle de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) dans la reconstruction non seulement des écoles mais aussi des établissements sanitaires à Gaza. La fermeture de l’UNRWA entraînera des conséquences catastrophiques pour les groupes les plus vulnérables de la population, en particulier les enfants. On ne peut pas permettre que cela se produise, a averti la Russie.
Il est crucial de garantir le fonctionnement continu de l’UNRWA qui est la seule agence disposant de la capacité nécessaire pour fournir la large gamme de soutien dont les civils ont besoin, a appuyé le Guyana appelant Israël à s’abstenir de mettre en œuvre sa nouvelle loi sur l’agence. En ce moment critique, l’UNRWA reste l’épine dorsale de la réponse humanitaire élargie à Gaza, a observé le Danemark. Cette délégation, de même que la République de Corée, a demandé que l’Office soit autorisé à délivrer des soins de santé et à apporter une éducation. « L’UNRWA et ses écoles doivent être préservées. Les enseignements scolaires doivent reprendre à Gaza », a également exigé l’État de Palestine.
Maintenir le cessez-le-feu et reconstruire
Par ailleurs, le délégué palestinien a invité le Conseil de sécurité à se rendre dans la bande de Gaza dévastée pour pouvoir réaliser les crimes qui y ont été commis par Israël pendant 15 mois de génocide et pour voir où peut conduire une culture d’impunité. La jeunesse palestinienne a enduré l’horreur, confrontée à la machine israélienne, et « notre cœur saigne », a témoigné le délégué invitant le Conseil à prendre pleinement conscience de l’échelle de la catastrophe à Gaza. L’Autorité palestinienne est prête à aider Gaza, qui fait partie intégrante de la Palestine, a-t-il dit avant de demander à Israël de libérer les milliers de travailleurs palestiniens qui ont été enlevés à Gaza et torturés en Israël. « Gaza ne pourra pas se reconstruire sans eux. »
« Marquons une pause et pensons aux souffrances des nombreux enfants israéliens qui ont été mutilés et assassinés le 7 octobre 2023 par le Hama », a en retour prié le délégué d’Israël. Malheureusement, a-t-il regretté, aucune agence de l’ONU n’a levé le doigt pour les aider. Cette réunion consacrée uniquement aux enfants de Gaza est un affront au bon sens, a-t-il accusé. « Ceux qui ont demandé cette réunion doivent condamner le Hamas qui a tué d’innombrables vies innocentes. » Le Hamas ne devra avoir aucun rôle dans la gouvernance de Gaza, ont soutenu les États-Unis.
Les États-Unis ont rappelé que personne ne bénéficie de cette crise. Le moment est donc venu d’assurer que l’aide essentielle parvienne à ceux qui en ont besoin à Gaza en vertu de l’accord de cessez-le-feu. La délégation américaine a, dans la foulée, réitéré l’importance de financer les efforts humanitaires. De plus, nous devons saisir l’occasion de ce cessez-le-feu pour refaçonner la région de manière à permettre à ses populations d’avancer, a-t-elle suggéré, soulignant que ce sera important pour la sécurité d’Israël et pour un avenir plus prometteur du peuple palestinien.
Toutes les délégations ont en effet appelé à maintenir coûte que coûte le cessez-le-feu, comme l’a souhaité le Secrétaire général adjoint. De même, elles ont appelé à saisir cet instant pour relancer le processus politique s’agissant de la solution des deux États. La Chine, par exemple, a appelé à la reprise du dialogue politique en vue de réaliser cette solution.
L’absence de la Directrice générale de l’UNICEF expliquée par la Russie
Dans un point d’ordre avant le début de la séance, la Fédération de Russie a dénoncé le refus de la Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme Catherine Russell, d’intervenir à cette réunion, jugeant ses arguments « fallacieux ». Ce refus est tout simplement scandaleux et mérite d’être condamné dans les termes les plus forts, a lancé le délégué. Il a rappelé que Mme Russell était pourtant venue à la séance d’information « politisée » sur les questions relatives aux enfants en Ukraine le 4 décembre dernier. Il semble que, pour l’UNICEF, les enfants de Gaza soient moins importants que les enfants ukrainiens, s’est offusqué le délégué.
Le délégué russe a directement accusé ses collègues américains qui sont, selon lui, en grande partie responsables de la situation à Gaza puisqu’ils ont, à six reprises, utilisé leur droit de veto et ainsi empêché le Conseil de s’impliquer pour mettre un terme au massacre israélien à Gaza.
