Rapport annuel du Conseil de sécurité: l’Assemblée générale déplore l’érosion du consensus et l’utilisation abusive du droit de veto
L’Assemblée générale a débattu de matin du rapport annuel du Conseil de sécurité concernant ses activités en 2024. En présentant le document, la Présidente du Conseil pour le mois de juin, Mme Carolyn Rodrigues-Birkett, du Guyana, a énuméré quelques statistiques clefs.
Le Conseil a ainsi tenu en 2024 un total de 305 séances - dont 285 séances publiques, ce dont elle s’est réjouie. Le sujet le plus fréquemment abordé est demeuré celui du Moyen-Orient, principalement la question palestinienne et le Liban, suivi de l’Ukraine et du Soudan. Au total, 77 séances étaient non programmées, soit 25% de l’ensemble.
Au cours de la période considérée, le Conseil a adopté 46 résolutions, dont seulement 30 à l’unanimité, en baisse par rapport à l’an dernier, comme l’a justement fait remarquer la Thaïlande.
Le Président de l’Assemblée générale, M. Philemon Yang, a relevé des éléments positifs, comme le renouvellement de plusieurs missions de maintien de la paix et missions politiques spéciales et la reconduction des mandats de 10 comités des sanctions. Mais de nombreux États Membres ont noté avec inquiétude que les « dynamiques politiques difficiles » et les divisions portent atteinte à la capacité du Conseil de s’acquitter de ses responsabilités.
L’usage croissant du droit veto par les membres permanents, à sept reprises en 2024, a déclenché une avalanche de commentaires. Cet usage a atteint son plus haut niveau depuis la fin de la guerre froide, a pointé l’Autriche, dans des situations où il y avait pourtant un besoin clair et urgent d’agir. Ces abus risquent d’hypothéquer la légitimité du Conseil mais aussi la confiance que les États Membres et les citoyens du monde placent dans le multilatéralisme, a cinglé le Portugal, pour qui le veto ne doit pas devenir « un bouclier face à l’inaction ».
De nombreuses délégations ont aussi critiqué la qualité du rapport. Si la Fédération de Russie, responsable de la coordination de la rédaction de la courte introduction du document, a défendu une approche équilibrée, Cuba, l’Indonésie, le Myanmar, l’Ukraine et le Mexique ont regretté un rapport trop « descriptif », se bornant à amasser les réunions et les chiffres, sans analyser fondamentalement les causes et les conséquences des décisions du Conseil. Présenter ce rapport ne devrait pas être une simple formalité: le document devrait être de nature analytique et ne pas se contenter d’un simple « empilement de faits », a tancé l’Inde, frappée par l’omission de nombreux détails clefs sur le maintien de la paix, les modalités opérationnelles, les enjeux connexes et les mandats.
L’Ukraine a réservé l’essentiel de ses reproches à la Russie, tant sur ses violations du droit international que sur sa contribution au rapport et son attitude au Conseil de sécurité. Selon l’Ukraine, l’invasion et la guerre d’agression russes sont une illustration parfaite de la possibilité d’entraver la capacité du Conseil à agir de façon claire. « Il est vital de rappeler les causes de l’échec du Conseil, à savoir qu’un membre permanent agresse un pays épris de paix », a-t-elle déclaré, en prévenant que tôt ou tard, la Russie rendrait des comptes pour ses crimes de guerre.
La Russie, toujours selon l’Ukraine, a entravé l’adoption du programme de travail du Conseil pour l’empêcher de se réunir sur cette question: autant d’actions qui sapent l’efficacité du Conseil. Pour que le rapport annuel de l’organe soit un outil utile, de telles actions devraient y figurer. Il est également essentiel d’utiliser la terminologie adéquate, a poursuivi l’Ukraine. Le terme « conflit en Ukraine » n’est pas acceptable pour l’Ukraine, puisque l’Assemblée générale a reconnu que la Russie était l’État agresseur: « cacher ces faits ne renforce pas la crédibilité du rapport », a-t-elle conclu.
Intervenant au nom du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (Groupe ACT), l’Équateur aurait aimé qu’il soit davantage fait état des cas dans lesquels le Conseil de sécurité n’a pas été en mesure d’agir. Il a regretté que le rapport ne fasse pas mention des raisons ayant motivé le recours au veto par des États Membres spécifiques et qu’il n’y ait pas de mise en perspective avec l’utilisation du veto les années précédentes.
De la même manière, El Salvador aurait voulu un document de fond, analysant de manière détaillée et systématique les situations dont le Conseil de sécurité a été saisi, avec des statistiques approfondies sur l’historique du droit de veto et un état des lieux des raisons ayant poussé les membres permanents à y recourir. Cuba a aussi jugé « inconcevable » que dans le cadre du « génocide » israélien contre le peuple palestinien, le rapport ait omis de mentionner les multiples violations par Israël des résolutions du Conseil de sécurité. Cuba a regretté l’absence d’analyse s’agissant de la paralysie du Conseil dans ces situations, étant donné l’utilisation réitérée du veto par les États-Unis.
Les délégations en ont aussi profité pour revenir sur leurs souhaits en termes de réforme du Conseil. Le Portugal a plaidé pour que l’utilisation du veto fasse l’objet d’une reddition de comptes, saluant à cet égard l’initiative franco-mexicaine visant à interdire son usage en cas d’atrocités de masse. Le Mexique a d’ailleurs appelé les États ne l’ayant pas encore fait à rejoindre cette initiative.
L’Inde a, pour sa part, insisté sur la nécessaire réforme du multilatéralisme pour préserver la crédibilité du Conseil. Un Conseil « incapable de répondre efficacement aux crises urgentes », s’est désolé le Costa Rica, en plaidant pour une démocratisation de ses pratiques, afin qu’il agisse au nom de tous les membres, y compris les non-permanents.
Le Maroc a rejeté « la singularisation de deux parties » dans le paragraphe relatif au « Sahara marocain », estimant que cette référence biaisée selon lui est en contradiction flagrante avec l’esprit même du rapport, dont l’objectif est d’offrir une vue d’ensemble succincte et non une lecture sélective ou partiale des développements de l’année.
À l’ouverture de la séance, le Président de l’Assemblée avait encouragé les États Membres à suivre ce « fil rouge »: les gens en situation de conflit ou de pauvreté « se moquent des divisions institutionnelles », ils ne voient que les mots « Nations Unies » et attendent de travailler ensemble pour répondre à leurs besoins.
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