L’Assemblée générale tient sa réunion post-veto sur l’Ukraine et fixe les modalités d’une prochaine réunion sur la santé
L’Assemblée générale s’est réunie aujourd’hui, dans le cadre de ses réunions post-veto, en raison de l’opposition de la Russie à deux amendements proposés par les membres européens du Conseil de sécurité concernant la résolution 2774 (2025). Présenté le 24 février par les États-Unis, au troisième anniversaire du début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, ce texte est la première résolution adoptée en trois ans par le Conseil sur le dossier ukrainien.
Il faut rappeler que le même jour, l’Assemblée générale avait adopté à une nette majorité des deux tiers deux résolutions sur l’Ukraine intitulées « Promouvoir une paix globale, juste et durable en Ukraine » et « La voie de la paix ».
La version de cette dernière adoptée par le Conseil de sécurité le même jour sans les amendements proposés ne reflète pas les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies, a regretté la majorité de la trentaine de délégations qui se sont succédé à la tribune ce matin, dont de nombreuses européennes. Les « omissions » de la résolution 2774 sont encore plus frappantes lorsqu’on les compare aux résolutions adoptées le même jour par l’Assemblée générale, a fait remarquer la Suisse, pour laquelle cette divergence entre ces deux principaux organes des Nations Unies démontre toute la pertinence du débat d’aujourd’hui.
Le premier veto russe a bloqué l’ajout au texte d’une référence à « l’engagement du Conseil de sécurité envers la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine », alors que le deuxième veto a empêché d’y insérer « un appel à une paix juste, durable et globale, conformément à la Charte des Nations Unies ». Leur adoption aurait dû être évidente, a estimé la France, mais la Russie a décidé, seule, de mettre son veto sur ces messages et principes essentiels, pour la simple raison qu’elle les bafoue en Ukraine en tant qu’État agresseur.
« Que les choses soient claires: la Russie a abusé de son droit de veto pour bloquer les références au principe d’intégrité territoriale et à la paix conformément à la Charte des Nations Unies », a renchéri l’Union européenne (UE). Qui plus est, par ces vetos, la Russie a ignoré l’expression de la volonté politique de l’organe le plus démocratique de l’ONU, à savoir l’Assemblée générale, ont pointé les États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie).
Pour l’Union européenne, il est inconcevable que les Membres des Nations Unies puissent laisser passer un tel comportement. La Russie sape les principes fondamentaux de notre système multilatéral et on ne peut pas accepter de faire une équivalence entre l’agresseur et la victime de l’agression, ont martelé aux côtés de l’UE les pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède), les pays baltes et bien d’autres. On ne peut pas non plus accepter un monde où la raison du plus fort l’emporte, où la force de la loi est remplacée par la force des armes, ont argué la plupart des intervenants de ce matin, dans un vibrant plaidoyer pour un monde fondé sur des règles. L’argument qui n’a cessé de revenir est que pour qu’une paix soit durable, elle doit être conforme au droit international, y compris aux règles et principes de la Charte des Nations Unies.
« La paix véritable ne peut être construite sur l’ambiguïté » (Pologne)
Pour la Pologne, une telle paix ne peut être obtenue qu’en reconnaissant la réalité sur le terrain: il y a un agresseur et un agressé. « Il n’y a pas de place pour une zone grise et la paix véritable ne peut être construite sur l’ambiguïté. » Aux côtés de l’Allemagne, elle a fait valoir que toute proposition ou tout accord de paix viable nécessite l’assentiment de l’Ukraine. « Aucune paix ne sera complète et durable sans la participation et le consentement de l’Ukraine. »
Abondant en ce sens, un groupe de 34 pays, représentés par le Liechtenstein, a estimé qu’adopter un texte qui ne reconnaît pas la violation manifeste de la Charte par la Fédération de Russie dans le cadre de l’agression contre l’Ukraine, ni la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de ce pays, constitue « un précédent inquiétant » et menace la sécurité de chacun des États Membres.
La Russie justifie son recours au veto
La Russie leur a rétorqué que l’adoption des amendements présentés par les membres européens du Conseil de sécurité aurait eu des conséquences très lourdes à l’avenir. Elle a accusé les pays européens de chercher à contrecarrer toute initiative de paix, y compris de déformer le texte que les États-Unis avaient proposé au Conseil. « Si cette guerre ne peut se poursuivre infiniment, Starmer et Macron appellent pourtant à continuer d’armer l’Ukraine », a tancé le représentant russe en dénonçant la russophobie de cette diplomatie. « Nous n’avons pas usé de ce veto à la légère », a-t-il affirmé en expliquant que le veto russe a été exercé pour éviter une fragilisation du Conseil et une détérioration de la situation.
Face à ce plaidoyer, le Royaume-Uni a répondu qu’« il faudrait juger Putin à l’aune de ses actes », sachant que ce ne sont pas les actes d’un artisan de la paix.
« L’auteur du crime est le juge de sa propre affaire » (Luxembourg)
Un aspect procédural a été en outre abordé par de nombreuses délégations qui se sont élevées, aux côtés de l’Ukraine, pour contester le droit de vote et le droit de veto de la Russie dans le contexte du conflit ukrainien. En effet, étant partie à ce conflit, comme le reconnaît d’ailleurs la résolution 2774 (2025), elle ne devrait pas voter au Conseil. À l’instar du Danemark, ces délégations ont invoqué le paragraphe 3 de l’Article 27 de la Charte des Nations Unies qui dispose qu’« une partie à un différend s’abstient de voter ».