La Directrice générale de l’UNICEF a, à ce titre, contribué à leur dessein, a encore accusé le représentant qui a vu dans son attitude une violation de l’Article 100 de la Charte des Nations Unies. « Mme Russell s’est comportée plus comme ressortissante américaine et moins comme fonctionnaire impartiale de l’ONU. »
La déléguée des États-Unis a commenté ce point d’ordre en réfutant les accusations russes concernant la situation des enfants à Gaza. « Dire que les États-Unis seraient responsables de la souffrance innommable infligée à ces enfants nous paraît tout simplement inacceptable. »
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LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE
Exposés
M. TOM FLETCHER, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, s’est réjoui d’avoir une rare occasion de mettre en lumière des développements positifs dans un contexte de besoins humanitaires catastrophiques à Gaza. En effet, a-t-il constaté, le cessez-le-feu y a permis un afflux massif d’aide humanitaire. « Nous pouvons sauver davantage de vies si toutes les parties continuent de respecter cet accord », a encouragé le haut fonctionnaire.
Il a toutefois rappelé avec effroi qu’au cours des 15 derniers mois, des enfants ont été tués, affamés ou sont morts de froid. Ils ont été mutilés, rendus orphelins ou séparés de leurs familles. Selon des estimations, plus de 17 000 enfants sont séparés de leurs familles à Gaza. Certains sont morts avant leur premier souffle, périssant en même temps que leur mère lors de l’accouchement. Quelque 150 000 femmes enceintes et jeunes mères ont un besoin désespéré de services de santé, a encore décrit M. Fletcher.
De plus, les enfants ont perdu leurs écoles et leur système d’éducation. Ils souffrent de maladies chroniques et ils sont nombreux à avoir subi des violences sexuelles. Les filles, confrontées à l’absence de soins menstruels, ont été laissées à leur sort. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), un million d’enfants ont besoin d’un soutien en santé mentale et d’une aide psychosociale pour traiter des dépressions, de l’anxiété et des pensées suicidaires. C’est dans ce contexte d’horreur et dans le cadre du cessez-le-feu que l’ONU et ses partenaires ont pu intensifier leurs réponses à travers la bande de Gaza, a poursuivi le haut responsable en se félicitant de l’accès humanitaire sûr et sans entrave, de l’absence d’hostilités et de la quasi-disparition des pillages.
Il a appelé à un soutien collectif pour maintenir un afflux élevé d’aide humanitaire à Gaza, où plus de 2 millions de personnes en dépendent. En outre, M. Fletcher a demandé de garder à l’esprit la situation en Cisjordanie qui enregistre depuis octobre 2023 des niveaux records de victimes, de déplacements et de restrictions d’accès humanitaire. Ces tendances se sont malheureusement intensifiées depuis l’annonce du cessez-le-feu, a-t-il signalé en parlant d’attaques de villages palestiniens par des colons qui incendient maisons et biens. Les restrictions de mouvement accrues entravent de plus l’accès des Palestiniens aux services de base et à leurs moyens de subsistance. Le Secrétaire général adjoint a aussi alerté sur des détentions en masse dans toute la Cisjordanie. Il a dit être préoccupé par la situation à Jénine où une opération militaire israélienne a entraîné des pertes humaines et d’importantes destructions d’infrastructures.
Avant de conclure, M. Fletcher a fait trois demandes, en premier de maintenir le cessez-le-feu coûte que coûte. Ensuite, de veiller au respect du droit international dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé. Enfin, de répondre à l’appel humanitaire éclair de 4,07 milliards de dollars pour 2025. « Les enfants de Gaza ne sont pas des dommages collatéraux. Ils méritent, comme tous les enfants du monde, sécurité, éducation et espoir. Nous devons être présents pour eux », a encore exhorté le Coordonnateur des secoures d’urgence.
Mme BISAN NATEEL, membre de l’ONG Tamer Institute for Community Education, a indiqué que son organisation travaille auprès des enfants de Gaza à des fins récréatives. Tous les lieux à Gaza sont devenus invivables, a-t-elle témoigné. « La guerre a changé la vie à Gaza. » Les enfants de l’enclave avaient des rêves simples, ils voulaient se nourrir, s’amuser, aller à l’école, a expliqué l’intervenante. Ils ne pouvaient rien comprendre à la menace existentielle qui pesaient sur eux. Ils n’ont pas pu trouver les mots pour décrire ce qu’ils ont vu lorsqu’ils sont parvenus en zone sûre, a expliqué Mme Nateel.
Elle a évoqué les nombreux enfants tués, blessés ou devenus orphelins. « Essayez d’imaginer les souffrances endurées par nos enfants, qui ont oublié ce qu’est une vie normale, ce qu’est être humain. » Elle a espéré que les enfants profiteront du cessez-le-feu pour retourner à l’école et renouer avec une vie normale. Le premier de leurs droits, celui qui a été violé, c’est le droit à la vie, a-t-elle dénoncé, ajoutant avoir elle-même perdu la notion du temps pendant cette guerre. Après plus de 470 jours de pilonnage, elle a espéré que ce droit à la vie sera restauré et que les enfants pourront vivre leur enfance, sans soldats autour d’eux. « Nous avons tant perdu dans cette guerre », a-t-elle conclu.