Le raisonnement qui sous-tend ce principe, qui est également mentionné de manière explicite dans le Pacte pour l’avenir, est simple, a relevé la Suisse: nul ne devrait être juge de sa propre cause. Pour le Luxembourg, qui parlait au nom des pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), il est tout simplement inacceptable que cette situation se produise au Conseil de sécurité, la Russie votant systématiquement sur le dossier de l’Ukraine alors qu’elle est l’agresseur dans ce conflit. Pour les défenseurs de ce point de vue, la Russie aurait dû non seulement s’abstenir d’opposer son veto aux amendements, mais aussi de voter sur la résolution elle-même.
« N’oublions pas que si la Russie cesse de se battre, la guerre prendra fin, alors que si l’Ukraine cesse de se battre, elle cessera d’exister en tant que pays indépendant », a mis en garde le Danemark.
L’intention de la résolution
Les États-Unis, qui sont à l’origine de la résolution 2774 (2025) du Conseil, se sont limités à dire qu’elle témoigne de leur détermination à mettre fin à la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Avec l’adoption de cette résolution, le Conseil de sécurité a montré que les Nations Unies peuvent toujours être à la hauteur des buts et des principes de sa Charte, a déclaré la représentante américaine, principalement pour maintenir la paix et la sécurité internationales, notamment par le règlement pacifique des différends. « La résolution 2774 du Conseil de sécurité ne met pas fin à la guerre, mais elle nous a mis sur la voie de la paix. »
L’Allemagne, l’Égypte, la Sierra Leone et d’autres délégations se sont d’ailleurs félicitées de l’intention de la résolution présentée par les États-Unis, qui a été suivie par le Conseil de sécurité, de créer une dynamique en faveur de la paix. Avec les deux textes adoptés le même jour par l’Assemblée générale, la résolution 2774 renforce notre détermination à trouver une solution durable pour retrouver la paix en Ukraine, a estimé le délégué allemand en appelant à laisser cette ambition commune guider les efforts collectifs pour mettre fin à cette guerre.
« Personne ne veut la paix plus que les Ukrainiens, mais la paix doit être juste, réelle, durable et assortie de garanties sécuritaires », a plaidé la déléguée ukrainienne.
Si le Brésil, avec les « Amis de la paix », a proposé leurs services pour aider à rapprocher les positions divergentes, l’Égypte a appelé à éviter de pratiquer le « deux poids, deux mesures » face à un conflit. « On ne peut invoquer les principes de la Charte dans le conflit en Ukraine tout en les bafouant sur la question palestinienne. »
La prévention des maladies non transmissibles et la promotion de la santé mentale
L’Assemblée générale a également adopté par consensus une résolution qui fixe la portée, les modalités, la forme et l’organisation de sa quatrième réunion de haut niveau sur « la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles et la promotion de la santé mentale et du bien-être ». Cette réunion sera organisée par sa présidence, au Siège de l’ONU, à New York, le 25 septembre 2025, pendant le débat général de sa quatre-vingtième session.
Parmi les délégations qui ont expliqué leur position sur la résolution et leur vote sur un amendement rejeté, les États Unis ont déclaré se dissocier de plusieurs paragraphes du texte, en invoquant des libellés qui ne font pas l’objet de consensus, comme « l’équité », qui n’a pas de définition communément admise. Tout en étant favorable à l’objectif général de ce texte, la délégation américaine a également contesté les références faites au Programme 2030, « un programme de gouvernance incompatible avec les intérêts des Américains ».
L’Argentine a partagé cette position, expliquant que le Programme 2030 est composé d’aspirations juridiquement non contraignantes et estimant que chaque État a le droit d’interpréter ses dispositions, en particulier celles qui sont contraires aux principes de protection de la vie, de liberté et de propriété privée.
Avant l’adoption de la résolution, la Fédération de Russie a proposé un amendement sur son paragraphe 9 qui concerne la participation à la réunion de représentants d’autres organisations non gouvernementales que les concernées et de représentants d’organisations de la société civile, d’organisations médicales, d’établissements universitaires, de la communauté scientifique et du secteur privé intéressés. Les organisations concernées sont celles dotées du statut consultatif auprès de l’ECOSOC.
Par cet amendement, qui a été rejeté par un vote de 71 États Membres contre, 29 pour et 43 abstentions, la délégation russe voulait demander que la présidence de l’Assemblée soumette le projet de liste de ces organisations aux États Membres en temps utile « afin qu’ils puissent se prononcer sur la participation à la réunion de haut niveau ».
Appelant à ne pas politiser la question de la participation de ces organisations, Cuba a souhaité préserver le statut de non-objection associé à la participation des ONG n’ayant pas le statut consultatif auprès de l’ECOSOC. Appuyant également la participation des ONG, le Mexique et le Royaume-Uni ont fait valoir qu’elle participe de la transparence des travaux et renforce le multilatéralisme, alors que la Türkiye a reconnu que celles-ci peuvent toutefois avoir des activités politisées comme cela a pu être le cas à l’ECOSOC.
Aux côtés de la Fédération de Russie, l’Iran a déploré le libellé non consensuel de ce texte sur la participation des ONG et s’est dissocié des éléments se référant au genre.
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